Matthieu VIII 5 à 11 Le centenier romain Le Lundi 4 Décembre 1995 Commentaire radiophonique Antoine CABALLÉ R.C.F. Saint-Étienne 94,7

‘Comme Jésus entrait dans Capernaüm, un centenier l’aborda le priant et disant : Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie et souffrant beaucoup.’ ‘Jésus lui dit : J’irai et je le guérirai.’ ‘Le centenier répondit : Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri.’ ‘Car, moi je suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : Va! et il va; et à l’autre : Viens ! et il vient; et à mon serviteur : Fais cela ! et il le fait.’ ‘Après l’avoir entendu, Jésus fut dans l’étonnement, et il dit à ceux qui le suivaient : Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.’ ‘Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l’orient et de l’occident et seront à la table avec Abraham, Isaac, et Jacob dans le royaume des cieux.’ ‘Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincement des dents.’ ‘Puis Jésus dit au centenier : Va, qu’il te soit fait selon ta foi.’ ‘Et à l’heure même le serviteur fut guéri.’

En hébreu le nom de Capernaüm signifie, “village de consolation ”. Au commencement du chapitre neuf de son évangile, Matthieu parlera à propos de Jésus, de Capernaüm comme de “sa” ville . En effet, Jésus dont on sait que le message ne fut pas accueilli dans la ville de Nazareth où il avait vécu , puisqu’il finit par en être chassé, 3324 sembla établir là ses quartiers généraux, au début de son bref ministère. Quartiers généraux bien provisoires cependant, tant, nous le savons, le fils de l’homme, n’eut pas vraiment d’endroit pour reposer sa tête. 3325 En ce temps là, à Capernaüm donc, devait sans doute, se trouver une garnison romaine. Jésus est ainsi comme doublement en exil. Hors de sa ville, d’une part, et, d’autre part, dans une ville occupée militairement par une armée étrangère. Ce centenier romain, commandait quant à lui une centurie, une centaine de soldats d’où le nom de son titre. Bien qu’étranger en Israël il était donc un homme assez important et sans doute craint, sinon respecté. Un petit cadre de l’armée d’occupation d’une petite ville de province en quelque sorte. Soumis à des chefs, certes, mais ayant lui-même des soldats sous ses ordres.

Nous sommes donc, dans ce récit, transportés au coeur de rencontres, entre des personnes elles-mêmes déplacées, en mouvement. Même si Nazareth est bien moins éloignée, une quarantaine de kilomètres à peine, de Capernaüm, que la lointaine Rome, on peut dire de l’un et de l’autre, de Jésus et du centenier, qu’ils ont déjà quitté leurs communautés d’origine. Les raisons respectives de leur chemin d’exil sont apparemment cependant symétriques et devraient, sans doute, à première vue, même, les opposer. Le centenier romain est parti servir l’ordre politique et administratif de l’empire romain. Jésus est parti pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu 3326 aux brebis perdues de la maison d’Israël. 3327 Dans cette rencontre inopinée, nous voyons cependant l’occasion d’une suite d’au moins cinq miracles, 3328 ou signes, comme autant de paroles, messages de Dieu.

Un centenier romain se déplace donc vers Jésus, qui lui même se déplace et entre dans la ville de consolation après qu’il ait prononcé sur la montagne le célèbre sermon qui annonçait déjà ce tremblement de terre de l’alliance nouvelle. Jésus accompagné de la foule, vient donc de rentrer dans cette ville de Capernaüm, située au rivage nord ouest du lac de Galilée. Mais alors : ce centenier qui s’approche, va-t-il arrêter un agitateur, qui sur la montagne vient de prononcer un bien étrange discours ? Non, et c’est déjà un premier miracle : ce centenier, cet homme important ne brandit point d’arme, mais une prière, il s’approche de Jésus pour qu’il guérisse son serviteur malade, atteint de paralysie et souffrant beaucoup. Ce centenier se fait l’intercesseur auprès de Jésus pour ce serviteur immobilisé par force. On peut bien dire donc qu’il s’agit là d’un premier miracle, d’un premier signe.

Et alors aussitôt, comme un second miracle, signe : Jésus ne se détourne pas, et répond à la prière d’un étranger, un occupant de sa terre, et il propose de se rendre auprès de ce serviteur malade.

Le centenier répond une surprenante réponse et c’est le troisième miracle : “Seigneur, je ne suis pas digne que tu rentres sous mon toit, mais dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri.” Sa foi exceptionnelle, étonne même alors Jésus. Ce centenier étranger d’Israël a tout compris du Royaume que Jésus annonce : Bonne Nouvelle pour les pauvres, pour les malades, pour tous ceux qui souffrent. Pour cet homme, qui ne connaît probablement que peu de choses de la loi d’Israël, des annonces des prophètes, la foi semble couler comme l’eau d’une source. Il a appelé Jésus, Seigneur. Il a dit qu’un seul mot de lui suffirait pour guérir son serviteur, car ses soldats à lui, qui n’est pourtant que simple centenier, sont bien soumis à ses ordres.

Jésus annonce alors un autre miracle : l’alliance ancienne, s’ouvrira désormais dans le royaume des cieux à plusieurs qui viendront d’orient et d’occident. Aux brebis perdues de la maison d’Israël, viendront donc se joindre des hommes et des femmes de toutes les nations.

Jésus ajoute enfin : “Va, qu’il te soit fait selon ta foi.”.

Et, c’est le dernier miracle, le plus facile semble-t-il, presque le moins étonnant, et pourtant ... le serviteur paralysé est rendu à sa liberté d’aller et de venir, de se mouvoir, il est guéri !

Car au fond, tous ces miracles n’en font qu’un seul : celui de l’ oeuvre de la grâce de Dieu, dont le Royaume vient traverser la terre. Autrement dit, désormais par la foi seule, s’accomplit parfaitement l’oeuvre de la volonté de Dieu qui guérit l’homme malade et lui rend la liberté de mouvement.

Car enfin le miracle est dans le mouvement rendu au serviteur paralysé, par le mouvement du souffle de l’esprit qui unit désormais les hommes en dépit des frontières de langues, de races ou la distance géographique, par le seul lien d’une fraternité nouvelle. L’Esprit de Dieu sursoit à toute chose, à toute impossibilité matérielle.

En cette ouverture de première semaine de l’Avent, souvenons-nous que pour tous les hommes sur cette terre, tous, étrangers les uns aux autres, si différents les uns des autres, isolés et malades, pour eux, pour nous, pour tous, il est une Bonne Nouvelle dont le texte du Centenier se fait l’écho aujourd'hui. N’oublions pas que la source de notre foi qui nous fait, pour reprendre les termes de Jésus, fils du royaume, n’est pas notre propre justice, la théologie, la science, le savoir, la croyance, tout ceci, si nous retenons son avertissement, ne nous conduit qu’à la mort, mais une rencontre personnelle avec la personne de Jésus, que vient nourrir la compassion envers notre prochain.

Portons donc, comme le fit le centenier, vers Jésus, la souffrance de ceux qui n’en ont plus la force suffisante . Alors, l’Esprit Saint, 3329 Esprit de toute consolation, 3330 Esprit en marche qui nous met en marche, 3331 comme il rend le mouvement au serviteur paralysé, le souffle 3332 de Vie, 3333 souffle d’Amour, de compassion, 3334 comme jadis dans Capernaüm la ville de la consolation, viendra sans doute, nous le croyons, et c’est notre foi, transformer les coeurs, et consoler les tristesses, toute souffrance. Il viendra même surseoir à nos limites corporelles, psychiques et physiques.

Qu’il nous soit fait selon notre foi, comme à ce centenier, pour son serviteur. Oui, nous le croyons Seigneur, Dieu, Notre Père. Alors, viens toi-même au secours de notre manque de foi, de notre manque de confiance en toi. 3335 Noël approche. Bonne volonté envers tous les hommes ! 3336 Comme dans l’histoire du centenier par cette nouvelle proclamée, de miracle en miracle, de signe en signe, Dieu rompt déjà les limites des frontières humaines, il élargit l’espace de notre tente, 3337 pour ouvrir nos coeurs, au mouvement, à l’oeuvre créatrice et consolatrice de l’Esprit Saint.

Notes
3324.

Les concitoyens de Jésus l’estimaient probablement ( Luc II 52, Luc IV 16 ) mais ils repoussèrent son ministère. (Luc IV 28 - 31) cf Matthieu IV 13 ; Matthieu XIII 54 à 58 ; voir aussi Marc VI 1 à 6

3325.

Matthieu VIII 20 réponse de Jésus à un scribe. (Voir Luc IX 57 à 62).

3326.

Matthieu IV 12 et suivants ...

3327.

Lorsqu’il envoie ces disciples en mission, ( Matthieu X 6) comme lorsqu’il rencontre la femme cananéenne, Jésus utilise cette expression. ( Matthieu XV 24)

Tout se passe,et spécialement dans l’évangile de Matthieu, comme si la Bonne Nouvelle annoncée aux nations s’imposait à Jésus de part la quête de personnes précises qu’il rencontre et qui vont à lui.

3328.

Le miracle biblique est tout autant un prodige de Dieu, sujet d’étonnement qu’un signe sujet d’un d’enseignement.

3329.

L’hébreu “qâdôch “est traduit par le grec “hagio” traduit par “Saint”signifierait (selon Xavier LÉON-DUFOUR) originellement séparer, consacrer par Dieu, à Dieu. Le grec “hosios” exprime l’attitude de piété de l’homme fidèle à Dieu.

La notion de sainteté biblique fait donc se rejoindre le don qui procède de Dieu, et la volonté libre de l’homme comme une réponse à ce don premier, ou bien agit comme un accomplissement du premier don de Dieu. Ainsi en est-il du Saint Esprit qui s’exprime dans cette double dimension, et qui bien que procédant de Dieu peut être empêché d’agir, ou ce qui revient au même, peut empêcher une oeuvre prévue, par tristesse, non réponse appropriée de l’homme. (Actes XVI 6 ; Éphésiens IV 30).

3330.

Le terme johannique “Parakletos” est apparenté à consolation pour signifier l’Esprit Saint. (Jean XIV 16).

Le passif grec parakaleô donne le latin ad-vocatus. Celui qui est appelé à côté d’un accusé pour le défendre. (Xavier LÉON-DUFOUR).

3331.

“Si nous vivons par l’esprit marchons aussi selon l’esprit.” Galates V 5

Exode XXIII 23 ; Daniel III 25 ; Amos IV 13 ; Matthieu II 9 ; Matthieu XIV 25 ; Jean X 4 ; Galates V 16 ; Éphésiens IV 1 ; Apocalypse II 1 ; Apocalypse III 4

3332.

Genèse I 2 ; Genèse II 7 ; Jean III 8 ; Jean XX 22 ; II Thessaloniciens II 7 ; Hébreux I 7

3333.

Ézéchiel XXXVII

3334.

Jacques V 11 ; Pierre III 8

L’Amour de Dieu est tout d’émotion et de compassion. Jésus est ému de compassion, ce qui exprime la notion de souffrir avec celui qui souffre. La croix est l’expression extrême de cette compassion.

( Matthieu IX 36 ; Matthieu XX 28; Marc VI 32 ; Marc VIII 2 ...).

3335.

“Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité.” (Marc IX 24).

Un père répond par ces paroles à Jésus, auprès de qui il est venu intercéder pour son jeune enfant probablement épileptique.

Ce père demande à Jésus s’il lui est possible de guérir son enfant malade possédé par un esprit muet et sourd. Jésus lui répond que tout est possible à celui qui croit. (Marc IX 14 à 29 ).

Cette phrase exprime une foi qui est simultanément un appel au secours : une foi qui appelle Jésus, Dieu, au secours d’elle-même ... La foi ainsi exprimée n’est pas spontanément triomphaliste, mais d’abord combat comme celui de Jacob (Genèse XXXII 24 à 32 ), le combat qui conduit l’homme à l’abandon total à Dieu.

3336.

Nous reprenons un thème central de Noël : l’annonce des anges aux bergers : Luc II 14 ; voir aussi Ésaïe LVII 19 ; Éphésiens II 17 .

3337.

Expression tirée d’Ésaïe LIV 2