c) les sous-inspecteurs

Premier pas dans la carrière d’inspection à l’Assistance publique, puisque c’est en son sein que sont recrutés pour partie les inspecteurs 189 , le sous-inspecteur des enfants assistés de la Loire a une tâche en partie astreignante et peu valorisante. Chargé en principe exclusivement du placement des enfants, il doit en réalité ajouter à cette tâche un gros travail administratif, le seul employé aux écritures suffisant à peine à tenir le secrétariat et la comptabilité du service des enfants secourus. Le sous-inspecteur est donc de fait le secrétaire du service des enfants assistés : en 1897, le titulaire du poste, Julien Eynard a dans ses attributions

‘« toutes les écritures du service des assistés, formation des dossiers, propositions d’admission, de subvention, mutations, envois des vêtures, traités de placement, règlements de comptes, vérification des dépenses, décomptes, instituteurs, frais médicaux et pharmaceutiques, il établit aussi les états de remboursement des départements étrangers. » 190

Le seul avantage de cette accumulation est que « tous les détails d’un service aussi compliqué lui passent sous les yeux », et qu’on peut considérer que, mieux peut-être que l’inspecteur dont la tutelle est plus distante, il en connaît parfaitement le fonctionnement. A défaut d’être valorisante, la tâche est formatrice…

Le témoignage publié par un ancien pupille 191 il y a vingt-cinq ans dit tout le bien qu’il faut penser de Mme Thérèse Rousseau, sous-inspectrice dans les années 1930. C’est à notre connaissance le premier exemple d’une présence féminine dans ce corps dans la Loire, et il a dû être bien doux aux enfants. Mais nous n’avons rien trouvé concernant sa carrière, sinon quelques citations au détour d’un dossier de pupille.

Des renseignements n’existent dans les archives consultées que pour trois sous-inspecteurs seulement : MM. Micheletti, Eynard et Fraisse. Le premier ayant déjà été largement évoqué, nous nous contenterons de dire quelques mots des deux autres.

Julien Eynard , dont nous avons pu lire plus haut les éloges que lui adresse son supérieur, est nommé dans la Loire par arrêté du 9 août 1890 en remplacement de M. Lardet, mis en disponibilité. Il était précédemment en poste en Charente. Ancien instituteur (il a enseigné douze ans, entre 1876 et 1888), âgé de trente-trois ans, marié, deux enfants, il est originaire de l’Isère.

Sous-inspecteur de 4e classe, il touche le salaire réglementaire : 2400 francs, plus 600 francs annuels pour frais de tournées. Il est promu à la 3e classe en décembre 1892 (sa précédente demande avait été ajournée en février 1891), à la 2e en mai 1895.

Celle-ci, qui lui ouvre les portes de la promotion au grade d’inspecteur, le rend quelque peu ambitieux. Dès juillet, avec le soutien du député Benoît Oriol, il fait savoir qu’il est prêt à remplacer l’inspecteur Micheletti, gravement malade, souhaitant rester à Saint-Etienne pour envoyer ses deux fils à l’Ecole des Mines.

Il demande officiellement un poste d’inspecteur en décembre de la même année ; le préfet, qui ne le pense pas encore apte pour un tel poste, suggère cependant en transmettant la requête de lui trouver une sous-inspection plus importante.

En août 1896, c’est cette fois le député Audiffred qui signale qu’Eynard se verrait bien succéder à l’inspecteur Pirodon, décédé.

Enfin, après sa promotion à la première classe en novembre 1899, il est nommé inspecteur dans l’Allier le 30 mars 1900. Comme pour les inspecteurs, les soutiens politiques, plus locaux cette fois, paraissent donc importants

Louis Fraisse lui succède, nommé par arrêté du 30 mars 1900, installé le 10 avril suivant. Il vient de Saône-et-Loire, est lui aussi inscrit à la 4e classe, et touche donc le même salaire que son prédécesseur à son arrivée.

Nous n’avons que peu d’éléments sur lui, et aucune idée de sa formation initiale.

Il est promu à la 3e classe le 18 mai 1900, dès son arrivée donc. Il meurt à Saint-Etienne le 7 février 1902. Une allocation de 300 francs pour « travaux extraordinaires » lui est cependant allouée un mois plus tard.

Un de ses successeurs, reçu premier au concours de l’Inspection Générale, ne restera à Saint-Etienne que deux ans, pour filer vite à Paris.

De ce bref aperçu, on retiendra surtout les tâches multiples dont est chargé le sous-inspecteur, un peu comptable, secrétaire et visiteur, trait d’union entre l’administration nationale et locale, mais aussi entre l’administration et les enfants.

Du reste, c’est ce que soulignait l’inspecteur Tourneur, dans le rapport déjà cité, en signalant que le sous-inspecteur Eynard avait su « intéresser MM. Les maires aux enfants du service, ce qui nous donne en ces magistrats municipaux de très utiles et très bons collaborateurs. » Outre le fait que le service démultiplie gratuitement et dans tout le département ses effectifs, ce trait dénote les trésors de diplomatie et de disponibilité dont doit faire preuve le titulaire d’un tel poste, pris entre les impératifs d’une gestion froide et administrative, et les intérêts locaux, des enfants comme des familles et des communes où ils résident.

Notes
189.

Dominique Dessertine, Bernard Maradan, op. cit. p. 21-22 : le recrutement du corps des inspecteurs « s’effectue, soit parmi les sous-inspecteurs ayant au moins six ans d’ancienneté, soit parmi les docteurs en médecine et les pharmaciens de 1 re classe ayant au moins cinq années d’exercice, soit parmi les inspecteurs de l’enseignement primaire, soit parmi les commis-rédacteurs du Ministère de l’Intérieur, les chefs de division des préfectures, les secrétaires en chef de sous-préfectures, des mairies et des hospices ou des hôpitaux dans les villes d’au moins 30 000 habitants.

Il rassemble donc des hommes aux formations universitaires très variées et surtout aux expériences très différentes les unes des autres. »

190.

ADL X135, extrait d’un rapport de l’inspecteur Tourneur sur son subordonnée Eynard, 1er février 1897.

191.

Auguste Goudard, Matricule 13 646, le roman d’un enfant assisté, Annonay, Imprimerie du Vivarais, 1977, 222p., où l’auteur raconte ses premières années de pupille, entre 5 ans et le certificat d’études, dans les années 1920. Le livre est dédié à Madame Thérèse Rousseau, Inspectrice de l’Assistance publique.