Le conte est par définition un art incarné ... Le conteur se met à portée de son auditoire à sa merci également ... Ici sans subterfuge la réaction de l’auditoire est immédiate... Entre perdre ou gagner son auditoire voici posée sans équivoque l’ unique alternative mais gagner l’auditoire c’est en faire son complice. Le conteur se ferait donc démiurge plus que médiateur 3567 il incarne il met en scène il devient par la force des choses pendant un instant le créateur de l’ univers qu’il dévoile, l’animateur d’un monde dont il détient seul, les clés...
La question éthique n’est plus, comme dans toute activité humaine, ou toute situation d’apprentissage simplement centrale, elle devient enjeu. La tentation de fascination hypnotique est de chaque instant.. Les références éthiques du conteur, sa cohérence d’attitude, la prise en compte de l’altérité de chacun de ses auditeurs est dès lors essentielle.
Cherche-t-il à fasciner simplement à séduire ou veut-il faire passer un message d’universalité ?... Autrement dit utilise-t-il la séduction en tant que fin ou moyen ?
Cherche-t-il à endoctriner à conditionner à fasciner ou au contraire à faire comprendre à faire voire et entendre quelques chose de caché.?.
Ces questions trouveront leurs réponses dans les idées que le conteur se fait de l’homme.
Les questions éthiques et morales sont donc bien centrales dans tous les contes et dans ceux de ANDERSEN en particulier. Une lecture chronologique semble montrer que, progressivement, ANDERSEN cherche moins à plaire qu’à instruire... par l’ ouverture à l’émotion des sentiments sur ce qui est beau bien ou vrai...
Il écrira de plus en plus dans le but évident et explicite de chanter la supériorité victorieuse de l’évidence : la gratuité de l’Amour, sa beauté son inspiration d’intelligence, son absolu, sa gratuité triomphant des calculs les plus machiavéliques comme Gerda dans la reine des neiges le révèle...Cette gratuité n’est pas une valeur éthérée elle se marie aussi parfois avec un certain bon sens voire même une certaine espièglerie qui l’incarne dans le concret des choses comme le montre l’ histoire du grand et du petit Clauss qui semble reprendre le genre de la farce du Moyen-Âge...
ANDERSEN chante enfin surtout partout ou presque la pure grâce... la force de son absolu, tant dans le domaine de l’art que celui de la morale de l’amour ...Tout est sous le signe la grâce qui triomphe même de la providence fataliste (la toute dernière fin de la petite sirène).
L’église dominante au Danemark est donc luthérienne ... LUTHER, s’opposant aux indulgences papales, prônait, s’appuyant sur l’enseignement de la Bible de l’Ancien et du Nouveau Testament, le salut par la foi seule donc par pure grâce qui sera l’inspiration centrale de toute la réforme...C’est l’Amour de Dieu qui sauve l’homme jamais ses oeuvres... Il semble bien que ce postulat le plus souvent implicite puisse constituer la clé principale d’une lecture “philosophico-théologique” de quelques contes de ANDERSEN .
En effet, cette dérive signalée communément à partir du triangle pédagogique imaginé par HOUSSAYE avec ses trois pôles : maître élève savoir : l’élément momentanément absent est celui du savoir à enseigner, celui-ci fait corps pendant le temps du récit avec le conteur lui-même.