b) les anonymes

Enfin, le service doit faire face à la vox populi, avançant le plus souvent masquée sous forme de dénonciation anonyme, même s’il faut faire la part de la malveillance, qu’un des maires cités plus haut considérait comme constitutive du mode de vie normal de la campagne. Il s’agit d’une pratique plutôt tardive, la grosse dizaine de cas relevés survenant pour l’essentiel à partir de 1902.

Parfois les accusations sont mensongères, et en tout cas ne provoquent aucune réaction du service. Mais une bonne moitié débouche sur un déplacement du pupille concerné. En voici quelques exemples.

En juillet 1902, une lettre anonyme dénonce une nourricière de Marcilly-le-Pavé, qui « a un enfant de vos hospices âgé environ de 10 mois, il et dans un éta de misère. sai une vrai ésquelette faute de soins il fait pitié avoir. du soir au l’endemain a midi il résta dans le berçeau. sai une mauvaise nourriçe. elle ne lui donne pas son néçessaire il et privé de soi et même privé d’aliment : ç’est un enfant martyre. » En effet, l’enfant est déclarée en décembre « en meilleur état de santé (…) bien que chétif et petit » par le médecin, ce qui donne droit à la perception d’une prime de soins spéciaux pendant un an.

Une autre de mars 1908 : la pupille apprend chez son nourricier de Saint-Just-en-Bas à voler et s’enivrer. Ses patrons ont une vie dérangée et ne se cachent pas des enfants « pour accomplir leur projet scandaleux » ; un de leurs fils a fait de la prison pour vol qualifié, un autre a fait faillite pour escroquerie à Saint-Etienne. Leurs cousins ont trois ou quatre enfants de l’Assistance, ils les nourrissent peu et gardent les habits pour leurs propres enfants. Après les renseignements pris par le parquet, la pupille est ramenée à Saint-Etienne

En août 1913 à Noirétable : un pupille est enfermé à clé dans la maison quand les nourriciers vont faire les foins. Il est sale, et n’est pas habillé avec son trousseau mais avec des guenilles. Le maire confirme ; l’enfant est changé de place en septembre.

En mars 1943 est reçue une lettre anonyme d’ « un groupe de mères de famille » d’Epercieux-Saint-Paul qui dénonce une mère venant tous les dimanches visiter sa fille, pupille placée dans la commune. Sa sœur par surcroît lui montre le mauvais exemple. Le maire minimise. A la fin du mois, le même groupe récidive : la mère vient encore, la sœur donne toujours le mauvais exemple, la pupille ne fréquente ni l’école (ce que l’instituteur confirme), ni l’église. Elle est déplacée fin avril.