Histoires inventées mettant en scène chacun des quinze enfants de la classe du CE2 96/97

Histoire des enfants de la classe numéro 1 :

Latifa et la grotte des enfants aveugles ...

Latifa avait grandi. Elle se souvenait toujours de son année passée en CE2, au cours de l’année scolaire 1996, 1997, à Montplaisir. Elle décida donc d’apprendre à lire et à écrire en braille, afin d’enseigner les enfants non-voyants. Elle devint éducatrice.

Mais, dans le pays où elle vivait, on ne semblait pas savoir ce que le mot lumière voulait dire, et, on ne s’intéressait pas aux gens faibles. On entendait dire même parfois que quelqu’un de faible n’avait pas droit à la vie.

Aussi Latifa dut-elle se cacher dans une grotte avec les enfants aveugles pour les protéger d’une mort pratiquement certaine. Le roi lui-même, publia un jour un décret disant qu’il ne devait pas rester un seul enfant handicapé de tout le pays.

Ainsi, Latifa, continua, dans sa grotte, à recueillir des enfants venus de partout pour trouver un refuge auprès d’elle. Ils étaient malheureusement chaque jour plus nombreux. Tant et si bien que, de tristesse, le soleil lui-même, finit par refuser de se lever.

Dans le pays ce fut un grand désordre, personne ne retrouvait plus sa propre maison et plus on appelait le soleil, plus il restait caché. Heureusement, Latifa avait appris à vivre sans lumière. Aussi put-elle put enseigner à tout le pays, jusqu’au roi, à lire et à écrire en braille, et chacun put ainsi de nouveau communiquer avec chacun.

Lorsque tout le monde, dans ce pays, eut enfin compris ce que le mot lumière voulait dire, le soleil se décida enfin à réapparaître, tout aussi soudainement qu’un jour il s’était brutalement caché.

Dans le pays, tout le monde était enfin et définitivement devenu gentil avec tout le monde, jusqu’au roi qui avait choisi désormais de devenir clown et musicien, pour faire rire les enfants.

Lorsque Latifa fut bien vieille, elle se sentit redevenir petite. La paix, la lumière et la joie, avaient gagné la terre entière. Tout le monde voyait, tout le monde entendait, chacun parlait, chacun sentait, respirait, chantait, d’un même coeur, comme une mélodieuse symphonie de cent millions de voix.

Antoine Caballé, le 03 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 2 :

Yassin qui gomma les frontières ...

Yassin se trouvait partout comme un étranger. En Corse où il était né, en France où il vivait, au Maroc d’où étaient originaires ses parents. Partout on l’appelait l’étranger.

Il en fut très triste ... surtout lorsqu’il se souvint d’une chanson apprise en CE2 et qui disait dans son refrain : “Tous les hommes sont frères ...” Mais Yassin n’arrivait pas à se souvenir des autres paroles de la chanson dont il n’avait donc gardé que le refrain et la musique qui, lorsqu’ils lui revenaient, lui donnaient cependant assez de courage pour aller chercher plus loin un pays où il pourrait vivre enfin. Un pays où il ne serait plus l’étranger.

Il chercha donc à vivre dans différents autres pays mais partout on lui fit bien sentir qu’il n’était pas chez lui. Il essaya même d’aller vivre dans le plus grand pays du monde, la Chine, là où le soleil ne se couchait jamais, espérant que là au moins il trouverait bien un endroit où il serait accueilli comme chez lui. Mais dès qu’il descendit de l’avion, il fut renvoyé car ses papiers n’étaient pas en règle.

De retour à Saint Étienne, il s’assit sur un banc et il pleura. Même la musique et le refrain de la chanson qu’il avait apprise au CE2, n’arrivaient plus à le consoler. C’est à ce moment, que Yassin vit un homme s’asseoir à côté de lui. Cet homme était noir, mal vêtu, et avait l’air encore plus mal loti que lui. Yassin sortit de sa poche un morceau de pain qu’il partagea avec cet homme. Puis il lui chanta la chanson du CE2 dont toutes les paroles lui revinrent enfin instantanément. L’homme noir lui sourit et remercia Yassin qui comprit alors qu’il venait de trouver son pays, le pays sans frontières qui passait par le coeur de chacun.

Yassin passa le reste de sa vie à “gommer” les frontières entre les hommes, à accueillir lui-même dans son coeur, celui ou celle dont personne ne voulait. Lorsqu’il fut bien vieux, ses petits enfants lui offrirent, pour son anniversaire, une immense gomme en remerciement. En effet, les frontières avaient à présent toutes disparu de la terre, et c’était un peu grâce à lui. Yassin se sentit redevenir petit, et il chanta, entièrement et jusqu’à la fin, une toute dernière fois, la chanson du CE2 ... lorsqu’il aperçut Latifa qui au moment même où il finissait de chanter, sortait d’une grotte.

Antoine Caballé, le 05 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 3

Mumin qui volait ... sans ailes ...

Mumin se souvenait de son année en CE2. À la fête du livre, un magicien l’avait invité à prendre sa baguette magique. Au premier coup de baguette magique de Mumin sur un livre géant, les dessins du livre s’étaient envolés, au second coup de baguette magique, les dessins étaient réapparus. Mumin recommença plusieurs fois le même tour, devant les yeux éblouis des enfants. Plus tard, Mumin devint magicien et travailla dans un cirque. Son tour favori était de faire “voler “ les enfants. En réalité, il les suspendait à un fil pratiquement invisible que personne ne voyait. Il lâchait les enfants d’une hauteur et ceux-ci avaient l’impression de voler réellement. Maintenant que Mumin était un vrai magicien, il savait que la magie n’existait pas, mais que chaque tour avait son truc.

Seulement voila, un petit enfant de trois ans, appelé Michel, qui avait assisté au tour de Mumin, ignorait tout de cette chose là. Une fois rentré chez lui, il dit à sa maman : “Maman, moi aussi je vais voler comme les enfants du cirque. “ Sa maman eut beau lui expliquer plusieurs fois que le cirque c’était le cirque, mais que dans la vie normale les enfants ne volaient pas, Michel s’entêta. Il monta d’abord sur une chaise, mais ce n’était pas assez haut, et il fut vite arrivé en bas. Il grimpa sur un arbre du jardin et sauta, en retombant, il roula dans l’herbe, mais en réalité il ne vola pas. Il pensa devoir grimper plus haut encore. Il grimpa donc sur le rebord de la fenêtre du troisième étage ... et de là-haut, il sauta en bas.

Michel se fit vraiment très mal. À l’hôpital, il passa plusieurs jours entre la vie et la mort. Lorsqu’il sut cela Mumin courut lui rendre visite et il pleura beaucoup à son chevet. Il visita tous les jours Michel convalescent, le promenant sur une toute petite chaise roulante, et devint son ami, l’amusant par des tours de magicien. Mumin voulut d’abord supprimer de son spectacle, le numéro des enfants qui volaient. Devant la tristesse de son public, il décida finalement de le garder mais de montrer désormais “le truc de la ficelle très fine” aux enfants. Il terminait également toujours son spectacle en disant : “Et surtout ne vous amusez pas à faire pareil à la maison...” Plus tard, Michel travailla au cirque avec Mumin. Ensemble, ils faisaient rêver les enfants. Lorsqu’ils furent bien vieux, ils s’aperçurent soudain qu’ils devenaient petits ... Tout le monde, comme eux, autour d’eux, volait alors vraiment sans ailes. Ils reconnurent alors Yassin volant, à cheval sur une gomme immense.

Antoine Caballé, le 09 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 4

Zohra et le mouton à cinq pattes ...

Zohra, devenue grande, s’occupait d’enfants autistes. Là où elle vivait, il y avait beaucoup d’animaux pour accompagner les enfants malades. Un jour naquit un mouton, un agneau ... à cinq pattes. On pensa le tuer. Car comment pourrait-il vivre ?

Mais Zohra, qui à présent était déjà un peu âgée, vit que la simple évocation de cette idée faisait pleurer Danièle une petite enfant autiste, dont le visage jusque là n’avait jamais rien exprimé.

On garda donc, dans l’institut où travaillait Zohra, le mouton qui ne pouvait se déplacer seul et que donc les enfants autistes devaient porter, lors de leurs déplacements.

En portant, en nourrissant, ou en berçant le mouton à cinq pattes qui ne pouvait absolument pas vivre seul, beaucoup d’enfants s’habituaient à devenir utiles et responsables vis à vis de quelqu’un, et, peu à peu, ainsi, jour après jour, guérissaient de leur isolement maladif.

Si tout le reste du temps il était accompagné, la nuit seulement, une fois endormi et bercé par les enfants, le mouton à cinq pattes restait seul : nul n’était besoin, en effet de rester auprès de lui, puisqu’il lui était absolument impossible de s’échapper seul.

Cependant, une nuit, ses bêlements répétés étant sans effet, se déplaçant alors, comme il pouvait jusqu’à sa chambre, il put avertir Zohra qu’un incendie se déclarait dans le dortoir où dormaient les enfants. Heureusement, Zohra, qui à présent était bien vieille, se réveilla à temps et l’incendie put être arrêté.

Le mouton à cinq pattes sauva ainsi indirectement, la vie de tous, mais il fit un tel effort, pour se déplacer qu’il se rompit, lors de son exercice, la cinquième patte. Il souffrait tellement qu’on pensa devoir le tuer. Au moment même où on allait lui ôter la vie, il guérit et redevint petit agneau courant gambadant ... avec cinq pattes comme si rien n’était. C’est au même moment que les yeux des enfants autistes se mirent à rire d’une joie vivante et communicative et que Zohra se sentit redevenir petite.

C’est alors qu’elle aperçut Mumin qui volait ... sans ailes.

Antoine Caballé, le 12 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 5

Houria et le ballon monde ...

Houria se souvenait qu’un beau jour de l’année scolaire 1996-1997, elle avait appris à jongler du pied avec un ballon, en s’entraînant longuement seule à la maison, pour la préparation d’une rencontre sportive USEP que sa classe du CE2 de Montplaisir devait effectuer contre deux autres classes, des CE2 également de la même ville de Saint-Étienne, invitées à son école. Houria avait passé tout le mercredi après-midi précédant la rencontre à s’entraîner seule dans la cour de la rue Pierre Loti.

Le résultat du lendemain ne se fit pas attendre, et l’équipe de Houria s’imposa grâce à elle. Houria avait surtout compris ce jour là qu’elle pouvait réussir très bien à l’école à condition de travailler, de s’entraîner en quelque sorte, seule à la maison, comme elle l’avait fait pour la rencontre USEP. Et effectivement à partir de ce jour là, Houria fit de grands progrès à l’école.

Elle passa sans difficultés au CM1, au CM2, en 6ème, puis en 5ème, et ainsi de suite jusqu’à la terminale. Elle passa son bac, fit des études universitaires, entra à l’IUFM, et devint maîtresse d’école.

Un jour qu’elle surveillait la cour de récréation, elle vit un enfant pleurer, car on venait de crever le ballon tout neuf qu’il avait apporté de sa maison, le matin même. Avec une rustine Houria répara le ballon, mais comme il n’était plus très beau ainsi rafistolé, elle décida de peindre la mappemonde sur le ballon, juste avant de le rendre à l’enfant. Une fois de nouveau dans la cour elle lui apprit à jongler comme elle avait elle-même appris à le faire en classe de CE2. Et cela devint une mode. Tous les enfants jonglaient avec des ballons sur lesquels apparaissait une mappemonde que Houria avait tout justement dessinée avec plaisir spécialement pour chacun, avec une dédicace à chaque fois spéciale.

Lorsque Houria fut bien vieille, la mode des ballons monde avait fait le tour du monde et des enfants de tous les pays de la terre jouaient à qui ferait le plus de “jongles” avec la terre. Ils avaient ainsi sans le savoir appris à faire la paix. Et la paix avait gagné la terre. C’est alors que Houria se sentit redevenir petite ... quand un mouton à cinq pattes, portant Zohra sur son dos, s’approcha d’elle pour qu’elle dessine le monde sur le ballon qu’il poussait devant lui, en le faisant tourner, du bout de son museau.

Antoine Caballé, le 15 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 6

Nesrine ou ... le peintre et le papillon ...

Nesrine aimait beaucoup peindre en classe de CE2. Mais ses peintures étaient toujours empreintes d’une indicible tristesse. Elle disait lorsqu’on l’interrogeait sur les raisons de cette tristesse, qu’elle ne faisait que peindre le monde tel qu’il était. Il est vrai qu’en ce temps là on ne parlait dans les journaux que de guerres, de gens pauvres, de gens exilés, de rapatriés, de populations déplacées, de génocides, de coups d’états, de maladies incurables ...

Le dernier jour de l’année scolaire, le quatre Juillet 1997, elle découvrit une chrysalide sous une feuille d’un des troènes qui entouraient la cour de récréation. Pendant les vacances, cette année là elle ne partait pas au Maroc, elle revint chaque matin et chaque soir pour voir si, sous la feuille du troène, un papillon venait.

Un matin, elle trouva la chrysalide déchirée, mais elle eut beau chercher, elle ne trouva pas le papillon. À chaque papillon qu’elle rencontrait, Nesrine se prenait à croire que c’était peut-être lui, derrière chaque chose qu’elle regardait, il lui semblait l’apercevoir, prêt à s’envoler. Ainsi, sans qu’elle s’en rendit bien compte, ses peintures devenaient gaies et évoquaient désormais, la paix, les danses, les rondes et les jeux d’enfants. De chacun de ses tableaux, un papillon semblait devoir sortir, pour s’envoler ...

Nesrine grandit, et devint un peintre célèbre. Un jour, lors d’une de ses nombreuses expositions de par le monde, un homme triste s’approchant d’elle, lui dit ceci : “ Certes vos tableaux sont beaux, mais ils ne ressemblent en rien au monde, qui va de plus en plus mal autour de nous... À quoi cela vous sert-il de parler de joie de paix et de couleurs, si tout autour de nous dit le contraire? ..” Ces mots très durs firent verser beaucoup de larmes à Nesrine qui, à partir de ce jour-là, cessa totalement de peindre.

Devenue une vieille dame, un matin, ouvrant sa fenêtre, elle trouva un papillon posé sur le rebord, il avait les ailes jaune d’or. Elle sut tout de suite que c’était lui, le papillon du troène, elle sut aussi qu’à présent la paix avait gagné la terre. Elle se tourna alors pour la première fois depuis longtemps vers son chevalet ... Mais au premier coup de pinceau la toile se déchira, et Nesrine se sentit redevenir toute petite. À présent, elle peignait directement sur la terre que Houria hilare faisait jongler du bout de ses pieds.

Antoine Caballé, le 15 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 7

Hayette et les animaux au secours des humains ...

Hayette avait gardé un souvenir. Elle se souvenait d’avoir lu dans un livre que, là où les hommes étaient gentils avec les animaux, ceux-ci changeaient de comportement et même les plus sauvages d’entre eux, pouvaient devenir gentils avec les hommes, à leur tour.

“Au Canada, ou aux États-Unis, on trouve des écureuils qui vivent au coeur des cités, et viennent manger dans les mains des enfants. Dans certaines petites villes allemandes, des biches se promènent en liberté au coeur de l’hiver, cherchant de quoi manger, aux Pays-Bas, les canards sauvages ne sont plus sauvages du tout et se laissent très facilement approcher par chacun ...”

Hayette avait encore un autre souvenir. Elle se souvenait qu’en CE2, elle avait porté un plâtre pendant longtemps sur toute la longueur d’une de ses jambes, et cela l’avait empêché de marcher normalement.

Hayette eut alors une idée. Elle avait remarqué que souvent les personnes handicapées avaient pour ami un animal qui les aidait à subvenir à leurs besoins. Les aveugles, par exemple, se promènent souvent avec un chien tout particulièrement dressé pour cela.

Lorsqu’elle devint adulte, Hayette décida donc de dresser des animaux pour accompagner, aider, transporter, les enfants et les personnes handicapées. Hayette commença par des animaux domestiques, mais elle termina par apprivoiser et même dresser des animaux de plus en plus sauvages. Elle dressa même un aigle énorme, autrefois cruel et farouche, mais qui devint son ami, après qu’elle l’eut soigné d’une blessure de flèche à l’aile. Il transportait désormais les petits enfants sur son dos, en volant très haut dans le ciel.

Un jour cependant, l’aigle disparut tout soudainement : on ne le retrouva plus. Hayette pensa qu’il était sans doute aller se cacher pour mourir, comme font les oiseaux. Car l’aigle était déjà bien vieux. Les années passèrent, Hayette devenue bien vieille, à son tour, vit un jour, l’aigle descendre de la montagne au pied de laquelle elle vivait, transportant sur son dos des milliers d’enfants, tous les enfants, toutes les personnes, qu’elle avait aidés tout au long de sa vie. Hayette sourit et se sentit redevenir petite. Lorsqu’elle vit une main sortir d’un nuage, c’était la main de Nesrine qui achevait de peindre le monde.

Antoine Caballé, le 17 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 8

Loubna, l’alphabet des malentendants et l’école de la vie ...

Loubna se souvenait du jour, au CE2, où elle avait présenté à la classe l’alphabet gestuel des malentendants, que sa grande soeur lui avait appris à la maison. Le maître avait dit alors avoir rêvé d’une école, d’un monde, où tous les enfants, tous les gens apprendraient l’alphabet des malentendants, chacun faisant ainsi un pas vers eux.

Loubna grandit. Elle devint professeur. On lui présenta, un jour, Mathilde, une enfant malentendante que ses parents voulaient inscrire à l’école ... mais cela semblait impossible car les règlements l’interdisaient.

Loubna se souvint alors de ce qu’elle avait vécu alors qu’elle était au CE2, et décida d’accepter l’enfant dans sa classe. À partir de ce moment là, elle enseigna l’alphabet des malentendants à tous ses élèves. Cela se passa si bien que le gouvernement changea le règlement et tous les enfants handicapés pouvaient désormais être accueillis dans la même école que les autres ...

Cette nouvelle fit le tour du monde, et de partout sur la terre, cela donna des idées à d’autres enseignants ... et bientôt tout le monde sur la terre parla le langage des malentendants.

Loubna était vieille à présent, mais elle continuait à enseigner aux enfants ... Un soir, elle vit une colombe se poser sur le rebord de la fenêtre de sa classe. Elle s’approcha de l’oiseau et elle vit que la pauvre bête était blessée, une de ses ailes était bien abîmée, il lui était impossible de voler bien loin, et cherchait sans doute un endroit pour se réfugier. Loubna lui aménagea un coin de sa classe.

La colombe pondit des oeufs qu’elle couva. Et lorsque le premier oisillon naquit, il se produisit une chose incroyable, tout à fait extraordinaire : De partout sur la terre montèrent des chants plus beaux que tout ce qu’on avait entendu jusque là. Les malentendants se mirent à entendre, à parler, à chanter.

Loubna se retrouva aussi jeune que lorsqu’elle était au CE2. On frappa à la porte de sa classe ... elle courut ouvrir et reconnut Hayette et tressaillit de joie, car elle ne l’avait pas vue depuis longtemps. Derrière elle se tenait un aigle immense avec une myriade d’enfants sur son dos.

Antoine Caballé, le 20 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 9

Mouna, la colère et le chemin vers la paix ...

Mouna, au CE2, se mettait parfois très, très, très en colère. Le maître et Nordine, professeur de tunisien, lui avaient alors, parlé: “Lorsque tu es en colère, tu es “hors de toi” comme quelqu’un qui serait sorti de sa maison et qui ne trouverait plus le chemin pour rentrer à nouveau chez lui. C’est d’ailleurs un peu ce que signifie l’expression être “hors de soi”. Or, n’oublie jamais, Mouna, qu’il y a toujours un chemin pour revenir, un chemin pour entrer, un chemin pour sortir de sa maison, et une porte pour revenir chez soi, revenir à soi.”

Mouna grandit, elle parvenait chaque jour davantage à trouver le chemin pour entrer, le chemin pour sortir de sa maison, et aussi la porte qui permettait d’entrer et sortir, d’aller et venir sans effraction. Elle finit même par devenir une “championne de la paix”.

Elle devint éducatrice pour enfants caractériels, leur apprenant, en toute circonstance, à retrouver le chemin et la porte pour retourner au dedans d’eux. Elle répétait souvent : “Il y a toujours un chemin pour revenir, un chemin pour repartir, une porte qui permet d’entrer et de sortir, d’aller et de venir.” Elle réussissait donc avec des enfants, là où tout le monde, avant elle, avait échoué.

Mouna était vieille à présent. Les hommes avaient bâti de grandes armées et avaient décidé de les utiliser pour se faire la guerre. Mouna marcha seule jusqu’au champ où devait se dérouler la bataille. Elle déclara alors : “ Avez-vous seulement imaginé ce qui se passerait si un jour il n’y avait plus de chemin, plus de porte pour revenir, pour retourner à soi après la colère, après la guerre ? ”

Puis, Mouna retourna tranquillement chez elle. Quand elle ouvrit la vieille porte de sa vieille maison transformée en école pour enfants caractériels, la paix était faite, les chants d’enfants se répercutaient d’un ciel à l’autre. Les enfants, autrefois malentendants, chantaient des chants magnifiques et étaient dirigés par Loubna qu’elle reconnut à l’instant, même si elle ne l’avait pas vue depuis longtemps. Elle se sentit soudain redevenir petite.

Revint alors jusqu’à sa mémoire, la classe du CE2 où pour elle, avait commencé la conscience qu’un chemin existait, pour aller et venir, pour entrer et sortir, en toute liberté, un chemin de paix.

Antoine Caballé, le 20 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 10

Selçuk, Sévinç et la maison du lac ...

Selçuk se souvenait de Sévinç sa cousine, tout comme lui originaire de Turquie, mais qui vivait en Suisse, au bord du lac de Genève. Un soir, après la classe, elle était venue à l’école, et avait parlé au maître de Selçuk, au CE2 de Montplaisir. Cette visite se situa le jour même où devaient être signés les contrats d’alliance. Ce jour là précisément, Selçuk n’avait pas pu, ou plutôt pas voulu venir, préférant jouer au football dans la rue Pierre Loti. Et sa cousine qui avait juste son âge, avait même signé à sa place le contrat d’alliance.

À cette époque là, Selçuk ne travaillait pas très bien en classe, il faut dire qu’il était du mois de Décembre et donc qu’il était jeune, le maître avait donc expliqué à Sévinç ce que Selçuk devait faire pour faire des progrès. Selçuk écouta Sévinç, et depuis ce jour commença à bien travailler en classe.

Lorsqu’il fut grand Selçuk se rendit à Genève où Sévinç lui montra une maison en ruines au bord du lac. Cette maison était immense, on aurait dit un château. Selçuk décida d’acheter cette maison avec tout le terrain autour dont personne ne voulait, puis de tout réparer et reconstruire afin d’accueillir des enfants abandonnés.

Les travaux durèrent très longtemps, il faut dire que Selçuk travaillait en semaine et consacrait tous les week-end à réparer seul la maison. Les voisins se moquaient parfois en disant : “Une maison abandonnée pour les enfants abandonnés, mais où sont les enfants, quand la maison sera terminée il n’y aura plus d’enfants ”

Quand Selçuk fut vieux, il y eut une guerre terrible entre beaucoup de pays du monde, et beaucoup d’enfants se trouvèrent sans famille. Mais la maison de Selçuk, cette fois-ci, enfin terminée, était si grande qu’elle put accueillir tous ces enfants et qu’il restait encore de la place.

Un soir, Sévinç rendit visite à Selçuk. Lorsqu’elle pénétra dans la maison, elle se sentit redevenir petite, elle trouva Selçuk redevenu petit lui aussi, comme au temps du CE2, chantant avec des milliers d’enfants, parmi lesquels se trouvaient Mouna accompagnée d’enfants autrefois caractériels. Tous les enfants chantaient, et la maison s’ouvrit et s’envola, comme un oiseau dans un ciel d’été.

Antoine Caballé, le 22 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 11

Farid, le football et les déserts fleuris...

Farid se souvenait de ce jour où Mohamed du CM1 était venu le chercher à l’étude, en classe de CE2. Ils devaient tous deux se rendre à l’Olympique de Saint-Étienne pour passer un test. Farid préféra ce soir là rester à l’étude. Mais, une fois rentré chez lui, il réfléchit : peut-être venait-il de manquer sa chance d’être sélectionner. Farid décida alors de ne plus jamais laisser passer sa chance et il mit toutes ses forces à s’entraîner très dur. Effectivement, il devint professionnel. Il joua à l’Olympique de Saint-Étienne, après avoir fait ses débuts à Montchovet. De l’Olympique, il passa en juniors à l’association sportive de Saint-Étienne, puis il joua à Paris, à Milan, à Barcelone, à Alger.

Il devint même un joueur international célèbre dans le monde entier. Un jour qu’il jouait en Afrique dans un pays où le désert ne cessait d’avancer et où les enfants mouraient de faim, il décida avec son équipe que toute la prime de match irait à une association qui travaillait contre la désertification de la planète. Un géographe lui expliqua alors les raisons scientifiques de la désertification. Il s’agissait en fait d’un cercle sans fin : plus les déserts grandissaient, moins la verdure était là pour humidifier l’air, et moins donc la verdure était là, moins il pleuvait, et moins il pleuvait plus les déserts grandissaient, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. Il fallait briser le cercle, faire venir de l’eau, soit en creusant des puits, soit en drainant des canaux.

Lorsqu’il eut terminé sa carrière de footballeur, Farid décida de s’attaquer à ce problème, d’y consacrer tout son temps tout son argent. L’idée de Farid était simple : il fallait faire venir l’eau d’où elle était et donc creuser des canaux. Or, non loin du pays désertique, se trouvait un grand pays, l’Égypte, avec un fleuve immense, le Nil, qui lorsqu’il était en crue dévastait tout sur son passage. Farid organisa de grands travaux avec l’aide des gouvernements de plusieurs pays, et finalement l’eau arriva dans des villages désertiques. À chaque fois que l’eau arrivait quelque part c’était la fête et les cris de joie. Les crues du Nil furent, du même coup utiles, toute l’eau venant alimenter les canaux. L’idée de Farid fut reprise par bien des gens, de beaucoup de pays, tant et si bien que lorsque Farid fut vieux, tous les désert ou presque étaient transformés en jardins. Farid se sentit redevenir petit, il leva les yeux au ciel et vit une maison qui volait dans un ciel d’été.

Antoine Caballé, le 24 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 12

Nouri et la première règle de la classe : la parole de l’autre..

Nouri se souvenait qu’il coupait souvent la parole des élèves de sa classe au CE2, et parfois même il coupait la parole au maître. Tous les vendredis quand il faisait du karaté, son professeur lui demandait de se contrôler, mais Nouri n’y arrivait pas bien. Pourtant, dans cette classe la première règle était le statut de la parole. Autrement dit : l’écoute de la parole de l’autre.

Son maître répétait très souvent que l’essentiel était dans le coeur. Mais comment laisser venir ce qui était dans le coeur de chacun si on commençait par ne pas l’écouter ?

Nouri grandissait et travaillait toujours très bien à l’école ... Il comprit que beaucoup de guerres et de disputes entre des gens venaient de ce qu’ils ne s’écoutaient pas. Un jour, il assista à un accident de la circulation, -heureusement sans gravité-, entre un cycliste qui descendait une rue très pentue, et une petite fille qui traversait la chaussée. La maman de la fillette et le cycliste se disputaient mais sans s’écouter vraiment. C’était à celui ou à celle qui crierait le plus fort. Nouri leur demanda tout d’abord de se taire, puis, de parler à tour de rôle en s’écoutant. La maman de la fillette reconnut alors que la petite fille s’était échappée de sa main et s’était enfuie d’un coup en courant. Le cycliste put à son tour expliquer que, s’il roulait si vite dans la descente, c’est que ses freins avaient malencontreusement lâché. Alors, ils se réconcilièrent et ils admirent que leur dispute provenait essentiellement de la peur qu’ils avaient éprouvée. Plus tard, le cycliste devint même un grand ami de la famille de la petite fille.

Dès lors, Nouri enseigna partout aux gens à s’écouter, à faire la paix, à ne plus se disputer inutilement. “Il existe toujours quelque chose à apprendre d’un autre surtout lorsqu’on ne le comprend pas et que notre première réaction serait de lui reprocher d’exister...” répétait-il souvent.

Nouri travailla tant et tant à réconcilier les hommes, que lorsqu’il fut bien vieux, la paix avait gagné toute la terre. Un jour qu’il se promenait dans un jardin fleuri, il lut sur une vieille plaque toute rouillée cette inscription : “Autrefois ici, il y eut un désert nommé Sahara”. Il se sentit redevenir petit, lorsqu’il reconnut Farid, redevenu petit lui aussi, qui pêchait dans l’eau d’un canal.

Antoine Caballé, le 28 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 13

Younes et la deuxième règle de la classe : l’amour des choses..

Younes ne faisait rien à la maison, je veux dire qu’on rangeait tout pour lui et que lui ne rangeait rien. Sa maman, son papa, ses grands frères et grandes soeurs s’occupaient de tout pour lui, le benjamin de la famille, tant et si bien que lui n’apprenait jamais rien. Ainsi, Younes prit la très mauvaise habitude de ne jamais ranger ses affaires et de toujours compter sur les autres.

Lorsque Younes entra au CE2, l’une des trois règles de la classe était “la bonne gestion du matériel”. En début d’année tous les problèmes scolaires de Younes semblaient provenir de ce qu’il rangeait très mal ses affaires, qu’il ne retrouvait pas toujours son matériel de travail ... et ses idées du coup s’emmêlaient aussi, jusqu’au jour, où il joua dans une pièce de théâtre, le personnage de Louis Braille adulte. Il joua si bien ce personnage qu’il comprit que pour progresser dans le domaine matériel ou d’autres domaines, il lui suffisait de faire preuve d’ordre et de méthode. C’est ainsi et pas autrement que Younes avait d’ailleurs appris à bien jouer son rôle de “Louis Braille”, comme d’ailleurs Louis Braille l’avait lui-même toujours fait pour parvenir à ses découvertes.

Lorsque Younes grandit, il se mit à très bien travailler en classe, car il se souvenait toujours d’avoir très bien jouer son rôle lors de la visite du musée, filmée par monsieur Marchand, qu’à force de méthode. Il décida dès lors que “chaque chose avait une place et qu’il existait une place pour chaque chose”. Lorsqu’il fut adulte, il aida partout les hommes à ranger les choses qui étaient compliquées ou en désordre; tout ce qu’il disait ou faisait, était

d’ailleurs simple, rangé, ordonné.

Lorsqu’il fut vieux, il trouva une vieille montagne il décida d’y vivre, et passa son temps à ranger les pierres tombées des vieilles murettes abandonnées et qu’il trouvait lors de ses promenades. Un soir, il vit arriver des hommes et des femmes, des enfants de tous les pays qui décidèrent de cultiver la terre comme autrefois et la montagne redevint un immense champ de blé, de légumes, de fruits et de fleurs. Chaque chose avait une place et une place était pour chaque chose. Il se sentit redevenir petit et vit Nouri assis dans une clairière avec beaucoup de gens, parlant chacun à tour de rôle. Younes se souvint alors que dans la classe du CE2, il y avait trois règles, écrites nulle part ailleurs que dans le coeur de chacun.

Antoine Caballé, le 28 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 14

Férat et la troisième règle : l’amitié.

Férat se souvenait que dans la classe du CE2, il y avait trois règles, écrites nulle part ailleurs que dans le coeur de chacun. Chacune de ces règles ne pouvait tenir vraiment que si les deux autres étaient habitées. La troisième et dernière règle, la plus importante sans doute de toutes, était celle de l’amitié, de la bienveillance que chacun devait à chacun.

Férat se souvenait aussi de cette course du cross départemental USEP qui l’avait vu finir parmi les derniers : tout le monde avait néanmoins beaucoup applaudi à son arrivée. Il faut dire que Férat était taillé comme un lanceur de javelot, grand et fort, et qu’il n’avait rien, physiquement, d’un marathonien.

Il alla, lorsqu’il fut adulte, vivre quelques temps sur une montagne pour méditer sur l’amitié entre les hommes, la bienveillance envers tous. Là, il rencontra un vieil aigle qui devint son ami. L’aigle établit non loin de lui son aire et nicha juste sur les parois de la grotte où vivait Férat. Férat vit naître un aiglon d’un oeuf que l’aigle couva fort longtemps. Le temps approchait où Férat avait projeté de revenir vivre parmi les hommes dans les plaines, quand, le jour même de la naissance de l’aiglon, l’aigle fut touché par une flèche perdue d’un chasseur maladroit et disparut à tout jamais. Férat resta quelques temps encore dans sa grotte sur la montagne auprès de l’aiglon afin de l’élever jusqu’à ce que celui-ci fût autonome et capable de se débrouiller seul.

Lorsque Férat jugea que le jeune rapace était assez grand et fort, il lui fit ses adieux et prit le chemin du retour vers les humains. Quelle ne fut pas alors sa surprise, de voir que l’aiglon le suivait. Malgré les injonctions de Férat, l’oiseau ne voulut plus retourner vivre vers la montagne.

L’aigle grandit. Il devint l’ami des enfants et des hommes et ne quitta plus jamais Férat qui gagnait sa vie en faisant faire le baptême de l’air sur le dos de l’oiseau, aux bébés tout juste nés.

Lorsque Férat fut vieux, il se sentit redevenir petit. Monté sur le dos de l’oiseau, il survola une montagne transformée en jardin. Il se posa auprès de Younes devenu petit lui aussi et l’invita à le rejoindre sur l’aigle qui s’envola aussitôt.

Antoine Caballé, le 28 06 97.

Histoire des enfants de la classe numéro 15

Farid et la course à pied autour du monde.

Farid aimait la course à pied, depuis cette année de CE2, où il remporta le cross cantonal USEP. Lorsqu’il fut plus grand, il s’inscrivit au club Coquelicot à Saint-Étienne. Il s’entraîna beaucoup et devint champion du département de la Loire. Puis il fut champion de la région Rhône Alpes. Il devint ensuite champion de France, puis champion d’Europe. Il finit même par gagner les jeux olympiques du marathon. Grâce à la médaille d’or, il fut très connu. Les enfants l’aimaient beaucoup, car il ne refusait jamais un autographe. Très sensible à la misère du monde, il décida de faire un tour du monde de la paix en courant à pied tout autour de la planète. Il était si célèbre que tous les jours, les journaux parlaient de son passage, dans telle ou telle ville, de telle ou telle frontière, par tel ou tel pays.

Il traversa l’Europe : il vit Latifa qui enseignait des enfants aveugles, Yassin qui gommait des frontières, Mumin qui faisait rire des enfants dans un cirque, Zohra qui portait un mouton à cinq pattes et Hayette qui soignait les animaux blessés. Plus loin, au Pôle Nord, il aperçut Houria enseignant aux bébés phoques à jongler avec le ballon monde ; il rencontra Nesrine au Groenland qui dessinait et peignait directement sur la terre ... En Alaska, il croisa Loubna parlant des mains avec des malentendants ; au Canada il reconnut Mouna faisant une ronde avec des enfants autrefois caractériels ; aux États-Unis, il rencontra Farid discutant avec le président américain pour obtenir des subventions pour la construction de puits et de canaux en Afrique ; au Mexique, il salua Nouri qui appliquait la première règle de la classe en donnant la parole à tour de rôle à chacun des gens qui autrefois se disputaient. En Afrique, il salua Younes qui rangeait chaque chose à sa place ; en Australie, il vit la maison de Selçuk et Sévinç qui volait. Lorsqu’il fut bien vieux, il arriva en Asie il vit l’aigle de Férat. Il se sentit alors redevenir petit comme au temps du CE2.

Il monta sur l’aigle de Férat et rencontra là tous les enfants de la classe du CE2. Il manquait seulement Hayette qui arriva montée, parmi des myriades d’enfants, sur un autre aigle, que Férat et son aigle reconnurent aussitôt : l’aigle blessé brutalement disparu de leur histoire, c’était l’aigle de l’histoire de Hayette. Les yeux rougis de joie et de larmes, Farid s’envola pour un nouveau tour de terre, avec tous ses copains du CE2, qu’il n’avait pas oubliés.

Antoine Caballé, le 28 06 97.

Antoine Caballé