d) les commis d’inspection

Avec un rôle administratif mais une relative importance hiérarchique (leur salaire les place à peu près au niveau d’un instituteur), les commis doivent être quelque chose comme des secrétaires de direction ou des secrétaires-comptables : employés certes aux écritures, mais avec des responsabilités. Et importantes puisque sur eux repose la bonne marche financière et réglementaire du service. Ils paraissent cependant avoir pour les seconder quelques employés que la préfecture affecte au service 192 .

Là encore, les sources sont rares, et les carrières difficiles à reconstituer. Il faudrait d’ailleurs parler plutôt de passages, puisque pour trois commis repérés sur deux postes, on compte quatre « non acceptants », en quatre ans. On peut supposer que le poste, subalterne et ne balançant guère les contraintes du déménagement, est surtout vu par ses titulaires comme un passage, au point qu’ils lui préfèrent parfois une alternative plus proche de leur domicile.

Le préfet du reste s’en émeut le 12 octobre 1911 auprès du ministre de l’Intérieur, et il ne paraît pas en être à son coup d’essai :

‘« Je crois devoir appeler de nouveau votre attention sur le sérieux inconvénient que présente pour la bonne marche du service la fréquence des mutations dans le personnel des Commis d’Inspection de la Loire. »’

Il préfèrerait nettement des fonctionnaires non débutants, désireux de se fixer dans le département pour une durée significative. On a cependant la profession de deux de ces « non-acceptants », qui donne une idée de leur formation : il s’agit de deux anciens adjudants, l’un d’artillerie, l’autre d’infanterie, des sous-officiers qui commencent donc là la seconde partie de leur carrière.

Remarquons enfin qu’entre 1897 et 1906 le service s’est étoffé, puisque l’unique employé cité par l’inspecteur Tourneur n’est désormais plus seul. C’est à la fois la preuve que le personnel était insuffisant, et que le sous-inspecteur peut davantage se consacrer à sa tâche de recherche et de contrôle des placements.

Alphonse Rossi est nommé commis d’inspection stagiaire en septembre 1906, titularisé et promu à la 4e classe du corps en septembre 1907. En décembre 1908, il passe les examens d’inspecteur et de sous-inspecteur. Il doit y réussir puisqu’il est nommé en avril 1909 sous-inspecteur dans le Cantal.

On ignore tout de ses états de services antérieurs, mais le personnage ne devait pas être bien commode. Accusé (à tort !) d’avoir agressé sa loueuse, il paraît être à l’origine d’une revendication à laquelle il associe son collègue Faure : une demande d’allocation de vie chère, en octobre 1907. Leur traitement est porté de 1500 à 1800 francs.

Son successeur est nommé par arrêté du 17 avril 1909 : Joseph Pech, licencié en droit de Carcassonne, nommé à Foix dès le 17 novembre. On ne sait pas qui prend sa suite.

A peu près en même temps qu’Alphonse Rossi (octobre 1906) est nommé son collègue Gustave Faure, sur le second poste de commis, lui aussi titularisé et porté à la 4e classe l’année suivante. Il est plus particulièrement chargé de la comptabilité.

Son parcours est intéressant et original. Entré à la préfecture comme expéditionnaire (employé à la copie), après avoir été admis au concours départemental du 8 février 1904, recommandé par Aristide Briand, il passe donc comme commis au service des enfants assistés, mais il n’en reste pas là puisqu’il présente en 1907 l’examen d’aptitude aux fonctions de sous-inspecteur de l’Assistance publique. Il décède en décembre 1909 après six mois de maladie.

Il est apparemment remplacé dès l’annonce de sa maladie, le 24 mai 1909, par un M. Padovani, ancien adjudant d’infanterie, porté à la 4e classe le 5 juillet 1910. On évoque un instant son remplacement en août 1909 par un certain Lalanne, commis d’inspection à Tarbes qui, républicain, doit quitter les Hautes-Pyrénées après des incidents qui se sont produits à la suite des dernières élections. Le projet reste sans suite, d’où peut-être une certaine amertume de Padovani qui a vu un instant miroiter un poste dans les Bouches-du-Rhône, et qui au moment de sa promotion en 1910 rappelle qu’il souhaiterait rentrer en Corse pour s’occuper de sa vieille mère. On ignore quand il est remplacé, et par qui.

Sur la dizaine de noms cités dans les dossiers 193 concernant la période suivante, entre 1910 et 1919, on relève : trois adjudants (infanterie, infanterie coloniale ; l’un d’eux finira malgré tout percepteur), un publiciste (journaliste) de l’Allier engagé volontaire et blessé à la guerre qui trouve là grâce à des appuis un travail provisoire (à 200 puis 250 francs le mois), un docteur en droit, un étudiant en licence de Lettres à Lyon (d’où de trop nombreuses absences) qui s’en ira comme rédacteur au ministère du Travail à Paris, et un ancien sous-chef de bureau de préfecture.

La guerre ne facilite évidemment pas le recrutement, ni la mobilisation le fonctionnement du service. L’inspecteur s’alarme en octobre 1915 de voir son sous-inspecteur, ses deux commis d’inspection et deux employés mobilisés : il ne lui reste que quatre employés, très dévoués mais sans expérience, alors qu’arrive la période du renouvellement des contrats de placement 194 , et qu’en raison de la guerre il a en charge la direction d’œuvres annexes 195 . Il réclame donc d’urgence un auxiliaire qualifié, si possible sous-inspecteur, et glisse comme en passant qu’il y en a précisément un du Doubs, mobilisé à Saint-Etienne et employé comme courrier-convoyeur… Il l’obtiendra jusqu’en mars 1916, date de son retour sous les drapeaux 196 .

De ce survol, on retiendra le faible effectif des employés du service (pas plus de dix personnes, dont deux ou trois seulement s’occupent effectivement des enfants), la grande hétérogénéité de la formation initiale du personnel, particulièrement militarisée chez les commis d’inspection, et la faible durée du maintien sur le poste, surtout pour les plus subalternes.

Notes
192.

ADL X135. C’est le cas en 1915, où un raisonnement purement arithmétique fixerait leur nombre à six, mais on n’en a pas beaucoup d’autres traces. AN F1a4549, un rapport d’inspection du 24 novembre 1931 donne la liste des employés du service : un inspecteur, Leboulanger, une sous-inspectrice Mlle Chapuis, deux commis d’inspection, une rédactrice et deux auxiliaires. Il y a donc perte de personnel : un sous-inspecteur de moins et quelques auxiliaires

193.

ADL X135 toujours, non communicables d’où l’impossibilité de rentrer trop dans les détails.

194.

Il cite les chiffres de 1642 enfants assistés protégés proprement dits, mais aussi de 2724 secourus et 1440 protégés.

195.

Orphelinat des mobilisés, Maison maternelle, Mutualité maternelle.

196.

C’est lui le docteur en Droit.