Deuxieme Partie : Les prises en charge privées au XIXe siècle

Mettre Saint-Genest au centre du système de protection de l’enfance de la Loire s’ompose à la fois par la durée et l’importance de l’œuvre, à quoi s’ajoute évidemment l’intérêt et le volume des sources (inédites) disponibles à son propos. Cependant, la maison n’est pas seule. Et outre les autres établissements comparables, il est utile de s’arrêter sur ce que l’on pourrait appeler le réseau des œuvres d’aides à l’enfance, si le terme ne supposait une cohérence ou une coordination qui n’existe guère, mais a le mérite d’insister sur l’idée d’un maillage du territoire par des œuvres nombreuses et variées.

La protection sociale, dans son sens le plus large, est d’abord le fait des entreprises elles-mêmes ; la Loire, dans sa partie la plus urbaine et la plus industrielle, doit à ses entreprises une première ébauche de prise en charge de l’enfance et de la famille, dans une perspective essentiellement paternaliste. Mais il s’y ajoute des associations, de type coopératif ou mutualiste, qui montrent une précoce et nombreuse prise de conscience de leurs besoins, de la part des acteurs eux-mêmes. Dans une perspective plus moraliste, les collectivités soutiennent, et plus rarement complètent, cet ensemble. En son sein, le souci particulier de l’enfance existe, parfois également soutenu par la collectivité, mais d’essence avant tout privée. Il concerne en priorité les orphelins et abandonnés, et parmi eux particulièrement les filles : les plus fragiles sont prioritairement objet d’attentions. Mais, par le biais des patronages, il peut s’étendre à l’ensemble de cette jeunesse urbaine que les contemporains jugent fragile et sujette aux tentations. Le soutien aux jeunes détenus et libérés, en revanche, peine à se mettre en place, comme si la flétrissure de la prison était plus facile (et plus valorisante) à prévenir qu’à faire oublier.

A cause de son exclusive clientèle féminine, et aussi parce qu’elle se rattache à la grande famille des Bons Pasteurs qui n’est en aucun cas une particularité locale, nous avons joint à cet ensemble la maison du Refuge. Elle peut servir de transition vers les chapitres suivants consacrés plus particulièrement aux établissements propres au département, mais permet également de résumer ce qui caractérise le secteur de la protection de l’enfance dans la Loire : caractère religieux, soutien des autorités locales, mais aussi lent glissement vers une prise en charge plus ponctuelle et plus ouverte.

Présentant ensuite deux œuvres éphémères, la colonie agricole des Trouillères et le Sauvetage de l’enfance, le but est de s’interroger sur les causes de leur disparition rapide, alors que la colonie des Trouillères, comtemporaine de la loi de 1850, paraît particulièrement ambitieuse et conforme à l’esprit du temps, et que le Sauvetage, plus tardif, appuyé sur un mouvement national, est remarquable par son intention, peu après la loi de 1889, de privilégier l’intérêt de l’enfant face à la famille. Mais surtout, tout ceci permet d’introduire à l’étude de la colonie de Saint-Genest-Lerpt, qui constitue au tournant du siècle l’œuvre la plus importante, sinon la plus visible, consacrée à la protection de l’enfance dans le département.