b) négocier avec les nourriciers

Le coût d’un enfant assisté pour la collectivité peut être mesuré aux sommes versées aux nourriciers. Elle varie entre 1827 et 1842 de 60 à 80 francs par an environ 204 . En 1902, la nourrice d’un enfant de deux ans élevé au biberon touche 154 francs (pour huit mois), 150 francs en 1903, 143 francs en 1904, en trimestres inégaux. La somme baisse ensuite à mesure que l’enfant grandit et peut rendre des services.

Le secours versé aux filles mères (16 francs par mois jusqu’à un an, 10 francs jusqu’à deux ans, 7,50 francs jusqu’à trois ans) est donc prévu pour couvrir une dépense comparable, la contrepartie étant évidemment qu’elles gardent leur enfant.

S’y ajoutent une prime dite « de bons soins » pour les nourriciers ayant conservé un pupille jusqu’à 13 ans 205 (50 Francs 206 ) et des primes dites « de soins spéciaux » pour faire face aux dépenses occasionnées par la maladie (de 2 à 5 francs par mois, en général pour une durée de six mois renouvelable sur justificatif médical ; l’incontinence en fait partie, qui occasionne des frais de renouvellement de linge et de literie).

Le maintien à l’école au-delà de l’âge d’obligation est une sorte de manque à gagner pour le nourricier, qui ne peut faire travailler à plein temps le pupille ; il reçoit une subvention de compensation (50 francs par mois en 1925).

C’est pour les pupilles plus âgés que l’inspecteur intervient le plus souvent, afin de faire valoir au mieux les intérêts de l’enfant, menaçant de le déplacer si l’augmentation lui paraît insuffisante d’une année à l’autre et qu’il sent qu’un certain attachement existe entre le pupille et son patron, mais sans excès cependant pour ne pas conduire à une rupture finalement dommageable à l’enfant.

Il est admis que les nourriciers d’enfants soumis à l’obligation scolaire leur versent un peu d’argent de poche. Il faut signaler qu’en échange, ils disposent d’une main-d’œuvre utile, surtout pendant les congés d’été où les enfants sont à leur entière disposition à l’occasion des gros travaux agricoles 207 . Mais il n’est pas anormal alors que les enfants travaillent, notamment à la campagne, gardant par exemple les bêtes après et parfois avant la classe 208 .

Sous tutelle de l’Etat, les pupilles bénéficient forcément des avantages des lois nouvelles. Une circulaire de l’inspecteur aux maires du département explique ainsi le 30 novembre 1936 l’organisation des congés payés dont bénéficieront les enfants dès l’année suivante. Ces deux semaines de congés peuvent être prises entre le 1er décembre et le 1er mars, ou au cours du mois d’août, afin de ne pas désorganiser le travail agricole. Les pupilles peuvent choisir entre partir en colonie de vacances et se rendre dans leur famille nourricière, qui dans ce cas reçoit une indemnité.

Notes
204.

ADL X135, Tableau du mouvement et de la dépense des enfants trouvés dans le département de la Loire, non compris les frais de layette et vêture alors à la charge des hospices. Dépense moyenne par enfant = volume global des dépenses divisé par le nombre d’enfants inscrits.

205.

Depuis sa naissance ou son arrivée dans le service ; on voit des cas qui transigent à dix ans de garde, pourvu que les soins soient reconnus excellents. Un cas beaucoup plus tardif montre que le service peut récompenser les qualités d’une nourrice. Arrêté préfectoral du 3/3/1937 : vu les bons soins donnés aux pupilles par Mme R., Cellieu (excellente éducation morale, soins matériels constants), bonne tenue confirmée par l’institutrice, il est décidé de la récompenser. Chaque pupille placé chez elle donnera lieu à une pension mensuelle de 120 francs (au lieu des 100 réglementaires).

206.

100 francs dans les années 1930.

207.

Auguste Goudard, op. cit. p. 97-107 : la fête patronale fait suite aux moissons, son patron lui donne quelques francs pour se distraire à la vogue.

208.

Ainsi dans le Vercors, jusqu’à son départ au collège en 1943, un de nos anciens professeurs a fait le berger après la classe, comme la plupart des enfants de son âge dans le village.