Annexes numéro 4. Lettres aux alentours de la thèse

Antoine CABALLÉ

le 29 01 97

À René CAILLEAU et Guy AVANZINI

De la contribution à l’élaboration d’une liste de pédagogues chrétiens en vue de la rédaction d’une encyclopédie ... plus quelques lignes d’un post-scriptum ..

Bonjour. Voici donc une liste qui n’est pas, bien sûr, de très très loin s’en faut, ni exhaustive ni à prétention à l’être : seulement évocatrice aujourd’hui d’un point personnel avec moi-même. Le problème me semble être le suivant : pas plus le christianisme, que l’évangile qui le fait naître et vivre sans doute, ne proposent une nouvelle pédagogie au sens classique du terme, c’est à dire de méthode.

Christianisme et évangile sont d’une certaine manière l’expression ou l’émanation en eux mêmes d’une autre pédagogie, pédagogie d’ailleurs indicible en dehors même de la personne du Christ, pédagogie d’une autre nature, chemin de Dieu vers l’homme, qui de par le mystère de l’incarnation et de la croix, n’annule mystérieusement pas la part de l’homme, mais au contraire la féconde et le révèle à une liberté nouvelle. Ceci est finalement un peu le sujet de ma thèse en cours “Bible et éducation”.

À l’instar des premiers disciples il se pourrait que tout chrétien soit dès lors comme un pédagogue malgré lui, traversé qu’il est par un Amour dont il ne maîtrise ni la force ni l’intelligence ni la profondeur, mais dont il vit cependant, et dont il tient ce qu’il ne contrôle donc pas : sa propre force, son intelligence, sa compréhension des choses et des êtres, ce dont il essaie de rendre compte. Dont il rend compte parfois malgré lui. Parler d’éducateurs ou de pédagogues chrétiens est dès lors problématique : car où commence et où s’arrête la pédagogie chrétienne ?

J’ai donc trop rapidement dressé une première liste, que je compléterai peut-être, si nécessaire, si possible, si vous le voulez bien, au fur et à mesure, dans les mois qui viennent, lorsque je pourrai connaître l’état des lieux de l’avancée du projet, et les articles qui sont prévus, car j’ai dû oublier, consciemment ou inconsciemment, beaucoup de personnes.

Pour lire cette liste, il faut bien entendu entendre, qu’elle est certainement fortement influencée par les racines protestantes de mon éducation.

J’ai plus que conscience d’avoir élargi presque au maximum le cadre pour finir par considérer comme éducateur tout témoin engagé ... tout en oubliant bien entendu beaucoup plus de personnes que je n’en cite. Mais au stade de recherche et de l’investissement actuel, n’est-ce pas ce qu’il est souhaitable de faire ? C’est ce que j’avais cru comprendre lors d’un entretien téléphonique avec RENÉ CAILLEAU. En espérant avoir été un peu utile à votre travail. Amicalement Antoine Caballé.

Post scriptum :

La liste qui suit est un peu plus complète que celle envoyée à René CAILLEAU, et Guy AVANZINI, et, j’ignorais lors de la rédaction de cette lettre qu’il ne serait question que de pédagogues francophones.

Il reste que la présence dans ce document, de cette liste, et de cette lettre, se justifie, pour inviter à une réflexion, sur au moins trois axes.

- 1 À l’évidence, ces pédagogues cités, déjà fort nombreux, pourraient l’être bien davantage ... Nous sommes devant une question énorme ... Le refoulement , ou l’enfouissement de ces deux derniers siècles, tels que nous les avons d’ores et déjà soulignés, n’en sont que plus constatés ...

- 2 À l’évidence, il ne semble pas ressortir de méthodes communes, ni de pratiques communes, mais au delà de la référence commune accordée au Christ, en dépit des querelles théologiques, voire, des guerres de religions, il existerait un prix commun accordé à Dieu et à l’homme au moins sur un plan strictement référentiel ...

-3 À l’évidence, enfin, selon l’acception typiquement biblique, et chrétienne, de ce que notre travail cherche à définir comme une autre pédagogie, tout chrétien est pédagogue ... dès lors qu’il se réfère à sa foi et qu’il en témoigne. Au delà, encore, tout homme est susceptible de devenir pédagogue, même malgré lui, c’est à dire, à un moment précis, témoin du Christ, parole du Christ, pour le chrétien qui saura en recevoir le message. Nous assisterions dès lors à une sorte de réversibilité, une réciprocité, à échelle humaine de l’acte d’une éducation appréhendée à l’échelle divine, selon la Bonne Nouvelle de l’évangile. Il est certes intéressant mais il s’agirait d’une autre étude que la nôtre, de chercher la spécificité des “pédagogues “ chrétiens, “pédagogue” étant entendu dans l’acception contemporaine courante et dominante du terme.

Marie, Élisabeth, Jean le Baptiste.

L’ensemble et chacune des rencontres de Jésus ou des apôtres dans le Nouveau Testament. Pierre, Paul, et l’ensemble des apôtres, Étienne,

Saint IRÉNÉE de Lyon,(2° siècle),

CLÉMENT d’Alexandrie (150,215), Saint ANTOINE d’Égypte (251 -356 ),

SAINT CYRILLE de Jérusalem (313/315 -386 ) et la catéchèse baptismale, Saint Martin de Tours (316-397), Saint AMBROISE (330/340 - 397 )

BASILE de Césarée (330-379), Saint AUGUSTIN (354-430), Saint GRÉGOIRE de Nazianze (330-390), Saint GRÉGOIRE de Nysse (335-395), Saint JÉRÔME (347-420), Saint PAULIN de NOLE (353-431) et son ami et son maître AUSONE (310-385)

Saint CYRILLE d’Alexandrie ( 376/380 - 444 ) et l’orthodoxie de la doctrine de l’incarnation.

MÉLANIE l’ancienne (349-410) et sainte MÉLANIE la jeune (383-439),

JEAN CHRYSOSTOME (359 - 407) et son diacre JEAN CASSIEN (saint) (355-435)

Saint BENOîT de Nursie (480-547), CÉSAIRE d’Arles (saint ) (470-543)

BÈDE LE VÉNÉRABLE ( vers 672 - 735 ) et WINFRID ou Saint BONIFACE (675-754 ), Saint BENOÎT D’Aniane (750-821) ; POTHIOS (Saint Orthodoxe 820 895 env.) Saint CYRILLE le philosophe ou saint CYRILLE de Salonique (827-869) l’alphabet cyrillique ou l’alphabet glagolitique, et son frère MÉTHODE (825-885), THÉODULF (milieu du VIII ° siècle - 821 ) et CHARLEMAGNE ( 742-814), GERBERT d’Aurillac, d’Aquitaine ou de Reims (938 (39-40)-1003) futur pape SYLVESTRE II, ROBERT DE MOLESME (1029-1111) fondateur de l’abbaye de CÎTEAUX et Étienne HARDING (1066-1134) maître de Saint BERNARD fondateur des cisterciens “la carta caritatis” de 1119.

Saint ANSELME(1033-1109), Saint BERNARD de Clairvaux (1091-1153), HILDEGARDE de Bingen (sainte ) (1098-1179), Pierre LOMBARD (entre 1100 et 1110 - 1160). Guillaume de CHAMPEAUX et l’école de Saint Victor de Paris au XII° siècle (Richard, André , Hugues, Godefroy de SAINT-VICTOR), Pierre VALDO (VAUDÈS 1140-1206), Saint DOMINIQUE de Caleruega (1170 - 1221) ; Saint FRANçOIS d’Assise (1181/82-1226), Robert de SORBON (1204-1274), Saint BONAVENTURE (1221-1274), Saint THOMAS D’AQUIN (1228-1274)

Ramon LULL (1235-1315), ECKHART (Maître) (1260-1327)

John WYCLIF (1320-1384), Christine DE PISAN (1363-1430) et la cité des dames.

DE GERSON (Jean CHARLIER) (1363-1429) Jan HUS (1371-1415), les Moraves

XIMENEZ DE CISNEROS (1436-1517) la Bible d’Alcalà son université et l’organisation du clergé espagnol. LEFEVRE D’ETAPLES (1450-1537 ) ; Didier ÉRASME (1469-1536) Thomas MORE (1478-1535) LUTHER (1483-1546), Guillaume FAREL (1489 - 1565 ), BUCER Martin (Martin KUHHORN) (1491-1551 )

MELANCHTON (Phillipp SCHWARZED) (1497-1560) (disciple de LUTHER inspirateur du catéchisme -ou confession- d’HEIDELBERG (1563) conciliant Calvinisme et Luthérianisme ). Johannes HEUSSGEN ou HÜSSGEN (plutôt que HAUSSCHEIN) dit OECOLAMPADE (1482-1531), réformateur à Berne. ZWINGLI (1484-1531) de Zurich

Saint IGNACE de Loyola (1491-1556) Juan Luis VIVÈS (1492-1540)

Saint Jean de Dieu (Jâo Cidade) (1495-1550) ; John KNOX (1505 - 1572)

CALVIN (1509-1564), Bernard PALISSY ( 1510 - 1590) , CASTELLION Sébastien (1515-1563)

Sainte THÉRÈSE D’AVILA (1515-1582),Saint JEAN DE LA CROIX (1542-1591),

Saint François de SALLE (1567 -1622) CAMPANELLA Tommaso (1568-1639)

Saint VINCENT DE PAUL (1576-1660) Cornelius JANSEN (1585-1638) SAINT-CYRAN (Jean DUVERGIER DE HAURANNE -abbé de- 1581-1643 )

Jan Amos KOMENSKY ou COMÉNIUS (1592-1670) les moraves (suite),

PASCAL (1623-1662), John BUNYAN (1628-1688 ), Isaac LEMAISTRE DE SACY (1637-1698)

Les Quakers et George FOX (1624-1691) et William PENN (1644-1718),

Jacques Benigne BOSSUET ( 1627-1704) John LOCKE (1632-1704)

Nicolas BARRÉ (1621-1686), Miguel de MOLINOS (1628-1696),

Madame de MAINTENON (Françoise D’AUBIGNÉ) ( 1635 - 1719),

Pilipp Jacob SPENER (1635-1705) et le piétisme,

Madame GUYON (1648-1717) et le quiétisme, François FÉNELON (1651-1715),

Jean Baptiste DE LA SALLE ( 1651-1719) et les frères des écoles chrétiennes.

Claude BROUSSON (1647-1698) Antoine COURT (1695-1760)

Charles ROLLIN (1661-1741) “Le traité des études” en 1726, “Histoire ancienne” (1730-1738)

Le comte Niklaus Ludwig ZINZENDORF (1700-1760) fondateur des “herrnhuters” restaurateur des moraves hussites, John WESLEY ( 1703-1791) fondateur du méthodisme,

David HUME (1711-1776)

Abbé Charles ÉPÉE (1712-1789) Marie DURAND (1716-1776),

Jean Frédéric OBERLIN (1740-1826), RABAUD SAINT ÉTIENNE Jean Paul (1743-1793)

PESTALOZZI (1746-1827), l’abbé HenrI GRÉGOIRE (1750-1831 ),

Père Grégoire GIRARD (1765-1850, Père Gabriel DESHAYES ( 1767-1841)

Anne-Marie JAVOUHEY ( 1779 - 1851 ) fondatrice de la congrégation de Saint -Joseph de Cluny,

Élizabeth FRY (1780-1845) et les prisons britanniques,

Félicité Robert DE LAMMENAIS (1782-1854 )

Jean Marie Baptiste VIANNEY (Curé d’Ars) (1786 -1859)

Henri LACORDAIRE (1802-1861), Antoine Frédéric OZANAM ( 1813-1853)

Jean MONOD ( 1765-1836) Frédéric MONOD (1794-1863) Félix NEFF (1797-1829 ) , Adolphe MONOD (1802-1856), MONOD Théodore, MONOD Wilfred

SCHLEIERMACHER (1768-1834) , SABATIER Auguste (1839 -1901) , Eugène MENEGOZ et le fidéisme protestant.

MALVESIN Caroline (1806-1889) fondatrice de la communauté protestante des diaconesses à Reuilly, Hans C. ANDERSEN (1805-1875), Louis BRAILLE (1809-1852), Sören KIERKEGAARD (1813-1855),

Jean BOSCO (1815-1888), THOREAU Henry David (1817-1862), TOLSTOI Léon (1828-1910)

John BOST (1817-1881) fondateur de l’oeuvre de la Force protestante.

Abbé Louis ROUSSEL (1825-1897) fondateur de l’oeuvre des orphelins apprentis d’Auteuil.

BOOTH Catherine (1829-1890) et William (1829-1912) et l’armée du salut,

Pauline KERGOMARD (1838-1925), Adolf VON HARNACK (1851-1930)

BODELSCHWING ( ... - 1910). Fondateur de la cité hospitalière de Bethel près de Bielefled en Allemagne). BADEN-POWELL (le baron de ) alias Robert Stephenson SMYTH (1857-1941)

FOUCAULD Père (1858-1916) E. DÜRRLEMAN fondateur de la Cause protestante

LAGRANGE Marie-Joseph (1855-1937) ALBERT SCHWEITZER (1875-1965)

Maurice BLONDEL(1861-1949) Maria MONTESSORI (1870-1952),

CLAUDEL Paul (1868-1955) , PÉGUY Charles (1873-1914),

Thérèse MARTIN (sainte ) (1873-1897),TEILHARD DE CHARDIN (1881-1955), Marcel JOUSSE, (1886-1961), MOUNIER Emmanuel (1905-1950),Georges BERNANOS (1888 -1948 ), Théo PREISS (1910-1950), Frank BUCHMAN, (1878-1961), Philippe VERNIER, Gabriel MARCEL (1889-1973), BARTH Karl (1886-1968), TILLICH Paul, NIEMÖLLER Martin (1892-1984), BONHOEFFER Dietrich (1906-1945), Alexandre SOLJENITSYNE, PATON Alan, Karl ROGERS, Jacques MARITAIN (1882-1973) et Raïssa, moines de l’abbaye de Maredsous, LÉGAUT Marcel, Pierre FAURE, Henri NICK (1868 - 1954 ), André TROCMÉ, Franz STOCK, NEE TO-SHENG ou Watchmann NEE (1903-1972), LANZA DEL VASTO, Simone WEIL (1909-1943), Edith STEIN, Antoinette BUTTE (1898-1986), Roger SCHUTZ, Jean BERTHOUZE , Billy GRAHAM, NEILL Alexander Sutherland , Jacques PIVETEAU, PIERRE abbé, TÉRÉSA soeur, EMMANUELLE soeur, Martin Luther KING, Ivan ILLICH et Everett REIMER, CESBRON Gilbert, Paulo FREIRE, JEAN XXIII et PAUL VI, Marie Odile PEAUCELLE, Jacques FESCH, Dom HELDER CAMARA, Maurice ZUNDEL (1897 -1975), Jean Paul II, Émile GRANGER, Marguerite Marie ROBERT, Jean BARBIER, Jean Paul KAUFFMANN, Françoise DOLTO, Joseph WRESINSKI, Jacques BENOÎT, Christian DELORME, Thomas ROBERTS et les tentes de l’unité, Denis VASSE, Paul BEAUCHAMP, Jean VANNIER, Clément LE COSSEC ,David WILKERSON, Juan Carlos ORTIZ le mouvement de la Pentecôte et charismatique, Jean DÉLUMEAU, Michel TOURNIER, Jean GROSJEAN, Pierre Marie BEAUDE, Daniel BOURGUET, Rigoberta MENCHù, CLAVEL Maurice, HOURDIN Georges, VAUCANSON Marcelle, Madeleine DELBRÊL (1904-1964), Jean VANIER, Marie BALMARY, René GIRARD.

Antoine CABALLÉ

le 30 08 95

À Linda et Thierry

De la singularité biblique par rapport au Coran

Antoine Caballé Saint-Étienne le 30 Août 1995

Mas Eulàlia Bénière

42 330

Saint Bonnet les Oules

Chers Linda et Thierry

Bonjour

Comment allez-vous ? Iny et Thomas vont bien.

Quant à moi, j’ai bien été opéré, comme prévu, et tout s’est assez bien passé même si, après une semaine d’hôpital, je n’en ai pas fini avec ma rééducation et ma convalescence. Il reste à présent, en effet, à retrouver un usage plus normal du bras droit encore un peu tuméfié et ankylosé après une ablation d’un matériel relativement important.

Notre maison a longtemps été “pleine” de hollandais, aussi j’ai essayé de travailler le matin à la rédaction de la thèse tout en me gardant l’après-midi pour la famille.

Depuis le 5 Août, notre maison est plus vide. Nous sommes restés tout ce temps chez nous où nous avons également entrepris quelques travaux de peinture des fenêtres. Nous vous proposons de vous inviter chez nous où vous n’êtes jamais encore venus.

Si les familles R. et B. le désirent elles pourraient se joindre à nous. Nous leur téléphonerons, le temps venu, comme à vous autres, afin de savoir.

Dans tous les cas nous pourrions avoir cette rencontre après la rentrée.

Mais je vous écris surtout en vue de mieux m’expliquer suite à notre discussion animée de l’autre soir, le mois dernier, à Saint-Jean Bonnefonds. Tu te souviens, Thierry, de notre court échange, parfois orageux, sur les thèmes de la Bible et du Coran, de l’Islam et de l’Évangile. Sans doute ai-je, pour ma part, manquer d’écoute et d’accueil ... En effet, il est essentiel d’accueillir tout point de vue, tel qu’il est, tel qu’il s’expose avant de le contredire éventuellement. Telle est la première condition de tout dialogue. Telle est sans doute également la première annonce de l’évangile.

Alors que je parlais de bienveillance, je haussais le ton et les mots qui sortaient de ma bouche semblaient, par leur dureté ou leurs extrémités, contredire l’intention initiale. J’avais souvent l’impression qu’enjambant les causes et les fondements d’une argumentation nous avions tendance, l’un et l’autre, à passer directement aux conclusions, ce qui ne manquait pas de nous diviser, de nous opposer même, en rendant le dialogue difficile pour ne pas dire impossible.

Je m’excuse pour ma part, pour ce manque d’accueil envers toi. Reste que, si le sentiment de trouble qui s’en est suivi m’oblige à poursuivre la réflexion et à vous écrire, cela n’est certainement pas tout négatif.

Je vais donc à présent tenter d’éclairer le sens de ma position sur ce sujet en restant à votre disposition à l’un et à l’autre si vous souhaitiez poursuivre le dialogue.

Tout d’abord, une première remarque qui a son importance. L’évocation de la question de la foi qui est au centre de l’annonce chrétienne évangélique et biblique provoque naturellement des divergences, des éclats de voix voire des discordances pouvant même, dans le feu de la discussion, apparaître à chacun des partis comme essentielles. Il ne faut pas s’en étonner.

En effet, la foi suppose au moins la mise en jeu plus ou moins explicite -de toute façon une part d’implicite demeure toujours par définition non seulement de la foi mais de tout langage, toute parole ou action humaine- de deux points de vue : le point de vue de Dieu, le point de vue de l’homme.

Entre les deux la tension est inévitable, probablement nécessaire. La foi naît, se nourrit, grandit, se développe et se définit même dans cette incontournable tension.

La présence de l’interlocuteur introduit encore un point de vue tiers, source de complications supplémentaires ... Dès lors, en effet la tension se complique du fait des représentations que chacun se fait pour sa part de celui à qui il s’adresse comme de lui-même et de Dieu, ainsi que de la difficulté qu’ont les mots dont il dispose pour traduire ce qu’il essaye d’exprimer, la distance entre ce qu’il croit avoir dit et ce qui a été réellement effectivement dit, ou encore, ce qui a été vraiment, par l’interlocuteur, entendu.

J’ajoute que la foi, dès l’origine, se découvre dans la relation au Dieu vivant et non comme une théorie, comme une pensée voire une morale, une spiritualité particulière ou une idée. Évoquer l’’histoire de cette relation au travers de la Bible et c’est déjà Dieu qui se révèle en quelque sorte même si cette révélation provoque en retour une étrange cacophonie.

Toute relation est, par définition, d’abord vivante avant d’être cohérente puisqu’elle met en jeu des êtres vivants et s’inscrit dans le courant de la vie de tous les jours.

D’ailleurs, ni la Bible dans son ensemble et encore moins les évangiles ne se présentent comme un traité théorique ou exclusivement pratique, théologique ou métaphysique, voire philosophique, mais comme une histoire racontée, dans laquelle donc, Dieu peu à peu, jour après jour, temps après temps, se révèle. Cette révélation dans la perspective chrétienne s’accomplit en Jésus. L’enjeu ici n’est pas un savoir qui enflerait l’esprit mais tout simplement la vie ou en tout cas, pour le moins, un sens décisif donné à celle-ci.

Nous pouvons lire toute l’histoire biblique comme la lente révélation de l’enjeu de la vie ou la mort qui donne sens à la condition humaine et à chaque vie. Cette révélation est donnée et accueillie par et dans la foi qui rejoint et découvre par ailleurs l’aspect caché ou masqué des traditions, des raisonnements, des actions et des sciences des hommes, telle est l’une des actions effectives et visibles de l’annonce biblique dans le monde.

La foi, selon la Bible, s’inscrit, se révèle et s’écrit comme à l’intérieur d’une quotidienneté des plus banale: c’est Abram que rien ne semble prédisposer qui entend une parole qui l’envoie et l’invite à quitter une terre pour marcher selon une promesse. Je le mentionne car il est souvent cité comme le premier des croyants, mais nous pourrions multiplier les exemples.

Comme l’indique l’étymologie latine la foi est à l’origine un acte d’abandon de confiance absolue, sans volonté de réserve. Elle précède toute entreprise elle accompagne toute existence toute vie. On ne peut pas vivre sans foi, sans abandon, à la vie elle-même. Lorsqu’un homme dirait “Je ne compte que sur moi-même “ il mentirait sans le savoir car, encore faut-il que ce moi-même existe, et sa phrase le suppose, encore faut-il que le jour se lève aujourd’hui comme hier et demain et son discours le suppose, encore faut-il qu’il trouve à manger à boire etc...

Chacun dépend à la fois d’un tout autre qu’à travers la Bible nous appelons Dieu YHVH avant de le nommer Père, et de tous les autres, et de soi-même. Ceci est une réalité on ne peut plus objective.

La Bible donne un nom à ce tout autre en même temps qu’elle le révèle comme Tout Autre, puis comme Tout Proche, enfin cette expérience, cette rencontre est personnelle, même si elle introduit des liens d’une communauté nouvelle entre ceux qui y fondent désormais leur existence par ce qu’ils nomment la foi, fondement de toute existence.

Difficile donc de parler de la foi en termes de concepts statiques et définitifs. Saint Paul en donne pourtant une définition dans l’épître aux Hébreux (chapitre XI verset 11 ): “ ferme assurance des choses qu’on espère ... démonstration des choses qu’on ne voit pas.”

Autrement dit la foi serait un ferme assurance d’une espérance, d’une attente de quelque chose en devenir, et une démonstration se développant malgré ou grâce à l‘invisibilité et l’indicible.

Autrement dit encore, si nous admettons que tout discours toute pensée, toute attitude, toute action humaine reposent sur une foi initiale, un acte d’abandon et de confiance le plus souvent implicite ou même inconscient, le message biblique nous propose de rendre explicite cet implicite, de révéler ce qui était caché, de rendre conscient cet inconscient.“Je publierai des choses cachées depuis la fondation du monde” dit encore Jésus . (Matthieu XIII 35)

Ailleurs,évoquant le Royaume, il enseigne par la parabole du trésor caché. Un homme vendit tout ce qu’il avait pour le posséder. La révélation de l’aspect caché des choses est si précieux au sens premier du mot, si fondamental, que les demi-mesures ne sont plus requises.

Jésus nous dit bien encore que loin d’apporter la paix il apporte l’épée. (Matthieu X 34). Dans l’évangile de Luc il parle même d’un feu sur la terre et de divisions entre gens d’une même maison d’un même groupe. (Luc 12 49).

Un simple coup d’oeil dans le rétroviseur de nos deux mille ans d’histoire depuis que ses paroles ont été prononcées renforce encore leur sens. Les hommes n’ont en effet cessé de se battre au nom de l’interprétation qu’ils faisaient pour leur compte des paroles du Christ, du Christ lui-même.

Mais cette division, cette épée, ce feu opèrent d’abord à l’intérieur de chacun de nous face au mystère de la révélation biblique. L’homme ne vendit-il tout ce qu’il avait pour posséder ce trésor ? La découverte de ce qui était caché l’a conduit à devoir choisir entre ce trésor et tout ce qu’il possédait déjà avant d’en connaître l’existence ou avant de l’avoir trouvé.

Que votre parole soit oui, oui, non , non” dira encore Jésus (Matthieu V 37). Il nous faut choisir sans demi-mesure entre Dieu et Mamon,(Matthieu VI 24) dont on nous dit que le mot vient de l’araméen mamona qui signifie autant la propriété que la richesse ou l’argent 3469 .

Il nous faut choisir entre Dieu que nous ne possédons pas et ce que nous possédons. Entre les deux, point de compromis.

Si ce qui était caché, mais néanmoins présent, est tout à coup révélé et provoque l’occasion d’un tel choix, les dialogues et confrontations ne sont donc non pas seulement autorisés par l’annonce biblique mais encore comme provoqués par elle ... et fécondés.(1 Corinthiens XI 19)

L’accent biblique est bien le suivant: comme au tiercé, l’important c’est la mise, de bien choisir ce en quoi, celui en qui, nous avons décidé de placer notre confiance.

La question finale est la suivante : misons-nous sur ce que nous possédons ou sur ce que possèdent les hommes, les signes et insignes de notre, ou de leur, puissance, ou misons-nous sur l’Insaisissable Vivant Créateur de la Vie et de nous-même et qui se laisse pourtant saisir, qui est Tout Autre que nous-même mais qui décide de vivre en chacun de nous pourvu que simplement nous en acceptions l’offrande, pourvu que nous en choisissions la mise ?

Je mets devant toi la vie et le bien et la mort et le mal” dit l’Éternel à Moïse dans le livre du Deutéronome (XXX 15 à 19) ... et il ajoute ... “ Choisis la vie afin que tu vives toi et ta postérité ...”

Il s’agit en effet comme dans une course de miser sur le bon cheval, sachant qu’ici, celui qui organise le jeu, qui nous en révèle l’importance est Dieu lui-même, et c’est Lui qui nous demande de miser sur Lui-même. Ce qui revient à dire que sans la révélation qu’Il nous fait nous ne pourrions rien connaître de cette course dont le prix est d’avoir accès à la communion de pensée, d’action, de prière, communion d’amour et de vie en lui. La Vie Éternelle.

Car, comment le connaître, en dehors de sa révélation, son intervention, son initiative, puisqu’il est le Tout Autre, et se révèle justement comme tel dans la parole biblique?

Autrement dit : nous le connaissons par sa Parole sans laquelle nous ignorerions la possibilité du choix et l’accès au Royaume révélé par pure grâce et qui dépasse toutes nos espérances, toutes nos projections les plus folles.

Le bon sens et l’intelligence nous poussent donc à miser sur Lui, car, comme le signale PASCAL, dans son fameux pari, il n’y a rien à perdre mais tout à gagner à faire le pari de Jésus-Christ.

Cependant, si tout paraît intellectuellement simple, le renoncement à nous-même que suppose le choix que nous faisons ne se fait pas sans blessure, sans combat.

À Péniel, Jacob, petit fils d’Abraham, lutta toute une nuit, il en devint boiteux, mais désormais il marcha avec Dieu, et s’appela Israël ce qui signifie lutteur avec Dieu.

(Genèse XXXII 22 à 32)

“Ton nom ne sera plus Jacob mais Israël car tu as lutté avec Dieu et les hommes et tu as été vainqueur.” ( Genèse 32 verset 28).

N’avons-nous pas, en germes, dans ce combat de Jacob et son dénouement, la bénédiction qu’il reçoit de la part de son adversaire et le coup qui le blesse à la hanche, avant qu’ils ne se quittent, toute la genèse et tout le développement de la suite de l’histoire biblique qui conduira de Noé à Abraham à la naissance et la vie d’Israël à la venue Jésus, à l’église de la Pentecôte, jusqu’à nous ?

N’est-ce pas là aussi que s’origine le sens caché de l’alliance exprimé dans la circoncision que Dieu ordonna aux enfants d’Israël ?

Avec Jésus, comme l’avait déjà annoncé le prophète Jérémie (XXI 33), l’alliance nouvelle nous fait entrer dans la perspective de Dieu lui-même comme une évidence qui pour ceux qui en partagent l’expérience ne se discute même plus -ce que nous discutons est ce que nous en comprenons non sa réalité-. Paul écrira : “ Mais le Juif c’est celui qui l’est intérieurement; et la circoncision, c’est celle du coeur, selon l’esprit et non selon la lettre.” (Romain II 29). Nous sommes donc désormais juifs, enfants de Jacob, héritiers de la promesse comme l’esprit d’adoption qui crie en nous “abba” ce qui signifie papa, en témoigne. (Romains VIII 15).

S’écrivant donc dans notre coeur qui, dans la culture hébraïque, symbolisait le centre, semble-t-il, moins des sentiments, nous dit-on, que de la volonté, la circoncision invisible est la marque d’une blessure. Désormais, plus rien ne sera entrepris de par nous-mêmes seulement, mais comme Jacob, nous marcherons en toute chose en conseil avec Notre Père ... en claudicant.

Nous ne nous appartenons plus. La blessure invisible nous le rappelle à chaque pas. (Hébreux VIII 10; XX 16).

Pierre et Paul, apôtres de la première église, vivront jusque dans leur chair cette nouvelle relation dans la blessure, circoncision nouvelle, invisible mais réelle.

Pierre ayant annoncé dans sa jeunesse qu’il suivrait Jésus partout avant de renier lors de la nuit de la croix puis de confesser à nouveau son amour pour lui lors de la réapparition au bord du lac de Tibériade, s’entendit alors dire ces paroles.

En vérité, en vérité je te le dis quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mèneras où tu ne voudras pas.” (Jean XXI 8)

... Et on nous rapporte que Pierre mourut en martyr comme beaucoup des témoins de la première heure.

Blessure au coeur de notre volonté, révélée par le message de Jésus dont Paul aura eu la première expérience concrète, dès l’instant de sa spectaculaire conversion sur le chemin de Damas, en devenant aveugle pour un temps, avant de se confier et d’attendre qu’Ananias, envoyé par Dieu, ne le guérisse. Après avoir assisté, dans sa jeunesse, en complice, il gardait, à la mort d’Étienne, premier chrétien martyr, les vêtements de ceux qui le lapidèrent, il devint apôtre et exprima souvent cette tension nouvelle dans sa conscience de ne pas faire le bien qu’il voudrait et de faire le mal qu’il ne voudrait pas(Romains VII 21).

Je pense cette conscience nouvelle de notre incomplétude, de notre imperfection essentielle et personnelle, d’une grande importance car elle nous dépouille de nous-même en réponse à Dieu qui en Christ s’est dépouillé de tout pour nous.

Jésus, lavant les pieds de ses disciples, nous invitant à être serviteur les uns des autres, nous rappelle à la vérité profonde de ce poème de HÖLDERLIN : “Dieu crée les hommes comme la mer crée les continents, en se retirant.” 3470

Comme le combattant qui lutta contre Jacob se retira non sans avoir béni son adversaire et lui avoir donné un nom nouveau, une existence nouvelle.

Remarquons au passage comme l’identité de ce combattant reste, dans le texte biblique, floue et n’est pas dévoilée clairement. Seule est révélée à lui même, justement par le combattant inconnu, le nouveau Jacob, Israël.

On peut voir ce combattant de la nuit comme Dieu ou comme un ange de Dieu. Était-il le Christ ? Je suis incliné à penser fortement que s’il ne l’était pas il en représentait l’enjeu. Le Christ s’efface lui-même pour que nous naissions en tant que personne comme le fit ce combattant nocturne.

Le fameux hymne de la kénose-kenoo, signifie “se vida de lui-même” (Philippiens II) - exprime le mieux ce mystère et résume cet auto dépouillement de Dieu jusqu’à la mort sur la croix. Beaucoup ont vu là une singularité évidente, une de plus, la plus éclatante sans doute, du message chrétien. Dieu de lui même est descendu de son piédestal, et voici que ce qui était séparé, est devenu réconcilié, la transcendance se révèle dans l’immanence du don gratuit, don total absolu de la vie. Mystère de l’incarnation et de la croix.

Marcel GAUCHET 3471 , auteur à la mode non chrétien, regarde le christianisme, à cause de la kénose, comme la religion de la sortie des religions ... et il en reste là. L’homme désormais délivré de ces enchantements est livré à lui même.

Edgar MORIN, non croyant également, exprime ce même désenchantement avec le mérite d’une critique honnête de notre modernité. Il nous reste pense-t-il à désensorceler la pensée humaine de son ultime enchantement, elle même, c’est à dire des idéologies. Pour MORIN 3472 ,il nous faut à présent apprendre à gérer la complexité dans l’espérance sans autre transcendance que la réalité d’une fraternité nouvelle.

Mais si Dieu se retire c’est surtout pour mieux se rapprocher, nous adresser une parole et nous permettre d’accéder à son Règne. Nous pouvons lire aussi également dans le sens de ce rapprochement le lavement de pieds des disciples ou l’hymne des Philippiens dit de la kénose.

Dieu s’est retiré, comme le combattant de la nuit de Péniel, pour mieux se rapprocher et nous donner d’aimer et de reconnaître son Règne non plus seulement dans nos spéculations les plus aventureuses, mais là où il se trouve réellement comme l’annonce cette bénédiction donnée à Jacob, dans les gestes d’amour gratuit, comme le lavement de pieds des disciples ou la cène et toute la vie du Christ en portent témoignage et dont la croix est en quelque sorte le point d’ancrage, la blessure, la délivrance, la démonstration et la preuve vivante en nous-même par la résurrection qu’elle opère en prémisses et en réalité, déjà aujourd’hui dans nos vies comme en espérance.

Désormais, nous pouvons, comme nous en recevons l’exhortation, choisir librement Dieu et son Règne, l’élire à notre tour, comme lui, le premier, nous a élu ou au contraire, tristement, le refuser ce qui revient inexorablement à lui préférer, même si cette conscience n’est pas claire en nous-même, Mamon et ce qui nous constitue dans nos propres forces, plutôt que cette présence en dehors de nous-même, invitation à la communion au Règne de l’amour gratuit qui grandira dans notre faiblesse.

Henri BRAEMER 3473 dans le “Viens et Vois” du cinquantenaire que je viens justement de recevoir médite sur ces paroles de Jean : “ Nous connaissons que nous sommes passés de la mort à la vie à ce que nous aimons nos frères”.(1 Jean III 14 ). Nous qui pensions dans notre vie n’aller que de la vie à la mort, découvrons avec émerveillement et recommençons et redécouvrons sans cesse ce chemin qui va désormais de la mort à la vie.

Dieu donne ce qu’il ordonne.

Jésus va toujours plus loin qu’un simple énoncé de sentences, il accomplit sa parole, et nous donnera même par le don se sa propre vie la force d’accomplir ce commandement nouveau de l’amour envers les ennemis.

Car,comme l’annonce Jésus dans le sermon sur la montagne, inaugurant son ministère, celui qui fait se lever le jour et pleuvoir sur les bons et les méchants nous invite à aimer chacun d’un même amour (Matthieu V 44 à 45).

C’est cela la conversion : changement de centre, inversion des perspectives. La conversion ou changement de centre de celui qui désormais ne se confie plus en lui-même mais en Christ a pour fruit l’amour envers le prochain, notre frère, dans cette communion au don gratuit.

Communion d’amour avec Dieu lui-même, lui qui fait se lever le jour. Communion donc avec le jour qui se lève, page blanche pour chacun, au devant de chacun, comme aimait à le répéter soeur Antoinette. Et nous retrouvons là le chemin de l’alliance qui de Noé à Jésus, en passant par Abraham et Israël, de promesse en promesse, vient s’accomplir par le don du Fils lui-même.

Pédagogie de la communion au don gratuit.

Le lien que Jésus opère entre l’amour des ennemis et le jour qui se lève, indique son projet qui tout à la fois s’inscrit dans le cheminement de l’alliance et l’accomplit.

L’alliance faite à Noé (Genèse VIII 22),dont l’arc-en-ciel est le signe commence par la promesse faite par Dieu que tant que la terre subsistera, le jour et la nuit, le froid et la chaleur, les saisons, les semailles et les moissons, n’auront pas de fin, et s’accomplit en Jésus qui invite à communier avec l’intention et l’action divines.

Sera brisée désormais la séparation entre Dieu et l’homme par la communion qui est offerte dans le don du Saint Esprit, établissant entre eux la relation de père à fils.

L’homme désenchanté de lui-même et de la création n’est pas livré à lui-même comme l’ont cru GAUCHET, MORIN et tant d’autres, il lui reste à accueillir la grâce.

Ce chemin de l’alliance de Noé, don gratuit sans condition du cadre de la vie naturelle, à Jésus, accomplissement de l’inversion du sacrifice et de la pure grâce, Dieu le fait pour nous.

Jésus est ce chemin, il accomplit pour nous le chemin qui nous incombait. Son parcours en passant par Abraham, annonce d’une promesse d’une terre pour une postérité, et Moïse, don de la loi, est saisissant.

René GIRARD, anthropologue français vivant aux États-Unis, met en lumière dans son oeuvre singulière et percutante l’originalité du message biblique au travers de la notion de la victime émissaire, exorcisme de la violence initiale.

René GIRARD observe que toute société ou toute culture tisse son identité, son unité, ce que nous pourrions appeler son lien social, sur le principe de la violence et du sacré, canalisés dans le rituel du sacrifice.

Autrement dit le message biblique dépasse la société tribale classique fondée sur le bouc émissaire, en lui substituant l’agneau immolé qui est une offrande, nous retrouvons cette notion dans le Judaïsme et peut-être dans l’Islam.

Le christianisme va plus loin encore en ce que Dieu lui même s’offre en sacrifice, par l’intermédiaire de son Fils. Originalité typiquement chrétienne, que nous ne retrouvons pas ailleurs.

L’originalité de l’approche de René GIRARD vient de ce qu’elle s’appuie sur la démarche scientifique et non plus strictement théologique, il discerne les choses à partir d’une analyse de textes de traditions de coutumes diverses et une lecture approfondie du texte biblique.

René GIRARD écrit :

”Je crois possible de montrer que seuls les textes évangéliques achèvent ce que l’Ancien Testament laisse inachevé; ces textes se situeraient donc dans le prolongement de la Bible judaïque, ils constitueraient la forme parfaite d’une entreprise que la Bible judaïque n’a pas menée jusqu’à son terme, ainsi que la tradition chrétienne l’a toujours affirmé. La vérité de tout ceci apparaît grâce à la lecture par la victime émissaire, et elle apparaît sous une forme immédiatement vérifiable sur les textes eux-mêmes, mais sous une forme insoupçonnée et surprenante pour toutes les traditions, y compris la tradition chrétienne, qui n’a jamais reconnu l’importance cruciale sous le rapport anthropologique, de ce que j’appelle la victime émissaire. ” 3474

Déjà à Noé l’Éternel avait menacé “Si quelqu’un verse le sang par l’homme, par l’homme son sang sera versé” ( Genèse IX verset 6), préambule de la loi, préambule de l’annonce du sacrifice salvateur du Christ.

Dieu n’a pas donc changé, mais il a conduit l’homme, car nous revenons de très loin, jusqu’à lui. Il lui a précisé, à chaque étape, avec pédagogie, selon sa capacité de compréhension du moment, son projet.

Jusqu’à la révélation parfaite en Jésus.

Le Christ, par le chemin de l’alliance, nous fait entrer dans le courant de l’histoire de la volonté et de l’action divine présente dès aujourd’hui dans le jour qui se donne, et le jour qui vient.

Combien de fois les évangiles ne répètent-ils pas, “afin que cela soit accompli ”?

Oui, Jésus est venu accomplir et non pas abolir.

Ce qui différencie aujourd’hui juifs et chrétiens dans leur lecture du même texte fondateur de l’Ancien Testament est sans doute contenu dans cette notion d’accomplissement.

Le peuple d’Israël a traversé ces deux mille ans d’histoire dans la diaspora avec pour seule arme l’étude qui donnera naissance au Talmud et à la kabbale.

Israël a centré sa lecture de la Torah sur l’interprétation sans cesse remise en question, à jour, des rabbins, l’accumulation extraordinaire d’expériences et d’échanges que constitue essentiellement le Talmud, comme sur une interprétation ésotérique du texte et plus spiritualiste, la kabbale, puisant contrairement, semble-t-il, au Talmud ses sources dans d’autres cultures que strictement juives.

Comme le tétragramme YHVH imprononçable et que l’homme doit habillé de ses voyelles pour lui donner une énonciation, la culture juive baigne de cette réponse de l’homme à la révélation divine dont elle tente de rendre l’énonciation au travers de son histoire.

Comment ne pas être frappé par l’originalité de la révélation faite à Israël et par sa réalité historique dont l’existence concrète du peuple rend témoignage ?

Comment ne pas être étonné de cette oeuvre concrète qu’est la culture juive, souvent persécutée et clandestine, dans notre histoire, se développant dans une sorte de négatif de l’histoire chrétienne, qui traverse en notre siècle la Shoa, avant de s’exposer aux yeux du monde de façon nouvelle aujourd’hui ?

Ainsi, fut préservée la culture du peuple de l’alliance, et surtout son attachement à YHVH, pendant deux mille ans jusqu’à la création en 1948 de l’état d’Israël et la résurrection extraordinaire et miraculeuse de la langue hébraïque grâce à l’action de ce prophète un peu fou savant et poète que fut Éliezer Ben YEHOUDA.

Le chrétien lit le même texte sous le regard de l’accomplissement en Jésus.

L’écriture ancienne est accomplie en Christ, et c’est l’Esprit Saint qui nous donne de comprendre ce mystère, non pas l’étude, l’étude est d’abord éclairée par l’Esprit Saint avant que l’Esprit Saint lui-même ne nous soit révélé dans l’étude, la confortant.

Pensons justement à la lapidation d’Étienne (Actes VII) premier martyr chrétien. Juste avant sa mort, il fait un résumé saisissant de la Bible à la lecture de l’accomplissement en Jésus qui nous fait entrer dans la pure grâce ...

Cela fut insupportable à entendre par ceux qui déjà n’attendaient que le messie d’un peuple pour l’établir dans sa gloire ... et on le lapida ... mais Étienne demanda à Dieu de pardonner et de ne pas compter cette faute à ceux qui lui ôtèrent la vie.

La phrase “Père,pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font” (Luc XXIII 34) que soupira Jésus au moment de la croix résonnait encore sans doute sur cette même terre d’Israël, à Jérusalem, et Étienne était tout habité et habillé, du même d’amour.

Mais là où le Christ vécut l’angoisse et l’abandon Étienne au contraire, est dans la paix, presque la félicité.

Cette paix est rendue possible car il voit les cieux ouverts et Jésus à la droite du Père : il ne voit pas la mort mais la vie. Son chemin va de la mort à la vie et cela n’est pas pour lui le fruit d’une spéculation intellectuelle.

Il le sait, il le voit, il en témoigne tout simplement.

Il a accueilli la mort et la résurrection du Christ en lui, au dedans de lui, non seulement dans sa pensée mais aussi et surtout dans son coeur et dans son corps jusqu’au plus profond de ses entrailles, comme une grâce, la pure grâce qui rend désormais pour lui presque facile l’impensable.

Car, désormais Étienne ne vit plus de façon naturelle, il vit de cette grâce. Il est entré dans une sorte de surnature, il est entré dans la communion parfaite du Père et du Fils par l’Esprit Saint.

Bien sûr, nous sommes loin de vivre quotidiennement la foi exemplaire d’Étienne. Et nos errements sont le plus souvent bien loin de ce geste d’amour absolu. Cependant par la foi nous vivons du même esprit désormais que Jésus et Étienne.

L’accueil de la pure grâce produira naturellement, je veux dire, comme une conséquence directe et intrinsèque, le don de nous-mêmes par la vie passant par nous, au travers de nous, sur les traces de Jésus. Comme pour Étienne.

Nous ne deviendrons pas forcément théologiens, mais témoins, c’est par le témoignage que cette annonce se transmet dès les premiers siècles jusqu’à aujourd’hui.

Le témoignage d’Étienne est suscité par l’Esprit Saint (Actes VII verset 55).

C’est l’Esprit Saint qui témoigne de cette folie que peut apparaître, à première vue, aux yeux des savants de la tradition d’Israël d’il y a deux mille ans et de la tradition du monde pour ce qui concerne notre temps, l’accomplissement par le Christ, mort sur la croix et ressuscité le troisième jour, de la Parole Biblique.

La mort d’Étienne premier martyr dont les actes des apôtres rendent compte, indique le chemin initial de l’annonce de l’évangile dans l’église des premiers siècles jusqu’à Constantin. L’Église n’est pas une conquête politique, ni philosophique, mais de la Parole vivante du Christ répercutée de bouche à oreille dans les catacombes.

Cette annonce est faite par des témoins souvent martyrs, mais qui ne tirent de leur martyr ni haine, et semble-t-il même, ni souffrance excessive, mais une gloire : celle d’un règne à venir, d’une vie nouvelle dont l’Esprit Saint témoigne encore aujourd’hui, pour eux comme pour nous.

Comme Étienne, ces témoins le sont par l’Esprit Saint témoin en eux comme il témoigne en nous, et atteste de la vérité de l’annonce du Royaume de Jésus.

Par l’Esprit Saint, enfin nous sortons de nos tiraillements, divergences et des disputes mêmes que j’avais évoqués en commençant cette lettre, lorsque nous évoquons Dieu.

Ce qui n’était pas possible à partir de nos raisonnements, de nos spéculations s’accomplit par l’action mystérieuse de l’Esprit-Saint.

Mais qu’est-ce que l’Esprit-Saint ?

Théo PREISS, mort encore très jeune, théologien qui enseigna à Montpellier dans les années quarante, développa ce que CALVIN 3475 avait appelé le témoignage intérieur de l’Esprit Saint. Théo PREISS écrivait :

Ce témoignage intérieur est en réalité, une chose très simple, si simple que nous avons du bien du mal à la saisir et à en parler. Il s’agit de l’événement où Dieu touche le coeur de l’homme et lui témoigne qu’il est devenu son enfant en Jésus-Christ.” 3476

Théo PREISS écrivait cela en 1943 sous l’occupation allemande. Il insista avec force sur la fonction juridique de l’Esprit Saint faisant remarquer que le vocabulaire qui l’évoque dans le Nouveau Testament est caractéristique d’un lexique essentiellement juridique : témoin, arrhes, gages, prémices ...

L’Esprit Saint témoigne de notre justification devant Dieu et de Dieu devant nous en nous révélant Jésus Christ. Nous sommes désormais reliés à Dieu par l’amour filial et les uns les autres par l’amour fraternel manifesté en Jésus Christ.

Notre justification échappe même aux remords et accusations de notre conscience personnelle. Car même si celle-ci nous accusait, lui ne nous accuse pas.(Hébreux X 22)

Dès lors, malgré les péripéties et les errances de l’histoire, ou plutôt avec elles, la justification pour le chrétien ne se confond pas avec les oeuvres de la justice humaine, les lois ou les normes de l’état.

Notre justification est l’oeuvre de l’Esprit Saint et non du jugement des hommes, ni même des instituions humaines.

Cela ne signifie pas, les voies de Dieu lui appartiennent et sont impénétrables, qu’à l’occasion, l’Esprit Saint ne puisse passer au travers d’une ou autre juridiction humaine “inspirée” ... Juridictions humaines auxquelles nous sommes invités à obéir sans y soumettre notre âme.

Ainsi, sans que le christianisme ne soit jamais directement politique, l’une des trois tentations repoussées par Jésus est la possession des royaumes de ce monde, les conséquences politiques de l’évangélisation du monde sont sans doute impressionnantes.

Beaucoup s’accordent aujourd’hui à reconnaître parmi les conséquences historiques de l’annonce de ce message, l’abolition de l’esclavage, la naissance des hôpitaux, des écoles modernes, les droits de l’homme etc ...

On peut toujours contester en disant que de prétendus chrétiens ont pratiqué la traite des esclaves, persécuté des populations, dressé des bûchers pour les hérétiques, inventé les indulgences etc ... Cela est vrai, malheureusement.

Il est bon en tant que chrétien d’en avoir conscience, de savoir que ces arguments sont souvent avancés pour rejeter l’évangile. Nous pouvons en demander pardon au nom de l’église, nous en souffrons beaucoup, comme le Christ a souffert pour nous.

Il n’en reste pas moins que nulle part ailleurs que dans la Bible n’est posée la mesure qui permet de dénoncer ces crimes.

C’est par l’Amour, et quel amour, celui du Christ au centre et au coeur de notre vie, de notre pensée et de nos actes, que nous mesurons que le crime est crime.

Comme la lumière brillant révèle à nos yeux ce qui était caché par les ténèbres, il n’y a pas de crime en dehors de la conscience du bien et du mal dont nous avons vu qu’elle passe sous l’action du message biblique, par chacun.

La Parole biblique non seulement dénonce ces crimes mais, fait unique encore, les prévoit, les annonce en quelque sorte, et cela sans recours à l’ésotérisme ou à l’exégèse, directement, on ne peut plus clairement. Il suffit d’entendre les paroles de Jésus lui-même parlant peu avant son arrestation à ces disciples, de ceux qui en son nom viendront après lui pour tromper les hommes.(Matthieu XXIV 4 à 14) .

Le témoignage de l’Esprit-Saint ouvre notre intelligence et notre coeur, nous donne de comprendre l’écriture biblique comme le fit Étienne, aux yeux de cette relation nouvelle d’amour total et gratuit, manifesté en Jésus, et nous appelle, à notre tour, comme Étienne, Paul, Pierre, et tant d’autres à devenir témoins dans le monde sans être du monde.(Jean XVI et XVII)

Être dans le monde, annonciateurs d’un Règne qui n’est pas conforme aux royaumes de ce monde fondés sur les pouvoirs de l’homme sur l’homme et les dominations terrestres, basés sur les rapports de force et d’autorités, telle est notre mission.

Le Royaume de Dieu est en effet un Royaume Tout Autre .

Nous pouvons en effet lire cet antagonisme, cet affrontement entre ces deux royaumes tout au long des évangiles et des grands événements de la vie de Jésus. De sa naissance et la colère d’Hérode provoquant le génocide des nouveaux nés (Matthieu II 16 à 18) jusqu’à la croix et la fameuse inscription dérisoire “le roi des Juifs” en passant par les rameaux, et l’entrée à Jérusalem du prince de la paix, monté sur un âne.

Les chrétiens ont confondu et confondent souvent les deux royaumes qui sont pourtant distingués si fermement par toute la vie et le ministère du Christ.

De là viennent bien des vicissitudes de l’histoire de l’église qui nous sont tant reprochées et que nous devons dépasser avec l’amour,la force de l’amour de Jésus.

Cet Amour substitue aux rapports de pouvoirs qui sont notre lot quotidien, aux dominations régnant entre les hommes, un rapport nouveau de service et de don gratuit.

Cet Amour chemin est vérité et vie. Il n’est pas une théorie figée ou évolutive, mais une personne.

Sous l’influence de la Grèce notre modernité en a fait une idée, un idéal. L’allégorie de la caverne fondatrice dans la contemplation du beau, du vrai et du bon nous conduit à des visions ou théories (théôria signifie vision en grec 3477 ).

Ces théories sur un dieu théorie ont conduit à discuter à partir des projections des hommes et de leurs concepts.

Par la révélation chrétienne tout est inversé, c’est Dieu qui fait le chemin vers nous.

Le langage et la culture d’Israël n’ont rien d’un idéalisme : tout y est incarné, concret, vivant. Bien souvent, et spécialement dans notre modernité, une lecture hellénisée des évangiles a conduit à des confusions.

La vérité n’y est pourtant pas projetée comme une lumière dont nous ne discernerions que les ombres, mais comme incarnée dans une histoire qui verra naître en Jésus le tout à fait homme et tout à fait Dieu.

Ainsi cette histoire a-t-elle contribué a démythifier le monde bien d’avantage que la quête de cohérence conceptuelle des grecs malgré les apparences, ne pouvait le faire.

Les grecs restaient prisonniers de leurs peurs et de leurs démons alors que les juifs en étaient affranchis par une parole extérieure à eux même.

Contemporains d’ARISTOTE, les juifs considéraient depuis longtemps que seul YHVH méritait un culte, que YHVH était le vivant et ils considéraient depuis longtemps les astres par exemple comme de simples luminaires, des signaux.

ARISTOTE, le père de la rationalité moderne, qui établit avec méthode la classification des générations d’animaux de la nature et de la société humaine, voyait dans les astres des divinités, des esprits.

La démarche d’ARISTOTE est faite de spéculation, d’observation et de classification. Il conceptualise c’est à dire qu’il projette dans le domaine des idées à partir de ce qu’il observe.

Il vise à une cohérence conceptuelle. Le concept pour ARISTOTE est ce qui relève d’une propriété générale, il s’oppose dans son esprit au particulier.

La démarche biblique est toute autre, elle nomme comme de l’extérieur de l’homme les choses, elle relie l’universel et le singulier. Elle annonce l’accès à la vie éternelle, au salut, un passage de la mort à la vie, une issue à notre condition humaine mortelle et limitée.

Les notions de droit politique, de cité, de citoyen nous viennent des grecs et des romains. L’erreur des chrétiens est de confondre ces notions avec l’évangile, de justifier à partir de la Bible telle ou telle doctrine politique.

La Bible ne parle pas de droits en termes abstraits mais de commandements adressés à chacun personnellement.

“Tu aimeras ton Dieu de tout être et ton prochain comme toi-même” résume toute la loi.

Lorsque nous parlons de droit dans le livre du Deutéronome (Deutéronome XIV 28 et 29 entre autres), il s’agit du droit du lévite qui n’avait pas de patrimoine puisqu’il était entièrement consacré à l’oeuvre de Dieu, de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin c’est à dire le droit du faible à se nourrir, à se vêtir, à ne manquer de rien pour disposer de sa liberté naturelle existentielle et non pas une vision abstraite du droit à partir d’une théorie généreuse et projective de l’homme.

En tout cas jamais le droit d’un pouvoir de l’homme sur l’homme.

Combien n’entend-on pas se dresser d’amalgames comme autant de confusions partant au demeurant parfois de bons sentiments entre la démocratie ou la république, les droits de l’homme et l’évangile ?

Par exemple : Si d’un côté la théologie de la libération en Amérique latine prend le parti de la libération politique des opprimés, de l’autre côté, l’Opus Dei, au nom du même Dieu, craignant tout totalitarisme idéologique et athée, défend un ordre mondial libéral et capitaliste.

Nous avions, lors de notre discussion, évoqué la nouvelle scission politique européenne qui, plus que dans le clivage droite gauche aujourd’hui en voie de dépassement, se trouverait entre une sensibilité démocrate d’une part, plus de décentralisation et de concertation, vision fédéraliste régionaliste de l’Europe, et, d’autre part, sensibilité républicaine, plus d’état et de références aux valeurs, vision nationaliste étatiste.

La république dont PLATON fera l’esquisse d’un idéal politique nous est proposée comme modèle politique en réaction à la démocratie d’Athènes.

C’est parce que la démocratie d’Athènes avait condamné Socrate à boire la ciguë que PLATON fit cet éloge de la république. La démocratie au nom de la majorité, au nom des consensus d’intérêts particuliers, s’éloignait de l’idée du bien du vrai et du beau qui, selon PLATON, ne peuvent être raccrochés qu’à l’idéal et portés par un collège de sages.

Nous voyons bien avec le procès de Socrate que la démocratie ne nous prévient pas contre la barbarie du sacrifice de la singularité à l’autel de l’intérêt général.

La référence aux valeurs collectives prédominait à Sparte depuis que LYCURGUE lui avait donnée, selon la légende, une constitution fondée sur la séparation dès le plus jeune âge, de l’enfant avec sa famille pour que l’ensemble de la vie soit prise en charge par la cité.

À Athènes, au contraire, l’enfant était pris en charge très jeune par la communauté des femmes, et allait se développer dans une quête d’harmonie individuelle, où les arts, les sciences et le sport allaient revêtir une place première.

La république de PLATON n’avait certes rien à voir avec la constitution de la cité de Sparte, qui si elle portait le nom de république était particulièrement élitiste et inhumaine,éliminant tous les vieillards et les faibles, sinon que comme elle, elle postulait que la direction de la cité ne doit pas revenir directement à des citoyens mais à une élite de sages, veillant sur l’intérêt commun.

Reste que ce dernier point me semble encore aujourd’hui être une frontière entre république et démocratie.

Et PLATON, faisant parler SOCRATE, s’il voit le mensonge comme inutile aux dieux, il peut être un médicament utile aux hommes qui comme tout médicament ne doit être réservé qu’aux médecins et le profane n’a pas le droit d’y toucher, ne donne le droit de mentir qu’à une seule condition, au nom de l’intérêt supérieur de l’état.

Ainsi reconnaît-il au gouverneur le droit de mentir au citoyen comme à l’inverse de punir le citoyen qui lui mentirait (La république livre III). La raison d’état n’est-elle pas légitimée ici à partir pourtant du plus bel idéal ?

Il reste encore que la tentation spartiate du sacrifice systématique de la personne à l’autel de la collectivité est bien présente dans le monde contemporain.

Ce sacrifice rejoint toujours la barbarie par le principe de la bouc émissarisation. La barbarie dit Bernard Henri Lévy dans son dernier ouvrage c’est l’imposition politique d’une certaine idée de la pureté.

Je le rejoins sur ce point : des barbaries, la pire peut-être, est celle qui se déploie au nom d’un idéal.

Elle conduit parfois à la mort charnelle de l’impur mais légitime toujours un génocide plus soft dit “culturel”.

Pour s’en persuader il suffit de jeter un oeil sur le génocide des parlers locaux en France depuis la fin du XIX° siècle ou la disqualification des savoirs faire propres et artisanaux non reconnus par le sacro-saint diplôme, sans parler des deux guerres mondiales, et les génocides des populations systématisés comme jamais dans l’histoire, avec un principe scientifique à la base d’exterminations dont le nazisme fut un sommet, comme enfin les prétendues révolutions culturelles communistes ou islamiques ou d’autres dictatures idéologiques traversant notre modernité.

Le paradoxe des faits aussi singuliers c’est qu’ils n’ont pas été seulement produits parfois au nom du christianisme, mais que nous pouvons trouver à l’origine du dérapage de notre modernité, des penseurs dits chrétiens.

Ainsi HEGEL se réclamait du christianisme. Mais il voyait dans le Christ, non plus une personne mais une idée à la manière des grecs. La vérité se déroulait selon lui dans l’histoire, et l’état en représentait à un moment donné la totalité historique évolutive.

L’idéalisme de HEGEL donna le point du départ à la philosophie du matérialisme historique et dialectique de MARX et ENGELS.

Si la vérité se déroule encore dans l’histoire pour HEGEL, il n’y aura plus pour MARX de vérité mais la réalité de l’exploitation de l’homme par l’homme, et la marche inéluctable de l’humanité vers le communisme.

Les grecs nous proposaient d’expliquer le monde et les choses à partir des théories humaines, le message biblique nous ouvre au mystère de la grâce et du péché.

Si ce fut la démocratie d’Athènes qui provoqua d’après Socrate sa mort, l’évangile n’explique la mort de Jésus que par le péché c’est à dire la séparation de l’homme d’avec Dieu causée par une désobéissance initiale.

Ainsi encore, si la république ou la démocratie s’apparentent encore aux définitions anciennes, si nous avons tiré des grecs une multitude de concepts sur l’organisation politique, après deux mille ans d’histoire chrétienne, le substrat de la valeur qui soutient ces concepts est le prix nouveau accordé à l’homme, introduit par l’évangile.

En Christ, une personne et non pas une idée seulement comme le crut HEGEL, s’accomplit l’ensemble de la révélation qui annonçait sa venue, Dieu épouse l’homme dans sa singularité.

Notons que ce ne fut pas la république des grecs qui inventa la fraternité, tout au plus la citoyenneté. La notion de fraternité naît à l’évidence avec le message de l’évangile.

L’engagement de la pensée chrétienne et juive depuis la fin de ce XX° siècle est surtout axée sur le rappel de la dimension personnelle, voire existentielle de quête de la vie, je pense à Karl JASPERS, Emmanuel MOUNIER, Maurice BLONDEL, Martin BUBER, Gabriel MARCEL, Jacques ELLUL, en particulier, mais on pourrait en citer beaucoup d’autres.

La mondialisation des perspectives économiques et politiques de notre époque avec la montée des intégrismes idéologiques et religieux, de l’intégrisme technicien, ou technocratique, le plus sournois de tous sans doute et, sans conteste, le plus présent universellement, a rendu cet engagement pour la liberté de la personne, aux yeux de certains chrétiens, essentiel.

Les engagements de chrétiens comme ceux de BARTH ou BONHOEFFER contre le nazisme rejoignaient de mon point de vue en grande part cette préoccupation. Ils ne visaient pas à prendre ou exercer le pouvoir au nom du christianisme mais à résister à la montée de la barbarie qui ne considérait plus l’homme qu’au travers d’une doctrine de la puissance.

La Bible ne nous dit rien de particulier de la république ni de la démocratie, comme elle ne nous disait rien non plus de la droite ou de la gauche en matière politique s’entend.

Elle n’interdit sans doute pas que nous ayons une opinion personnelle sur ces questions, mais elle ne dit rien, sinon que le faible a l’appui de Dieu et que nous devons chercher la communion avec Dieu, sinon que le Christ lui-même se trouve dans le prisonnier, le malade, le persécuté, l’exclu et que ce que nous faisons en direction d’ un de ces petits c’est à lui que nous le faisons.

Le combat de Jacques ELLUL, théologien protestant, décédé récemment, s’est souvent situé sur une frontière, qu’il revendiquait comme essentielle, au nom de la séparation des deux royaumes. Il n’a cessé au cours de ces ouvrages de rappeler l’originalité de l’engagement du chrétien, envoyé dans le monde sans fondre son espérance avec celle du monde. Selon lui c’était aussi cela rendre à César, et à Dieu ce qui leur revenaient à chacun respectivement.

Je partage et je communie avec ce point de vue. D’autant plus qu’au début des années 70 j’avais eu l’occasion d’entendre Jacques ELLUL lors d’une conférence à Saint-Étienne et qu’à l’époque je n’avais pas trop compris ses propos. Nous sortions de 68,et j’étais encore jeune.

Jacques ELLUL disait alors à peu près ceci en reprenant les paroles du Christ : “Soyez sel de la terre où que vous soyez, en famille, en communauté de vie, en église, dans votre travail, dans vos engagements politiques, syndicaux, associatifs, soyez sel de la terre, ne veillez qu’en une seule chose: ne pas perdre votre saveur. Et la saveur nous vient de la bonne nouvelle de l’évangile.”

Jacques ELLUL spécialiste du droit et qui toute sa vie réfléchit à la question de l’engagement chrétien dans la société civile résumait ainsi la position du chrétien face au fait politique.

“Ainsi parle l’Éternel : observez ce qui est de droit humain et accomplissez ce qui est de droit divin, car mon salut ne tardera pas à venir et ma justice à se manifester ...” (Ésaïe 56 , 1)

Ce texte d’Ésaïe résume au fond tout ce que nous avons dit. Il est pour tous un avertissement. Parce que le salut est annoncé, parce que Jésus-Christ a tout accompli l’homme est appelé à vivre dans la justice. Mais parce que Dieu laisse un temps encore à l’homme pour vivre, parce que tout ce qui est dit l’est dit au futur (un futur dont nous ne devons pas oublier qu’il est hébreu, c’est à dire que l’action est déjà commencée) l’homme doit profiter de ce temps de la patience, à la fois pour organiser sa vie et pour reconnaître le salut (ce qui lui est possible à cause de la mort, de la résurrection et de l’ascension de Jésus-Christ). Et enfin parce que Dieu dit “ne tardera pas ...”, nous devons savoir que nous sommes dans “les derniers temps” que nous avons une tâche urgente, et cette élaboration se trouve en relation directe avec cette fin des temps. C’est à cause de la justice de Dieu qui vient que nous avons à construire notre droit qui est.

”Schéma Israël ...Église Écoute” 3478

Cette dernière sentence, cette invitation à l’écoute nous appelle donc à construire et concevoir nos institutions comme des arches ouvertes aux deux extrémités, comme Noé construisit la sienne pour passer d’un temps à l’autre, et non comme des tours à la façon de celle de Babel à l’intérieur de laquelle tout n’est mobilisé, défini, articulé, défini que par rapport à la construction commune.

Je reviendrai sur cette opposition dans le livre de la Genèse entre Noé et Babel, essentielle, à mes yeux pour discerner deux façons de construire et d’accueillir.

Karl BARTH a également donné par sa vie et son témoignage du sens à la réponse “ être dans le monde, sans être du monde”.

Après s’être opposé à la main mise du pouvoir nazi sur l’église allemande, il exhortait les chrétiens à rendre grâce simplement pour les structures politiques qui leur permettaient, sans persécution d’exister.

Tout au plus l’église pouvait-elle réclamer du souverain une protection, pour qu’elle puisse librement assurer son culte. BARTH relève les deux aspects ambigus des places du chrétien, et de la communauté chrétienne dans le monde.

-D’une part, chercher à comprendre et à faire comprendre le mystère de la foi, malgré cette rupture, cette mort apparente de la raison que la foi suppose

“Chercher à faire comprendre fait partie de la foi : non pas que la compréhension ou l’intelligence soient nécessaires pour fonder et pour affermir la foi mais parce qu’il appartient à l’essence de la foi de désirer la connaissance. Comment pourrait-il en être autrement ? 3479

-D’autre part, la nécessité d’une organisation publique par nature extérieure à l’église.

C’est précisément à la communauté chrétienne qu’il est donné de comprendre ce qui rend nécessaire l’existence de la communauté civile. (...)

Elle sait et elle loue Dieu de ce qu’il lui est permis d’exister à l’abri de la communauté civile.” 3480

C’est ainsi que j’ai été conduit à écrire, lors de mes mémoires précédents, licence, maîtrise, DEA, que la dialectique entre théories, et pratiques, nous vient des grecs, et que le dialogue entre gestes et pensées émerge de la culture biblique, qui donne le prix des choses.

Ainsi la modernité, j’ai trop peu de place dans cette lettre pour développer cet argument, que j’ai développé dans d’autres écrits me semble naître d’une lecture grecque de la Bible et du message chrétien.

C’est une rationalité posée sur le rapport théorie pratique c’est à dire l’explication en termes de causalités et de finalités qui fournit la clé de l’explication pour l’homme moderne. Nous aurions tout intérêt, pour retrouver nos marques et nos repères à refaire le chemin à l’envers, c’est à dire à lire l’héritage grec, et sa rationalité, avec l’éclairage que nous donne la révélation biblique du Christ.

La raison sur le point de vue biblique est concrète et ne se sépare pas de la foi. Elle est quête de la volonté de Dieu. Elle est prière, elle soupire pour une délivrance et par définition elle est non totalisante, non idéologisante.

La raison aussi a reçu une blessure initiale : la blessure qui guérit, la blessure de l’alliance nouvelle et éternelle. La circoncision ...

Cette raison circoncise se relie à l’expérience personnelle, au témoignage personnel, ainsi quatre évangiles et quatre auteurs différents témoignent d’une même bonne nouvelle.

Si Dieu dans la Bible a bien une perspective pour l’ensemble de la création il agit par élection de personnes et non pas encore une fois à partir de spéculations intellectuelles théoriques d’êtres brillants.

De là naît étrangement mystérieusement une objectivité de la révélation biblique d’où pourrait même naître l’objectivité tout court. L’évangile est très objectivement le seul lieu où se retrouvent unis le complètement homme le complètement Dieu dans la même personne et cela non selon le décret de cette même personne mais selon l’accomplissement d’une alliance, d’une promesse qui n’est rencontrée que personnellement, individuellement par chacun.

Et vous qui dîtes vous que je suis ?” (Luc 9 verset 20)

Jésus non seulement ne fait pas de théorie sur lui-même, mais il n’impose pas de diktat non plus, il laisse découvrir comme une interpellation, qui il est. Y a-t-il un lieu ou l’espace de la liberté de chacun soit davantage respecté, et même protégé, jusqu’à être, comme à la Pentecôte fécondé dans son esprit ?

Non et cela est une réalité ou vérité objective. La seule objectivité possible dira même l’anthropologue catholique Marcel JOUSSE (1886-1961) spécialiste de langue orale et qui s’est beaucoup intéressé à la naissance de la transmission orale des évangiles. Le problème pensait Marcel JOUSSE vient de ce que les évangiles furent transcrits en grec mais surtout à partir de la modernité relus à partir d’une vision “algébrosée”, disait-il, c’est à dire qui ne pénétrait pas la nature profonde de la culture araméenne du temps de Jésus. Peu de temps avant sa mort il dit à un ami : “Là ce n’est pas outrance mais vérité. Qu’on m’accorde seulement cela : l’authenticité des Paroles de Jésus dans les évangiles et je mourrai content.” 3481

Marcel JOUSSE retrouvait dans le texte biblique évangélique les rythmes et les constructions du style oral araméen.

Il montra dans ces travaux ce que la modernité tend à perdre au profit du verni de la civilisation gréco-latine : le rapport à la langue orale et sa transmission.

Je ne connais pas tout le détail de ses travaux par ailleurs fort compliqués.

J’ai l’impression que Marcel JOUSSE systématisait parfois au point de tomber dans le piège de la cohérence conceptuelle qu’il dénonçait par ailleurs.

Il n’en reste pas moins que l’ensemble de sa démarche et de sa quête sont fort intéressantes.

Je dirai enfin que j’ai, comme beaucoup d’autres par l’Esprit-Saint, la conviction que les paroles attribuées à Jésus sont vraiment celles du Christ.

Que Marcel JOUSSE conforte à partir d’une analyse de la transmission orale et de l’anthropologie du geste dans les sociétés traditionnelles et particulièrement dans le milieu araméen que cela se vérifie ne m’étonne guère mais ne me fait pas croire davantage même si cela peut servir d’interpellation pour d’autres.

Je pense, comme JOUSSE que l’objectivité purement descriptive naît avec cette révélation et qu’elle ne se trouve nulle part ailleurs. Elle confère à l’homme une liberté nouvelle dont il peut faire un bon ou un mauvais usage. Il peut à présent accepter ou refuser Dieu de manière nouvelle.

L’objectivité pour exister a besoin d’un regard désenchanté, libéré de lui-même, de ses peurs de ses dieux construits. Ce désenchantement nous confère une liberté nouvelle dont nous pouvons utiliser malheureusement l’espace également pour de mauvaises choses.

Avec FEUERBACH disciple dans sa jeunesse de HEGEL naîtra même dans la philosophie moderne l’athéisme systématique,dit de “la mort de Dieu” fait nouveau de l’histoire. Cette apparition s’appuie et naît dans une culture chrétienne.

Le problème avec FEUERBACH et avec ses héritiers est que l’homme désenchanté pour refuser l’évangile va finir par se vouer par l’intermédiaire de son histoire (le marxisme) ou de sa volonté de puissance (NIETZSCHE) un culte à lui-même.

Ce sont les naissances des idéologies modernes totalisantes.

Nous retrouvons ainsi l’homme moderne face au choix que nous avons évoqué, Dieu ou Mamon, le Tout Autre ou le construit.

Deux phylums traversent l’histoire avec pour point de départ Noé et Babel. Babel se rebiffe et veut lire l’évangile à la mode idéaliste, tandis que de Noé nous est venue l’alliance.

L’alliance faite à Noé invite à l’accueil du jour et de la nuit, du froid et de la chaleur, des saisons comme autant de dons de Dieu. Son chemin jusqu’à nous passe par Israël et Jérusalem et arrive à Jésus qui se révèle à nous comme étant lui-même le chemin jusqu’à l’amour pour les ennemis qu’il annonce.

De l’autre côté Babel, Babylone, est le symbole de la volonté humaine d’atteindre le ciel par ses propres forces uniquement.

Babel c’est l’idéalisme à l’état brut, Dieu est au ciel et pour l’atteindre il faut construire une tour.

Noé c’est l’accueil de la grâce de l’alliance.

J’avais en Maîtrise montrer que ces deux phylums correspondaient à deux rapports à l’universel : l’universel accueilli ou l’universel construit. En Noé s’institue une personne devant Dieu, en Babel l’institution c’est la construction humaine.

Lorsque nous évoquons l’institution scolaire ou quelque autre institution nous ne devrions pas oublier que l’objectif dans la perspective chrétienne n’est pas l’institution de la structure mais l’institution de la personne. La résonance du nom d’instituteur en devient toute autre .

Par le Christ nous devenons des pierres vivantes pour la construction commune (I Pierre II versets 4 à 5).

L’universel accueilli aboutit à la Pentecôte, à l’universel fécondé, et les disciples se mettent à parler la langue de l’étranger pour annoncer les merveilles de Dieu.

Sans études préalables, par la simple onction qu’ils reçoivent ils se mettent à entrer dans la logique d’une communication, d’une fraternité nouvelle.

S’il est possible de trouver des raisons qui expliquentl’originalitédu christianisme, il est impossible d’en faire le tour simplement parce qu’elles ne se disent pas par des concepts mais qu’elles s’écrivent dans une histoire et s’incarnent dans une personne.

Il est possible de parler dans ce cas d’originalité singulière sans pléonasme.

En effet l’originalité biblique, se distingue encore du caractère original propre à tout message, toute pensée, toute spiritualité, en donnant au mot même d’originalité une note singulière.

On peut donc parler d’originalité singulière ou de singularité originale en quelque sorte.

Quelle serait une nouvelle définition possible de l’originalité selon la Bible ?

La révélation provoque une rupture d’un ordre structurel et épistémologique en quelque sorte, elle instaure le relatif dans la systématique d’une théorie.

Un peu comme la théorie de la relativité a bouleversé l’ordre de la physique Newtonienne qui se centrait sur l’objectivité du point de vue de l’observateur sans questionner la position de cet observateur par rapport à un système de référence plus large, physique Newtonienne qui elle-même questionnait déjà la géométrie Euclidienne qui supposait une fusion entre physique et géométrie plane à partir d’une projection théorisée, la Bible élargit notre regard au regard du Tout Autre et vient remettre en cause l’anthropomorphisme philosophique, comme aussi tout monisme transcendantal.

Si nous admettons que l’homme est partagé entre la quête d’une transcendance et l’immanence de ce qui constitue sa condition présente et son histoire, la révélation biblique vient brouiller les cartes de cette dualité.

La transcendance s’y révèle dans l’immanence d’une quotidienneté, d’une histoire, l’immanence en sort elle-même, dès lors, transfigurée en quelque sorte. L’homme reconnaît son quotidien comme ayant été visité par Dieu lui-même.

Les gestes les plus anodins que nous adressons aux plus petits, se revêtent dès lors d’un sens nouveau, là aussi et surtout se discerne le Royaume. Mystère de l’Incarnation.

L’originalité biblique se fait donc à partir de critères qui n’ont rien d’originaux mais qui sont visités de façon singulière.

Je suis étonné de voir, lors de l’histoire ultérieure de l’église, lors de la réforme en particulier, et même auparavant, pour la langue tchèque, avec le mouvement hussitte en Moravie, comment les langues se sont développées à partir ou avec la traduction biblique, cela est vrai de l’allemand et de l’anglais, en particulier. On peut même citer le catalan se développant à partir du XII ° siècle comme la première langue vernaculaire qui servit à l’étude et au commentaire des textes bibliques.

À ma connaissance il y a peu d’études sur ce phénomène étonnant qui vit simultanément se développer au sortir du Moyen-Âge les langues et la traduction de la parole biblique. Ce phénomène se poursuit pourtant jusqu’à notre siècle avec la traduction en langues des pays du tiers monde.

Comme un prolongement de la première Pentecôte chrétienne.

L’universel fécondé l’est dans le phylum de l’universel accueilli, les disciples n’écrivaient ni ne prononçaient de formules alchimiques, ils se tenaient ensemble tout simplement, lorsque se produisit quelque chose de surnaturel.(Actes II)

L’acte est venu de façon surnaturelle de Dieu lui-même, s’inscrivant cependant dans le naturel le plus complet.

De Noé à Abraham, d’Israël à Jésus, Dieu choisit toujours de parler par un seul de préférence à une majorité. Au contraire bien souvent le prophète s’oppose à la majorité, c’est en cela aussi qu’il est prophète pour cette majorité.

Le cheminement de l’alliance de Dieu avec sa création depuis Noé, se fait par une parole adressée toujours personnellement même si elle peut être parfois portée par une communauté, par un peuple vers qui elle est toujours adressée.

Cela explique qu’en partie les deux dimensions immanentes et transcendantes des activités des actions et des pensées humaines se soient trouvées là interpellées de façon singulière.

On retrouve des interprétations humanistes du christianisme d’un humanisme nouveau transcendant l’humanisme ancien.

On trouve aussi des interprétations spiritualistes du christianisme, d’un spiritualisme, comme le souligne et l’exprime BERGSON, également original et nouveau et incarné dans les oeuvres.

Et pourtant à la Pentecôte naît l’Église expression même de la communauté chrétienne corps du Christ à l’oeuvre dans le monde non d’une interprétation de l’homme mais d’une intervention de Dieu. ( I Corinthiens XII).

Dès lors, les hommes sont devant un mystère qu’ils accueillent et qui ouvre de façon surnaturelle leur intelligence ni purement immanente ni purement transcendante, elle la féconde.

Le mouvement qui allait de l’homme vers Dieu est dans la révélation biblique inversé.

Autrement dit le “Dieu qui cherche l’homme ... et le trouve” vient ici dès lors visiter toutes les cultures et toutes les religions et donner à leur “l’homme cherche Dieu “ une explication nouvelle et accomplie.

La perspective de l’évangile, comme de toute la Bible, toujours de départ personnel, a donc trouvé à se heurter dans ce siècle avec l’intégrisme de la modernité dont l’hypostase de la pensée dite objective prononcée par l’état fut depuis HEGEL le fer de lance.

À ce niveau, il nous faut revenir sur deux termes souvent confondus mais qui, de fait, n’ont pas le même sens: intégrisme et fondamentalisme.

L’intégrisme vise étymologiquement à intégrer dans un système donné des choses qui lui sont extérieures. Le fondamentalisme est une recherche inverse, il tend à rechercher les fondations, le fondement.

En ce sens le christianisme est essentiellement recherche d’un fondement, un certain fondamentalisme, encore que le “isme “ soit en trop. Paul écrira : “Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé à savoir, Jésus-Christ. ” (1 Corinthiens III 10)

Il n’est d’autre fondement que Jésus. Mais ce Christ est le Christ crucifié, le Christ de la kénose, celui qui renonce à lui-même pour nous indiquer la voie de l’amour gratuit. Alors ce fondement rejette tout intégrisme.

Chacun est invité à prendre garde à la manière dont il bâtira, chacun garde et même trouve la place de son initiative totalement libre, nous pouvons dire même libérée.

Le fondement du Christ étant posé. L’histoire chrétienne a oscillé entre une vision autarcique de la communauté et une compromission étatique, recherche du pouvoir dans le monde, inaugurée sous le règne de Constantin au IV ° siècle.

On ne trouve pas dans la Bible de trace d’un intégrisme par nature forcé. Lorsque quelqu’un va vers Dieu il y va de son plein gré, lorsqu’il s’en retourne s’est encore de lui-même. Pensons à la parabole du fils prodigue.

L’intégrisme dit chrétien existe cependant, mais il est un contre témoignage. Il a malheureusement oeuvré dans l’histoire chaque fois qu’il a voulu assimiler de gré ou de force à un système religieux des cultures, des personnes qui n’en étaient pas.

Aujourd’hui, les tenants de cette dérive seraient les traditionalistes disciples de Monseigneur Lefebvre. Remarquons que leur attachement va à la tradition et à l’église catholique plus qu’à la Bible ou à la personne de Jésus.

L’intégrisme rejoint et se retrouve dans le phylum historique des inquisiteurs qui exécutaient ceux qui possédaient ... une Bible.

L’intégrisme est plus prononcé au sein de l’église catholique car il s’accompagne d’une mise au deuxième ou troisième rang de la parole biblique qui le contredit. On lui préfère la tradition, les encycliques, autrement dit la place de l’église dans le monde.

L’autarcie, après la confusion intégriste, est une autre dérive qui touche davantage les chrétiens biblistes fermés sur eux-mêmes, refusant le monde.

Il s’apparente au sectarisme. Les mouvements biblistes issus de la réforme de types littéralistes c’est à dire s’attachant à la lettre et la loi plus qu’à l’esprit et la grâce (Romains VI VII VIII), ont tendance à l’autarcie.

Je crois me souvenir, même si cela est un peu flou dans ma tête, d’un autre théologien dont je n’ai pas retenu le nom, professeur à Montpellier également, je crois, qui, il y a quelques années, à Pomeyrol, pour évoquer le témoin, prenait l’image d’un vase placé dans le courant, au fond du lit d’une rivière. Ce vase est toujours plein mais l’eau ne demeure pas en lui.

L’eau entre et sort dans un même mouvement et poursuit son chemin suivant le courant de la rivière, de vase en vase, tous et chacun déposés également au fond du lit.

Je n’ai pas trouvé cette image du témoin dans le texte biblique lui-même, sans doute le théologien extrapolait-il.

Son image, cependant, rejoint plusieurs images bibliques, j’en cite trois : le vase est une oeuvre du potier et non de lui-même ; l’aspect gratuit presque inutile de ces vases déposés au fond d’une rivière qui n’a pas besoin d’eux pour poursuivre son cour, encore que bibliquement ce ne soit pas tant le service que le serviteur qui soit inutile ; enfin, la fragilité du vase d’argile.

Revenons sur chacune de ces trois images.

-Le vase est en effet modelé par le potier. (Romains IX 20).Vivre du Christ c’est se rendre un jour, et chaque jour, et à chaque instant à cette évidence : nous ne recevons pas notre substance de nous-même ni des hommes seulement mais de la Parole qui sort de la bouche de Dieu. Et comme le peuple d’Israël lors de la traversée du désert ne pouvait goûter la manne quotidienne qui descendait du ciel que le jour même où elle était descendue et devait attendre jour après jour le don de Dieu, nous sommes conduits à demander et recevoir le pain de chaque jour. (Exode XVI)

Dans la nouvelle alliance, c’est Jésus, pain de vie descendu du ciel, qui nous donne accès à la vie éternelle dès l’aujourd’hui de nos détresses. Ainsi, pour que se manifeste l’oeuvre de Dieu, pour que les sarments que nous sommes portent fruits, nous sommes voués à recevoir, à accueillir la nourriture qui nous vient du cep.

-La parabole du serviteur inutile (Luc XVII versets 7 à 10) nous rappelle notre vocation à disparaître derrière la grâce de servir le Royaume, plénitude de toute plénitude. En effet entrant par l’Esprit Saint dans la communion au Père et au Fils, nous disons et nous vivons pour le Règne de Dieu qui par définition n’a pas besoin de nous pour être, mais que nous appelons néanmoins de tout notre être pour nous même et pour le monde.

-Paul voit encore dans ce vase d’argile l’image de notre faiblesse “et nous portons ce trésor dans un vase d’argile “(2 Corinthiens IV 7) ... avant de revendiquer cette faiblesse comme source de force dans le vrai témoignage. “ lorsque je suis faible c’est alors que je suis fort “ (2 Corinthiens XII verset 10).

Ces trois réflexions me font revenir sans cesse au don gratuit.

Jésus lavant les pieds de ses disciples exprime le règne de Dieu dans le service, et le plus grand parmi nous est désormais celui qui se fait serviteur de tous.

Mieux qu’une philosophie de l’existence Jésus nous rappelle le lien concret qui nous unit les uns aux autres : notre propre subsistance, et notre existence dépendent des gestes de ceux qui ont travaillé pour nous.

Et voici sanctifié ce que les philosophes tenaient pour méprisable et réservé à la caste des esclaves : le travail des humbles, service gratuit et créateur.

Je crois cet enseignement très essentiel pour expliquer le développement et la mise en valeur du travail au sens premier et noble du terme dans le monde chrétien.

Il ne s’agit pas, au travers de l’enseignement biblique, de faire une valeur du travail comme le slogan “travail-famille-patrie” a voulu le faire, mais de reconnaître sa sanctification, c’est à dire son caractère mis à part pour le Règne.

Même s’il est rémunéré, le travail est d’essence gratuit puisqu’il permet, par sa nature, le bénéfice à quiconque de l’oeuvre accomplie.

Sans lui, la vie serait impossible et nous dépendons tous des tâches matérielles humbles et quotidiennes que d’autres ont effectué pour nous, dans la plus pure gratuité de laquelle tout travail procède finalement et dans laquelle il se fonde.

Ainsi le pain du boulanger, la maison du maçon, la récolte du paysan, la route du terrassier etc ...

Ces choses sont révélées aux enfants et aux simples et cachées aux intelligents et aux sages dira encore Jésus et il en rendra grâce à son Père.(Matthieu XI 25)

Nous y revenons sans cesse: l’homme accède aux merveilles de la pure grâce par l’Esprit Saint et dès lors il ne s’appartient plus totalement, comme, Pierre et Paul déjà évoqués, comme la nuée des témoins.

De Jésus tout à fait Dieu et tout à fait homme, nous ne pouvons pénétrer le mystère que par l’Esprit Saint.

Jean l’écrit à sa manière :

À ceci vous reconnaissez l’Esprit de Dieu : Tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu et tout esprit qui divise Jésus n’est pas de Dieu.” (1 Jean IV 2)

Nous comprenons en Jésus que Dieu et l’homme ne sont plus séparés et nous le comprenons par l’Esprit Saint.

Les théologiens ont parlé de la divine et sainte trinité. Père, Fils, Saint Esprit.

Il faut naître d’Esprit Saint dira Jésus à Nicodème, homme religieux respecté, pharisien. Or , comme le vent souffle où il veut et nous ne savons d’où il vient et où il va, ainsi, en est-il de l’homme qui naît de l’esprit, ajoute encore Jésus (Jean III 7).

Il ne sait plus d’où il vient et où il va, il s’en remet totalement, il se rend disponible et l’oeuvre de Dieu s’accomplit au travers de lui.

Jésus est le cep nous sommes les sarments, nous portons des fruits en Lui par Lui, non de par nous même.(Jean XV (1 à 5)

Mais rien ne nous est imposé par force.

Notre initiative n’est pas occultée mais fécondée et si Jacob a hérité de la promesse plutôt qu’ Ésaü c’est sans doute parce qu’il l’a davantage désirée, ou plutôt il se trouve qu’il l’a beaucoup désirée et cela pourrait avoir contribué au choix de Dieu. N’a-t-il pas usé de tromperie et d’un stratagème que la morale réprouve en se faisant passer pour son frère devant son père vieilli et aveugle ?

Et pourtant, ce stratagème a été tenu en compte par Dieu plus qu’une quelconque apparente vertu. Démonstration encore du chemin de grâce proposé par l’histoire biblique. Dieu est et demeure le maître d’oeuvre de sa révélation qui passe par des hommes tels qu’ils sont pour les transformer.

Après le combat de Péniel, Jacob ne sera plus tout à fait le même.

Puis, avec Jésus et l’alliance nouvelle nous découvrons la permanente et quotidienne nécessité de mourir à nous-même pour qu’Il vive en nous et par delà nous-même.

Nous ne sommes pas abandonnés sur cette route car nous recevons une force venue d’en haut.

Nous avons déjà évoqué avec Théo PREISS le Saint Esprit comme témoin, mais on peut aussi augmenter cette caractéristique première d’autres attributs dont l’évangile nous parle 3482 .

David WILKERSON l’évangéliste américain relève toute une série d’attributs de l’Esprit Saint, il parle d’une force (Actes I verset 8, d’un réconfort(Jean XIV v 26), d’une protection (Actes XVI verset 6),d’une libération des convoitises charnelles (Ephésiens II versets 3 à 7), promesse de vie (2 Corinthiens III 5 à 6), esprit de vérité, d’une communion (Ephésiens II verset 18), d’une espérance (Romains XV verset 13), réponse aux problèmes rencontrés par une liberté (Corinthiens III verset 17).

Enfin, WILKERSON souligne l’expérience surnaturelle qui accompagne certaines de ses manifestations. Comme à la Pentecôte. (Actes X versets 44).

Ce ne sont pas nos supputations intellectuelles ou autres qui nous font reconnaître l’oeuvre de Dieu parmi nous mais l’Esprit Saint. Il est la force s’exprimant par et dans notre faiblesse.

L’Esprit Saint témoigne en nous comme le disait Théo PREISS du fait que nous sommes enfants de Dieu, et, simultanément, comme le souligne WILKERSON, il nous fait entrer dans la communion de pensée et d’actes avec Dieu lui-même.

L’homme qui l’accueille n’est plus seulement créature de Dieu, il est à l’image du Christ, engendré par Dieu.

Excusez-moi pour ce bien long détour avant d’en arriver à ce qui occupait notre discussion en cette soirée de Juillet. Mais je crois qu’il était nécessaire d’expliquer certaines choses pour qu’à présent il suffise de noter quelques points, avant de se rendre à une évidence.

La question était : Ce qui sépare évangile et islam n’est-ce au fond qu’un effet de culture ou faut-il voir plus loin ?

Volontairement je me suis contenté dans ma longue lettre de signaler quelques points qui font l’originalité de la révélation chrétienne en ignorant l’Islam que je ne connais que très imparfaitement je dois l’avouer. Il me semble cependant qu’ il peut suffire de signaler quelques autres points à partir de l’Islam et du Coran puis de laisser agir la comparaison simple.

Tout d’abord notons que l’Islam occupe une place particulière, singulière qu’il nous faut chercher à comprendre de façon singulière. Il se réfère à la révélation biblique et en cela semble rejoindre le christianisme et le judaïsme. Il se développe initialement chez les enfants d’Ismaël, descendants par la servante Agar d’Abraham.

Il se distingue d’autres religions en ce qu’il mentionne Noé Abraham et certains prophètes comme la personne même de Jésus, et Marie.

Jésus n’y est pas cependant reconnu comme le Fils mais un prophète, il n’est pas non plus selon le texte coranique, mort sur la croix, non plus, donc suivant le Coran, il n’est pas ressuscité.

L’Islam se présente comme la dernière des grandes religions monothéistes. Chronologiquement cela est indiscutable.

Si juifs et chrétiens se réfèrent à la même bible (ancien testament) à laquelle les chrétiens ont adjoint le nouveau testament et les juifs le Talmud et la Kabbale, les musulmans prétendent également s’en référer mais sans en retenir le texte ni dans sa littéralité ni dans son histoire singulière.

Nous retrouvons cependant trois points forts de la révélation biblique : un dieu unique et créateur, une révélation adressée à une personne, l’idée du salut.

Je me limiterai à ces trois points pour indiquer en quelques mots des points évidents de divergence profondes.

-Le dieu créateur : ALLAH est-il YHVH ?

YHVH dans la nouvelle alliance nous est devenu Père, comme déjà l’Ancien Testament en fait quelques mentions en parlant pour Israël des enfants de Dieu.

Pour le Coran, explicitement, Allah comme il n’a pas été engendré n’a pas non plus engendré. (Coran CXII)

Impensable donc pour les musulmans de se considérer comme les enfants d’Allah. Et Mahomet le répète en plusieurs circonstances.

Allah est distant de l’homme, il ne peut être approché que par la soumission, YHVH dès l’ancienne alliance se laisse tutoyer en quelque sorte. La référence à Allah revient à un monisme qui intègre toute chose dans un tout.

Dès lors, dans la tradition arabe musulmane, dès les origines, la question était de savoir quelle était la part de l’homme dans sa destinée. Elle opposa dès l’origine, les qadarites qui croyaient qu’il revenait à l’homme de disposer librement d’une part de ses actes et les jabarites partisans de la prédestination totale.

Cette opposition revient de loin à l’opposition des philosophes entre essence et existence qui, opposa ARISTOTE à PLATON, mais s’en distingue cependant.

Chez les grecs, essentialisme aristotélicien et existentialisme platonicien, ne partaient que du point de vue de l’homme sans recours à la révélation extérieure, sinon la voix intérieure qui inspirait PLATON : le démiurge.

Chez les musulmans, qadarites et jabarites ne se référaient pour argumenter que du point de vue transcendant, d’Allah révélé à Mahomet dans le Coran, donc tout extérieur.

Malgré les apparences, cette opposition n’est pas semblable non plus à celle qui divisa dans l’histoire chrétienne partisans du libre arbitre et de la grâce, ÉRASME à LUTHER, opposition semblable à celle qui avait opposé Pélage à Saint AUGUSTIN, et qui opposera Jansénistes et PASCAL aux Jésuites et jusqu’au sein de réforme, chrétiens sociaux ou libéraux aux évangélistes. La grâce est communion en Dieu.

L’Amour de Dieu dans l’évangile se donne gratuitement comme le mot grâce l’indique. Ainsi posé, le fait de la grâce n’est jamais qu’une fécondation de la liberté de l’homme qui n’est plus dès lors en opposition dialectique avec la puissance de Dieu.

La grâce est communion au don gratuit de Dieu dans l’alliance avec Christ, accomplissement du cheminement de l’alliance depuis Noé et Abraham. Nous avons vu que par la circoncision du coeur la grâce nous faisait entrer dans la communion de pensée et d’acte avec Dieu.

Cela est inimaginable en Islam.

Je ne trouve Dieu que dans le don gratuit dont le Christ est l’accomplissement absolu par pur Amour.

La relation avec Allah se retrouve dans la piété et la soumission, et oppose le pieux à l’infidèle.

Cette dernière remarque rend dès l’origine très difficile sinon impossible pour un musulman l’apostasie.

Si chrétiens et juifs furent à l’origine tolérés, le musulman pouvait-il du temps même de Mahomet apostasier sa religion sans risquer la mort ? La lecture des textes mêmes laissent à supposer que non.

Mahomet chassa les juifs de Médine, commença la jiad. Aujourd’hui encore la Mecque reste interdite aux non musulmans.

Jésus à l’inverse trouve la mort à partir de la trahison de Judas. La liberté personnelle est accueillie jusqu’à cette limite extrême.

Dans l’évangile, Jésus a tout porté, nul n’est besoin de sacrifices, ni de pratiques pour s’attirer les faveurs du Père.

Je viens d’écouter sur une cassette que l’on m’a prêtée des témoignages, par de jeunes musulmans, sur les circonstances de leur conversion à Jésus.

Je suis frappé par le ton paisible de leurs voix.

Une jeune femme algérienne disait avoir d’abord été intriguée par ce Dieu qui est une personne avec qui nous pouvons parler et dialoguer, qui ne reste pas quelque part dans l’ailleurs, mais qui vient vivre dans notre coeur et répondre à nos questions.

Alors qu’Allah reste pur esprit et inaccessible au dialogue.

D’autres insistent sur l’amour pour les ennemis, commandement nouveau du Christ, irréalisable sans lui.

Tous parlent de la découverte en Jésus d’un ami. Dieu est un ami, voilà qui change tout.

Tous disent avoir été conduits par le témoignage de vie que leur ont donné certains chrétiens plus que par des arguments.

Toujours, la conversion en Christ est une découverte de la force de l’Amour extraordinaire de Dieu qui se fait homme pour nous sauver.

Cet Amour transforme les existences. Il s’incarne, tel est le premier témoignage.

-La révélation biblique et la révélation du Coran ?

Le Coran n’aurait été écrit qu’après la mort de son prophète. Le Coran reprend les paroles qui auraient été données à Mahomet par l’ange Gabriel. Lors des messages reçus, Mahomet entrait en transes.

La forme même de cette révélation s’explique par le caractère monique de la conception de Dieu dans l’Islam.

À première vue, cela semble rejoindre la révélation de YHVH qui dès l’Ancien Testament se distingue des idoles construites de mains d’hommes et qui, de pierre, n’ont pas de vie. Certes, pourrait-on dire, Allah ne supporte pas non plus que l’on fasse des images de lui, ne se présente-t-il pas comme le créateur dont la créature ne peut rendre l’image. Finalement, dès lors, ne rejoindrait-il pas YHVH Tout Autre de la révélation biblique tout aussi jaloux ?

Mais si YHVH se révèle dans la Bible, dans la longue histoire d’Israël, cette révélation entre toujours dans une histoire particulière et précise dont on nous narre par ailleurs les événements et les circonstances.

Il est saisissant de voir comment Dieu se révèle dans une histoire comme malgré les protagonistes de celle-ci, mais à l’intérieur d’une quotidienneté qui nous est narrée. Ainsi donc les quatre évangiles.

Nous pourrions multiplier les exemples, je prends, pour illustrer mon propos, l’histoire de Joseph, fils de Jacob.

Joseph est victime de ces frères et pourtant l’alliance demeure et YHVH continue à se révéler dans cette sombre histoire faite de jalousies, de rivalités, de mensonges et de trahisons et Il introduit une perspective de salut pour l’humanité .

C’est dans cette sombre histoire qui plonge aux racines de notre humanité la plus faible que s’ouvrira la perspective d’un salut. Et les douze fils de Jacob, dont Joseph fait partie, préfigurent les douze tribus d’Israël et plus tard les douze disciples du Christ par qui la bonne nouvelle du passage de la mort à la vie est annoncée puis accomplie.

Cette histoire, narrée dans les détails, opère donc une réhabilitation de nos gestes et de nos pensées, de nos actes les plus anodins et quotidiens, les plus sombres aussi.

La révélation biblique vient à l’intérieur de ceux-ci pour y immiscer une parole qui opère comme un trouble à partir duquel s’élabore un sens nouveau, à la vie. Dieu nous marque par le mystère d’une présence invisible et effective toute autre mais qui se fait proche. Nous voilà circoncis.

L’incarnation ne commence pas finalement avec la vie de Jésus mais est au coeur de toute la Bible, c’est en ce sens qu’il devient possible et raisonnable de la lire à partir d’une vision christocentrique comme le souhaitait Karl Barth que je rejoins.

L’incarnation n’est pas envisageable pour Mahomet. Ainsi lorsqu’il reçoit les paroles du Coran est-il comme possédé et en transes. Mahomet reçoit des paroles toutes extérieures et on ne nous dit rien dans le texte sur les circonstances de cette révélation, comme si cela était sans importance.

Au contraire s’il est vrai que YHVH se révèle également par des songes ceux-ci entrent dans une histoire et envoient les hommes dans cette histoire.

Aucun prophète de l’Ancien Testament n’est non plus jamais possédé par un verbe extérieur à lui. Le verbe se fait chair il nous épouse dans notre quotidienneté, ce qui est radicalement différent.

L’évangile depuis l’origine ne se développe pas à partir d’une théologie ou une éthique construite ni comme une religion révélée seulement en esprit, mais comme une succession de témoignages d’une bonne nouvelle dont des signes (sens de miracle) rendent la vérité.

Qui dit témoignage dit interprétations diverses d’un même fait, discussion, dialogue. Le dialogue est au centre de la révélation chrétienne et constitue encore aujourd’hui la base de la culture juive dont le Talmud rend témoignage.

Du coup, n’oublions pas que l’état laïque qu’il ne faut pas confondre avec l’état laïciste naît (ou renaît) historiquement avec la réforme. C’est à dire que la séparation entre le politique et le religieux qui a toujours été une réalité plus ou moins bafouée depuis le règne de Constantin mais néanmoins présente dans l’histoire chrétienne trouve avec le fondement biblique retrouvé une expression naturelle.

Avec le Coran c’est tout le contraire. Le retour au Coran dans l’Islam s’accompagne souvent (toujours) d’un retour au politique. Le Coran est un livre d’organisation politique.

Pour le Coran, la religion est l’objectif. Il s’agit d’une religion qui repose sur cinq piliers que l’Islam a rendu populaires et qui sont : l’adhésion à la religion, la prière, l’aumône et la participation au culte, le jeûne annuel, le pèlerinage.

La religion sociale intègre pour l’Islam la relation à ALLAH qui est collective finalement avant d’être singulière et personnelle même si elle suppose une piété personnelle, un engagement personnel.

Le Coran se présente comme, et propose, une solution collective et sociale politique et juridique aux relations entre Allah et l’homme.

L’évangile propose ici et maintenant la vie éternelle à chacun appelé personnellement par son nom ... des personnes appelées à former un seul corps par le lien de la foi et la communion en Dieu lui-même par l’amour gratuit comme le Christ nous a aimé, nous aime, aujourd’hui, toujours.

L’Islam originellement se répand à partir de premiers convaincus puis par la prise du pouvoir. Mahomet est un chef politique.

Pendant les premiers siècles, avant CONSTANTIN, donc à l’origine, le christianisme se développe comme une bonne nouvelle transmise de bouche à oreille dans les catacombes.

Les deux royaumes sont à l’origine du christianisme, l’Islam ignore finalement par sa vision monique la distinction entre ordre temporel et ordre spirituel.

On peut cependant parler d’un islam tolérant majoritaire qui s’oppose à l’islam intégriste.

Il n’en reste pas moins que la tolérance, qui est j’en conviens bien préférable à la violence, ne rejoint pas complètement la bienveillance dont l’évangile nous revêt.

La définition du mot tolérance selon le petit Robert :“Laisser se produire quelque chose qu’on aurait la possibilité d’empêcher.”

La tolérance part d’un point de vue d’ordre éthique religieux ou culturel, elle prône dans le meilleur des cas le droit de déroger dans une certaine mesure à cet ordre. Elle est recherche d’un équilibre à partir d’un point de vue, sinon proprement politique, au minimum social. Elle part d’un point de vue fort qu’elle suppose établi.

Ainsi l’état romain du temps du Christ était dans son empire, au fur et à mesure de ses conquêtes, tolérant envers les cultes les plus divers, tolérant jusqu’aux sacrifices d’enfants et d’humains. Cependant tous ces cultes devaient simplement s’inscrire sous l’autorité politique de César et l’accepter comme domination suprême dont “l’avé César “ rendait témoignage. C’est parce que les premiers chrétiens ne reconnaissaient pas César comme leur maître suprême mais comme étant lui-même soumis à Dieu qu’ils furent persécutés.

La perspective tolérante peut vite devenir paradoxalement donc, intolérante vis à vis d’un point de vue tout pacifique mais par trop affirmé.

Combien de fois n’entend-on pas dire à quelqu’un qui affirme une conviction qu’il lui faut être tolérant ?

Combien de fois n’entend-on pas au nom de la tolérance confondre dans un syncrétisme hâtif, recherche du fondement et intégrisme en oubliant que la tolérance elle-même peut se revêtir d’intégrisme si elle n’est pas fondée sur la bienveillance inconditionnelle envers quiconque ?

Intégrisme d’autant plus sournois qu’il prétend le combattre et fait de ce combat son fer de lance.

L’Islam ne peut de mon point de vue dépasser la tolérance, elle est un sommet de sagesse pour lui.

L’évangile se fonde sur la bienveillance. “ Gloire à Dieu. Bonne volonté envers les hommes, Paix sur la terre “ disent les anges à Noël, aux bergers surpris.(Luc II 13)

La bienveillance nous dit encore le Robert est : “le sentiment par lequel on veut du bien à quiconque”.

Étymologiquement elle peut signifier veiller au bien, pour le bien, dans le bien.La veille est une prière dans la nuit silencieuse et persévérante. “ Veillez et priez “ dit Jésus à ses disciples à Gethsémani.(Matthieu XXVI 41)

La bienveillance est recherche personnelle, attentive, humble, priante, du fondement en Dieu, qui est le bien, de toute vie. Elle se décentre des perspectives humaines intéressées et communie en ce fondement premier et gratuit. Dès lors, elle ne peut, intégrer de force quiconque dans son système. Elle n’est d’ailleurs pas un système mais prière et action. La bienveillance est un anti-intégrisme radical.

La bienveillance est recherche de communion, la tolérance est au plus consensuelle.

La tolérance peut être un fruit de la bienveillance, jamais la racine. Un fruit un peu malheureux cependant, car la bienveillance cherche la communion avec quiconque et pas seulement le consensus.

En tant que racine la tolérance peut rapidement produire l’indifférence plutôt que la bienveillance.

Difficile cependant d’y voir clair surtout lorsque nous songeons à la tolérante Espagne musulmane. Et le califat de Cordoue vers le X° siècle est souvent cité en exemple.

Il est vrai que l’Islam comme bien d’autres religions a donné lieu à une sensibilité mystique particulièrement riche au point que c’est elle davantage que les textes du Coran lui-même qui semble avoir influencé les intellectuels occidentaux attirés par cette religion, tels GARAUDY.

On peut parler de la riche tradition spirituelle musulmane en particulier le soufisme ou encore de poètes contemporains comme Jamel Eddine BENCHEIKH qui voit dans l’Islam davantage une éthique, une culture dont il prône le caractère humaniste et non politique.

On peut à l’inverse revenir sur les croisades chrétiennes et l’inquisition mais remarquons qu’elles se font toujours à l’encontre évidente des sources, ce qui n’est pas le cas de l’Islam qui légitime la violence et la guerre pour Allah.

Nous avons même eu Thomas HOBBES (1588-16799) 3483 qui se réclamait encore du texte biblique pour justifier à partir d’une vision mécaniste, l’amalgame entre contrat social législatif et pouvoir absolu exécutif.

Ce que HOBBES réfutait dans son état Léviathan c’est la possibilité d’une intériorité singulière propre à chacun. Quelle violence !

On peut voir en lui, sinon l’inspirateur, du moins le précurseur des politiques modernes systématiques et surtout des dictatures même celles qui ont pour nom l’islamisme.

Le christianisme s’est toujours fourvoyé lorsqu’il a confondu les deux royaumes. Le règne du Christ ne peut s’annoncer que de bouche à oreille de personne à personne.

Être chrétien c’est être prêt à tout perdre dans le monde, aux yeux du monde, mais de tout supporter pour le règne du Christ.

En effet, le point de vue politique est impropre à parler de l’évangile. Malheureusement nos deux mille ans d’histoire n’ont cessé de confondre les deux royaumes, et il devient bien difficile de faire entendre des évidences comme celles que j’ai énoncées sur la singularité chrétienne de la bonne nouvelle de l’évangile tant les esprits semblent traumatisés et obstrués par une lecture critique et politique de l’histoire chrétienne.

Le christianisme, nous l’avons évoqué, se développe à partir de la seule question: En qui fondes-tu ton espérance ? En qui reposes-tu ta foi ? Quel est ton postulat ?

Il propose, à partir de là, une perspective ouverte.

Il indique finalement le caractère relatif de nos systèmes cohérents et rejoint curieusement ainsi, non seulement la relativité déjà évoquée mais la théorie des épistémologues actuels tels POPPER des systèmes ouverts.

Ou encore le fameux théorème de GÖDEL qui indique que tout système cohérent repose sur une acte de foi, un postulat tout extérieur à ce système.

La cohérence ne dit pas la vérité de la vie et de la mort où nous transporte l’évangile et la Bible, mais seulement la logique d’un système.

Ainsi, le nazisme fut cohérent mais il fut on ne peut plus inhumain. Son postulat était mauvais. Il prétendait que le mal était à l’extérieur de sa doctrine et de ceux qui l’appliquaient et se focalisait sur le faible dont la culture juive fait l’apologie.

Il reposait sur le principe de bouc émissarisation que la Bible n ‘a cessé de condamner. Le “Got met uns “ sur le casque des allemands faisait de dieu la propriété des hommes adeptes de la doctrine ou de la race pure.

Ce n’est pas que Dieu n’était pas avec eux, et ne souffrait pas de leurs crimes, mais il était aussi et surtout auprès du faible, de l’humilié qu’eux mêmes en son nom humiliaient.

Le bien comme le mal, la vie ou la mort, l’amour ou la haine passent par chacun, ils ne sont pas à l’extérieur de nous. C’est le Seigneur qui les a placés devant chacun. Ceci est une originalité biblique. Ils ne sont pas à l’extérieur du choix que nous faisons. Choisissons le bien, l’amour, la vie, telle est l’exhortation biblique.

Si la cohérence du système ne dit rien, de son fondement tout peut dépendre. Tout n’est pas relatif. De la qualité de l’hypothèse dépendent les découvertes et les miracles.

Si nous sommes soldats, nous le sommes de l’amour gratuit, sans autre arme que la parole de Dieu. Alors, sur le casque invisible du salut sont inscrits non plus “ Got met uns” “Dieu avec nous” mais “Shalom”, ” Paix de Dieu avec toi”. Et nous pouvons dire à celui que nous rencontrons et vers qui s’adresse cette bénédiction ceci :“ Si tu fondais en Jésus ton postulat, il deviendrait ton espérance.

Comme le prophétise l‘Ancien Testament, les hommes détruiront leurs armes de guerre, les déserts refleuriront. Des signes s’accompliront. Les vois-tu déjà s’accomplir ?

Ton postulat est très important, il cache toujours un acte de foi. La foi se révèle à elle-même en Jésus Christ.

Ne te le cache plus à toi même, fais de ton postulat, du fondement de ta vie, un acte de confiance et d’abandon en l’Amour total et absolu manifesté en Lui qui t’envoie à présent vers les hommes tes frères dans le monde.”

La foi est comme une lumière qu’on allume. La lumière brille dans les ténèbres et les éclaire d’un jour nouveau.

Si la foi en Jésus Christ est une lumière elle donne donc de voir ce qui était caché, par ailleurs, nous l’avons dit.

Imaginons un homme qui aurait une bibliothèque à ranger mais qui effectuerait ce rangement dans la pénombre, à la lumière de bougies de fortune. Cet homme serait sans doute bien embarrassé pour classer les ouvrages selon leur collection pour discerner entre eux, et il n’aurait peut-être pas de toute sa vie pour classer ces documents avec des risques d’erreurs car jamais la lumière ne lui permettrait d’avoir une vision globale de la pièce.

Ainsi en est-il me semble-t-il de bien des choses dans notre temps.

Jésus nous dit “Je suis la lumière du monde” (Jean VIII 12)... et si nous songions simplement, à ouvrir les volets pour que la lumière remplisse la pièce. Le rangement de cette bibliothèque deviendrait à la portée d’un enfant.

La lumière du jour nous est accordée avec fidélité depuis l’alliance faite à Noé qui ne suppose de notre part aucun acte de foi mais voici que Jésus vient accomplir l’alliance.

Et voici qu’à présent il nous faut faire le choix d’ouvrir les volets. Il se peut que la lumière nous dérange en révélant les choses cachées que nous préférions, sans nous l’avouer vraiment garder dans la pénombre.

Au moment de faire ce choix nous savons que le mal malheureusement colle à nos basques, comme malgré nous et qu’il nous sera même révélé avec plus de précision par la lumière. Nous ne faisons pas le bien que nous voudrions et nous faisons le mal que nous ne voulons pas, comme disait Paul que j’ai déjà cité, (Romains VII 18/19) et s’ouvre en nous par une blessure une conscience nouvelle.

C’est par cette blessure que la circoncision invisible s’opère. En elle, nous pressentons dès aujourd’hui le règne à venir.

Comme mon bras blessé doit réapprendre, à force de rééducation et de volonté, ce qui pour l’autre bras est naturel et qui pour lui-même l’était aussi, il n’y a pas si longtemps, ainsi en est-il de la circoncision du coeur qui me fait entrer dans le projet du créateur.

Mais dès lors, par ce chemin, simultanément accueilli et conquis, je découvre comme autant de grâces et de merveilles ce qui autrefois ne me paraissait rien que le plus naturel et inscrit dans l’ordre des choses.

Tout à coup il me semble mieux comprendre par l’intérieur, car je participe par la volonté à ce qui n’était qu’un don inné et qu’il faut à présent retrouver, le prix de la grâce qu’est notre corps, notre vie, toute vie, la vie.

Et le chemin s’inverse, je découvre émerveillé que la mort conduit à la vie. En Jésus.

Ainsi, ce qui de l’extérieur est faiblesse, blessure, devient pour nous une force, une source, de vie, d’amour et d’intelligence qui nous transforme de fond en comble, pour que nos vies en deviennent un témoignage.

-Le salut : quel salut ?

Les théologiens ont remarqué que le Coran en reste à une vision circulaire du temps, répétitive.

L’Islam justifie face aux juifs et aux chrétiens par exemple le fait que Mahomet ait eu plusieurs épouses en se référant à Abraham qui bien qu’ayant Sarah pour femme se tourna vers Agar. On pourrait citer Jacob et ses deux épouses Léa et Rachel.

Il semble ignorer que ces personnages sont venus avant la révélation de la loi.

Si le Coran reprend quelques personnages bibliques, il aplatit le cheminement historique et pédagogique qui conduit dans le texte biblique à une révélation de plus en plus précise du plan de Dieu.

Il finit par dire que ce plan ne conduisait nullement au Christ mais que Mahomet est le dernier des prophètes.

Le temps pour la révélation biblique, au contraire, est un instrument dans lequel et par lequel Dieu travaille. Chaque chose arrive en son temps, et peu à peu la révélation se précise dans le sens de la communion en Dieu en Jésus Christ, et jusqu’à elle.

Il dit encore : Il en est du royaume comme quand un homme jette une semence en terre; qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence croît sans qu’il sache comment. La terre produit d’elle-même, d’abord l’herbe, puis l’épi, puis le grain tout formé dans l’épi; et, dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là.”

(Marc IV 26 à 29)

Si l’homme est faible Dieu est fidèle à son alliance. L’alliance dans la Bible chrétienne conduit un peuple Israël jusqu’à Jésus qui est désormais le seul et unique médiateur.

Jésus se donne comme le chemin la vérité la vie c’est à dire qu’il est le chemin l’exclusif, chemin qui mène au Père et au royaume. (Jean XIV 6)

Le sacrifice de la croix sauve et réconcilie l’homme avec Dieu et le sacrifice de l’homme n’est plus à faire.

La médiation entre Dieu et l’homme est en Jésus dont l’Esprit Saint rend témoignage.

L’alliance est citée dans le Coran comme un fait du passé, Dieu avait jadis fait alliance avec Israël.

L’islam rétablit, plusieurs siècles après Jésus, la circoncision et introduit le sacrifice d’un mouton à la fin du ramadan.

La médiation pour le salut n’est pas selon l’Islam, Jésus mais la religion.

Le salut est selon le Coran l’accès aux jardins d’Allah.

Il est question de délices sensuels à l’adresse des hommes exclusivement qui auront même plusieurs compagnes.

L’évangile parle d’un festin et par bien d’autres paraboles comme le grain de Sénevé qui rendent attentifs à l’émergence dès ici bas dans le don gratuit du règne de Dieu, je l’ai par ailleurs développé dans cette lettre.

D’un côté, dès l’origine, les martyrs des premiers chrétiens tels Étienne, et les catacombes.

De l’autre, dès l’origine, la guerre dite sainte, la Jiad.

D’un côté, l’amour pour les ennemis et la croix.

De l’autre, la lutte pour l’expansion de l’islam, une religion, et la soumission physique et morale des infidèles, au minimum leur exclusion.

D’un côté, une critique sévère faite par Jésus, qui n’emploie même jamais ce mot, de la religion, construction humaine pour accéder à Dieu, et l’annonce d’une bonne nouvelle : la grâce du chemin accompli par Dieu lui-même.

“La religion pure et sans tache devant Dieu consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde.” (Jacques I 27)

De l’autre, le mot religion revenant comme un leitmotiv au fil des lignes du Coran : religion humaine en toute sa splendeur, toute sa rigueur et le jugement qui en découle pour les prétendus infidèles.

D’un côté, l’espérance en la résurrection dont Jésus est le premier né. Le jugement en Jésus, contenu dans sa personne, son amour, son espérance pour tous.

De l’autre, la proposition d’un jugement également à partir des oeuvres plus ou moins conformes à une religion présentée comme une série de préceptes.

La vie dans les jardins d’Allah ne transforme apparemment pas l’homme.

Au Royaume des cieux, le chrétien se sait transporté à la communion au règne du Père, il est dans l’Esprit Saint, engendré dès ici bas, par Dieu, nous l’avons dit.

Le chrétien se sait adopté et fils, cohéritier du règne, le musulman comme l’indique l’étymologie même de sa religion l’islam, est résigné et soumis à son dieu lointain, Allah.

Pour conclure, je reviendrai sur Jacques ELLUL 3484 qui distinguait trois types de subversions (je préfère ce mot à hérésie qu’il employait) du christianisme, s’étant succédées historiquement comme trois étapes de l’évolution historique de l’église et qui certes rendent la clarification d’une distinction d’avec l’Islam, difficile, mais non impossible.

Ces trois types de subversions seraient, ce qu’il appelle le constantinisme, la rationalité, les autres cultures.

Le constantinisme installe peu à peu le christianisme comme raison et religion d’état. Ces adeptes défendent une idée de la société chrétienne et du christianisme et non de l’évangile gratuit qui seul nourrit l’espérance.

La rationalité à partir de la scolastique mais aussi finalement HOBBES, HEGEL et la notion de système cohérent se substituant à la personne du Christ est donc une subversion. Cela ne signifie nullement que la foi ne requière pas la raison, comme le prétendit justement saint Anselme au X° siècle. Oui, mais une raison priante, ouverte et non celle fondée sur le système totalisant. La foi nous rend à l’intelligence qui nous libère du culte rendu à la raison.

La révélation chrétienne, comme égale à celle des autres cultures, est la troisième et plus récente subversion du christianisme dans la majorité silencieuse de l’église. Elle conduit, liée au constantinisme, à l’idée d’un nouveau catholicisme moins chrétien que pluri-religieux prônant la tolérance au nom d’une perspective religieuse de dialogues entre les religions. Il ne s’agit pas de ne pas respecter toutes les démarches humaines qu’effectivement la révélation chrétienne vient rencontrer épouser et féconder plus que combattre, mais il faut se garder d’une fausse tolérance consensuelle qui noie le poisson de la bienveillance pour y substituer l’insidieuse harmonie d’un ordre public au nom d’une tolérance à la limité du terrorisme.

Je conclurai en disant que ces subversions pour le christianisme n’en seraient certainement pas pour l’Islam.

Tout simplement parce qu’elles se retrouvent dans le texte fondateur et dans l’exemple de Mahomet qui prôna un pouvoir politique au nom d’une religion, une rationalité n’ayant nulle besoin d’être circoncise dans et par la prière et l’action, l’homme n’ayant qu’à se soumettre à Allah et non à communier avec la pensée de Dieu, et enfin, une certaine tolérance vis à vis des juifs et chrétiens.

Finalement, du fait du caractère monique de la référence à Allah, l’Islam oscille entre un transcendantalisme mystique des plus irrationnels et un rationalisme des plus matérialistes qui entre autre, à partir d’Averroès au XII° siècle contribuera à l’introduction de la philosophie d’ARISTOTE dans le christianisme qui trouva son point d’orgue en Saint Thomas d’Aquin qui combattit pourtant les idées trop matérialistes d’Averroès.

Il reste bien sûr que tout n’est pas très simple.

Il faut se garder de tout amalgame, j’en vois au moins trois possibles qui se relient fortement les uns aux autres.

Un premier amalgame, souvent avancé, confond l’islam traditionnel et les populations musulmanes vivant en France, avec le terrorisme de certains qui aujourd’hui posent des bombes, détournent des avions, font payer des innocents.

Je suis personnellement tellement redevable à beaucoup de familles ou personnes musulmanes rencontrées au fil de mes années d’enseignement et avec qui s’est nouée une vraie relation d’amitié, que cela est pour moi plus qu’une évidence, on ne peut plus claire. Je la souligne néanmoins.

Un second amalgame confond religion et atavisme. Il consiste à regarder le musulman, le juif, le bouddhiste et quiconque de quelque culture ou religion, d’abord et exclusivement comme tel. Il nie le fait que celui-ci puisse être une personne en dehors de sa culture originelle ou en rupture avec elle.

L’atavisme nie l’espérance.

Tout l’évangile envoie se promener nos atavismes de tout ordre, pour interpeller et faire naître en chacun la personne unifiée, réconciliée, singulière, indépendante, appelée par son nom, tout personnellement, intimement, à communier au règne de l’amour. Ainsi, Jésus accueille la femme samaritaine et lui demande de l’eau pour se désaltérer, alors que beaucoup de juifs contemporains n’auraient pas parler à cette femme, jugée impure de part son origine ... et de plus adultère.(Jean IV 7 à 42).

Dans l’autre sens, Jean le baptiste, déjà s’élevait encore contre ceux qui se glorifiaient d’être les enfants d’Abraham.“Produisez dons du fruit qui témoigne de votre conversion ; et ne ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham.” (Matthieu III 7 à 9)

Paul signifiera encore, de manière, radicalement et historiquement, nouvelle, le bouleversement que propose la bonne nouvelle de l’accès du royaume ouvert à tous. Une fraternité nouvelle rompt toutes les chaînes de nos cultures ou natures complexes et divisées.

“Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous vous n’êtes qu’un en Christ.” (Galates III 28)

L’évangile propose la naissance de la personne humaine de façon radicalement nouvelle comme l’ont souligné les personnalistes chrétiens tels Emmanuel MOUNIER.

L’accueil de la personne n’est pas négation de la culture originelle, mais refus d’un enfermement en son intérieur.

Enfin, un autre amalgame qui a cours de nos jours, particulièrement dans nos milieux protestants, prend sa source dans le relativisme que PASCAL, au nom de l’évangile, dénonçait déjà dans ce qu’il appelait le pyrrhonisme.

PYRRHON, philosophe grec était un philosophe sceptique (-365 -275). La philosophie sceptique de PYRRHON qui ne croyait pas la vérité accessible par les sens, insistait sur la relativité et le doute. N’est-il pas d’une certaine façon l’ancêtre de l’étymologie scientifique contemporaine et de POPPER qui montre l’incomplétude de chaque théorie ?

Toute proposition peut-être démontrée ainsi que son contraire ; ce qui en constituerait l’irréfutabilité serait la connaissance de ses prémisses par définition indémontrables puisqu’ils tiennent à la subjectivité et à la situation de l’homme lui-même. Le seul idéal possible serait dès lors celui des stoïciens : l’ataraxie.

L’ataraxie est un calme stoïque qui rejette le trouble et les passions, cet idéal n’est pas celui de l’évangile. PASCAL, après avoir reconnu certaines vertus du pyrrhonisme, dénonçait l’ataraxie contemplative débouchant inexorablement sur une forme d’indifférence et de tiédeur.

Citons simplement cet avertissement du texte de l’Apocalypse à l’église de Laodicée. “ Parce que tu es tiède je te vomirai’ (Apocalypse chapitre 3 verset 16).

L’Esprit Saint nous invite à aimer et non à la tiédeur, à aimer sans mesure sur les traces et avec la force de Jésus.

Nos frères les hommes, parmi lesquels les musulmans, embrassons les d’un même amour, d’un même témoignage de la très bonne nouvelle du royaume que Jésus a forcé et ouvert pour tous, d’une même prière, d’un même accueil, d’un même respect pour ce qu’ils sont et croient, sans nier jamais et en annonçant le fondement et la source de notre foi.

Alors peut être pourrons-nous devenir à notre tour lumière pour d’autres.

La lumière est un don initial et gratuit sur lequel viennent butter les limites de l’intelligence humaine. Il n’est pas d’intelligence ni de vie sans lumière.

Depuis EINSTEIN nous considérons sa vitesse comme la vitesse absolue, comme si l’homme ne pouvait rien concevoir en dehors d’elle.

Alors l’évangile nous invite moins à tenter de la concevoir qu’à l’accueillir pour qu’elle féconde notre coeur, notre intelligence et notre esprit.

Jésus ne s’est pas contenté d’annoncer qu’il était la lumière du monde, mais il dit aussi aux disciples :“ Vous êtes la lumière du monde “ (Matthieu V 14)

La lumière change les ténèbres en lumière.

“je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu’ils ne connaissent pas, je les conduirai par des sentiers qu’ils ignorent ; je changerai devant eux les ténèbres en lumière.”

(Ésaïe 42 16)

Ainsi verrons-nous peut-être que l’Islam comme le souligne certains, s’il méconnaît l’évangile, possède en son sein comme des pierres d’attentes, semblables à ce dieu inconnu qu’adoraient les grecs et sur lequel Paul prêcha à l’aréopage d’Athènes pour le révéler comme étant le Christ.(Actes X VII 23 à 34)

Ainsi, plusieurs soulignent que le Coran évoque mystérieusement le retour de Jésus, qu’il se réfère à des personnages de la Bible et se présente comme en conformité avec son message.

Il me semble qu’il est possible de parler à des musulmans à partir de ces choses pour y apporter et annoncer la lumière nouvelle de l’évangile dont toute cette lettre à tenter de parler sans épuiser, loin de là, la question.

Nous pouvons leur dire par exemple aussi que si le mouton n’est pas sacrifié par les chrétiens c’est qu’ils croient que Dieu lui même a offert son Fils, agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, en sacrifice.

Enfin, il me semble que l’évangile ne se transmet pas avec des théories ni des discours comme ceux de cette lettre mais par le témoignage.

Et pour ce qui est du témoignage nous ne sommes plus dans le discours théorique mais dans le rapport à la vie. Nul n’est le dépositaire exclusif du témoignage. Tout homme quel qu’il soit peut devenir témoin pour nous.

Voici une anecdote parmi bien d’autres que j’aurais pu choisir pour illustrer ce sujet.

Nous fêtions nos douze ans et demi de mariage en famille, comme cela se fait en hollande où, curieusement, douze ans et demi, la moitié de vingt-cinq, sont considérés comme un passage important que traditionnellement les familles célèbrent.

J’étais seul dans la rue en bas de chez moi chargé par tout le poids de la chaîne stéréo qu’il fallait transporter en voiture à la campagne où avait lieu la fête, lorsque j’arrivai devant le coffre fermé.

Que faire ? En déposant la chaîne je risquais de provoquer une hécatombe sur la chaussée ...

C’est alors que je vis arriver une montagne faite de matelas, couvertures, casseroles et autres ustensiles ménagers et qui avançait toute seule au bout de la rue.

Arrivée devant moi, la montagne s’arrêta.

Je compris alors qu’il s’agissait en fait d’une charrette chargée comme pour un déménagement et qu’un homme seul poussait à bout de bras.

Voyant mon embarras, l’homme laissa un instant sa charrette au milieu de la rue et ouvrit la porte du coffre avant de m’aider à charger la voiture.

Lorsque je voulus me retourner pour le remercier, il était déjà reparti ... avec sa charrette, cet homme était un maghrébin, probablement donc musulman.

Cet homme fut ce jour là pour moi un peu comme le samaritain de la parabole, mon prochain. C’est ce prochain que déjà la loi ancienne nous intime d’aimer comme nous-même.

(Luc X 25 à 37)

Me revient souvent cette histoire lorsque je pense à mes amis de religion musulmane, rencontrés, au fil des années, dans mon métier d’instituteur.

Cet homme ne connaissait probablement pas l’évangile qu’il m’a pourtant parfaitement annoncé ce jour là, non pas comme une théorie mais par un acte d’amour gratuit dont j’ai tenté de dire et redire qu’il constitue l’essence même, la nature, du message de la bonne nouvelle.

Dans mon métier d’instituteur, je vis bien souvent de telles annonces inconscientes, en quelque sorte, par ceux qui ne le connaissent pas, de ce même évangile .

À moi, à nous, sans doute, de révéler la lumière du Christ pour que le don gratuit soit compris comme la manifestation parfaite de l’Amour de Dieu, Dieu d’Amour, qui triomphe de toute chose. Cet Amour s’incarne en la personne de Jésus.

Que le Saint-Esprit de bienveillance, donc, nous surprenne

toujours et nous envoie, nous inspire et nous garde en toutes choses en Jésus-Christ dont l’amour incarné et sans cesse renouvelé défie et dépasse toutes les mesures et s’adresse à tous.

À bientôt donc, j’espère, je vous embrasse.

Notes
3469.

FLUSSER David “Jésus” Seuil Paris 1970 ; (à la page 85)

3470.

GRANGER Émile “Ils m’appellent le vieux- Un théologien et des loubards-” Le Centurion Paris 1984 à la page 123

3471.

GAUCHET Marcel. “Le désenchantement du monde” Editions Gallimard Paris 1985 ; ( 306 pages).

3472.

MORIN Edgar “La complexité humaine” Flammarion 1994 Paris ; (380 pages).

3473.

BRAEMER Henri “Viens et Vois” numéro 7 - Septembre 1945. Repris dans le numéro du cinquantenaire été 1995 à la page 20. Henri BRAEMER fut le pasteur qui me baptisa à l’âge de sept ans.

3474.

GIRARD René “Des choses cachées depuis la fondation du monde” Paris 1978 Ed. Grasset et Fasquelle ; (485 pages) ; (à la page 181 ).

3475.

CALVIN écrit : “Le témoignage du saint Esprit est plus excellent que toute raison, car combien que Dieu seul soit tesmoing suffisant de soy en sa parolle, toutesfois ceste parolle n’obtiendra point foy aux coeurs des hommes si elle n’y est séellée par le témoignage intérieur de l’Esprit. Parquoy il est nécessaire que le mesme Esprit qui a parlé par la bouche des prophètes entre en nos coeurs et les touche au vif pour les persuader que les prophètes ont fidèlement mis en avant ce qui leur étoit commandé d’en haut”.

CALVIN Jean “L’institution “ Éditions J D Benoît t1 (VII, 4) à la page 97.

Si l’expression est attribuée à Calvin, elle constitue une des constantes de la réforme qu’on retrouve dans la toujours actuelle confession de foi de La Rochelle (1559).

3476.

Théo PREISS (1910/1950) “Le témoignage intérieur du Saint Esprit” .cahiers de la théologie protestante( numéro 13) édition : Delachaux Niestlé Neuchâtel 1946 ; à la page 38.

3477.

D’après le dictionnaire Robert

3478.

ELLUL Jacques “Le Fondement théologique du droit “ Les cahiers théologiques de l’actualité protestante (15/16) Delachaux & Niestlé Neuchâtel et Paris 1946 (109 pages). page 109

3479.

Karl BARTH cité par Georges CASALIS (1960) p.29.

3480.

Karl BARTH cité par Georges CASALIS (1960) p.62/63.

BARTH Karl “Communauté chrétienne et communauté civile” . Labor et Fides Genève 1947 .

3481.

BARON Gabrielle “Marcel JOUSSE introduction à sa vie et à son oeuvre” CASTERMAN Paris 1965 ; à la page 302.

3482.

WILKERSON David “Rescapés de la drogue”ou “La croix et le poignard “ Traduit de l’anglais par Jean Claude H LANAU ou Eau vive Fribourg 1966 ; (189 pages) - Assemblées de Dieu Bruxelles 1966 ; (170 pages) pp 15 6/157.

3483.

HOBBES Thomas écrivit sa thèse du Léviathan en 1651.

Nouvelle publication “Léviathan : traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile” éditions Sirey ; (1983).

3484.

ELLUL Jacques “ Les nouveaux possédés” Fayard presse Paris 1973 ; (286 pages).