Matthieu V 21 à 26 Sur la colère “raca” Le jeudi 13 Juin 1996 Commentaire radiophonique Antoine Caballé R.C.F. Saint-Étienne 94,7

‘Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : “Tu ne tueras point ; celui qui tuera mérite d’être puni par les juges. ³³⁵⁶ ’ ‘Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère, mérité d’être puni par ses juges ; que celui qui dira à son frère : Raca ! ³³⁵⁷ mérite d’être puni par le sanhédrin ; et que celui qui dira à son frère insensé mérite d’être puni par le feu de la géhenne. ³³⁵⁸ ’ ‘Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande.’ ‘“Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu’il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l’officier de justice et que tu ne sois mis en prison.’ ‘Je te le dis en vérité tu ne sortiras pas de là que tu ‘aies payé le dernier quadrant. ³³⁵⁹ ’

“Tu ne sortiras pas de là que tu n’aies payé le dernier quadrant” . Que ces paroles de Jésus prononcées au sermon sur la montagne peuvent, à première vue, nous paraître dures. Le sermon sur la montagne, en effet, nous transporte du côté du ciel. Le point de vue qui nous est donné d’y entendre n’est plus le relatif de celui des hommes, mais l’absolu de celui de Dieu. C’est pour cela que Jésus nous dit, et nous l’avons lu hier, qu’il n’était pas venu pour abolir pas la loi et les prophètes mais qu’il était venu pour accomplir cette loi et ces prophètes. ³³⁶⁰ La loi donnée à Israël, que l’on retrouve dans les impératifs religieux de la religion juive, les Mitsvot et ses 613 commandements dont 102 positifs et 511 négatifs, montre l’intégralité de la distance séparant l’homme de Dieu. Car comme le souligne Ésaïe “Autant les cieux sont élevés au dessus de la terre, autant les voies de Dieu sont élevées au dessus de nos voies.” ³³⁶¹ Dieu seul est saint et le mal ne résiste pas sous son regard, voilà ce que nous apprend la loi, en même temps qu’elle nous dit déjà d’aimer Dieu avant toute chose et notre prochain comme nous même, préceptes qui la résument parfaitement et qui en donnent l’objectif comme en quelque sorte déjà la source. ³³⁶² La loi, en effet, est le pédagogue ³³⁶³ dira plus tard l’apôtre Paul pour nous conduire jusqu’au Christ. Tel le pédagogue antique, la loi nous a pris par la main et nous a montré qu’entre nous et Dieu il y avait une distance, un chemin à parcourir. Mais voici qu’en Jésus le chemin de cette distance n’est plus à accomplir par nos efforts. Car Jésus est lui même cette source que la loi laissait entrevoir, il donne gratuitement à partir du chemin inversé, de Dieu vers l’homme, qu’il accomplit lui même pour chacun de nous, à chacun désormais, d’entrer pleinement dans la communion au Règne de Dieu. Jésus introduit l’alliance désormais, dans nos coeurs, comme le prophétisait Jérémie. ³³⁶⁴ Il ne s’agit plus de la stricte obéissance à des préceptes, mais de la parfaite communion avec Dieu, devenu Père. Et voici donc que, mystérieusement, les voies de Dieu si différentes qu’elles soient de nos voies naturelles, deviennent notre propre chemin, notre propre loi écrite désormais en lettre de sang et de vie dans nos coeurs. C’est une nouvelle circoncision, celle du coeur, circoncision invisible qui témoigne et manifeste à l’intérieur de nous mêmes de cette alliance. nouvelle et éternelle. ³³⁶⁵ Comme le dit l’apôtre Paul, l’Esprit Saint nous ouvre alors directement à une conscience nouvelle, à la conscience de faire le mal que nous ne voudrions pas, et de ne pas faire le bien que nous voudrions. ³³⁶⁶ Il en résulte un sentiment de faiblesse, de fragilité. Nous nous sentons comme de vases d’argile . ³³⁶⁷ Mais c’est en ces vases d’argile fragiles que Dieu à mis son trésor, trésor de la bonne nouvelle de son amour sans mesure manifesté pour le salut des hommes en Jésus Christ. ³³⁶⁸ Dès lors, même la conscience du mal, la conscience de notre péché n’est plus objet d’accusation mais d’action de grâces, action de la grâce, fruit de la grâce. Un film vu, il y a quelques mois, à la télévision “la colline aux milles enfants” ³³⁶⁹ reprend de façon un peu romancée l’aventure pendant la seconde guerre mondiale de ces enfants juifs sauvés par les habitants du Chambon sur Lignon, conduits par leur pasteur TROCMÉ. Au commencement de ce film, un match de basket, entre des jeunes du Collège Cévenol, est arbitré par le pasteur. Tout à coup, un élève sort du jeu, car, selon lui, le pasteur, mauvais arbitre, se laisse emporter par la colère. Le pasteur proteste de toute bonne foi. Lui en colère ? Lui mauvais joueur ? Allons donc ! Le match reprend donc, mais aux premiers rebonds de balle le pasteur se surprend à se laisser emporter encore. Il sourit alors tendrement en direction de l’enfant. Ainsi, les paroles de Jésus qui nous dépassent de toutes parts, semblent dans un premier temps parfois nous accuser. Tel n’est pourtant pas leur but, mais au contraire. Ne nous accusons donc pas, mais comprenons que par sa grâce, il a tout accompli, et rendons lui alors à notre tour, cette grâce qu’il nous fait, de nous révéler l’action de sa parole en nous, comme une semence, agissant avec le temps et non comme une théorie qu’il suffirait de mettre en pratique. Si brutalement, il nous dévoile alors le travail qu’il reste à accomplir en nous, accueillons simultanément la grâce de son pardon dans la joie et annonçons, comme le pasteur et l’enfant du film, dans un sourire partagé, ce pardon ouvert à tous, comme le chemin d’une création nouvelle. C’est Jésus qui a payé pour chacun de nous sur la croix jusqu’au dernier quadrant, dernier centime, qu’il nous revenait pourtant de payer. Allons, et faisons fructifier aujourd’hui son héritage.