Matthieu VII 1 à 5
‘“Ne jugez point, afin que vous ne soyez pas jugés.’ ‘Car on vous jugera du jugement où vous jugerez, et l’on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurerez.’ ‘Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’oeil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton oeil ?’ ‘Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter une paille de ton oeil, toi qui as une poutre dans le tien ?’ ‘Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l’oeil de ton frère .”’Le texte qui sera finalement, et effectivement, lu, sera une synthèse entre celui-ci, et le texte de l’homélie précédente.
Chassé du jardin de l’Eden, après avoir goûté au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’homme sombra dans la confusion que décrit le livre de la Genèse. Des sentiments nouveaux l’accablèrent : la honte de sa nudité, un accablement, une séparation d’une relation directe avec Dieu. C’est ceci que la Bible nomme le péché, c’est à dire moins une faute qu’un manquement de cible. L’homme manquait sa cible, il était fait pour la vie, pour régner sur la création et il découvrait sa nudité, sa finitude et la mort. Le fil de l’histoire se déroulant, plus grave encore, il allait perdre progressivement jusqu’à la conscience de ces choses, la conscience de son péché.
Ainsi, comme une première réparation, la loi de Dieu, la loi de Moïse, la Torah, avait appris au peuple d’Israël, à distinguer sa droite de sa gauche, le bien du mal, rétablissant ainsi l’homme dans un projet de vie, au lieu d’un projet de mort. Elle avait ainsi constitué une première étape dans le long cheminement biblique de la révélation de l’enseignement de Dieu.
Toute la loi de Moïse, à partir de laquelle se construit, comme en parallèle, le sermon sur la montagne, que prononce Jésus, et dont est tiré le texte du jour, était construite à partir d’injonctions, sous forme de commandements, adressée par le “Je “ de Dieu au “tu” de l’homme. Les injonctions s’adressaient donc à chacun. Chacun était invité à se réformer, à aimer avant toute chose, Dieu, le Dieu vivant et tout puissant qui avait guidé le peuple lors de la sortie de l’Égypte et de la situation d’esclavage, jusqu’à la terre promise, et, son prochain, comme lui-même. Elle exhortait même à juger le prochain avec justice. 3424 Ainsi, bientôt, des juges furent chargés de régler les litiges, et, de guider le peuple selon les enseignements de la Torah. Plus tard, cette tache sera confiée au roi. On se souvient de Salomon rendant justice ... puis bien plus tard encore, jusqu’au temps de l’occupation romaine, du temps de Jésus, elle fut confiée au Sanhédrin, un collège de sages, reconnu par l’autorité de Rome, et, en qui certains voyaient les héritiers, les successeurs, des soixante-dix sages et anciens élus par Moïse dans le livre des Nombres. 3425
Mais cette même loi fut bien vite détournée de l’esprit qui l’avait inspirée, et elle servit pour beaucoup à juger les actions d’autrui. De “Je” à Tu” elle devint entendue comme s’adressant de “Je “ à “Lui”. Ainsi les apparences de la piété firent figure d’un emblème, et la rigueur dans l’observation des commandements, était un signe social de distinction, et de bonne conduite. Dès lors, les mêmes mots, les mêmes injonctions, prirent vite une odeur de jugement, en lieu et place de délivrance, et à la conscience d’une grâce, se substitua, la conscience d’une condamnation.
Tout est une question de point de vue. On peut regarder la même chose, lire le même livre, reconnaître le même Dieu, mais le point de vue change tout. On peut voir le mal d’abord en l’autre, ou bien, le considérer tout d’abord en soi. Jésus nous invite à regarder d’abord en nous-même et à ôter en premier la poutre qui est dans notre oeil, avant de tenter d’enlever la paille qui est dans celui de notre voisin. Il en résulte une grande délivrance. Déjà HILLEL l’ancien, “ 70 av. Jésus-Christ - 10 ap. Jésus-Christ “, dirigeant des pharisiens, précédant historiquement de quelques années le ministère du Christ, disait, avec une grande sagesse et plein de bon sens.
‘Ce qui t’est odieux ne l’inflige pas aux autres hommes. Voici toute la Torah, le reste n’est qu’une illustration de ce principe. Va et maintenant apprends. 3426 ’On peut dire qu’HILLEL invite donc à prendre la place de l’autre. Cette règle était une règle d’or de son enseignement, dont découlait tout le reste. Jésus ira plus loin encore, dans le sermon sur la montagne, comme tout au long de son ministère. Il rétablit l’homme dans la vie en accomplissant l’écriture. Non seulement, il invitera à prendre la place de l’autre, mais il nous projettera par le don gratuit de l’Esprit-Saint dans le point de vue, de Dieu lui-même. Et ce point de vue, passera par la croix et la résurrection. Devant la croix, nul ne pèse lourd, et chacun est devant la porte étroite qui donne accès à la vie. Cette vie, placée du point de vue de Dieu, annonce à tous les hommes la grâce du pardon obtenus gratuitement. Laissons là nos jugements vis à vis d’autrui, notre morosité, nos sentiments de culpabilité, et entrons de plain-pied dans la vie de Dieu, elle est toute compassion envers tous.
Lévitique XIX 15
Nombres XI 24
Chabbat 31 a ; in DICTIONNAIRE encyclopédique du judaïsme “ Publié sous la direction de Geoffrey WIGODER “The encyclopedia of judaïsm “ (1989) ; adapté en Français sous la direction de Sylvie Anne GOLDBERG avec la collaboration de Véronique GILLET, Arnaud SÉRANDOUR, Gabriel, Raphaël VEYRET ; Cerf Robert Laffont Paris 1996 ; ( page 471).