A. Les premiers pas de la protection sociale

‘« Les bourgeois philanthropes agissaient en hommes supérieurs, investis d'un devoir. Le paternalisme des chefs d'entreprise reposait sur la conviction qu'ils se devaient de faire le bonheur de leurs ouvriers, au besoin malgré eux. Ils manifestaient par là leur bonne conscience, la confiance qu'ils mettaient dans les institutions et dans les valeurs sur lesquelles s'appuyait la civilisation bourgeoise. La position des notables était fondée sur un équilibre entre des droits et des devoirs : c'est une position aristocratique. » 323

Ainsi en est-il dans la Loire, et singulièrement dans le bassin industriel de Saint-Etienne. Si on peut facilement évoquer ici le poids d'industries traditionnellement en pointe dans ce domaine, mines et métallurgie y faisant figure de pionnières 324 , il ne faudrait pas non plus, à l'opposé, oublier d'autres formes locales d'industrialisation, dans la rubanerie notamment, où la cellule familiale, qui est le cadre même de la production, est une valeur essentielle 325 . Il est donc possible de dire que, sous la bannière du paternalisme, diverses formes d'organisation industrielle et morale se regroupent.

Notes
323.

Adeline Daumard, Les bourgeois et la bourgeoisie en France depuis 1815, Paris, Flammarion, 1991, 446 p., coll. « Champs », p.228-229.

324.

Henri Hatzfeld, Du paupérisme à la Sécurité Sociale, 1850-1940, Paris, A. Colin, 1971, 384 p., cite p. 124 une enquête publiée en 1898 par l’Office du Travail du ministère du Commerce, montrant que sur 2 656 974 travailleurs attachés aux établissements industriels privés soumis à l’inspection du travail, 98 656 étaient couverts par un système de retraite, soit 3,7 %. La grande majorité d’entre eux appartenait à de grandes entreprises. Et les grandes entreprises disposant d’une caisse autonome, ou des services d’une caisse interentreprises, appartiennent, dans l’ordre, aux secteurs de la métallurgie, de la verrerie et de la céramique, représentés, souvent fortement, dans le bassin stéphanois.

Il montre également p. 195 et suivantes l’ancienneté du souci (obligatoire) de protection des salariés dans la métallurgie, la mine, les chemins de fer.

325.

Mathilde Dubesset et Michelle Zancarini-Fournel, op. cit., p. 71 et suivantes : « la famille-atelier ».