Pour poursuivre (encore )la réflexion, un autre texte écrit en 1993 ... Quelle école ? Des finalités perdues au fondement accueilli

Extraits de

CABALLÉ Antoine

Autodidactie aujourd’hui, ?

Une question singulière posée à la modernité. De l’institution à la traverse, de la traverse à l’institution. À partir des notions d’universalité et de singularité.”

Mémoire de Maîtrise en Sciences de l’Éducation - Université Louis Lumière Lyon 2. 1993 ; ( pp 141 à 168 ).

QUELLE ÉCOLE ?

Des finalités perdues au fondement accueilli.

Au moment d’entamer ce court dernier chapitre, quelques précisions s’imposent : il ne s’agit pas ici de rêver l’école idéale et de tomber dans le piège, que cet écrit a dénoncé, de l’idéalisation.

Une dépendance en découlerait, de l’action future par rapport à une analyse conceptuelle toute puissante , de la pratique par rapport à des principes théoriques, par nature et par définition, toujours contestables.

Cette attitude, qui équivaudrait à faire précéder et dominer l’action par l’Idée, ou le concept, serait le point de départ de possibles intolérances et aveuglements voire refoulements et fanatismes.

Il ne s’agit pas, non plus, simplement de dire l’école possible ; l’école possible reste toujours à faire, à inventer à questionner. L’école sera, si elle doit être, toujours plus riche, plus forte, plus belle, donc que ce que les idées ne pourront jamais en dire.

Il s’agit plutôt simplement, au regard de la réflexion des quatre chapitres précédents, de poser quelques bases pour l’esquisse d’une réflexion de fond, sur l’école aujourd’hui, sa fonction, s’il en est une de discernable, ses dérives possibles. A quelles espérances peut-elle aussi sinon répondre du moins inviter ?

Esquisser est le mot juste et encore trop présomptueux ; sans doute. Car bien entendu, ce chapitre mériterait plus qu’une étude, et l’école n’était pas vraiment l’objet de celle-ci. Surtout encore, l’esquisse, si elle invite à tous les départs, dessine, par ses grands traits, les lignes et les contours, marque certaines limites d’une oeuvre future. Une esquisse qui invite aux possibles, en ce domaine, vaut parfois bien le chef d’oeuvre qui induit davantage aux copies conformes toujours un peu pâles et dont nous avons vu que dans le domaine éducatif elles accompagnaient chacune des dérives idéologiques. A l’idéologie, de nature hellénique, nous avons donc préféré, et signalé l’antécédance, de la force du Verbe ou de la Parole que le message biblique identifie 3634 . C’est donc une optique résolument chrétienne que je vais prendre ici.

A la cohérence platonicienne ou aristotélicienne, à l’induction déduction, ou à la maïeutique, le Christ, toujours, préfère le contre pied, le déséquilibre, un peu à la manière de la fin suspendue du conte d’ANDERSEN 3635 . Contrairement à la maïeutique qui tendrait à nous faire retrouver les cohérences logiques, il y a rupture de la raison mise face à ses limites, rupture qui ouvre cependant des commencements.

Cette rupture, en effet, est créatrice, en nous, d’un déséquilibre, d’une béance qui appelle un dépassement obtenu dans un renoncement. C’est ce déséquilibre cette béance fragile ouverte pudique humble et disponible qui permet l’accueil du message de l’Incroyable Bonne Nouvelle : Dieu Lui-même, Dieu parmi nous, Dieu même malgré nous, dans le coeur, les yeux, les mains , bref, la vie du plus pauvre d’entre nous.

Et ce costume sur mesure que nous croyions si bien porter qui nous distinguait si bien des autres et créait l’admiration sur notre passage, ce costume, fait de tous nos savoirs illusoires se révèle sans matière. Le seul fil désormais sera l’Amour agapè ; ancrage dans le concret des choses et de la vie, communion d’existence avec tous les hommes devenus nos frères. Pour nous reconnaître les uns des autres il suffit que l’Amour nous ait nommé chacun par notre nom, toujours singulier.

Ayant défini, au départ, les autodidacties comme des autodidaxies de traverse dont ensuite nous avons distingué les didacties singulières et les didacties liturgiques , il reste quece chapitre est bien plus qu’un simple luxe : il s’impose, la traverse supposant l’existence d’une institution et ne se définissant que par rapport à elle.

a) De la parole qui institue à l’offrande qui restitue et l’intercession qui renouvelle.

A Marcel BEUSTEIN BLANCHET, nous l’avons dit, un carré de ciel a suffi, contemplé du fond de sa cellule, pour énoncer une promesse intime et décisive quant à l’avenir 3636 . Au cours de nos entretiens, nous avons sans cesse retrouvé l’importance de ces commencements. Nous les avons appelés la nécessaire force de conviction.. Un acte de foi, parole personnelle, première liberté, est toujours nécessaire, envers et contre tout, et même contre tous, parfois. FEUERSTEIN parle du moment décisif de l’input 3637 .Cette mise en confiance initiale est, selon lui, la condition même de départ de la personne, vers autre chose, vers le dépassement de ses potentialités apparentes. La personne l’exprimera en rupture parfois avec le milieu environnant, stérilisant, lorsqu’il est cocon seulement, et prisonnier d’habitudes, ayant perdu l’espérance d’un changement ou, d’une quelconque modification, en elle.

Voyez ces enfants dont on dit qu’ils ne peuvent pas assumer une responsabilité. Ces enfants que l’on protège jusqu’à un âge très avancé : j’ai fait une petite recherche sur le nombre des enfants trisomiques à qui l’on avait appris l’usage des allumettes. J’en ai trouvé 3 sur 100. Devant mon étonnement, on m’a répondu que c’était dangereux car, avec leurs difficultés de coordination du souffle, ils ne sauraient pas les éteindre. J’ai pris dix de ces enfants, et devant leurs parents je leur ai appris à allumer une allumette et à l’éteindre d’un simple geste du poignet. Avec bien peu de choses j’ai donné un sentiment de compétence à ces enfants dans un acte dont on a souvent peur 3638 .

Dans les situations les plus extrêmes les plus désespérées lorsque tout projet devient dérisoire, que reste-t-il de l’input et, si nous gardons le terme ; comment s’opère-t-il ? Jean Paul KAUFFMANN et Roger AUQUE, otages du Liban, diront en 1988, au sortir de la terrible détention, combien la lecture de la bible est devenue pour eux, le dernier, et le seul recours. Pourtant l’un et l’autre avaient, avant leur emprisonnement, enfoui cet ouvrage au fond de leurs souvenirs. 3639 Ils y retrouvèrent ou trouvèrent la foi. C’est de la même Bible dont nous parle Anton CABALLÉ, en exil, au sortir de la guerre d’Espagne, accueilli par la France qui ne tarde pas à connaître l’occupation, et ayant tout laissé donc de ces illusions futures d’être écrivain, ou enseignant, loin de ses parents, sa fiancée. Il nous dit :

C’est en France passant devant le temple protestant que que nous entendîmes ma soeur, mon beau frère ,un ami, et moi ,des chants. ... nous entrâmes dans l’église. Nous apprîmes ensemble la langue française par la lecture de la Bible. Ce fut comme une consolation lente et sûre qui nous venait, alors... dans ces moments d’épreuve d’exil et de souffrance. Aujourd’hui la lecture de la Bible se fait quotidienne, elle ouvre un dialogue permanent entre Dieu et moi-même et les hommes, une prière et une louange incessamment renouvelées. La Bible est cette parole inspirée que Dieu nous adresse et qui mystérieusement de mille façons toujours nouvelles nous parle et nous enseigne... 3640

Philippe VERNIER, pasteur de l’église réformée, objecteur de conscience avant la lettre, c’est à dire la reconnaissance de ceux-ci par l’existence d’un statut légal, écrira de sa prison, entre 1936 et 1939, chaque jour, une méditation nouvelle à partir d’un texte biblique. Il en résultera un ouvrage, Avec le Maître” , qui s’ouvre par une réflexion qui rejoint parfaitement notre réflexion présente.

La vie chrétienne est une marche. Jésus disait : “ceux qui feront la volonté de mon père connaîtront” ; et saint Grégoire : “Quiconque veut comprendre ce qu’il entend doit se hâter de mettre en pratique ce qu’il a pu entendre.” N’attends pas donc d’être fort pour te mettre en route, car l’immobilité que tu gardes t’affaiblis encore. N’attends pas d’y voir très clair pour partir : il faut marcher vers la lumière.

Tu as la force de faire ce premier pas ? Le courage d’accomplir ce tout petit acte de fidélité , ou de réparation dont la nécessité t’apparaît ? Fais ce pas ! fais cet acte ! Le grand secret vois-tu ce n’est pas de penser à toi, à ton courage ou à ton désespoir, à ta force ou à te faiblesse, mais à Celui avec qui Tu marches. 3641

Et l’homme se fait offrande, tout offert à l’Oeuvre du Tout Amour agapè. Roger AUQUE et Jean Paul KAUFFMANN disent avoir prié pour leurs persécuteurs. Dieu Tout Autre puis Tout Proche et Père, parle et invite l’homme au Règne avec Lui, et nous avons vu que cette dimension n’est nulle part ailleurs. L’homme comprendra peu à peu qu’il lui faut aimer, et qu’il lui est donné d’aimer comme Dieu aime. Et l’homme entre en intercession. Soeur Antoinette BUTTE écrit :

Comme son nom le dit l’intercession se place entre la justice et le coupable. C’est en ce sens qu’Abraham, Moïse, Aaron, Daniel, saint Paul sont intercesseurs.

Genèse ch. 18 verset 17/32 Pour Sodome et Gomorrhe Abraham “se tint en présence de l’Éternel au risque de l’irriter “.

Exode ch. 32 verset 11/12. Moïse s’écrie “pardonne leurs péchés, sinon efface moi de ton livre.”

Exode ch. 28 versets 6 à 30. Aaron porte constamment les douze tribus d’Israël “sur son coeur et sur ses épaules” lorsqu’il se présente devant l’Éternel.

Daniel chapitre 9 verset 3 . Daniel dans les supplications, les jeûnes et la pénitence confesse non ses péchés mais ceux du peuple.

Romain chapitre 9 verset 3 Paul dans la douleur va jusqu’à dire “Puissé-je être anathème ?”

Plus que toute autre prière l’intercession est oblative, c’est une vocation particulière.“ Je cherche un homme dit Dieu, qui se tienne sur la brèche, devant moi en faveur du pays, afin que je ne le détruise pas.” (Ézéchiel ch .22 verset 30)”. Cet homme attendu c’est Jésus Christ. Et voici que unis à Lui, certains croyants et l’Église de l’Alliance Nouvelle, peuple de prêtres, sont appelés à l’intercession. (...)

Petite et faible intercession presque ridicule devant la profondeur du péché du monde et la sainteté de Dieu. Et pourtant Dieu écoute ... à cause de Jésus Christ et par lui . 3642

Alors, l’homme s’édifie non plus par le passage par l’objectivité critique dont parlait RICOEUR, même s’il comprend cette exigence que d’autres ont évacué, non plus par divination magique, mais par la radicale mort à lui même, pour que vivent à la fois l’autre et l’Autre en lui ; alors il peut commencer à voir comme Dieu voit, à aimer comme Dieu aime, à distinguer ce qu’autrefois il ne voyait pas. Il entre ainsi en communion avec le jour que Dieu lève. Souvenons-nous, le jour était déjà le signe de l’alliance de Dieu avec Noé, et l’homme nouveau peut commencer à accueillir comme le jour nouveau accueille et offre à chacun, une page blanche, nouvelle elle aussi, à écrire. De cette conscience grandissante de la gravité des choses qu’on écrira ou pas sur cette page,Théo FRANTZ, par l’écriture de son théâtre, nous parle :

autrefois je n’écrivais que pour le plaisir...C’est une sensation étrange qui me chagrine...Je la constate sans pouvoir rien y faire... Tout se passe comme si j’étais de plus en plus conscient sans que je puisse dire de quoi au juste ....Je suis conscient d’une conscience qui ne cesse de grandir en moi, c’est tout ce que je peux en dire... 3643

b ) Institution vivante : vivante institution, non des structures mais des hommes.

Songeons encore à la vie de Pierre, le disciple : il s’appelait Simon, il laissa toute chose pour suivre le Christ, et fut nommé Pierre ; il voulut, comptant sur lui -même, marcher sur les eaux, mais il dut alors s’adresser au Maître pour ne point s’enfoncer, promettre de suivre jusqu’au bout mais il renia ..

Pourtant, à la Pentecôte, après la Résurrection constatée de Jésus, après la prière et l’onction de l’Esprit Saint : voici Pierre transformé, et alors que les disciples s’adressent aux étrangers dans leur langue propre, il parle avec une autorité nouvelle.

Plus tard, un certain Saul de Tarse sur le chemin de Damas sera appelé par l’Esprit et il faudra que Pierre parle avec Saul devenu Paul, pour comprendre qu’il est bien apôtre lui aussi de la même Bonne Nouvelle. Simon, et voici un homme parmi les autres, accueilli ; Simon devenu Pierre et voici la singularité nommée ; Pierre confessant, Pierre s’enhardissant, et voici la nécessaire conviction ; Pierre appelant reniant meurtri et voici la nécessaire mort à soi-même ; Pierre guérissant, enseignant, fondant l’église, et voici l’oeuvre de l’Esprit ; Pierre rencontrant Paul et voici l’oeuvre de l’Unité.

L’Unité de l’Église est un signe, dans ses blessures, de l’universel qui dépasse le visible et qui se fonde toujours, de Pierre à Paul, de chacun au Christ, sur l’expérience libre et singulière, le libre examen et le miracle renouvelé de l’Esprit. 3644 Pierre rencontrant Paul, d’aucuns ont vu la rencontre initiatrice des deux grandes traditions de l’église, la transmission apostolique (Pierre), la transmission charismatique (Paul). D’autres prolongeant cette réflexion, ont pu voir ici l’origine des deux traditions : la catholique, apostolique, la protestante, charismatique.

Signalons encore que dans l’ancienne alliance, le peuple d’Israël fut, dans son histoire, longtemps scindé en deux royaumes : Juda et le Royaume du Nord 3645 .Comme si Dieu, après s’être pourtant mystérieusement choisi un peuple pour se manifester, tout au long de cette longue histoire, s’était plu à montrer aux hommes qu’Il ne pouvait, Lui le Vivant, être contenu dans leurs oeuvres. On ne compte plus dans l’ancien testament les injonctions de ce type, comme si une purification, une éducation étaient nécessaire avant d’accueillir le Christ.

Frère Roger eut cette bienheureuse expression : “unanimité dans le pluralisme” pour signifier ce grand mystère.

Vivre l’unanimité , implantée au coeur d’ un pluralisme s’est s’attacher à ce qui demeure premier pour toute communauté et pour la communauté des communautés , l’Église. Vivre l’unanimité dans le pluralisme, c’est chercher quel est le pivot commun à tous, autour duquel s’édifie la communauté en un pluralisme d’expressions, en une liberté d’exister d’autant plus grande que l’unanimité est plus certaine. 3646

Mystère entrevu, à partir de cette rencontre entre Pierre et Paul. Pierre était fondé par le Christ, comme le premier apôtre de son Église 3647 .Paul vient comme par surprise, lui l’ancien persécuteur des chrétiens, comme happé par l’esprit sur le chemin de Damas. Il sera le grand évangélisateur des contrées païennes. Ceci n’est pas un accident de l’histoire de l’église primitive, où les hommes sont liés les uns aux autres par des liens étranges. Corneille, italien, un “païen” “reçoit “ un “songe” et sera la réponse qu’attend Pierre à un autre songe destiné à lui faire comprendre que la bonne nouvelle n’était pas pour les juifs seuls 3648 . Ananias, citoyen de Damas, divinement averti accueille Paul tout juste converti et encore aveugle et lui rend la vue 3649 On pourrait multiplier les exemples de la sorte. Dans l’ancien testament déjà ce sont par des voies étranges que Dieu déjoue les complots des hommes, et parle (pensons à Jacob, Joseph, ou encore Jérémie, en particulier ).

Et beaucoup plus tard ... Antoinette BUTTE (de l’église réformée calviniste) fondatrice de la communauté de Pomeyrol, comme frère Roger (venant de l’église luthérienne), fondateur de la communauté de Taizé, ont entendu du fond de la prière et de l’offrande d’eux-mêmes un appel à fonder, au cours des mêmes années, au carrefour des années mille neuf cent trente et quarante, une communauté priant l’Unité du corps de l’église et travaillant à l’oecuménisme. A cette période la distance, sinon la guerre, entre les églises était à son comble. En 1965, le concile de Vatican II, viendra comme une concrétisation de leur intuition première.

Selon l’expression de BLONDEL, voilà le surnaturel devenu bien réel et nous pourrions ajouter bien pacifiant et raisonnable, puisqu’il se manifeste non par la divination, mais à ceux qui vont et viennent tout simplement .

L’explication du mystère : les hommes vivants du Christ sont liés les uns aux autres par l’ Amour originel, répandu depuis la croix . Ils forment un même corps dont aucun d’eux n’est la tête puisque la tête en est le Christ lui-même 3650 qui Règne au ciel auprès de Dieu Son Père, désormais leur Père, notre Père.

Désormais, les oeuvres, les structures, les constructions humaines sont toujours dépassées par ce qui se passe hors d’elles-mêmes. 3651 N’importe quelle structure institution ne devra et ne pourra, vivre pour elle-même. Elle ne pourra donc pas se constituer comme une tour mais comme une arche disponible aux surprises renouvelées de l’Esprit Saint, désormais répandu en tout lieu sur toute chair donc peut-être surtout en dehors d’elle-même. Une arche oui, une arche vivante.

Elle n’a de sens que pour les êtres et les hommes de chair qui vivent.

L’homme devait apprendre à séparer Dieu de lui-même et des autres divinités construites. L’épisode du veau d’or, est une illustration de cet entêtement de l’homme à se rendre un culte à lui-même, et cette persévérance de Dieu, dans l’ancienne alliance, à se montrer saintement jaloux 3652 .

Une éducation était nécessaire ... et nous voici revenus, après ce long mais indispensable détour, au coeur de notre problème : l’éducation est la voie par excellence choisie par le Dieu de la Bible, pour préparer l’homme, pour lui parler, lui révéler la Nature Autre de son Règne, et finalement l’appeler, nous appeler chacun, à régner auprès de Lui , avec Lui.

Ici donc, nous ne parlerions plus jamais d’autodidacties ; le mot deviendrait radicalement, définitivement, bienheureusement, impropre : la traverse serait le lieu de l’institution des hommes dans leur responsabilité d’homme ; on ne parlerait plus de traverse non plus. Éduquer et vivre deviennent synonymes de vivre de partages et de multiplications, de singularités et d’unanimités, toujours accueillies et toujours renouvelées.

c)La question des finalités confisquées.

La question fut déjà soulevée par Jacques MARITAIN (1883/1973) dès 1959. Le philosophe catholique d’inspiration thomiste, écrivait au sujet de l’école et des finalités oubliées.

Ses moyens ne sont pas mauvais. Au contraire, ils sont généralement meilleurs que ceux de l’ancienne pédagogie. Le malheur est justement qu’ils sont si bons que nous perdons de vue la fin. D’où la faiblesse surprenante de l’éducation actuelle, faiblesse qui procède de notre attachement à la perfection même de nos moyens et méthodes d’éducation et de notre impuissance à plier à leur fin ces moyens et ces méthodes. L’enfant est si bien testé et observé, ses besoins sont si détaillés, sa psychologie si clairement découpée, les méthodes pour lui rendre partout tout facile si perfectionnées, que la fin de toutes ces améliorations si appréciables court le risque d’être oubliée ou méconnue. 3653

Le fait est que l’école plie sous des pressions diverses que nous pouvons résumer en trois grands axes : l’éducation, l’instruction, l’insertion professionnelle. Les textes qui servent de référence font valoir les trois dimensions, les querelles autour de son projet cachent souvent des désaccords quant à des finalités mal éludées... A tel point que l’on voit fleurir les orthopédies pédagogiques, tant à l’initiative de l’institution (cours de soutiens, classes spéciales, postes spécialisés etc...) qu’à celle des personnes (cours particuliers, pour les plus riches, soutien scolaire bénévole pour les plus pauvres). Encore faut-il savoir que chacun des trois grands axes cache des priorités différentes suivant les sensibilités politiques philosophiques voire religieuses.

Chargé en 1992 de rédiger la conclusion d’un document académique (MAFPEN) 3654 sur l’aide aux élèves, voici ce que j’écrivais.

La relation école-société, est en évolution constante. Cette évolution s'inscrit dans une histoire qu'elle contribue à écrire. Si l'école semble avoir joué dans un premier temps une fonction d'unification, d'homogénéisation sociale, d'alphabétisation des populations illettrées, il semble bien que cette priorité n'apparaisse pas aussi clairement aujourd'hui.

De plus en plus, il est fait jouer à l'école, le rôle essentiel de pourvoyeur de diplômes, et de formations permettant une entrée dans le monde du travail. La crise, le chômage, ont rendu encore plus aiguës ces exigences. On attend toujours plus de l'école, qu'elle offre des débouchés alors même que la demande d'une main d'oeuvre de plus en plus performante, de plus en plus qualifiée, voire spécialisée est le fait des entreprises.

Or, l'école ne peut supporter à elle seule le poids de ces attentes,et se trouve par là même coincée, entre trois formes d' exigences : l'éducation, l'instruction, l'insertion professionnelle. Selon que le regard privilégie l'une de ces trois entrées, les critiques comme les attentes vis à vis de l'école seront différentes. Cependant dans tous les cas il apparaît qu'une des conditions de réussite de la mission scolaire passe par une bonne respiration entre l'école et le monde qui l'entoure. Cette respiration semble tout aussi nécessaire à l'enfant, pour qu'il intègre et comprenne les enjeux et les raisons d'être de l'école, qu' à l'institution elle-même pour qu' elle situe sa place et sa mission. (...). Cette respiration pourrait alors englober toutes les dimensions de la vie sociale. 3655

Par “toutes les dimensions de la vie sociale” je voulais signifier ce que Karl POPPER 3656 appelle une société ouverte où l’idéologie n’est pas imposée unilatéralement par l’état. Et cela renvoie à la question de la place et la fonction de l’état dans les sociétés modernes. L’état de droit qui fait l’orgueil des démocraties modernes n’est-il pas arbitrairement placé comme entre marteau et enclume, entre les contingences de l’économie mondiale et les directives socio-politiques qui en découlent ? L’activité sociale est soumise à l’économie internationale aux signes de relance ou de récession du marché international. Nous l’avons déjà signalé. 3657 Everett REIMER 3658 expliquait, au début des années 70, que l’État, fondant sa constitution sur des droits, les droits de l’homme, ne cesse en fait de les bafouer, car ces droits sont toujours, par nature, inaccessibles. Thierry LEVY, avocat, écrivain, spécialiste du droit, montre comment les droits sociaux se multipliant se diversifiant, tendraient à devenir juridiquement progressivement des privilèges accordés, à la carte en quelque sorte, finalement des féodalités parfois, en se détournant des devoirs qui les avaient fondés. “La liberté a perdu sa valeur juridique. Divers et mobiles, les droits sociaux ont remplacé les obligations qu’elle avait créées. (...) Cette sorte de socialisation technique (...) dessine un canevas et des hiérarchies que le droit répressif n’aura aucun mal à reproduire.” 3659

La convention des Nations Unies des droits de l’enfant 3660 stipule, entre autre, le droit de l’enfant à l’éducation, (enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous, dans le respect des droits de l’homme et de sa propre culture d’origine sans discrimination de race ou de sexe ) . Il est clair que l’application de ces droits s’exprime aussi en termes de devoirs ; ici ils sont adressés aux états ; ne faudrait-il pas les adresser en premier lieu aux personnes ? REIMER, en mettant en parallèle les droits de l’homme et du citoyen (fondateurs du droit dans un sens gréco-latin, comme d’un idéal à atteindre) et les dix commandements (s’adressant à la personne de chacun, fondateurs de la loi juive, comme d’un préliminaire au droit, objet de la grâce divine), montre combien le devoir personnel permet en fait l’accès à la liberté. Les droits bibliques ne sont pas les droits de l’homme, ils sont ceux de l’étranger, de la veuve de l’orphelin, en un mot des plus faibles, nous l’avons déjà évoqué.L’accès du plus faible à ses droits, implique donc, pour le commun des hommes, des devoirs. Claude DUNETON, au cours des années 70, posait à son tour aux enseignants la question première et dernière “pourquoi faisons-nous ce métier ?” autrement dit “quelle fonction est celle de l’école et de l’enseignement, aujourd’hui ?” . Peut-on, autrement dit encore, envisager que la question des finalités de l’école soit enfin posée par ceux qui la font et par ceux qui la vivent. Prendre le temps de la réflexion, considérer cette réflexion même comme une action (au sens de BLONDEL), ou comme un préliminaire indispensable à toute entreprise, telle était alors la proposition de Claude DUNETON. L’action continue empêche la réflexion. Il faut prendre du recul, s’arrêter, voir, repartir -peut-être changer de direction. Un navire pris dans une telle fièvre active que personne n’aurait le temps de faire le point, il serait beau. Il n’irait pas loin le vaisseau. Le premier récif, le plus voisin promontoire serait pour lui, bille en tête ...C’est peut-être ça la révolution : tout arrêter pour réfléchir cinq minutes, se situer avec précision, faire le point .(...)Mais voilà , sans doute, où le bât nous blesse : notre société, où veut-elle aller ? ... Vous le savez, vous ? 3661

Sans nul doute, est-ce là, une bien bonne question. Autrement posée la question est la suivante : L’éducation obligatoire est-elle un devoir adressé en premier à l’homme de la part de l’État ou à l’État de la part des hommes ? Il serait permis de répondre par simple bon sens : dans les deux directions, simultanément. L’éducation obligatoire de l’enfance dans le respect de la personne est une obligation pour l’homme et pour l’État, sauf que, dans les faits, il s’agira de savoir qui devra assurer cette éducation et sous quelle forme ?

En fait cette question revient à remettre en opposition deux régimes fondateurs en matière éducative : le régime des causalités (qu’elles soient en fait ouvertes ou fermées en liaison avec les concepts directeurs de théorie et pratique d’origine gréco-latine), ou le régime de l’éducation par rupture, distinction, séparation (liant et opposant gestes et pensées d’origine judéo-chrétienne).

d) Qui doit, qui peut, poser cette question, de l’état ou des personnes ?

La position de REIMER comme celle de ILLICH était sans nuance. L’école, religion d’état, et, en cela, contraire au principe fondateur constitutionnel des États Unis, devait disparaître. La mise en place des gestes et principes de l’éducation devait être rendue aux personnes.

Sans doute la chose la plus importante que peuvent accomplir des individus c’est reprendre en main leur responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. 3662

Nous avons signalé, ô combien, les dérives de la confiscation par l’État des finalités de l’école. Nous avons dit à quel point elle anéantissait l’acte éducatif, le vidant de sa substance, de son sens. Nous l’avons analysé dans une société industrielle démocratique telle que la nôtre, aujourd’hui. A bien plus forte raison, il conviendrait encore, à présent, de dénoncer les dérives des intégrismes religieux. Martin LUTHER (1483/1546) 3663 signalait déjà la préjudiciable confusion entre pouvoir religieux institutionnel et l’institution de l’homme nouveau par la foi seule, et la grâce seule. La notion de personne prend sa source, nous l’avons dit, dans le christianisme germant sur le judaïsme.

Cette inhérence n’est pas dans le Coran. Le mot Islam signifie “soumission 3664 , Évangile 3665 signifie comme chacun sait “bonne nouvelle”. La simultanéité de l’altérité entre Dieu et l’homme et de la communion désormais parfaite entre eux, en Christ, brisant à jamais la distance qui les séparait est inconcevable, nous l’avons évoqué, dans la pensée islamique originelle. Al FARÂBI (mort en 950), philosophe islamiste de l’époque classique qui voulait concilier ARISTOTE et PLATON écrivait : “ Car il ne peut exister entre tout être ayant un tel être et un autre être qui aurait également cet être, aucune diversité ni altérité. (...) Le premier est indivisible dans sa substance. 3666 . Pour le judaïsme, au contraire, le nom même de YHVH, nom imprononçable en lui même, ne s’incarne, dans la bouche de l’homme, que si l’homme ” épouse” les consonnes en l’habitant de voyelles 3667 . Dans la perspective chrétienne, comme le livre du Cantique des cantiques l’indiquait déjà, la relation entre Dieu et l’homme totalement rétablie en Christ se fera désormais par le dialogue d’un brûlant Amour, le soupir du don de soi. L’espace qui séparait l’homme de Dieu est révélé comme étant habité, désormais. Il suppose, à la fois, donc, communion parfaite et altérité parfaite entre le Fils et le Père 3668 et quête de celles-ci entre Dieu et l’homme et entre les hommes entre eux. YHVH se trouve un nom dans le Christ, le Fils, comme dans les soupirs de l’Esprit Saint qui le font appeler “Abba”, (papa). Le Christ se compare lui-même à l’époux 3669 . Écoutons Ramon LULL (1232/1316), théosophe chrétien catalan, contemporain de saint THOMAS D'AQUIN (1228/1274), et inspirateur plus tard de COMENIUS. Ramon LULL parlait d’une relation de “l’ami à l’aimé” ; il écrivait :

L’Aimé disait à l’Ami de le louer et de le défendre dans les lieux même où il est dangereux de le faire. L’Ami dit : ”Donne-moi, pour cela, assez d’amour”. L’Aimé répondit “que par amour pour lui il s’était incarné et qu’il avait été incarné pour mourir. 3670

Cet espace initial d’Amour total absolu conduit le chrétien à vivre en ce monde comme un étranger, s’exposant dans des lieux dangereux, avec, pour seule arme, cette parole initiale identificatrice et créatrice fécondée et fécondante. L’institution politique étatique d’un “ordre chrétien”, nous l’avions souligné, est alors mieux qu’un contre sens, une contre nature. Non pas que le christianisme invite spécialement au désordre, mais il se fonde sur l’expérience personnelle individuelle d’une rencontre non-programmable et mystérieuse. Et cette rencontre ne peut être que de nature personnelle même si elle est communion à l’église, corps du Christ. La seule quête politique du chrétien serait la quête d’un espace sauvegardé où cette rencontre puisse se faire en meilleure liberté. L’apport principal de la réforme, outre l’accent mis sur le retour à la Parole biblique révélée, sa différenciation des autres écrits, est d’avoir compris, (mais ceci est bien une conséquence du premier point), que cette Parole était institutive de l’homme nouveau et que toute structure humaine sociale et politique, dès lors, ne sera jamais la représentation du divin. Sans aucun doute, telle est la raison pour laquelle les pays à dominante réformée n’ont pas connu la guerre scolaire. L’État n’est pas le lieu de l’Église, l’Église n’est pas le lieu de l’État. LUTHER écrivait :

C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit , tout chrétien est souverain sacrificateur car, tout d’abord, il offre et met à mort sa raison et le sens charnel, et , ensuite, il rend gloire à Dieu (...) Et cela, c’est le sacrifice perpétuel du soir au matin de la nouvelle alliance ; le sacrifice du soir qui est de mortifier la raison ; le sacrifice du matin qui est de glorifier Dieu. 3671

Nous retrouvons bien sûr la mort à soi-même, tel BLONDEL, le seul sacrifice libérateur, celui du Christ, tel que René GIRARD rationnellement le découvre aujourd’hui, et LUTHER dit encore :

Donc quoique cela soit difficile, on doit s’accoutumer et apprendre à regarder, la mort du Christ par laquelle notre mort est tuée. Et, quoique à nos yeux, l’apparence soit différente, le Saint Esprit mêle cependant à ce vinaigre du miel et du sucre, afin que notre foi s’élève en Dieu, et apprenne à voir la mort non plus dans le tombeau et dans le cercueil, mais en Christ. 3672

Karl BARTH, le théologien protestant le plus influant de ce siècle, relève les deux aspects ambigus des places du chrétien, et de la communauté chrétienne dans le monde.

-D’une part, chercher à comprendre et à faire comprendre le mystère de la foi , malgré cette rupture, cette mort apparente de la raison que la foi suppose

“Chercher à faire comprendre fait partie de la foi : non pas que la compréhension ou l’intelligence soient nécessaires pour fonder et pour affermir la foi mais parce qu’il appartient à l’essence de la foi de désirer la connaissance. Comment pourrait-il en être autrement ? 3673

-D’autre part, la nécessité d’une organisation publique par nature extérieure à l’église.

C’est précisément à la communauté chrétienne qu’il est donné de comprendre ce qui rend nécessaire l’existence de la communauté civile. (...) Elle sait et elle loue Dieu de ce qu’il lui est permis d’exister à l’abri de la communauté civile. 3674

Ce qui sera dès lors important, c’est que l’ordre publique ne brime pas de trop cet espace, ce lieu de l’expérience fondatrice, qu’elle ne le persécute et ne l’interdise pas. Cela sera d’autant plus aisé que la société sera christianisée, mais on voit bien la différence avec l’instauration d’un ordre Chrétien. La pensée éducationnelle Catholique aujourd’hui, telle que Jacques MARITAIN 3675 l’exprime marque des divergences, en ce qu’elle confie davantage dans l’oeuvre de l’ Eglise humaine institution, mais ne se différencie plus guère, aujourd’hui, dans les faits, en tout cas, de la vision réformée.

Ici et là, il s’agit de concevoir désormais la structure politique humaine non comme une fin en soi, mais comme une structure d’accueil de l’homme. Chaque fois donc, que l’enfant, quel qu’il soit, tel qu’il est, sera accueilli à l’école, (ce qui peut-être la part de l’état), dans son intégrale personne ; quand il sera écouté, on fera un premier pas vers ce que la vision chrétienne propose, ou espère. Chaque fois qu’il lui sera permis et même qu’il sera encouragé à exprimer, dire personnellement, le message de la bonne nouvelle trouvera un terrain plus favorable. Il n’y a donc ici coercition d’aucune sorte. Le reste ne dépend plus de l’homme seulement. C’est dans la place laissée à cet espace de toutes les libertés, que Dieu, Tout Autre, mais tout à la fois Tout Proche décidera toujours de s’adresser à chacun de nous comme il l’entendra.

James T. DILLON, ami de Carl ROGERS, influencé par ses idées, professeur dans un lycée de Chicago en 1969 instaura cette année là le cours de religion dont il était chargé comme facultatif. Voici ce que disait un étudiant parmi d’autres.

Je sais que pendant les onze dernières années la classe de religion n’avait pas de sens pour moi. A l’entrée en Terminale, je m’attendais à moitié à une situation analogue. Au début , il faut bien le dire, votre classe n’avait pas plus de sens que les autres. (...)

Le jour où vous avez lancé l’idée qu’on pouvait venir quand on en avait envie ça a été génial. Au début c’était neuf ça changeait - ça me plaisait. Parce qu’il faut bien le dire quel est le gars un peu sincère qui n’a jamais eu envie d’aller à un cours de religion ?

Au bout d’un certain temps j’ai eu envie d’y aller (...)je suppose parce que vous en faisiez une discussion une classe où l’on apprend quelque chose. 3676

N’y a-t-il pas de ” cette “expérience” de James T. DILLON et de ses élèves, en 1969 à Chicago, à tirer bien des réflexions sur les rapports entre l’institution et la personne, dont nous avons vu, que dans la perspective judéo-chrétienne, ils supposaient une liberté initiale, un espace de respiration, car Dieu est dans le vide l’espace laissé.

Et l’on se met à imaginer à l’instar des synagogues du temps du Christ des lieux ouverts, écoles ouvertes, lieux de rencontres et d’apprentissages, de paroles et d’échanges où chacun se prend par la manche pour débattre et donner des avis parfois contraires, mais sans doute n’est-ce qu’un vilain rêve une utopie encore, une résurgence donc, au moins en cela, de la pensée hellénique ; alors il vaut mieux tourner la page, pour l’instant, l’espérance n’en sera que plus forte, une fois ancrée dans la réalité. Il nous faut garder les deux pieds sur la terre. Résolument.

e) Différencier ou personnaliser ou (et) ... fonder ?

Il faudra donc tenir dans l’éducation la réflexion sur les finalités, comme un préliminaire pratique ; il n’est plus possible de la fuir. Une fois reconnue cette réflexion comme essentielle tenant à l’essence même de l’éducation et même, historiquement ( COMENIUS), de l’école on peut critiquer, avec Olivier REBOUL et Jacques MARITAIN, le technicisme pédagogique renonçant à se poser le problème des fins pour tout réduire à la question des moyens.Olivier REBOUL distingue à partir de la question de la finalité des apprentissages scolaires, les valeurs d’intégration sociale et de libération individuelle qu’il définit comme les deux missions sacrées de l’école et, par delà, de toute éducation.

En nous demandant ce qui vaut la peine d’être appris, nous avons dégagé deux grands types de valeur : les valeurs d’intégration sociale et les valeurs de libération individuelle. On peut maintenant surmonter leur antinomie en montrant que les unes et les autres sont humaines, donc également sacrées. Intégrer l’individu dans une communauté la plus large possible cette communauté n’est autre que l’humanité, au delà de toutes les frontières territoriales idéologiques ou culturelles. Libérer l’individu de tout ce qui l’asservit c’est faire de lui un adulte autonome et responsable, un homme. 3677

Deux approches pédagogiques récentes et dominantes, tout en prenant en compte les singularités individuelles se séparent sur la question des moyens et en quelque sorte des fins. La personnalisation pédagogique et la différenciation. La personnalisation s’appuie davantage sur l’objectif de “ libération individuelle, La différenciation sur l’objectif de l’ “intégration sociale”.

La personnalisation adapte sa pédagogie au caractère personnel de chaque enfant 3678 .Elle s’appuie sur l’introspection et la gestion mentale. On peut même dans cette perspective se référer aux typologies définissant des caractères d’individu. Elle s’intéresse à l’enfant plutôt qu’à l’élève.

La différenciation pédagogique considère avant tout la question des niveaux hétérogènes des niveaux des enfants. 3679 Il s’agit comme le défendent judicieusement certains auteurs d’adapter sa pédagogie au niveau réel de l’élève, en faisant jouer les interactions si nécessaire pour une plus grande efficacité des apprentissages. Elle s’intéresse à l’élève plutôt qu’à l’enfant même si, pour rencontrer cet élève elle va reconnaître l’enfant. Ni l’une ni l’autre des deux approches ne pose cependant vraiment la question des fins de la pédagogie scolaire ; de façon tout à fait complète ou explicite, en tout cas.

Cette considération peu éludée de la question des finalités de l’école,( pour apprendre, pour instruire pour former, pour adapter ou pour libérer etc ); n’est peut-être cependant pas toute négative. Récemment un professeur de collège m’expliquait que le débat tourne vite au conflit, en France en tout cas, dès que l’on aborde la question des fins. Au contraire, la question des moyens peut permettre implicitement de conduire chacun à privilégier la personne de chaque élève, son épanouissement au dépend des querelles idéologiques stériles. L’attention se porte alors sur l’élève. Cependant, quelques questions ainsi inévitablement refoulées risquent de reproduire ce fameux dédoublement de la personne dont nous avons vu qu’il était d’une façon générale et constante si traumatique et préjudiciable. À éviter le conflit ne risque-t-on pas de faire le jeu de cette école neutralisée en fait de neutralité, et l’enseignant réellement engagé dans son travail, en gardant pour lui les questions essentielles qu’il se pose, ne communiquant que les effets de ces choix pédagogiques, la partie visible de l’iceberg, n’est-il pas contraint à une sorte de mise en semi-clandestinité de sa recherche profonde ? La quête essentielle et existentielle restera cependant toujours celle du fondement de sa pédagogie.

Plus grave sans doute : l’enseignant comme l’élève ne vont-ils pas, de refoulement en refoulement, finir par considérer celui-ci comme légitime et garant de la paix scolaire ? Il semble au contraire que l’enseignant ne devrait pas être exemplaire par son silence sur les fins, mais par sa capacité à aborder cette question de façon ouverte. C’est à dire, à partir d’une conviction personnelle, exposée à celle des autres ; ouverte à sa remise en question incessante ; exposée plus que tolérante ; aimante plus que dogmatique ; généreuse, toujours plus. Ouverte. Il faudrait au contraire préparer les enseignants, dès leur formation initiale, à gérer publiquement et personnellement leur questionnement sur les fondements. Cette question, nous l’avons dit, contient déjà tout l’acte éducatif lui-même.

Ces approches de la pédagogie différenciée ou personnalisée avaient été précédées en France comme à l’étranger par d’autres mouvements qu’on réunit généralement sous le nom de pédagogie nouvelle, ou pédagogie active. Depuis la pédagogie Maria MONTESSORI à la pédagogie FREINET, ou depuis la pédagogie institutionnelle à Paolo FREIRE, ou encore, pour ne citer qu’eux depuis DEWEY jusqu’à DÉCROLY ou CLAPARÈDE, comme finalement toute réflexion ou action pédagogique ayant une pensée ou une pratique propre, posaient et reposaient, posent et reposent encore cette même question incontournable des fins de l’école et plus généralement de l’éducation. A leur sujet, dans l’ouvrage qu’il consacre aux pédagogies nouvelles, Jean Paul RESWEBER écrit, en conclusion, pour souligner là encore un paradoxe sinon une ambiguïté un double enjeu :

Tel est le double enjeu des pédagogies nouvelles. Enjeu politique vis à vis duquel elles accusent un écart pour chercher la norme sur le champ de l’éthique de la vie, du rêve, de la communication, de la parole de l’art ... Mais aussi enjeu culturel puisqu’elles tentent de conjurer la sortie de la culture. Qui s’en étonnerait puisque la pédagogie est elle-même le discours de transmission de cette culture. 3680

Et nous sommes ainsi conduits par cet indépassable paradoxe, à quitter le simple débat sur les finalités. Toute finalité renvoie à une norme, toute norme à des exclus ... et à une élite dont Régis DEBRAY dit :

“... Milieu plein de bruits et d’éclats, où le pompier est de mèche avec l’incendiaire, où les polémiques de la rentrée se préparent posément entre adversaires durant l’été. (...) L’ethnologue aurait envie de se pincer - s’il n’était devenu lui-même, insensiblement , membre à part de cette étrange ethnie dont les structures et les contraintes nous rongent les os à tous.” 3681

Car c’est bien ce culte de l’homme à lui-même qu’il faut contourner, refuser. Cette confiscation de la pensée, de la parole. Renverser dans nos coeurs, pacifiquement mais radicalement, cette pyramide d’aliénations dont l’ homo Academicus 3682 tient le sommet.

Tant que nous porterons le débat sur les finalités seulement, nous risquons de rester du côté de l’idéologie. La question n’est pas de savoir quelle pyramide il faut adorer, mais de ne pas adorer l’oeuvre, mais le créateur. C’est toute la force du message de l’évangile. Ce culte est le fait d’une personne libre, chaque homme peut librement choisir d’en être le sanctuaire. Sans nul doute peut-on expliquer de la sorte l’existence dans ma classe de ce cahier professionnel personnel et intime 3683 , le ressourcement . Alors aux discussions sur les finalités qui renvoient aux fins il faut préférer le débat et la réflexion sur les fondements qui renvoient aux commencements.

L’éducation n’est d’ailleurs pas une programmation ; elle doit être ouverte à tous les possibles ; elle est le lieu de la graine mise en terre ; lieu d’une germination ; la porte ouverte, aujourd’hui, vers un lendemain inconnu. La confiance, autrement dit la foi seule, est alors nécessaire à la consécration libre et personnelle d’une existence à la vie et au service de l’Amour, à la communion au Règne.

(...) 3684 f) L’école éducable de la conviction éducante et éducative ou qu’il faut avoir accueilli pour prétendre construire.

Nous avons vu, au cours du chapitre précédent, que le rationalisme et la divination se rejoignaient sur au moins trois points, la préliminaire concentration sur l’objet, l’initiation et l’exclusion qui en résultaient : le devoir de concentration entraînant l’initiation, l’initiation entraînant l’enfermement sur soi-même, et, en bout de compte, l’exclusion.

S’opposant au rationalisme et à la divination, la foi (confiance ) est le contraire de la concentration, même si la capacité à se concentrer sur une tache est un fruit de celle-ci. Elle est tout abandon, offrande, don de soi ; la foi n’est donc pas initiatique ; elle est révélée aux enfants ; elle est la condition même de leur développement. La foi est organique c’est en cela qu’elle se distingue de la croyance. Lorsqu’elle est éclairée par le message de l’évangile, elle conduira à se faire le prochain, donc à accueillir l’exclu, à secourir le faible, à le rendre à sa liberté, à sa responsabilité d’homme.

C’est donc dans la capacité à accueillir l’homme ou l’enfant tel qu’il est dans sa personne, dans son acte de foi vital et premier, auquel répond l’acte de foi de l’éducateur que se trouve le caractère dominant d’une école inspirée par le message de l’évangile. Dès lors, toute parole prend sens et mérite d’être entendue. L’école n’est plus le lieu exclusif de la culture. La culture est aussi, et surtout, dehors. Le grammairien linguiste Michel BRÉAL (1832 - 1915), écrivait , dès la fin du XIX° siècle :

Quand l’enfant entre à l’école, il apporte son vocabulaire déjà formé, sa langue déjà toute faite, et de combien supérieure le plus souvent à ce qu’on lui apprendra en classe ! Si vous en doutez, écoutez les enfants avant qu’ils entrent dans la salle d’école : les mots leur manquent-ils pour se communiquer leurs idées ou pour convertir quelque projet, ou pour discuter un incident qui les touche ? Je suppose qu’une discussion s’élève sur le mien et le tien : sont-ils embarrassés de trouver les pronoms personnels et les adjectifs possessifs ? Ou bien qu’une question de tous les jours les divise: comme le français coule de source, et ceux qui tout à l’heure auront l’air hébété et muet sont peut-être les plus éloquents! Non seulement ils disposent de tous les mots correspondant aux idées de leur âge, mais ils ont les tours et la construction et (chose moins non moins précieuse) le ton et le geste. Mais à peine sont-ils assis sur les bancs de la classe, que ces avocats si diserts sont traités comme s’ils avaient le français à apprendre et comme s’ils avaient été sourds et muets jusqu’au jour de leur entrée à l’école. Soyez donc surpris que cette étude les laisse froids! Elle les assomme, parce qu’elle repose sur une fiction et que ces élèves ne reçoivent rien que déjà ils ne possèdent. Ah! si, à l’entrée de la classe, au lieu de tout glacer, le maître savait conserver cet élément en fusion et pouvait attirer à lui la discussion de tout à l’heure pour la guider et pour l’élever ! La leçon de français deviendrait une leçon de droit civil ou de droit des gens, ou d’équité sociale ; reprenant le dire de chacun, écartant doucement ce qui est irrégulier et bas, il ferait monter de degré en degré les différentes opinions jusqu’à leur forme la plus pure et la plus nette, de manière que chacun , pensant intérieurement : oui voilà ce que je voulais dire, se sentirai grandir et monter dans l’échelle intellectuelle. Ne serait-ce pas là une leçon de français, et combien supérieure à vos définitions ? Qui songerait encore aux bancs et aux murs de l’école ? Toute l’attention des enfants serait tendue vers la parole du maître, et l’école et le monde se trouveraient pour un instant confondus. 3685

Michel BRÉAL, en rêvant à cette respiration (je préfère ce mot à l’ambiguité du mot “confondus” qui renvoie à l’idée de confusion et donc de fusion; et la fusion me paraît être toujours réductrice ), entre l’école et le monde, ne fait finalement que retrouver ce qui inspira l’idée même d’école moderne de Jan Amos COMENIUS (1592 - 1670 ) qui pensa tout le cursus, aujourd’hui en vigueur, de l’école maternelle à l’école primaire (école nationale), du collège (école latine), à l’université ( académie ) 3686 .

Nous avions déjà souligné ce paradoxe : l’école française, à partir du XIX° siècle, se développe contre les langues locales, alors que l’idée même d’école moderne naît à l’initiative de Jan Amos COMENIUS 3687 , patriote tchèque en exil avec la mise en valeur de celles-ci.

Mais l’intuition de COMENIUS alla plus loin, encore : son école était également ouverte aux filles et aux garçons, le travail manuel y était tout autant considéré que la réflexion intellectuelle, l’expérience privilégié face à la théorie, l’éducation consistait à accueillir l’ordre de Dieu dans sa nature et sa parole, et à éveiller des êtres à la responsabilité, responsabilité de construire selon la prophétie d’ Ésaïe un monde de paix 3688 . L’école peut dès lors devenir au prolongement du mystère de la Pentecôte le lieu où chacun peut entendre parler des merveilles de Dieu dans sa propre langue :

Lieu d’accueil . Accueillir l’autre tel qu’il est, en étant soi-même.

Lieu de la parole rendue. La parole est le lieu de l’identité, accueillir n’est pas se conformer à l’autre.

Lieu d’écoute. L’écoute et l’accueil sont l’institution de l’autre.

Lieu de rencontre. L’école peut être le lieu d’une rencontre, d’une communion.

Lieu de l’ensemencement. Plus que du projet réalisé ou même conçu, l’école est le lieu du projet ensemencé. Sommes-nous, dès lors, étonnés de retrouver à l’origine dans le lieu des germinations de FEUERSTEIN s’adressant aux enfants des cendres, à COMENIUS, fondant l’idée d’une éducation ouverte à tous et s’étendant sur toute une vie, à Philippe VERNIER objecteur de conscience emprisonné, Jean Paul KAUFFMANN seul dans une chambre, en otage, et tant d’autres, une parole accueillie et identificatrice, manifestée dans la Bible ?

Cette parole ne peut être plus longtemps tenue à l’écart de nos écoles. Loin d’endoctriner elle a toujours fait naître, là où elle a été transmise, la personne. Elle est aussi un moyen indispensable pour connaître et comprendre notre réalité aujourd’hui, et au moins, chacun, croyant ou incroyant, doit le reconnaître, de notre civilisation. Elle est porte ouverte vers un dialogue renouvelé. COMENIUS rêvait déjà d’étendre l’éducation à toutes les affaires humaines. Sans doute a-t-il péché par un humanisme trop bienveillant et utopique. Pour ne pas verser du côté de l’utopie sans doute faut-il rester en matière éducative du côté de la semence. Là, il n’est pas encore question de projets à bâtir mais d’être projet tout simplement. Et comme la semence ne peut grandir sans tirer de la terre sa nourriture, il n’est pas possible de simplement construire par pure projection de l’esprit.

Il dit encore : A quoi comparerons-nous le Royaume de Dieu, ou par quelle parabole le représenterons-nous ? Il est semblable à un grain de sénevé, qui, lorsqu’on le sème en terre, est la plus petite des semences, qui sont en terre; mais lorsqu’il a été semé, il monte , il devient plus grand que tous les légumes, et poussent de grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre. 3689

La plus petite des semences donne un grand arbre; l’école devra veiller non seulement à recueillir les semences mais à ne point les laisser se perdre. Dans ce domaine, tel le jardinier minutieux il appartiendra à l’éducateur de prêter attention aux choses insignifiantes petites singulières rejetées, les gestes quotidiens, le plus petit des enfants, l’exclu; ils sont semences, porteurs d’un avenir ouvert prometteur ouvert aux oiseaux du ciel .

g) Éducabilité et éducabilité retournée.

Je me souviens avoir été très marqué et influencé, dans ma pratique enseignante, des premières années (1973 et les années suivantes), et lors de la réalisation de la collection “arc-en-ciel” , par le travail de Eugénie PLOCKI enseignante en cours préparatoire, sans doute trop méconnue aujourd’hui, tant son rôle fut déterminant dans les avancées de la méthode dite “naturelle” de lecture, Elle fut la créatrice, à partir du travail avec les enfants de sa classe, des livrets de la collection “Je lis tout seul” 3690 qui ont inspirés tant d’ouvrages depuis, initiateurs de l’apprentissage de la lecture à partir d’histoires vraies, coupant historiquement avec le livre de lecture classique, avec, au départ, une page, une illustration, une phrase, pour les séries les plus simples ; (idée reprise par la collection “ arc- en -ciel” ). Lors d’entretiens qu’elle accordait, en 1970, à R BIEMEL, elle expliquait comment les enfants finissaient par apporter eux-mêmes le matériau de base de l’apprentissage.

Question : Vous avez, depuis de longues années, une expérience du premier apprentissage de la lecture. Je serais heureux que vous me disiez comment vous organisez le travail des enfants ?

Réponse

Il y a d’abord pendant les premiers jours, une prise de contact avec les enfants.(...) Faire connaissance c’est se présenter (...) On parle de tout ce dont on peut parler à l’occasion d’une rentrée des classes. (...). Je prévois pour les premiers jours des choses dont on va parler. Ce sont souvent des choses à manger , fruits bonbons etc... C’est par là que le travail commence et s’organise.

Question

Ces choses à manger, c’est vous qui les apportez ou les enfants ?

Réponse

Au début , la première semaine, c’est moi, pour créer l’impulsion, mais cela ne dure pas longtemps. Au bout de trois à quatre jours, quand les enfants ont compris que l’on peut tout apporter en classe , il y a de tout. La seule condition bien entendu, c’est que les choses soient transportables. Très vite je n’ai plus besoin d’apporter des choses. 3691

Une école ouverte sur le monde, éduquant avec le monde qui l’entoure, cette école ne se considérera pas, jamais, comme fin, mais, tout au plus, comme moyen, parmi tous les autres. L’enfant y sera une personne avant d’être un élève, un homme à venir, avant d’être un futur citoyen. L’éducation n’est alors jamais oeuvre terminée. Olivier REBOUL explique que cet inachèvement est, paradoxalement, la preuve de sa réussite et pourrait constituer même son accomplissement.

Mais quel est alors le critère qui permet de dire qu’une éducation est réussie ? Il y en a beaucoup ; mais le principal est qu’elle est réussie si elle est inachevée, si elle donne au sujet les moyens et le désir de la poursuivre, d’en faire une auto-éducation. Car on arrive peut-être un jour à être ingénieur, ou médecin, ou bon citoyen. On n’en finit jamais de devenir un homme. 3692

Dans ce sens l’éducabilité principe fondateur irréversible de toute éducation depuis COMENIUS et FEUERSTEIN, pourrait tout simplement avoir comme objectif une éducabilité retournée (terme que je préfère à éducation permanente) : la capacité à se concevoir sans cesse soi-même comme un “apprenant-comprenant-enseignant” davantage que simplement comme un être toujours éducable par d’autres dépositaires des finalités (ce qui renvoie au concept d’éducation permanente). De se préoccuper de la plus petite semence, promesse de l’arbre futur, et non plus de la généralité, renvoie l’institution à être tout autant éducante à la vie, qu’éduquée par elle.

L’institution devient éducante et éducable.

Revenons à l’utopie parfois prophétique de Jan Amos COMENIUS. Faisant suite à “Via lucis “ (voie de lumière ) où il voit la paix comme un objet de discussion entre toutes les nations du monde, dans son ouvrage “ De emendatione rerum humanarum consultatio catholica “ (Traité d’un amendement universel des affaires humaines ) resté un manuscrit inachevé, COMENIUS définissait sept champs de réformation du monde selon les yeux de l’éducateur :

-La Panégersie où il s’agissait de montrer que la réformation sociale par la rééducation est possible.

-La Panaugie dessinait les méthodes nécessaires à l’intégration du savoir humain.

-La Pansophie qui délimitait le contenu et l’intégration du savoir humain.

-La Pampaedie qui refermait le propre système de sa théorie éducative (l’éducation n’est pas un ornement, mais doit contribuer à faire naître des personnes) où COMENIUS affirme plus que dans la grande didactique la possibilité pour tout homme à être éduqué. .

-La Panglottia qui devait être la langue commune à toutes les nations, (COMENIUS s’intéresse jusqu’aux langues des pays des colonies de son époque); et qui, sans se substituer, aux langues nationales, devait aider les hommes et les nations à faire la paix.(Ancêtre de “feu” l’Esperanto)

-La Panorthosie prévoyait l’organisation pratique de cette réformation sociale universelle, par des organismes internationaux.

-L’organe international chargé de supprimer les guerres et les conflits. (Aujourd’hui l’ONU).

-Le collegium Lucis (Collège de la lumière) chargé de fonder les écoles et de s’intéresser à la culture (Aujourd’hui l’UNESCO). Un tribunal international de la paix.

Enfin, l’ange de la paix marquait le commencement pratique de cette réformation universelle. COMENIUS envoya “l’ange de la paix “aux ambassadeurs de paix anglais et hollandais au traité de Bréda (Pays-Bas) en 1667, puis à tous les souverains chrétiens d’Europe pour les inviter au désarmement et à la paix 3693 .

-Un consistoire international devait s’occuper d’établir la paix entre les églises. (Aujourd’hui, le Conseil Oecuménique des églises).

C’est que COMENIUS attendait le millénium : période de mille ans où le Christ doit régner, d’après une interprétation de l’Apocalypse 3694 , avant son Retour définitif et la création des nouveaux cieux et de la nouvelle terre. Ces mille ans, pour COMENIUS, devaient être des années de paix, où s’accompliront les prophéties d’Ésaïe, entre autre, et les déserts devaient refleurir et la paix s’installer, et la justice régner, le mal étant pour mille ans enchaîné. COMENIUS croyait en l’imminence de ce règne, dont le traité de Bréda aurait pu constituer, d’après lui une avant première, sorte d’entrée en matière. Cependant dans l’esprit de COMENIUS ces autorités internationales non intéressées par le pouvoir lui-même, ne pouvaient être composées que de sages se référant à la Bible et à la foi chrétienne.

On retrouve dans ce généreux humanisme, cependant, le danger d’un transfert à l’institution de la liberté individuelle, personnelle. Nous retrouvons un problème semblable dans toutes les utopies de CAMPANELLA (1568 -1639) à ROUSSEAU ((1712 - 1778), à Charles FOURIER (1772 - 1837), de l’école de Hambourg (1918 - 1925 ), aux libres enfants de Summerhill ( école fondée en 1920), et tant d’autres. Elles sont la conséquence directe de l’utopie. A leur différence, celle de COMENIUS semble parfois mystérieusement historiquement se concrétiser, sur certains points; elle concerne à la fois toute la société humaine et l’école; elle ne se fonde pas seulement sur l’idée personnelle d’un homme, mais sur une interprétation de l’écriture biblique; enfin elle suppose l’accueil de l’universel comme conséquence d’une approche pacifique confiante et concertée des problèmes.

Aujourd’hui, ces instances internationales existent mais la référence à la foi chrétienne ne peut s’imposer par l’institution, nous l’avons dit. COMENIUS rêvait de pouvoir éduquer à partir d’elle, non de l’imposer certes, encore faudrait-il que les hommes veuillent accepter d’étudier la question..

Car, à la référence biblique, telle qu’ y aspirait COMENIUS, s’est substituée l’hypostase de la pensée objective. COMENIUS craignait le fonctionnement de “l’intellect sans morale”. Et nous avons vu les dérives que le rationalisme (le culte de la pensée théorique objective), occasionnait.

Il me semble largement préférable, cependant, de continuer à porter son regard, vers les graines en germes, les choses cachées, humbles et cependant, incarnées. Ce n’est pas par l’institution que peut passer, seulement, et surtout premièrement le message de la responsabilité d’être prochain, mais d’abord, par le bouche à oreille, le porte à porte, le coeur à coeur, de vies transformées, offertes, renouvelées par la confiance et l’Amour, (agapè). Demain ne nous appartient pas, l’utopie est inutile, il faut vivre la confiance du temps présent, l’éternité y sommeille et vit déjà en germe, éduquer c’est la réveiller. Sur ce sujet, reportons-nous à la lecture de l’évangile selon saint Marc, au chapitre 13 3695 .

Les disciples s’émerveillent devant les pierres et la construction du temple. Et Jésus annonce alors sa destruction future 3696 . Les disciples questionnent et demandent quand cela va arriver. Succède alors, après la mise en garde contre ceux qui, venant sous son nom, tenteront de les séduire, une description terrible des derniers temps.

Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres ne soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent Mais ce n’est pas encore la fin. Une nation s’élèvera contre une autre nation, et un royaume contre un autre royaume ; il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce ne sera que le commencement des douleurs. 3697

A l’inverse d’un gourou des temps modernes, Jésus ne promet pas les lendemains qui chantent. Et je trouve frappant que ces paroles succèdent à celles des disciples, observant les pierres du temple. Le culte de l’institution pour elle-même ne conduit qu’à guerres et divisions, soulèvements. Nous sommes loin de l’utopie sympathique et touchante de COMENIUS. En fait, à l’inverse de l’utopie, la parole de Jésus avertit et en avertissant, fortifie.

Cette description apocalyptique mériterait sans doute bien des études. Mais portons-nous plus loin.

Instruisez-vous par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous connaissez que l’été est proche. 3698

Ce ne sont pas donc, les descriptions ou prévisions eschatologiques, qui caractérisent le témoignage des disciples, ni même qui conforteront leur foi même s’ils confirment les dire de Jésus. Mais les yeux seront portés vers les branches tendres et les feuilles qui poussent ; n’est-ce pas là toute l’attention de l’éducateur. Reconnaître, dans le chaos, l’espérance. L’espérance est toujours minoritaire, marginale, mais victorieuse.

Car, Jésus annonce sa proximité, l’ imminence de son retour.

De même quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le fils de l’homme est proche, à la porte. 3699

Il y a dans la quête chrétienne une conscience que l’ordre du monde, n’est pas l’ordre de Dieu. Cette dimension semble, en partie, échapper à COMENIUS. Faut-il alors, renoncer aux rêves de paix, au travail pour celle-ci. Non, bien entendu ... puisque tout nous pousse à l’espérance, hors des frontières du possible. Il faut bien préparer les voies de Dieu à la manière de Jean Le Baptiste. Gardons nous des illusions cependant, l’espérance est plus profonde plus humble, mais plus radicale que l’illusion. L’illusion procède de l’homme, l’espérance qui dépasse l’attente, (espérance du latin sperare étymologiquement attendre activement ou souhaiter l’accomplissement ), est don de Dieu.

On ne peut construire que dans cette espérance, qui suppose un accueil préliminaire. C’est pourquoi les paroles de Jésus concluant ce chapitre 13 de l’évangile selon saint Marc sont : “Ce que je vous dis, je le dis à tous.” 3700

A tous donc un mot d’ordre est donné : Veillez. N’est ce pas dans cette veille aux portes de la nuit, à l’orée du jour que se réveilleront les intelligences ? Que se dissoudront tous les totalitarismes, que s’ouvriront toutes les espérances.

h) Entre l’autodidactie et la grande didactique, indépendance et interdépendance.

Entre l’autodidactie, concept impossible, mais réalité tangible, nous l’avons dit et redit, et la grande didactique de Jan Amos COMENIUS, projet de construire un système permettant d’apprendre tout à tous, rêve sans doute téméraire, et peut-être inutile, mais qui germe avec l’idée d’école moderne, qu’y a-t-il ; que reste-t-il ? Sans doute, en germe, toute la question qui a préoccupé cet écrit. Les rapports entre traverses et institutions dans les voies de l’apprentissage. D’abord, notons que l’ opposition n’est pas aussi flagrante qu’il ne pourrait le sembler, à première vue. Jan Amos COMENIUS , n’écrivait-il pas dans la grande didactique ?

Jusqu’ici les écoles ne se sont pas proposées comme fin d’habituer les esprits à demander leur force , comme les jeunes plantes , à leurs propres racines , mais on leur a appris à se doter de petites branches arrachées ailleurs et à se parer comme le corbeau d’Esope : leur effort a eu moins pour objet de découvrir en eux la source cachée de l’intelligence que de les arroser avec l’eau des ruisseaux d’autrui. Cela revient à dire qu’on n’a pas mis les élèves en présence des objets mêmes, ou qu’on ne leur a pas montré comment les choses existent en elles-mêmes et par elles mêmes, mais qu’on leur a fait voir ce qu’ont pensé ou écrit , sur telle ou telle question, un deux et trois et même dix auteurs. On en est arrivé ainsi à estimer que l’idéal de l’instruction consiste à connaître par coeur les opinions divergentes de nombreux auteurs sur de nombreux problèmes. Le résultat c’est que la plupart des maîtres n’ont pas d’autre soin que de glaner phrases jugements opinions en se plongeant dans les auteurs, en s’habillant d’une science qui n’est qu’un habit d’Arlequin. Contre les tenants d’une telle méthode Horace crie et gronde : Imitateurs , troupeau d’esclaves! Oui métier d’esclaves dont le travail habituel est de porter sur leur dos les opinions d’autrui. 3701

Et encore :

Mais je vous le demande , quel avantage y a-t-il à se laisser tirailler entre les avis opposés de différents auteurs sur les mêmes problèmes quand toute l’affaire consiste à essayer de connaître la vraie nature de ces problèmes ? Est-ce que tout ce que nous faisons dans la vie doit uniquement consister à serpenter sur les traces d’autrui et à observer l’endroit où chacun dévie, trébuche ou perd le nord. Mortels abandonnez les voies détournées et allez vite et droit au but. Si nous avons un but précis et clair pourquoi ne pas nous porter directement vers lui ? Pourquoi nous servir des yeux d’autrui plutôt que de nos yeux ? 3702

Pour Jan Amos COMENIUS, cette préoccupation du lien direct, entre apprentissage et choses , et apprentissage et expériences, n’est pas un luxe, mais une nécessité.

Tout compte fait, on arrive à la conclusion suivante : il faut le plus possible apprendre aux hommes à tirer le savoir non point des livres mais du ciel de la terre, des chênes et des hêtres , je veux dire qu’il faut leur apprendre à connaître et à scruter les choses directement en elles-mêmes et non par le truchement des observations et des témoignages d’autrui. Ce qui revient à dire qu’il faut revenir sur les traces des anciens , si l’on veut puiser la connaissance des choses, non à d’autres sources mais à leur source d’origine. 3703

C’est que, comme le note J. B. PIOBETTA 3704 , dans son introduction à “la grande didactique” , pour COMENIUS, contrairement à ARISTOTE, si l’ordre des choses est à accueillir dans la nature, le sens ne se sépare pas de l’intellect, ils sont tous deux constitutifs de l’intelligence, dont la foi est le fondement. Cette idée de l’expérience nécessaire, sera reprise par la pensée pragmatique, entre autre, en Angleterre, de John LOCKE (1632 - 1704), en Allemagne par HERBART (1776 -1841), et, en France ou en Suisse, par Jean Jacques ROUSSEAU (1712 - 1778), puis aux États-Unis, par William JAMES (1842 - 1910) et John DEWEY (1859 -1952 ), et partout ... dans toute la pédagogie nouvelle. Autrement dit, le savoir se fortifie et s’enracine dans l’expérience comprise et investie.

Cet enracinement dans l’action et l’expérience concrète et singulière, de l’intelligence humaine, nous l’avons vu, avec Maurice BLONDEL, trouve ses racines dans le christianisme.Or, nous l’avons vu, également c’est justement à cet enracinement que les autodidactes, ou plus encore les autodidacties nous invitent à retourner. C’est cet enracinement dans l’expérience qui, par l’irruption de la pensée grecque, d’un rationalisme appliqué, dans la modernité, de DURKHEIM à ALAIN, a semble-t-il quitté ou du moins été organisé, et séparé, au point de ne reconnaître la véritable valeur éducative qu’à partir de le proposition que la société au travers de l’institution, en fait. Que s’est-il donc passé ? Là où COMENIUS pense essentielle l’opinion singulière, siège d’universel, DURKHEIM décrète seule universelle la liaison sociale, nous l’avons dit.

Nous arrivons donc à la formule suivante: L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux qui réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné. 3705

L’expérience personnelle reste essentielle ; lorsqu’elle n’est pas là, DURKHEIM reconnaît bien que l’enfant ne peut vraiment s’approprier le savoir. Mais selon lui, apprentissage ni savoir ne sont plus du tout dans la vie ( contrairement à la formule de John DEWEY que Jan Amos COMENIUS aurait pu, sans doute, signer). Le savoir divinisé objectivé stérilisé a son temple, laboratoire d’un conditionnement à une vie sociale future : l’école moderne. Nous retrouvons la confiscation des finalités de l’école par l’état. Confiscation dont nous avons dit l’intolérable et dramatique contresens éducatif. L’indépendance de chaque personne singulière ne signifie pourtant pas qu’elle puisse s’extraire d’une interdépendance avec toutes les autres. Et nous retournons à la nécessaire respiration recherchée entre intérieur et extérieur, respiration entre l’école et la vie, la vie et l’école.

Et pourtant, cette respiration a besoin d’oxygène pour ne pas s’éteindre. Cet oxygène se trouve plus loin, dans le retour aux fondements de l’acte d’apprendre et d’enseigner . Et plus loin encore ... Dans les droits de parole, et le geste réhabilités dans une responsabilité nouvelle ; toutes ces choses, qu’après deux mille ans d’histoire chrétienne, l’homme n’a toujours pas su faire siennes et, que chacun d’entre nous, doit apprendre désormais à accueillir. J’imagine, à la rentrée des classes, un maître qui dirait : “Je voudrais remercier aujourd’hui, tous ceux qui sont dehors et qui travaillent ou qui ne travaillent pas, ceux qui ont dressé les murs, ceux qui ont fabriqué les chaises, tous ceux qui viendront nettoyer la classe, c’est grâce à beaucoup que cette école existe. Qu’elle soit désormais redevable à chacun du meilleur car il n’est rien que nous n’ayons reçu. “

C’est à partir de cette indépendance dans l’interdépendance que frère AXEL écrivait :

Nul ne peut imaginer et prévoir le destin final des autres hommes ; mais chacun peut savoir qu’il vit une histoire qui s’inscrit dans un tout universel dont la source, l’itinéraire et l’aboutissement correspondent au désir, au pouvoir d’une relation d’amour. Tout ce qui peut être dit sur Jésus ne fait que confirmer cette caractéristique de la vie du monde. Nous ne sommes pas appelés à la violence mais à l’amitié universelle. (...) nous sommes en mesure de participer à la recherche d’une société moderne, où régneraient effectivement la justice, la paix , et la joie 3706

Henri BERGSON avait bien compris la première des spécificités du christianisme qu’il définissait comme le mysticisme achevé, se distinguant de la mythologie des grecs, et du spiritualisme du bouddhisme et du brahmanisme en ce qu’il conduit à l’action. Il s’incarne.

Le mysticisme complet est en effet celui des grands mystiques chrétiens ... Il n’est pas douteux que la plupart soit passé par des états qui ressemblent aux divers points d’aboutissement du mysticisme antique. Mais ils n’ont fait qu’y passer : se ramassant sur eux-mêmes pour se tendre vers un tout nouvel effort , ils ont rompu une digue. Un immense courant de vie les a saisis. (...)

Qu’on pense à ce qu’accomplirent dans le domaine de l’action, un saint Paul, une sainte Thérèse, (...) et tant d’autres. 3707

Ce que BERGSON attribuait aux mérites de l’homme, les chrétiens qu’il cite l’attribueraient au fruit de la grâce. La seconde spécificité, que BERGSON n’avait peut-être pas perçue dans sa radicalité extrême, est la résolution tout à fait nouvelle et originale de la question de l’indépendance et de l’interdépendance, dans la communion dans un seul corps, par grâce, offrande pure ; car c’est en prenant l’autre pour soi-même que s’accomplit le miracle. Ici, chacun singulier rencontre l’autre singulier sans sacrifice de soi-même à l’autre ou au Tout Autre, par pure grâce, pur Amour.

Le sacrifice a été accompli par Dieu lui-même une seule fois pour toutes.

Un tel message ne peut donc jamais avancer que mains nues et substituer ainsi au rapport de force que supposerait la prise d’un pouvoir politique et social, le rapport de communion, compassion que suppose l’évangile. Ce message est d’autant plus fondateur qu’il ne passera pas par le pouvoir et qu’il ne le revendiquera pas, si tant est qu’il pourrait le faire sans se trahir, or nous avons vu qu’il s’agissait d’une mission impossible, aujourd’hui, dans l’attente pleine espérance du retour du Christ. Frère AXEL écrit encore.

Nous devons également assumer les risques de l’incompréhension, sinon de la malveillance. Nous sommes associés à la grande épopée de la lutte pour la vie, la vraie vie, celle qui triomphe de toutes les adversités par le seul et unique moyen de l’amour. 3708

Tout ce que le chrétien peut souhaiter, ce pour quoi il rend grâce, est le non verrouillage par l’état de l’espace de la liberté fondatrice de la rencontre créatrice de communion. Alors toute didactique instituée pourra être, finalement, comme le souhaitait COMENIUS, ouverte aux autodidacties. Toute autodidactie pourra, à son tour, trouver dans la communion à l’universel et exclusif Amour un caractère institutif effectif pour d’autres. Mystère insondable, qui, lorsque l’homme se fait disponible à l’oeuvre de l’Esprit, produit le miracle de la Pentecôte.

i)Une certaine réversibilité.

La collection arc-en-ciel est exemple d’un acte posé, à partir d’une pratique née de ma classe qui n’est pas tant un projet, que matrices à projet. Au carrefour entre traverse et institution, mettant en route didacties singulières et liturgiques.Déjà, dans mon mémoire de licence consacré à la collection, je notai cette notion que j’appelai ”réversibilité.” (...) J’ ai préféré ce terme à ceux de contradiction ou opposition, propres à la dialectique qu'elle soit d'essence matérialiste ou idéaliste. Dans sa conception hégélienne ou marxiste, la dialectique suppose en effet un rapport de force entre deux aspects contraires d'une même problématique. C'est ce rapport de force que je conteste, non la contradiction elle même. Je fais l'hypothèse que si contradiction il y a, le saut qualitatif, passage d'une situation première où l'un des aspects domine sur l'autre à la situation seconde où le rapport est inversé, pourrait se faire, selon un rapport de conviction supposant ou n'interdisant pas l'adhésion libre de l'homme aux regards et aux actes qu'il pose sur l' existence. En éducation plus qu'ailleurs seule la conviction importe. Je vais tenter quelques approches sur plusieurs points de cette notion de réversibilité (...) Je ne veux ni ne peux éliminer la conviction de l'apprenant comme d'ailleurs la conviction aussi de l'enseigné, au contraire il convient de s’appuyer sans cesse, sur celles-ci. Il en découle une certaine fragilité de l’institution que je choisis de préférence à l'abus du pouvoir sur la conscience d'autrui. Cette mise en garde est de tous les instants. (...) 3709

Apprendre-enseigner.

Nous avons déjà entrevu cet aspect des choses lorsque nous avons parlé des apprentissages mutuels. Nous retrouvons la réciprocité ou réversibilité de "l'apprendre" et "l'enseigner' qui, comme "le lire" et "l' écrire" , ou “le parler" et "l' écouter" sont les deux pendants d'un même acte. Nous pourrions résumer nos propos précédents par cette double maxime : "Qui enseigne apprend et qui apprend enseigne". Nous y revenons pour, partant de la non-concrétisation de la partie du projet qui visait à associer tous les “partenaires-élèves” à la phase évaluative du niveau de lecture des livrets, en tirer quelques conclusions. Il semble bien ici que la spécificité enseignante ne puisse s'échanger, se brader en quelque sorte. La réversibilité des places a des limites précises. Et contrairement aux premières fausses évidences, le projet n' aboutirait pas à gommer la spécificité enseignante, mais à en modifier et enrichir le registre. En effet, au stade où nous en sommes du projet, seuls les enseignants peuvent de manière décisive évaluer la difficulté d'un livret , et prendre la décision de diffusion dans les classes de tel ouvrage plutôt que tel autre. Peut-il en être autrement ? Il ne semble pas (pour l'instant en tout cas), tant le degré de technicités et de savoirs requis semble pointu au point que des maîtres de C .M. se déclarent volontiers incompétents pour une telle tâche en direction d'enfants d'un âge qu'ils disent mal connaître. Il n'en est pas moins vrai que l' évaluation du niveau de lecture d'un livret, comme nous l'avons dit, ne tient et ne semble pouvoir tenir à des critères sinon rationalisables du moins incontestables. La couleur attribuée indiquerait plutôt le degré d'autonomie réclamé à l'enfant dans la lecture d'un livret que le niveau de lecture que celui-ci requiert. Cette dernière notion est elle seulement rationalisable ? VYGOTSKY distingue la zone de développement proche 3710 . Il semble bien, par contre, que dans cette zone intermédiaire entre la zone d'autonomie où l'enfant peut développer mais non enrichir ses propres compétences, et celle trop lointaine où la notion lui est inaccessible, le rôle du maître puisse être tenu par quiconque. Un maître régulateur des échanges, proposant des situations nouvelles en vue d'apprentissages pourrait alors se substituer ou prendre place à côté de son rôle de transmetteur des savoirs.

Elève-enseignant.

Des illustrations, des musiques des textes partiellement ou intégralement réalisés par les enseignants illustrent un aspect de cette réversibilité. Au delà des spécificités de places, il semble bien cependant que la réversibilité de l'acte de "l'apprendre" et "l'enseigner" puisse conduire à une modification radicale de la relation à l'apprentissage, au savoir, du côté du maître comme de l' élève. Tout devient ici objet d'apprentissage et pas seulement ce que l'école contient dans ses programmes et ses manuels.

D'autre part, quiconque peut apprendre de quiconque, et enseigner quiconque, même et surtout peut-être si le maître, nous l'avons vu, tient une place particulière. L'enseignant prendra le risque de se "compromettre" en s'essayant comme les autres dans les tâches proposées. Il découvrira ainsi les difficultés cachées de celles-ci. L'élève découvrira, quant à lui, que ce qui est susceptible de mettre en action, en recherche,ne peut être sans intérêt hors d'une directive institutionnelle.

Intérieur extérieur

Cette réversibilité entre "l'apprendre "et" l'enseigner" et cette conception du monde comme d'un livre ouvert sur l'école et de celle qui en découle de l'école comme d'un livre ouvert sur le monde , se retrouve dans le parallélisme entre les projets "arc en ciel "et "passerelle" 3711 dont nous avons déjà parlé. Une même organisation infrastructurelle à destination d'une part de l'école (...), et d'autre part du quartier a animé cette double opération (...) des personnes extérieures à l'école participent à une action à destination de l'école, la collection "arc-en-ciel", comme aussi pour que l'école s'implique dans un journal à destination extérieure à elle même, le journal "passerelle".

Réversibilités multiples

...de temps

Ecrire pour apprendre quelque chose à un plus petit c'est retourner sur une histoire, son histoire avec sa mémoire. Ecrire pour un grand c'est projeter vers un futur vers ce qui est à venir qui n'est donc pas encore mais déjà un peu présent en prémices dans ce dont nous rêvons ou au contraire dans ce que nous redoutons. Des personnes de tout âge, de toute génération, ont travaillé ensemble (...)

...de places

Prendre la place de l'autre, c'est davantage que de simplement s'imaginer à cette place que nous redoutions ou à laquelle nous aspirions. C'est comprendre et apprendre quelque chose de la situation qui est la sienne. C'est, pour l'élève, comprendre la difficulté d'être maître, et, pour le maître, la difficulté d'être élève. Prendre la place de l'autre c'est apprendre à apprendre, c'est commencer de comprendre ce qui nous est inaccessible aujourd'hui. Les places échangées visaient à faire tomber les insignes au moins quelques instants et transformer le regard des uns sur les autres et des autres sur les uns.

...de lieux

L'appel à l'extérieur du quartier pour réaliser le projet se justifiait d'autant plus que ce quartier est un quartier où l'on rentre mais d'où l'on sort difficilement. Les habitants y sont pour certains d'entre eux comme assignés à résidence. Nombre de demandes de déménagements auprès de l'office des H.L.M. ou d'autres organismes restent le plus souvent lettre morte. (...) Alors travailler à modifier le regard et les représentations en veillant à la qualité d'une collection portant le nom du quartier et diffusée vers son extérieur n'est peut être pas vain. Ici, le piège consisterait à sacrifier le processus éducatif à l'image.

...d'idées

L'idée qui ne permet pas non seulement la controverse mais qui se refuse à l'imaginer est une pensée sans dehors. La contestation pourtant se présente dès la naissance de l'idée comme une vérification par l'absurde de celle-ci. Toute conviction doit se savoir capable d'affronter les questions qu'elle soulève. Ici, par les jeux de dépossessions de textes et d'illustrations les idées ont circulé pareilles aux mots et aux gestes qui de proches en proches sont porteurs de messages de vies pour d'autres.

...et d'actes.

L'école est un acte posé qui relie le quartier ghetto à la réalité sociale extérieure.(...) L'universalité se retrouvait dans cet acte qui acceptait de perdre pour gagner. Le partenariat de départ avec l'école d'Isola 2000 .. Les élèves d'Isola 2000 3712 sont en effet généralement issus de milieux très favorisés.” 3713

Lettre à Macbule.

Tout ce que j’ai pu écrire jusqu’ici n’est bien souvent qu’une tentative d’explicitation a posteriori d’une conviction intime qui s’est fortifiée, au fil des années de pratique éducative, que l’essentiel de l’école se jouait parfois, hors de celle-ci, dans ses rapports avec l’extérieur, qu’il fallait accueillir le don gratuit, apprendre la reconnaissance, communier en celle-ci. Dans mes classes, comme dans les classes de Eugénie PLOCKI, les enfants apportaient beaucoup de choses de chez eux ; ils les disposaient dans des boîtes ; ces boîtes portaient chacune un nom : la boîte des choses, la boîte des livres, etc ...

Tout était sujet d’étude. Je ne compte plus les chansons écrites sur le jour donné, et les spectacles, ni les jardins que nous cultivions pour mettre en pratique que tout n’est pas seulement intellect. Des normaliens en visite dans ma classe, avaient intitulé leur étude: “l’école de la vie ou l’école par la vie”. Il y avait, comme une aspiration à l’essentiel, à quelque chose d’innommable, que je ne nommais pas mais qui transpirait dans notre vie de tous les jours. Ce quelque chose, en fait, était quelqu’un ...

Et l’arc-en-ciel, je ne sais trop comment, je ne sais trop pourquoi, semblait accompagner notre voyage d’année en année. Dans nombre de spectacles, du poisson rouge multicolore parabole pour reconnaître l’exclu, à l’oiseau multicolore, autre parabole dénonçant racisme et “ bouc émissairisation”, dans nombres de chansons, il apparaissait comme un signe de cette alliance première gratuite d’une fidélité à accueillir, d’une nécessaire communion dans la majesté de la création si diverse, si multiple. Plus tard se concrétisa la collection “arc-en-ciel”.

Et les enfants naturellement percevaient l’essentiel de cette histoire, de cet accueil ; communion d’existence entre tous les hommes.

Un jour, je reçus une lettre de Macbule, ancienne élève d’origine turque dans ma classe plusieurs années auparavant. Elle me demandait deux poèmes : un sur l’arc-en-ciel, l’autre sur l’horizon. D’abord surpris, je lui fis cette réponse 3714 .

Chère Macbule, tu me demandes deux poèmes, un sur l’arc-en-ciel, l’autre sur l’horizon. J’aime bien ce que ces deux mots recouvrent, aussi vais-je te dire ce que chacun d’eux m’inspire, en tout cas, en partie, tant tout dire en quelques mots est impossible. J’aime beaucoup l’arc-en-ciel pour plusieurs raisons : D’abord parce que c’est beau un arc-en-ciel, suspendu entre terre et ciel, entre ciel et terre. Il est signe de la plus ancienne alliance que fit Dieu avec les hommes.

Cette alliance fut adressée à Noé, après le déluge, des pluies diluviennes qui engloutirent notre terre et tout ce qui y vivait, à l’exception justement de Noé et sa famille ainsi qu’un couple d’animaux de chaque espèce qu’il avait recueilli dans son arche.Il plut, nous dit-on, pendant quarante jours et quarante nuits. Peut-être connais-tu cette histoire, tu peux retrouver dans la Bible, dans le livre de la Genèse.

Tu y trouveras alors la présence de cette colombe, que Noé envoya pour voir si les eaux descendaient et qui revint avec un rameau d’olivier dans son bec. Aujourd’hui, cette image de la colombe est pour beaucoup symbole de la paix. Des peintres très connus, comme PICASSO, l’ont même dessinée.

Alors, l’arc-en-ciel évoque aussi la paix. Il annonce la fin des pluies, la venue du soleil, comme un pont dressé entre deux temps, deux mondes. La pluie est nécessaire, sans elle, rien ne pousserait, songeons à tous ces pays dans la sécheresse. Et le soleil annonce toujours le jour nouveau. Lorsqu’il dressa l’arc-en-ciel, Dieu dit à Noé que le jour, la nuit, la pluie et le soleil, la chaleur et le froid, les semailles et la moisson, les hivers et les étés, les saisons, ne passeraient pas tant que l’homme serait sur la terre. L’arc-en-ciel est donc le signe d’une fidélité d’un amour pour la terre et pour les hommes.

Le jour se lève chaque matin et nous ne songeons pas toujours à dire merci. pour cela. Et pourtant, quel signe de fidélité et d’amour renouvelé pour chaque homme et pour la création, que cette journée qui commence. Imaginons qu’un jour justement, le jour oublie de se lever. Imagine un peu, la catastrophe pour la terre, la panique qui s’en suivrait. Et lorsque le jour se lève, c’est toujours le réveil des couleurs que la nuit tenait éteintes en son sein.

Cette année, dans la classe, nous avons vu deux arcs-en ciel, le premier était si majestueux et magnifique, qu’aussitôt nous fîmes circuler un mot pour les enfants des autres classes, afin qu’ils le regardent. Mais lorsque l’arc-en-ciel disparut, Kamel se mit à pleurer, il aurait tant aimer le retenir. Il eut beau l’appeler, et nous l’appelâmes avec lui, “Arc-en-ciel reviens, reste avec nous “ ... mais l’arc-en-ciel ne revint pas. Kamel apprit que l’arc-en-ciel ne venait pas quand on l’appelait, il n’était pas simplement à notre service. Cependant bien plus tard dans l’année scolaire, un matin, alors que nous travaillions dans la classe, Kamel s’arrêta tout à coup de travailler en poussant un cri d’exclamation : l’arc-en-ciel était revenu, il était derrière la fenêtre. Nous nous arrêtâmes de travailler quelques instants, pour le contempler.

Cette fois cependant lorsque l’arc-en-ciel disparut, Kamel ne pleura plus. Il savait désormais que l’arc-en-ciel reviendrait un jour par surprise, il vient toujours par surprise. Et l’arc-en-ciel qui contient toutes ces couleurs me dit beaucoup de choses encore. Les couleurs y sont présentes suivant un ordre immuable : rouge, orangé jaune vert, bleu indigo, violet. En fait les physiciens ont découvert que l’arc-en-ciel est le spectre qui résulte de la décomposition de la lumière blanche au travers d’un prisme.

Quant à l’horizon, c’est un peu comme l’arc-en-ciel, il suffit d’avoir un bout de fenêtre pour, du fond d’un lit , dans une chambre, pouvoir déjà le contempler. Je suis allé chanter à Noël pour des prisonniers. C’était la première fois que j’entrais dans une prison ; je fus frappé par l’absence de fenêtres. On ne voyait pas le ciel. Et lorsqu’il n’y a pas de ciel , il ne peut y avoir d’horizon. Dans ma chambre ou dans la classe lorsque je travaille j’aime bien m’arrêter un moment pour contempler l’horizon, que je devine derrière la fenêtre d’où vient la clarté du dehors. Finalement, l’ horizon évoque autant, pour moi, une simple fenêtre ouverte, qu’un grand paysage. Il y a entre l’arc-en-ciel et l’horizon bien plus d’un point commun. Et comme la frontière reste floue entre chaque couleur de l’arc-en-ciel, on ne sait pas, non plus, de l’horizon, où il commence et où il finit.

Le plus grand point commun, vois-tu , entre l’arc-en-ciel et l’horizon est que l’un et l’autre sont comme tendus entre le ciel et la terre. Il y a dans cette tension comme un inaccomplissement, comme une attente vers une délivrance, et cette attente est déjà source d’une liberté.

Une liberté qui attend que quelqu’un vienne pour lui donner son nom.

Mars Avril 85.

Ce nom, je le connais et je reste souvent, comme dans cette lettre, à la porte, sans le nommer ; c’est pourtant de lui que je tiens la vie ; alors comment parler de la vie sans parler de lui. Curieusement, il paraît parfois plus facile de montrer le Christ , chemin accompli entre ciel et terre, ciel parmi nous, que de le nommer ; il faudra bien pourtant le nommer, car il faut bien connaître et dire le chemin qui donne la liberté. Car comment me faire comprendre si je ne le nomme pas ? Ce nom osé, Jésus, et commence la liberté de l’autre par rapport à moi-même, de moi-même par rapport à l’autre. Sans lui il restera toujours l’ombre d’un sacrifice de l’autre à moi-même de moi-même à l’autre.

C’est le sens même du sacrifice accompli par lui seul, que nous n’ayons plus rien à sacrifier et que nous puissions désormais nous comprendre ; il vient de se faire la parole de nos langues.

Je viens d’ouvrir, ces jours-ci, à l’occasion de la rédaction de ce mémoire, le livre de Jean Paul KAUFFMANN qui vient de sortir ; il s’ouvre par une citation du livre de l’Apocalypse.

Et le temple de Dieu dans le ciel fut ouvert, et l’arche de son alliance apparut dans son temple. Et il y eut des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre, et une forte grêle. 3715

Post-scriptum 2003

La collection arc-en-ciel 3716 et les rencontres avec des autodidactes fournissaient la matrice de la réflexion sur l’école que nous développions dans le cadre de notre mémoire de maîtrise. Il ne s’agissait pas de poser la question de l’école dans toute sa dimension, et tel n’est pas non plus notre sujet de thèse. Le fait est que l’école est investie dans nos sociétés contemporaines de missions qui semblent pour aujourd’hui être incontournables. Toutes ces notes si elles n’ont pas pour objet de mener une réflexion aboutie sur le sujet car sans doute par trop en prises avec notre personne singulière d’une part, et trop détachées du contexte socio-politique actuel d’autre part, peuvent néanmoins avoir simplement pour objet d’aider à la réflexion des uns et des autres ...

Si nous admettons que dans l’école se joue le rapport symbolique des rapports à la loi, aux lois et aux savoirs, alors nous pouvons tenter de tirer une synthèse comme suit :

Ce qui se joue dans l’école du fait de l’héritage gréco-romain est sans doute à chercher dans tout l’arsenal théorique, organisationnel, politique, voire sélectif et institutionnel qui la constitue, contribuant à l’organisation politique de la cité..

Ce qui se joue en provenance de l’héritage de l’éducation judéo-chrétienne biblique est entre autres à lire dans les rapports entre intérieur et extérieur, à partir de l’interpellation de l’unité singulière de chaque personne humaine comme de la valeur et du prix de l’acte éducatif lui-même dont l’enjeu est inscrit désormais dans chaque personne humaine sans discrimination aucune, contribuant ainsi à ouvrir au lien social, des perspectives nouvelles, une prise en compte toujours singulière de l’altérité.

La constitution de l’espace éducationnel public et sa laïcité (séparation ) sont donc ici interrogées. La question de la clôture scolaire se pose donc. Une école, certes séparée, mais dont la clôture serait en porosité, en respiration vivante, avec l’extérieur, serait comme à rechercher, car elle pourrait concilier la dimension libre des initiatives de traverses, singulières ou communautaires, la prise en compte de la vie ... et la nécessité organisationnelle publique qui veillerait quant à elle à l’indépendance et à la séparation constitutionnelle du secteur éducatif public ...

Ce qui pourrait alors légitimer l’entreprise scolaire serait la réflexion-action sur ce qu’éduquer veut dire. L’action éducative y serait mise en valeur comme source tout à la fois :

-de prix, valeurs ... (educare)

-d’altérités (educere)

-de responsabilité vis à vis de soi-même et vis à vis d’autrui ...

Elle s’enrichirait encore de deux dimensions d’une fonction instructive faite à la fois :

-d’apprentissages : ce qui au sens étymologique revient à prendre prise sur le réel et les choses, comme sur les pensées .... première facette de la fonction instructive ...

- de compréhension : ce qui suppose toujours une dimension singulière personnelle et invite à déplacer la réflexion et le dialogue sur la question des finalités au niveau de la réflexion singulière de chacun ; on ne comprend jamais que par soi-même ... deuxième facette de la fonction instructive ...

Notes
3634.

On peut lire sur ce sujet : ELLUL J. “Les idéologies et la parole “. édition Biblique universitaire Paris 1981 ; (72 pages).

3635.

“Le costume neuf de l’empereur” en annexes. Voit aussi le chapitre consacré à ANDERSEN.

Les paraboles du Christ ne sont d’ailleurs pas des allégories au sens des grecs ; elles sont en prise avec les faits du quotidien.

3636.

Rappel de la page 119 ; Notes connexes numéro vingt-et-un “l’accueil input” ; à a la page 281

3637.

Trois moments sont distingués par FEUERSTEIN : l’input, l’élaboration, l’output. Autrement dit : mise en responsabilité ; construction de l’activité ou du projet ; communication aux autres.

3638.

R. FEUERSTEIN, PARAVY G. (ss la dir. de ) “Pédagogie de la médiation autour du PEI du professeur Reuven FEUERSTEIN “ éd. Chronique Sociale. Lyon 1991 ; ( p 140).

3639.

AUQUE Roger : “ Un otage à Beyrouth. “L. G. F. Paris 1989 ; (315 pages).

3640.

Annexes page 57 portrait numéro 10.

3641.

P. VERNIER commente ici la phrase, du livre des Juges (ch. 6 v. 14), que Dieu adresse à Gédéon pour qu’il délivre Israël : “Va avec cette force que tu as.” VERNIER Philippe : “Avec le Maître” Paix et liberté Bruxelles 1° édition 1940 ; (page 8).

3642.

BUTTE Antoinette. “ L’offrande “ éd. Oberlin Strasbourg Paris 1965 ; ( page 163).

3643.

Annexes page 60 portrait numéro 11

3644.

L’appel : Jean ch. 1 v. 42. Essayant de marcher sur l’eau : Matthieu ch. 14 v. 28 à31 .

La confession : Matthieu ch. 16 v. 16. La présomption à suivre Jésus et l’annonce du reniement, la dénégation de Pierre. Matthieu ch. 26 v. 35. Le reniement : Luc ch. 22 v. 54 à 62. Le discours de Pierre à la Pentecôte. Actes 2 verset 14à 36.

La rencontre avec Paul (Galates chapitre 1 verset 21 et suivants). Actes ch. 9 v. 26 à 29; puis Actes ch. 15 v. 6 à 29.

3645.

Le Royaume de Juda exista de -935 à -586 av. Jésus Christ (date de la chute de Jérusalem.)

3646.

ROGER frère “Unanimité dans le pluralisme” Seuil Paris 1973 ; (106 pages). (Préface).

3647.

Matthieu chapitre 16 verset 18 : “Pierre tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église”.

3648.

Actes chapitre X

3649.

Actes chapitre IX versets 10/18.

3650.

Épître aux Colossiens chapitre 1 verset 18.

3651.

Epître aux Romains chapitre XII verset 4 et suivants, ou I° Épître aux corinthiens chapitre 12 et 13 entre autres.

3652.

Le livre de l’Exode au chapitre 32.

3653.

MARITAIN Jacques “Pour une philosophie de l’éducation” Bayard Paris 1959 ; (249 pages)p.19 cité par

MOUGNIOTTE Alain (dir. de la pub.) CLERSE “Les idées de Jacques MARITAIN sur l’éducation.” ISPEF Lyon Janv. 93 ; (p. 12)

3654.

Mission Académique de Formation des Personnels Éducation Nationale.

3655.

MAFPEN “Aide au travail des élèves “ document MAFPEN Octobre 1992 (20 pages) (sous la direction de Françoise BADINIER et coordonné par É. VAUTIER) ( Académie de Lyon) Conclusion dont je fus chargé de la rédaction( p .19)

3656.

Karl POPPER” La société ouverte et ses ennemis “ Seuil Paris 1979.

3657.

L’ensemble du chapitre trois. ACTUALITÉ DE LA QUESTION.

3658.

Everett REIMER “Mort de l’école” Éditions Fleurus Collection “Éducation et société” Paris 1972 ; (pp 163 à 172).

3659.

LEVY Thierry “ L e désir de punir” Fayard Paris 1979 ; (259 pages). (p. 254)

3660.

“Convention sur les droits de l’enfant “publié par UNICEF 4° édition de Février 1990, articles 28, 29, 30.

3661.

Claude DUNETON “Je suis comme une truite qui doute” Éditions du seuil 1976 p. 139 ; ( 185 pages )

3662.

Everett REIMER “Mort de l’école” Editions Fleurus Collection “Education et société” Paris 1972 ; (p.180).

3663.

Je cite ici les termes même de LUTHER :”Or , si mon salut coûte si cher à Jésus Christ qu’il soit contraint de mourir pour mes pêchés, il est alors évident que mes oeuvres et que même la justice de la loi sont de vil prix au regard d’une valeur si grande.”

“Ni une loi humaine ni une loi divine ne peuvent procurer cette justice. La loi, cependant, a été ajoutée, en plus de la raison, pour éclairer et pour aider l’homme pour lui montrer ce qu’il doit faire et ce qu’il doit omettre. Il n’en demeure pas moins qu’avec toutes ses forces et avec sa raison, à quoi vient s’ajouter encore cette grande lumière et ce bienfait divin qu’est la loi, l’homme cependant ne peut être justifié.” LUTHER Martin “Oeuvres tome 15” Édition Labor et Fides Genève 1969 ; (page 194).

3664.

SOURDEL Dominique “L’Islam” PUF 1949 ; (p. 5).

3665.

Évangile : euaggélion, bonne nouvelle, heureux message ; d’aggelos messager.

D’après : BIBLE (encyclopédie de la) Éditions Séquoia Paris-Bruxelles 1961 .

3666.

al FARÂBI “Idées des habitants de la cité vertueuse” Traduit par JANSEN, KARAM et CHLALA, Iflao Le Caire 1949.

cité par Abdurraman BADAWI “Philosophie et théologie de l’Islam à l’époque classique. “ p. 268 in

CHÂTELET François (sous la direction de) “La philosophie de PLATON à Saint THOMAS”. Hachette Paris 1991 ; (318 pages).

3667.

OUAKNIN Marc Alain “ Concerto pour quatre consonnes sans voyelle “ “Au delà du principe d’éternité.” Balland Paris 1991 ; (372 pages).

3668.

La croix est le point culminant de cette altérité dans la communion et l’obéissance parfaite du Fils au Père.. Éloï, Éloï, lama sabachthani”“ Mon Dieu mon Dieu pourquoi m’as Tu abandonné ?” Évangile selon saint Marc chapitre 15 verset 34.

3669.

Évangile selon Saint Matthieu chapitre 25 versets 1 à 13. (la parabole des dix vierges).

On peut se reporter aussi entre autre à Apocalypse ch. 19 verset 7 à 9. “Les noces de l’agneau.”

3670.

LULLE Raymond “ Livre de l’Ami et de l’Aimé” (ext. du roman de Blanquerna) “ Orphée ” Montpellier 1989 ; (191 pages). Traduit et présenté par Patrick GIFREU. En catalan Éd. Barcinò Barcelona ; 1954 ; (p.81 ).

Ramon LULL (en langue catalane), fut le premier à utiliser une langue vernaculaire pour commenter les textes bibliques.

3671.

LUTHER Martin “ Oeuvres tome 15” Édition Labor et Fides Genève 1969 ; (319 pages) (p. 240).

3672.

LUTHER Martin “Oeuvres tome 9” Édition Labor et Fides Genève 1961 ; (363 pages). (p. 237).

3673.

Karl BARTH cité par Georges CASALIS (1960) p.29.

3674.

Karl BARTH cité par Georges CASALIS (1960) p.62/63.

BARTH Karl “Communauté chrétienne et communauté civile” . Labor et Fides Genève 1947 .

3675.

MARITAIN Jacques “ L’homme et l’état” PUF Paris 1953 ; (204 pages).

MOUGNIOTTE Alain (dir. de la pub.) CLERSE “Les idées de Jacques MARITAIN sur l’éducation.” ISPEF Lyon Janv. 93 ; (53 p).

3676.

DILLON James T “Eux et moi le risque d’enseigner.” Éd. Fleurus Paris 1974 ; (p. 134) (Préface de Carl. ROGERS).

3677.

Olivier REBOUL “La philosophie de l’éducation” PUF collection ” que sais-je ?” Paris 1° édition 1989,

3° édition corrigée 1992. (121 pages)p. 117.

3678.

On peut se reporter particulièrement à :

Antoine De La GARANDERIE “Défense et illustration de l’introspection. Au service de la gestion mentale” Paris Éd. Centurion 1989 ; (184 p. )

3679.

MEIRIEU Philippe “ Différencier la pédagogie : pourquoi ? comment ? Lyon édition. du CRDP 1986 ; ( 156 p.).

MEIRIEU Philippe L’école mode d’emploi” “des “méthodes actives” à la pédagogie différenciée.” ESF Paris 1884 ; (173 pages).

Louis LEGRAND “La différenciation pédagogique” Paris Scarabée 1986 ; ( 186 pages).

3680.

RESWEBER Jean-Paul “ Les pédagogies nouvelles” PUF Paris (1986) (2° édition 1988) (Que sais-je ?); (p 122).

3681.

DEBRAY Régis “ Le pouvoir intellectuel en France.” éd. Ramsay Paris 1979 ; (page 262 )

3682.

Rendons à BOURDIEU Pierre (1984. op. cit. ) la pérennité de l’expression.

3683.

Voir dans la partie” interférences professionnelles” en début de ce document.

3684.

Suit ici (le point f) un passage qui correspond à la Note connexe numéro 12

3685.

Michel BRÉAL “ Quelques mots sur l’Instruction Publique ” (en 1872) ; ( 407 pages). Cité par Marie Hélène VOURZAY “ Discours sur la rédaction “ DEA de sciences du langage sous la direction de Marie Madeleine GAULMYN en Sept 92.(. p. 50 );.206 pages. Je cite encore les notes de ce mémoire de Marie Madeleine GAULMYN : “Michel BRÉAL est alors Professeur de Grammaire comparée au collège de France et Inspecteur Général de l’Instruction publique. Il est à cette époque renommé dans les milieux “savants” comme érudit, élève de BOPP, traducteur de la Grammaire comparée des langues européennes, et auteur de nombreux travaux de philologie et de mythologie. Ce n’est qu’en 1897 qu’il fera paraître l’ouvrage par lequel il est actuellement connu des universitaires, l’Essai de Sémantique.”

3686.

Pour Jan Amos COMENIUS, l’ éducation à l’école devait durer 24 ans, temps supposé pour qu’un homme soit totalement développé. Ces 24 ans se découpant en tranches de 6 ans : jusqu’à 6 ans le giron maternel puis l’école maternelle ; de 6 à 12 ans ans à l’école nationale (primaire) ; de 12 ans à 18 ans à l’école latine (collège) ; de 18 à 24 ans à l’académie (université)

“Projet succinct pour le rétablissement des écoles en Bohême”.in Recueil d’extraits de l’oeuvre pédagogique de J. A. KOMENSKY. STATNI PEDAGOGIICKÉ NAKLADATELSTVI Prague 1964. COMENIUS pensait cependant, déjà, que l’éducation était, en fait, l’affaire de toute une vie. ; (p. 24).

Plus tard, dans “la Pampaedie”, COMENIUS expliquera le besoin d’éduquer à toute la vie. “Après l'école , la vie; l’école de la vie continue de former l’homme intellectuellement et moralement.” Ibidem p. 170.

3687.

Se reporter à la page 119 du présent document.

3688.

Ésaïe chapitre 2 versets 1 à 4 “... On ne dressera plus l’épée nation contre nation ...”

Ce texte est écrit environ sept siècles avant Jésus Christ.

3689.

Évangile selon saint Marc chapitre 4 versets 30 à 32. Parabole du Christ.

3690.

E. PLOCKI Collection " Je lis tout seul" O.C.D.L. Paris 1970 ; (1° étape).

3691.

R BIEMEL Initiation à la lecture au CP un entretien avec Eugénie PLOCKI édition O. C. D. L. Paris (2° édition) 1971 p.5 ( 27 pages), c’est moi qui souligne certains passages.

3692.

Olivier REBOUL “La philosophie de l’éducation” PUF collection ” que sais-je ?” Paris 1° édition 1989, 3° édition corrigée 1992. 121 pages.(p. 121)

3693.

D’après Recueil d’extraits de l’oeuvre pédagogique de J. A. KOMENSKY. STATNI PEDAGOGIICKÉ NAKLADATELSTVI Prague 1964 (pages 167 à 171)

3694.

On peut se reporter au texte de l’Apocalypse chapitre 20 versets 1 à 4.

“ Puis je vis descendre du ciel un ange, qui avait la clef de l’abîme et une grande chaîne dans sa main. Il saisit le dragon et le serpent ancien, qui est le diable et Satan et il le lia pour mille ans. Après cela il faut qu’il soit délié pour un peu de temps.”

3695.

On peut lire également l’évangile selon saint Luc chapitre 21 versets 5 à 38.

L’évangile selon saint Matthieu chapitre 24 versets 1à 51

3696.

Le temple de Jérusalem fut effectivement détruit par les romains en l’an 70 après Jésus Christ.

3697.

Évangile de Marc chapitre 13 versets 7 à 8.

3698.

Ibidem verset 28

3699.

Ibidem verset 29

3700.

Ibidem verset 37.

3701.

COMENIUS (KOMENSKY) Jan Amos “ La grande didactique” PUF Paris 1952 (trad. J B PIOBETTA ) p.118.

C’est moi qui souligne.

3702.

Ibidem p. 117/118.

A première vue, cette critique pourrait être adressée au présent écrit qui ne manque pas de citations en tout genre. Mais ici l’objectif est bien de faire se joindre une pensée à celle des autres. C’est à partir de cet objectif que l’on peut juger, si l’expérience propre de l’auteur, son authenticité, la mienne donc, en est atrophiée ou non ? Au lecteur de se faire une opinion. Nous avions précisé, se reporter au prélude, qu’il s’agissait ici ,justement de confronter une pensée propre à celle des autres, et d’en mesurer davantage, ainsi les limites et l’originalité éventuelle.

3703.

Ibidem p120 fondement n 28

3704.

Ibidem p. 23

3705.

Émile DURKHEIM “Éducation et sociologie” PUF Paris 1992 ; (p 50).

3706.

AXEL, f. de Taizé “Le meurtre du prince “ Évangile pour les agressifs Seuil Taizé Paris 1972 ; ( page 142).

3707.

BERGSON Henri “Les deux sources de la religion et de la morale” Alcan Paris 1932 ; (p.237).

Cité par MEYER François op. cit; p. 107

3708.

AXEL, f. de Taizé “ Le meurtre du prince “ Évangile pour les agressifs Seuil Taizé Paris 1972 ; ( page 142).

3709.

Dans cette partie entre les guillemets, je notai la réversibilité entre lire et écrire ; parler et écouter.

3710.

SCHNEUWLY B., BRONCKART J. Paul VYGOTSKY aujourd’hui Delachaux Niestlé Neuchâtel Paris 1985 ; (219 pages).

3711.

Le projet” Arc-en-ciel” était associé au projet “Passerelle” journal de quartier; la collection allait dans les écoles, le journal dans les maisons. A l’origine les deux réalisations sont à l’ intersection des écoles, du quartier, et du monde extérieur ...

3712.

Les enfants de l’école d’Isola 2000 étaient associés au projet ; on peut se reporter aux annexes page 82/83, pour le texte qui reprenait le projet pour sa diffusion. .

3713.

Antoine CABALLÉ (mémoire d e Licence) “Entre le geste et la pensée” 1992 p 46, 47, 48,49,50

3714.

J’ai retrouvé ces jours-ci le début du double de la lettre envoyée ; n’ayant pas pu en retrouver la fin, je l’ai reconstituée.

3715.

Livre de l’Apocalypse chapitre XI verset 19.

Cité par KAUFFMANN Jean Paul “ L’arche des Kerguelen Voyage aux îles de la désolation “ Flammarion Paris 1993 ; (page 1)

3716.

“Collection arc-en ciel “ ouvrages accompagnant l’apprentissage de la lecture ZEP Montchovet Saint-Étienne 1990 à 1992

Nous en évoquons plus précisément la naissance et l’histoire et la prise en compte dans les interviews dans :

Annexes 5 des pages 511 à 529 ; page 284 des notes connexes ...