13 La question de la neutralité de l’enseignant public ?

La neutralité est le concept fort des tenants d’une certaine idée de la laïcité : en fait elle n’existe jamais et chacun en convient aujourd’hui : le plus souvent elle masque une vision étatisée de l’école.

La neutralité n’est alors que le masque de l’idéologie dominante : celle de l’état (républicain ou autre). Revenons à Maurice BLONDEL : il distingue de façon personnelle les termes de noétique et de pneumatique pour indiquer deux aspects de la pensée opposés mais complémentaires et non contradictoires. Le noétique est le commun de chaque pensée qui le rapporte de manière sous-jacente au pur physique (certains l’appelleraient l’universel), le pneumatique ce qui “en un être singulier en un point spécifié et réagissant de façon qualitative, aspire le milieu “universel, puis l’assimile et l’expire ensuite : secret échange qui introduit toujours dans le monde du nouveau ... “ 3616 .

Selon cette vision, l’éducation singularise, distingue tout en unifiant, les deux mouvements inverses s’appelant l’un l’autre. Distinguer les domaine du singulier et de l’universel n’est pas du tout original de ARISTOTE à HEGEL ou Michel SERRES, ainsi se marque chaque tentative de construction philosophique. La spécificité de Maurice BLONDEL est de situer l’universel dans le noétique, préliminaire à toute pensée et le singulier dans la façon construite (pneumatique) que chacun a de singulariser son rapport à l’existence ...

Se trouvent en ses termes inversés les principes fondateurs de la philosophie d’origine grecque où le domaine de l’idée (idéal) est seul susceptible d’universalité ce qui renvoie le monde concret et du visible au niveau de la particularité non communicable et du vulgaire. On voit bien les conséquences d’une telle vision... L’intérêt original de la démarche de Maurice BLONDEL, par rapport à cette démarche classiquement admise, est de situer en bout de compte l’universel dans le singulier et le singulier dans l’universel.

À y regarder de plus près encore, nous voyons combien cette perspective s’inspire et prend racine dans le judaïsme biblique et dans le christianisme originel où la distinction entre corps et esprit n’est pas de même nature que dans la philosophie grecque. Nous pouvons lire le mystère de l’incarnation comme la sanctification du concret et du réel. La position de la plupart des philosophes est donc prise à revers jusqu’à celle de JANKÉLÉVITCH.

“La loi du tout ou rien est ici valable. L’universalisme n’est vraiment universel qu’à la condition de ne pas souffrir de la moindre exception. Il n’y a d’autre exception que le sauf moi, l’injustifiable exception à mes dépens, le mystère impénétrable du sacrifice.” 3617

Selon la perspective inversée qui est celle de Maurice BLONDEL seule l’exception est de l’ordre universel et l’universalité ne sera jamais constituée que d’exceptions singulières dont elle constitue le terreau. ANDERSEN singulier inimitable inclassable est, par le simple fait de son être et de son oeuvre pour rejoindre les autres et le Tout Autre et le Tout Proche, universel : la philosophie de Maurice BLONDEL nous aide donc à lui trouver cette place et à mieux la en comprendre toute la portée.

Notes
3616.

Ibidem p. 275

3617.

JANKÉLÉVITCH “Le paradoxe de la morale” Le Seuil Paris ;( page 45).