Matthieu XXI 33-46 La parabole du vigneron Antoine CABALLÉ Homélie radiophonique Antoine Caballé R.C.F. Saint-Étienne 94,7 Vendredi 28 Février 1997

‘Écoutez une autre parabole. Il y avait un homme, maître de maison, qui planta une vigne. Il l’entoura d’une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour; puis il l’afferma à des vignerons, et quitta le pays. Lorsque le temps de la récolte fut arrivé, il envoya ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et lapidèrent le troisième. Il envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers; et les vignerons les traitèrent de la même manière. Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux : Voici l’héritier, venez tuons-le, et emparons-nous de son héritage. Et ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Maintenant lorsque le maître de la vigne viendra que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui répondirent: Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d’autres vignerons qui lui en donneront le produit au temps de la récolte.’ ‘Jésus leur dit : N’avez-vous jamais lu dans les Écritures :’ ‘La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle; c’est du Seigneur que cela est venu, et c’est un prodige à nos yeux ?’ ‘C’est pourquoi je vous le dis le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. Celui qui tombera sur cette pierre s’y brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé.’ ‘Après avoir entendu ses paraboles, les principaux sacrificateurs et les pharisiens comprirent que c’était d’eux que Jésus parlait, et ils cherchaient à se saisir de lui; mais ils craignaient la foule car elle le tenait pour un prophète.’

Dans l’évangile de Jean, Jésus dira être le cep et appellera ses disciples les sarments, ajoutant alors que quiconque demeure en lui portera du fruit et qu’on ne peut porter de fruit, hors de lui.

Jésus, en effet, aime à employer l’image de la vigne et du raisin. La vigne produit le raisin, certes. Mais pour mûrir, plus que tout autre fruit agricole, il a besoin du travail des hommes, de l’attention constante des vignerons. Et le raisin devra encore être travaillé, soigné, surveillé, par les hommes, avant de donner le vin, ce fruit de la vigne, celui-là même que Jésus boira avec ses disciples, le soir du repas pascal, instituant la Sainte Cène, qui fait désormais acte de mémoire dans l’église, de la Nouvelle Alliance, de la mort et de la résurrection, comme un signe du Royaume à venir.

L’alliance de Dieu, en effet, a besoin de la participation volontaire effective et concrète de l’homme pour exprimer son message; pour donner sa vie. Dans l’évangile de Matthieu nous trouvons une autre parabole qui évoque encore cette même image.

Un homme donc planta une vigne, il l’entoura d’une haie, et la surmonta d’une tour comme il était coutume qu’on le fit dans ces temps afin de la protéger contre les éventuels maraudeurs, animaux, ou humains.

Il y fit aussi creuser un pressoir pour que sans doute, le raisin, une fois cueilli, une fois pressé pût être conservé, et produire le fruit, le vin, escompté.

Toutes les conditions semblaient donc réunies pour rendre le travail des vignerons possible sans trop de problèmes. Le principal avait été fait par le maître.

Vous connaissez la suite de cette parabole qui vient tout juste de vous d’être lue. Lorsque le maître de la vigne enverra trois serviteurs pour recueillir ce qui lui est dû, auprès des vignerons, ceux-ci battront le premier, tueront le second, lapideront le troisième. Lorsqu’il enverra d’autres serviteurs en plus grand nombre, ceux-ci subiront le même sort.

Alors, en désespoir de cause, le maître enverra enfin son propre fils, les vignerons se saisiront de lui le chasseront hors de la vigne et le turont.

Lorsqu’il raconte cette parabole Jésus est à Jérusalem, aux portes de sa passion. Il est retourné au Temple où justement, la veille il a chassé les vendeurs. Il s’adresse nous dit le texte aux autorités religieuses de l’époque, les principaux sacrificateurs, et les anciens, qui lui avaient demandé en amont du texte, selon quelle autorité il parlait.

On a souvent lu ce texte, d’autant plus qu’il fait suite dans le même évangile de Matthieu, à la rencontre de Jésus avec le figuier sur le bord du chemin, figuier que Jésus maudira parce qu’il ne porte pas de fruits, et qui desséchera aussitôt, comme s’adressant spécialement à Israël qui n’écouta guère les prophètes, et ne reçut pas Jésus.

Il nous faut pousser plus loin cette lecture. Ce texte pourrait tout aussi bien s’adresser à nos églises qui manièrent l’inquisition, la guerre de religion et qui confondit trop souvent pouvoir en ce monde, et pouvoir pour le monde, règne des hommes, et règne de Dieu.

Mais surtout ce texte s’adresse à chacun de nous qui nous réclamons de Jésus.

Car, plus loin encore, ce texte vient rejoindre la condition de toute l’humanité à qui Dieu confie son héritage, de notre humanité la plus profonde que Jésus est venu traverser.

Jésus pose la question : “Que fera le maître de la vigne quand il viendra ?”. Et ses interlocuteurs de lui répondre qu’il fera périr les misérables vignerons.

Et bien justement, c’est ce que Dieu ne fit pas. Et nous vivons de sa grâce.

La mort du Fils, la mort de Jésus, n’est pas imputée aux hommes.

C’est le miracle de la grâce, miracle de l’amour gratuit, du don de Dieu.

Nous pouvons vivre désormais de l’Amour de Dieu, son Père, qui l’a ressuscité, qui l’a élevé à sa droite, et qui nous donne son Saint-Esprit qui témoigne de Lui parmi les hommes, et annonce la Bonne Nouvelle du royaume aux hommes.

Reprenant les paroles du psalmiste, Jésus dit encore : “La pierre qu’avait rejetée les bâtisseurs est devenue la principale de l’angle.”

Veillons aujourd’hui à regarder du côté de celui que nous avons rejeté, du côté de celui que nous avons exclu. En lui, le Seigneur notre Dieu, nous parle, nous apparaît, et, le chemin que nous ferons vers lui est le premier que nous devions faire, le plus important. Il précèdera notre espérance, il la rendra possible, il lui fera porter des fruits.

Tel est sans doute l’un des grands enseignements de l’Alliance Nouvelle, non seulement Dieu ne fait pas acception de personnes mais il nous invite à regarder et à accueillir celui ou celle que nous voulions justement rejeter comme une source de bénédictons pour lui, pour nous, pour le monde.

Dans ce temps où nous marchons ensemble avec le Seigneur, dans ce temps de mémoire et de rappel de son sacrifice, et de sa résurrection, tournons-nous vers celui ou celle que nous nous ne voulions justement pas accueillir. Notre prochain.

Que ce quelqu’un, ce prochain, soit nous-même, lorsque nous avons du mal à nous pardonner, à nous accepter tels que nous sommes, à espérer que nous puissions être transformer, ou cet autre, à qui nous avons du mal à vraiment pardonner, que nous ne voulons pas accueillir tel qu’il vient vers nous, à qui nous avons retiré le droit à l’espérance, au changement ; que ce quelqu’un, ce prochain, nous ressemble ou pas, il est toujours à la fois et l’étranger et le frère, vers qui nous sommes envoyés, pour témoigner avec lui, pour lui, avec nous et pour nous, devant Dieu et devant les hommes, de la réconciliation rendue possible, avec tous, entre tous, avec nous-mêmes, en Jésus.

La grâce de Jésus, offerte en Jésus, passe par nous, par nos mains. Ce sont nos mains qui aideront à transformer la terre sauvage, en vigne, le raisin, en vin.

Dieu l’a voulu ainsi. Il a voulu faire dépendre sa vie de la nôtre, nous qui pourtant ne pouvons vivre sans lui, hors de lui, et qui ne tenons notre espérance que de son pardon et de sa grâce. Pour que l’héritage soit communion en lui, pour que l’amour dont il nous aime devienne nôtre.