3 ANDERSEN philosophe ?

ANDERSEN n’est pas un simple raconteur d’historiettes pour enfants ... Il ne cache pas, au détour de ses écrits, son admiration pour les grands auteurs littéraires de l’antiquité, les fabulistes tels ESOPE, ou, les auteurs de grands récits mythiques, comme HOMÈRE....

Il ne viendra aux contes qu’après avoir plus ou moins échoué sur la voie du théâtre...

Le titre de ses romans qui n’auront guère de succès sont évocateurs de son dessein d’auteur moraliste : ” L’improvisateur” “Rien qu’un violoneux”Être ou ne pas être...”

C’est qu’ANDERSEN cherche à faire passer un message au travers de ses contes...

Si la question de la philosophie est celle du pourquoi de l’existence de la quête de la vérité cachée derrière l’apparence première des choses pour reprendre le fameux mythe de la caverne utilisé par Platon... cette préoccupation ne cesse d’être présente dans l’oeuvre de ANDERSEN...

ANDERSEN est donc un philosophe qui prend la philosophie trop au sérieux pour croire en elle... Il se défie d’ailleurs de la rationalité froide des adultes ... toute formalisation est trahison de la grâce pure qui seule est salvatrice...Il a l’air de penser que la philosophie est à portée des enfants ou ne dit rien de bien essentiel ... alors il fait passer par bribes par des histoires d’apparence naïves, son message...

Rien à voir cependant avec les contes philosophiques ou moraux doux amers de VOLTAIRE par exemple qui s’adressent à des adultes exclusivement et ne semblent saisir la forme de conte que par prétexte pour justifier un scepticisme rationnel qui s’opposait à la théorie de ROUSSEAU sur la bonne nature humaine ... Il ne s’agit donc pas d’une philosophie construite de nature impositive si on l’adressait telle quelle à des enfants.

ROUSSEAU 3566 reprochait entre autres aux fables d’être conclusives et donc de tirer les conclusions pour l’enfant avant que lui-même ait pu tirer les siennes de l’expérience de l’existence et donc par voie de conséquence de lui interdire voire de falsifier ou “dénaturer” ladite expérience-... Il ne s’agit pas vraiment non plus d’une philosophie à construire par le lecteur avec tous les hasards d’interprétation plurielle que ce regard peut comporter... même si ANDERSEN se met délibérément dans cette situation d’être en proie aux lecteurs ; nous y reviendrons...

Nous verrons qu’il agit bien davantage par un travail émotionnel d’induire à plus d’attention pour le plus humble ou le pauvre; à plus d’humanité, donc. Tout en situant bien mon étude dans des limites, je viserai à rendre plausible un regard forcément subjectif qui tentera de formaliser ce que ANDERSEN, nous l’avons entrevu, nous le confirmerons par la suite, pour des raisons de choix précisément éthique et philosophique se refusait, ou semblait se refuser à ériger en système rationnel...

Notes
3566.

”Comment peut-on s’aveugler assez pour appeler les fables, la morale des enfants sans songer que l’apologue en les amusant, les abuse; que séduits par le mensonge ils laissent échapper la vérité, et que ce qu’on fait pour leur rendre l’instruction agréable les empêche d’en profiter ?”

ROUSSEAU Jean-Jacques ”L’Emile ou de l’Education” Livre II Classiques Larousse Paris ; page 47.