Jean III 1 à 8 Jean VI 1 à 15 De la première rencontre avec Nicodème à la multiplication des pains Le lundi 15 Avril 1996 Nicodème Le vendredi 19 Avril 1996 La multiplication des pains Deux commentaires radiophoniques Antoine CABALLÉ R.C.F. Saint-Étienne 94,7

‘Mais il y eut un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs qui vint lui auprès de Jésus, de nuit, et lui dit :’ ‘Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu; car nul ne peut faire les miracles (signes) que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.’ ‘Jésus répondit : En vérité, vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.’ ‘Nicodème lui dit: Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le ventre de sa mère et naître ? ’ ‘Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te le dis: “si un homme ne naît d’eau et d’esprit il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.’ ‘Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.’ ‘Ne t’étonne pas que je t’aie dit : il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va; Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.’ ‘Lundi 15 Avril 1996 début de l’entretien avec Nicodème Jean III 1 à 8’

À Nicodème, homme de culture, docteur d’Israël, membre de la secte rigoriste des pharisiens, et aussi du Sanhédrin, c’est à dire de cette assemblée de sages respectée et autorisée depuis l’occupation du pays par les perses ³³⁴¹ et maintenue sous l’occupation romaine ³³⁴² , à Nicodème donc, Jésus va tenir un bien étrange langage.

Nicodème réapparaîtra deux autres fois dans ce même évangile de Jean.

Une première fois, ³³⁴³ il prendra dans le Sanhédrin discrètement la défense de Jésus. “Notre loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et que l’on sache ce qu’il a fait.” On le soupçonna alors d’être galiléen et de complicité avec le Christ, et on lui stipula que, selon les écritures, de Galilée, il ne pouvait rien venir de bon, et qu’en tout cas le Messie se devait de venir de Betlhéhem en Judée et de la maison de David car, nous dit encore le texte, ils ignoraient d’où venait vraiment Jésus.

Une seconde fois, ³³⁴⁴ enfin dans une autre nuit, qui fut celle de la croix, il se joindra à Joseph d’Arimathée, un de ses collègues du Sanhédrin et apportera cent livres de myrrhe et d’aloès qui étaient des aromates pour oindre, selon la coutume, le corps de Jésus. Nicodème semble décidément malgré et avec toute la sympathie qu’il dégage, un homme de la nuit. Il est pour le moins comme traversé d’un doute, et sans doute souffre-t-il vraiment du manque de considération qui entoure Jésus. Il n’a pourtant pas le courage de la foi pour aller jusqu’au bout de sa conviction, même si les disciples ne l’auront pas davantage, et même encore moins que lui, au moment crucial de la croix.

Nicodème est donc présenté par Jean, comme un homme de bonne volonté qui tente d’être honnête et cohérent vis à vis de Dieu et de lui-même. En bon pharisien, il reste intéressé en premier par la cohérence des attitudes et des actions que l’on doit tenir face aux préceptes de la Torah.

Dans le texte du jour, Nicodème, le rationnel, ne comprend pas les paroles de Jésus qui lui parle de nouvelle naissance : “Comment peut-on retourner dans le ventre de sa mère lorsqu’on est vieux ? ” s’interroge-t-il. Mais, Jésus lui parlait d’une autre naissance, d’esprit et d’eau. Refaisons donc avec Nicodème un bout de chemin pour tenter de comprendre ce que Jésus veut bien vouloir dire par ces étranges paroles.

Nicodème est venu de nuit. Sans doute, craignait-il pour sa réputation, si les autorités religieuses du temps, ses collègues du Sanhédrin , apprenaient son intérêt pour Jésus. Aucun doute, pense-t-il, Jésus est bien un prophète, un docteur venu de Dieu, car nul ne pourrait faire les miracles qu’il fait si cela ne lui était donné par Dieu. Il ne comprend pas cependant l’étrange réponse de Jésus. Alors le Seigneur lui donnera quelques explications. Il nous faut naître d’eau et d’esprit c’est à dire naître d’en haut, alors nous ne serons plus assujettis par nos propres supputations nos propres calculs, sachant que nous n’avons de compte à rendre qu’à celui qui donne la vie d’en haut, Dieu lui-même. Il n’est plus besoin de se cacher, de développer ainsi comme Nicodème une personnalité double, pour manifester son attachement à Jésus et, à travers lui, au Royaume promis.

Jésus nous parle de lumière, la lumière nous vient d’en haut, et de vie, Jésus nous donne la lumière et la vie, il est la lumière et la vie, et nous pouvons le devenir par lui, à notre tour nous aussi. C’est cela la nouvelle naissance, l’autre naissance.

Jésus ne discute pas la parole biblique, il n’apporte pas une interprétation divergente de celle des prophètes, mais il accomplit cette parole. C’est par le don de lui-même, le don de sa vie pour chacun de nous qui ne la méritions pas, qu’il ouvre le chemin du royaume. Laissons nous toucher et transformer par la force de sa vie de sa lumière de son amour et nous deviendrons ainsi dès lors les messagers de vie de lumière de vérité et d’amour, messagers du matin qui vient dans la nuit du monde, notre nuit, pour manifester l’alliance nouvelle du royaume, espérance certaine pour tous les hommes , nos frères en Jésus. Le 15 Avril 1996

‘Après cela, Jésus s’en alla de l’autre côté de la mer de Galilée, de Tibériade.’ ‘Une grande foule le suivait, parce qu’elle voyait les miracles qu’il opérait sur les malades.’ ‘Jésus monta sur la montagne, et là il s’assit avec les disciples.’ ‘Or, la Pâque était proche, la fête des Juifs.’ ‘Ayant levé les yeux, et voyant qu’une grande foule venait à lui, Jésus dit à Philippe : Où achèterons-nous du pain pour que ces gens aient à manger ?’ ‘Il disait cela pour l’éprouver car il savait ce qu’il allait faire. ’ ‘Philippe lui répondit : Les pains qu’on aurait pour deux cents deniers ne suffiraient pas pour que chacun en reçut un peu.’ ‘Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre lui dit :’ ‘Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de gens ?’ ‘Jésus dit : Faîtes les asseoir. Il y avait dans ce lieu beaucoup d’herbe. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.’ ‘Jésus prit les pains rendit grâces,et les distribua à ceux qui étaient assis ; il leur donna de même des poissons, autant qu’ils en voulaient.’ ‘Lorsqu’ils furent rassasiés,il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui restent afin que rien ne se perde.’ ‘Ils les ramassèrent donc, et ils remplirent les douze paniers avec les morceaux qui restèrent des cinq pains d’orge après que tous eurent mangé.’ ‘Ces gens ayant vu le miracle que Jésus avait fait disaient : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde.’ ‘Et Jésus sachant qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, lui seul. Vendredi 19 Avril 1996 La multiplication des pains Jean VI 1 à 15’

Décidément, Jésus n’est pas venu comme un philosophe ou un sage exposer une métaphysique nouvelle, ou une spiritualité encore inconnue, ou encore enfin une théorie révolutionnaire.

Jésus, tout simplement, est venu vivre parmi les hommes, parmi nous, comme l’accomplissement d’une parole, comme un signe de Dieu parmi nous. Il a traversé notre histoire, donnant à toute chose, et à la vie elle-même, une dimension nouvelle, celle du royaume, comme un parfum et un goût nouveaux, d’éternité.

La foule qui le suivait était nombreuse et Jésus comprit sans doute qu’elle devait avoir faim et qu’il fallait donc la nourrir concrètement, lui donner à manger. La faim du corps, les besoins organiques de celui-ci sont pris en compte en premier par Jésus. Le mystère biblique de l’incarnation manifestation de l’amour qui va de Dieu vers l’homme, rompt avec le "détachement des choses terrestre" strictement mystique qui est une des tentatives d’homme pour accéder à Dieu.

Philippe avait prévenu que les pains qu’on aurait pour deux cent deniers, c’est à dire deux cent journées de travail ne suffiraient pas. Cinq pains d’orge et deux poissons c’est tout ce qu’avait un jeune garçon.

André, le disciple, renchérit alors : “ Mais qu’est-ce que cela pour nourrir tant de gens ? “

Jésus tient en considération ces cinq pains d’orge et ces deux poissons comme il prête attention à la foule et à son besoin matériel de nourriture.

“Il prit les pains il rendit grâce” et aussitôt le partage se transforma en multiplication.

“Donnez leur vous-même à manger “ dira-t-il aux disciples .

Les gens voyant le miracle s’écriront alors :

“Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde.”

Jésus se lève et se retire alors sur la montagne sachant qu’il savait que la foule voulait venir l’enlever pour le faire roi. En effet, Jésus ne recherche pas sa propre gloire, mais il veut nous enseigner, étymologiquement déposer en nous, un signe, étymologiquement encore un miracle. Nous sommes donc dans ce récit dit de la multiplication des pains, devant un miracle c’est à dire, autrement dit un signe du royaume. Ce qui importe veut encore nous dire Jésus, ce n’est pas d’attendre d’avoir les moyens pour agir.

Par l’action de grâce, c’est à dire la reconnaissance joyeuse du don de Dieu, l’acte de foi et d’amour, permet à l’oeuvre divine de transformer la réalité même des choses.

Et, comme jadis la mer rouge s’ouvrit, ou encore les murailles de Jéricho s’écroulèrent, les pains ici seront multipliés. Au début de cette semaine, nous avions parlé de Nicodème, homme rationnel, docteur d’Israël, pharisien et membre du Sanhédrin, nous l’avions appelé l’homme de la nuit. Son amour pour Jésus semblait s’exprimer comme en cachette, de préférence la nuit, de crainte, sans doute, des rumeurs et des persécutions.

Chers amis, faisons le chemin qui va de Nicodème à Jésus, de la nuit à la lumière.

Laissons notre science, nos calculs et nos supputations pour nous laisser habiter par la confiance totale que nous confère l’action de grâce, la reconnaissance du règne de Dieu, ici et maintenant toujours et partout.

Alors, pour vivre les prémisses de ce royaume qui transforme le partage en multiplication, les cinq pains d’orge et deux poissons, symboles de l’intégralité de nos moyens limités, pourraient suffire si nous savons en rendre la grâce. Le 19 Avril 1996