10 De la question de l’élection

Revenons un instant à KIERKEGAARD qui s’opposa pourtant dans sa jeunesse, en 1838, à ANDERSEN au sujet de “Rien qu’un violoneux” 3604 , écrit en 1837, pour lui reprocher l’idée du génie inné. KIERKEGAARD, devenu plus âgé, sera le fondateur de l’existentialisme.

“Il défendra la subjectivité de la vérité, l’existence individuelle en proie aux contradictions, à la souffrance, à l’angoisse de la liberté et de la faute en opposition au système de l’objectivité universelle” (HEGEL). Il s’en prend tout aussi violemment à l’église institution et à la léthargie des chrétiens qui oublient l’authentique devenir chrétien et rappelle sans cesse le scandale et le paradoxe que sont pour la raison l’Homme Dieu et la croix.” 3605

Aurait-il encore jugé à la fin de sa vie irrecevable l’argument d’ANDERSEN ? Ce retour aux sources du christianisme nous rappelle que celui-ci tout comme le judaïsme dont il est issu et qu’il prolonge est basé sur le principe de l’élection individuelle qui s’oppose aux philosophies ou religions de type généraliste ou holiste. 3606

Ici, c’est par un seul que le monde est sauvé. L’opposition au moment de la croix entre le pouvoir politique et l’individu dit cette naissance de la personne liée à celle de la chrétienté originelle.

ALAIN, tout en définissant l’intelligence comme le refus de croire sans comprendre 3607 lui-même reconnaissait bien cependant dans l’esprit chrétien un esprit de libre pensée. 3608

ANDERSEN n’est pas comme KIERKEGAARD sinon opposé, du moins rebelle aux pouvoirs temporels. Il respecte les institutions et les pouvoirs qu’il utilise même dans sa vie personnelle comme protecteurs. S’il ne prend le parti que des faibles il n’attaque jamais les privilèges et les institutions un peu comme si tout pauvre devait devenir roi (le cygne du vilain petit canard)) et tout roi devenir pauvre : (l’empereur dans le conte du rossignol de l’empereur).

Notes
3604.

ANDERSEN Oeuvres par Régis BOYER tome 1 collection “la pléiade “ Introduction p.56 1992 Paris. KIERKEGAARD connut en 1841 une sorte de conversion décisive suite à la rupture de ses fiançailles avec R. OLSEN en 1841.

Nous pouvons distinguer trois périodes chez KIERKEGAARD, le stade esthétique (”Le journal d’un séducteur” ) où il manifestait une indifférence morale, le stade éthique où au contraire il découvre l’exigence morale comme inaccessible (”Le concept d’ironie” ) sa thèse en théologie publiée en 1841 en est le sommet, et le crépuscule, le stade religieux à partir de “Crainte et tremblement” publié en 1843 ... La critique contre ANDERSEN est celle d’un KIERKEGAARD en proie à la lutte entre esthétisme et éthisme.

La critique contre le roman d’ANDERSEN est dans :

“Extrait des papiers d’une personne encore en vie, publié contre sa volonté “ (Publié en Septembre 1938).

L’étude se nomme :

Sur Andersen en tant que romancier avec un regard constant sur sa dernière oeuvre, Rien qu’un violoneux.”

3605.

citation du petit Robert 2 (des noms propres).

3606.

Noé, Abraham, puis sa postérité dont Jacob qui donnera Israël, enfin Jésus l ’universel est dans le singulier.

3607.

“Refuser de croire est le tout ; et ce refus définit assez l’intelligence”

ALAIN “Propos sur l’éducation” Paris 1938 Rieder p 332

3608.

“Il faut comprendre que l’esprit chrétien est un esprit de libre pensée et l’est encore et le sera toujours ” ; in ibidem p 35