Luc IX 46 à 48 Luc X 13 à 16 De l’enfant et des villes Le lundi 30 Septembre 1996 “De l’enfant “ Le vendredi 4 Octobre 1996 “Et des villes Deux commentaires radiophoniques Antoine CABALLÉ R.C.F. Saint-Étienne 94,7

‘Or une pensée leur vint dans l’esprit, savoir lequel d’entre eux serait le plus grand.’ ‘Jésus, voyant la pensée de leur coeur, prit un petit enfant le plaça près de lui, et leur dit :’ ‘“Quiconque reçoit en mon nom ce petit enfant me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. Car celui qui est le plus petit parmi vous, c’est celui-là qui est grand.’ ‘Lundi 30 Septembre 1996 ’ ‘“De l’ enfant “ Luc IX 46 à 48’

Les lectures de cette semaine vont nous conduire dans l’évangile de Luc de la fin du chapitre neuf à partir du verset quarante six jusqu’au début du chapitre dix, au verset seize. Jésus y évoquera, de manière diverse, lors de sa montée vers Jérusalem, montée vers la croix et la résurrection, le Royaume de Dieu, la Bonne Nouvelle de l’évangile qui doit être annoncée au monde par les disciples. Car c’est un parfait contre pied à nos supputations humaines, le don gratuit de Dieu, que les disciples vont bientôt être envoyés annoncer au monde. Alors il faut bien encore qu’ils soient eux-mêmes enseignés. C’est de cet enseignement que traitent essentiellement ces textes.

Dans le texte que nous avons lu aujourd’hui, Jésus, en plaçant un enfant au milieu d’eux, répond à la question des disciples qui se demandaient lequel d’entre eux serait le plus grand dans le royaume . Joignant la parole au geste, Jésus ajoute “Celui qui reçoit en mon nom cet enfant me reçoit moi-même; et celui qui me reçoit reçoit celui qui m’a envoyé. Car celui qui est le plus petit parmi vous tous c’est lui qui est grand.” Et voici que la question des disciples paraît tout à coup presque ridicule, puérile.

Devant cet enfant fragile, présenté par Jésus comme étant parole, signe, présence de Dieu parmi nous, cet enfant qui ne peut vivre que s’il est aimé et protégé, nous voici à notre tour, comme les disciples, interpellés, renversés, presque déjà convertis. Nous, qui à l’instant encore nous revendiquions adultes. Chacun de nous, que nous voulions ou que nous ne voulions pas, être chrétiens, que nous nous prétendions ou que nous ne nous revendiquions pas, des disciples. Nous qui jugions les hommes selon leur allure, leurs mérites, leur notoriété, leur carte de visite. Nous qui méprisions celui qui venait vers nous les mains ouvertes, nous qui confondions si souvent, quête d’amour, coeur de pauvre et proie facile, nous qui au nom du réalisme durcissions nos coeurs jusqu’à ce qu’ils deviennent de pierre. Nous qui croyions sincèrement alors nous être rapprochés de Dieu, l’avoir enfin mérité. Nous qui au nom du réalisme ne semblions craindre que le puissant pour mieux mépriser ou écraser le faible. Nous qui, tels des tyrans les uns pour les autres, refusions une place à notre table pour l’étranger, excluions de nos villes les mendiants, détournions notre regard et nos pas devant l’indigent, nous qui excluions de nos écoles les enfants retardés ou handicapés, nous qui, à partir de nos mesures humaines, sans rémission, classions, sélectionnions, évaluions les hommes comme s’il s’était agi de marchandises. Nous qui croyions au mérite qu’il soit civique, social, républicain, moral, ou même chrétien, comme si cela se méritait, l’évangile. Nous qui méconnaissions la grâce.

Voici que c’est à chacun de nous qu’un enfant nous est confié, il porte en lui le don de Dieu, l’amour gratuit de son père qui est aussi notre père. Quelle étrange et belle leçon vient de nous donner Jésus, quel cadeau décisif aussi, quelle responsabilité enfin.

Un enfant nous est confié, mais qu’en faisons-nous ?

Il est là au coeur de nos banlieues, il appelle au secours, à Sarajevo, à Récif ou à Calcutta, dans nos villes, dans nos maisons dans une chambre trop protégée, ou un coin de rue bien exposé, plus loin ou plus près, qu’il nous regarde avec confiance, ou qu’il se montre méfiant. Cet enfant a besoin simplement d’amour, il ne peut vivre grandir, parler, s’il n’est pas aimé, cela chacun le sait. Et pourtant notre monde et notre temps ont fait de l’enfant, nous avons fait de lui, une idole, un faux roi, un faux dieu, ou un vrai esclave, c’est selon, en tout cas la victime expiatoire de notre rêve et de notre insouciance, notre inconséquence.

Quel monde lui laissons nous, quel héritage, mais déjà quel présent ? Jésus nous apprend à ne point juger, à accueillir le plus petit parmi nous comme s’il s’agissait de lui-même puisqu’il s’agit bien, il nous l’assure, de lui-même. Dieu notre Père, par Jésus, son fils, notre frère, a eu pitié de nous qui étions bien insolents, hermétiques à ses grâces, orgueilleux, égoïstes, méchants. Il nous a rappelé tout simplement que le plus important à préserver à accueillir à aimer, était contenu dans la vie le coeur d’un enfant, la vie et le coeur du plus petit parmi nous. Merci pour le cadeau de cet enfant, pour la responsabilité de sa vie entre nos mains et de nous rendre, lorsque nous l’accueillons, pareils à lui, et d’entrer ainsi dans la communion du Règne. Dieu nous donne aujourd’hui un coeur de chair, un coeur pareil à celui de cet enfant, comme aussi la joie, la grâce et la force de l’accueillir lui-même en recevant cet enfant chez nous. Ceci est vraiment une très Bonne Nouvelle, réjouissons-nous. Loué soit le Seigneur qui fait pour chacun de nous des merveilles.

Amen.

Lundi 30 Septembre 1996

‘Malheur à toi, Chorazin 3345 ! malheur à toi Bethsaïda ! 3346 ’ ‘car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr 3347 ou Sidon, 3348 il y a longtemps qu’elles se seraient repenties, en prenant le sac et la cendre. 3349 ’ ‘C’est pourquoi au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous.’ ‘Et toi Capernaüm 3350 qui as été élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissée jusqu’au séjour des morts.’ ‘Celui qui vous écoute m’écoute, celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette rejette aussi celui qui m’a envoyé.’ ‘Vendredi 4 Octobre 1996 “Et des villes “ Luc X 13 à 16’

Nous avons cheminé, tout au long de cette semaine, accompagnant le dialogue entre les disciples et Jésus, sur la route de Jérusalem qui allait conduire Jésus à la croix et à la résurrection.

Tout au long de cette semaine, au travers des réponses que Jésus a donné aux uns et aux autres, au travers de son enseignement, nous avons été conduits à prendre conscience de la radicalité de son appel . Décidément non, le Royaume qu’il inaugure et qu’il annonce n’a rien à voir avec les royaumes et les puissances, les mesures de ce monde, Il n’est pas fusionnable en eux. 3351

Ainsi, tour à tour, Jésus a-t-il répondu aux rêves de gloire des disciples en mettant un enfant au milieu d’eux et en leur signifiant que le plus grand parmi eux se devait d’être, et était, le plus petit d’entre eux, le serviteur de tous et de chacun, que Jésus lui-même et que celui qui l’avait envoyé, c’est à dire Dieu son Père, était présent au coeur du plus petit et que nous l’accueillons lui-même, et celui qui l’avait envoyé, c’est à dire Dieu son Père, en accueillant l’un de ces petits.

Il a indiqué aussi aux disciples qu’ils ne devaient pas craindre les hommes qui, en dehors de leurs cercles, exerçait une autorité au nom de Jésus, et chassaient les esprits mauvais.“Celui qui n’est pas contre vous est pour vous” 3352 avait-il répondu à leurs interrogations, en les préparant ainsi à ne pas croire que son message pouvait être contenu dans les seules structures ou institutions terrestres visibles, fussent- elles celles que Jésus lui-même, à travers eux, avait établies.

Et les disciples envoyés dans les villes furent invités à entrer dans cette autre dimension du règne de Dieu et, tels des agneaux au milieu des loups, 3353 à annoncer la Bonne Nouvelle du royaume. Le règne de Dieu est le don gratuit et bienveillant annoncé au monde, il ne réclame que la bénédiction et n’entre pas dans les perspectives vengeresses.

Ainsi, tels les premiers disciples, ne convient-il pas que nous nous attachions aux choses de ce monde, aux conflits que nous rencontrons, aux hostilités qui se font jour, aux objets qui s’y rattachent inévitablement, il faut secouer de nos souliers cette poussière 3354 qui s’y colle afin que nous soyons préservés libres pour l’annonce du Règne de Dieu.

Seule importe la Bonne Nouvelle de l’amour manifesté en Jésus Christ pour le salut de tous les hommes. Ainsi le mot malheur qui ouvrait le texte lu aujourd’hui doit être entendu comme faisant partie de cette Bonne Nouvelle. Les villes citées Chorazin, Bethsaïda, et surtout Capernaüm, au bord du lac de Galilée, furent les villes où le Christ, séjourna le plus longuement lors de son ministère et où il accomplit le plus de miracles. Jésus les compare aux villes dites païennes, Tyr et Sidon, qui, si elles avaient vu les mêmes signes, dit-il, se seraient depuis longtemps converties.

Remarquons que Jésus invoque le malheur sur les structures des systèmes humains qui ne donnent pas la vie, la ville est d’ailleurs, souvent dans la Bible, le lieu symbole de la vanité humaine, dans l’attente de la Jérusalem céleste, 3355 mais que, face à elles, il institue au travers des disciples non des systèmes mais des personnes. Et comme un prolongement à la première lecture faite cette semaine ce sont désormais les disciples qui après les enfants qu’ils sont tenus d’accueillir, sont présentés comme signe, parole, présence de Dieu dans le monde.

Le règne gratuit d’amour, communion au Règne de Dieu, nous institue aujourd’hui à partir de nos coeurs d’enfants comme signes de l’alliance nouvelle et éternelle dans le monde, donnée gratuitement au monde, pour le sauver. Que le Seigneur nous envoie dans sa journée comme ses témoins, ses disciples pour annoncer selon sa volonté la Bonne Nouvelle du salut dans l’amour gratuit, par l’amour gratuit manifesté en Jésus et par lui, au monde. Vendredi 4 Octobre 1996

Notes
3345.

Ville située en bordure du lac de Galilée à quelques deux ou trois kilomètres de Capernaüm et dont on a retrouvé les ruines dès le XIX° siècle.

3346.

Étymologiquement : Maison de pêche. Il existe une discussion entre savants pour savoir si cette ville très ancienne, en bordure du lac de Galilée, où, entre autre, se retira Jésus apprenant la mort de Jean-Baptiste (Luc IX 10, Matthieu XIV 13, Jean VI 1), avait, ou non, une homonyme distante de quelques kilomètres. (Jean XII 21 mentionne Bethsaïda en Galilée). Plus probablement il s’agissait en fait d’une seule et même ville.

3347.

Bâtie sur un rocher (son nom signifie d’ailleurs rocher), actuellement nommée Essour, cette cité longtemps prise entre marteau et enclume, lutta contre les puissances assyriennes, et babyloniennes, s’associant parfois avec Israël, malgré la mise en garde des prophètes contre une association trop étroite entre Israël et Tyr. (Ésaïe XXIII ; Ézéchiel XXVI à XXVIII). Tyr en effet représentait la force commerçante, la richesse matérielle.

3348.

Actuellement Saïda, très ancienne et importante ville phénicienne, son nom évoque parfois toute une région. Après un riche épanouissement au cours du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, elle fut ensuite éclipsée par Tyr.

3349.

Jésus évoque en parlant :

-du sac, une étoffe grossière souvent sombre, d’ordinaire en poil de chèvres (Apocalypse VI 12) portée en signe de deuil, ou d’affliction (II Samuel III 31, II Rois XIX 1 et 2), et souvent par les prophètes (Ésaïe XX 2, Apocalypse XI 3), comme par les captifs (I Rois XX 31 ; Ésaïe III 24). La Bible de Jérusalem traduit l’expression de Jésus par “sous le sac”.

-de la cendre, probablement, la faiblesse de la condition mortelle de l’homme sans Dieu, ou devant Dieu (Genèse XVIII 27; Job XXX 19 ; Jérémie VI 26, Jérémie XXXI 40 ; Lamentations III 16, Ézéchiel XXVIII 18)

La Bible de Jérusalem traduit l’expression de Jésus par ” assis sur la cendre “.

3350.

Selon l’étymologie, village de Consolation, au Nord-ouest du lac de Galilée. Jésus semble y faire si souvent étape qu’elle est parfois considérée comme sa ville. Appelée aussi Capharnaüm. (TOB).

3351.

Lire particulièrement l’évangile de Jean qui semble tout particulièrement construit sur ce thème, et plus particulièrement encore, Jean I 1 à 14, et Jean XVII.

3352.

Luc IX 50 (dans la lecture de la semaine).

3353.

Luc X 3 (dans la lecture de la semaine).

3354.

Luc X 11 (dans la lecture de la semaine).

3355.

La Jérusalem d’en haut, ou Jérusalem céleste, est évoquée par Paul comme la mère des chrétiens (Galates IV 26), comme la cité du Dieu vivant (Hébreux XII 22).

Elle est présente dans l’Apocalypse où elle descend du ciel, et évoque sans doute le Règne de Dieu, la cité nouvelle où les hommes vivent par l’Esprit Saint (Apocalypse III 12; Apocalypse XXI à XXII 4).

Dans l’Ancien Testament Jérusalem refuge de l’arche de l’alliance, et qui fut fondée par David se distingue des villes païennes considérées souvent comme les lieux de débauche.