b) la vente de Cîteaux

Dans la seconde moitié de l’année 1895 prend place un étrange événement, dont la trace ne paraît avoir été gardée que dans les papiers du père Cœur. Devenue indépendante de Cîteaux, dans l’obligation toutefois de faire face à l’arrivée de religieux quittant la maison-mère : trente frères (davantage donc que les treize prévus) sont venus se réfugier à Saint-Genest après la fermeture des maisons et la dispersion des frères par voie administrative 778 , la maison craint sans doute pour son avenir et cherche un ordre plus puissant auquel s’adosser. Une série de lettres d’octobre et novembre entre le père Cœur et Mathieu Couture 779 , moine de l’abbaye de Saint-Martin-de-Ligugé montre un projet d’entrée de Saint-Genest dans la communauté bénédictine. Deux intermédiaires paraissent avoir joué dans cette prise de contact, la congrégation de Saint-Sulpice (en la personne d’un M. Bieil) et Jean Neyret (membre de la nouvelle société gestionnaire de Saint-Genest en 1899) dont un frère est bénédictin. Les choses vont assez loin puisque l’accord de l’archevêque de Lyon paraît avoir été obtenu, et qu’un projet d’affiliation est rédigé 780 . Saint-Genest, adoptant les Constitutions bénédictines, y devient une filiale de Saint-Martin-de-Ligugé ; elle conserve cependant en propre l’administration de ses biens (terres et bâtiments) et le père Cœur reste son supérieur.

Le père Couture passe quelque temps à Saint-Genest, sans doute entre décembre 1895 et janvier 1896. Il continue un temps sa correspondance, avec le père Berjat cette fois. Et le projet continue de prendre forme. Deux plus exactement : soit Saint-Genest s’affilie d’abord à Saint-Martin, le reste de la congrégation (Cîteaux, Le Manga 781 ) restant provisoirement en l’état, soit c’est d’abord Cîteaux qui prend la forme bénédictine, avec extension ultérieure à Saint-Genest et l’Amérique 782 . Dans les deux cas on constate que Saint-Genest entend conserver ses droits et son influence sur ce qui reste de la congrégation de Saint-Joseph, malgré l’indépendance obtenue. Après une année de tractations, l’affaire tourne court lorsque se profile la décision de vendre Cîteaux aux Cisterciens 783 .

Les pères de la Société Saint-Joseph vieillissent, les Société laïques de Lyon puis de Saint-Etienne réclament, qui l’application de l’accord imposant une forte amende en cas de non-accueil de pensionnaires gratuits lyonnais, qui sa part de l’actif de la congrégation pour permettre la survie de Saint-Genest 784 . La vente du domaine de Cîteaux est décidée pour mettre fin à toutes ces dissensions et éviter leur étalage en justice.

Donat étant décédé le 24 février 1895 785 , Guillermain reste le seul survivant de la tontine, seul propriétaire par conséquent de Cîteaux. Il a quatre-vingts ans. Bérerd est auprès de lui ; l’ancien supérieur évincé s’est sans doute souvenu de l’opposition entre Cœur et Donat, et il paraît avoir réussi à convaincre Guillermain de donner mandat à Cœur (secondé par la Société stéphanoise) de liquider les biens de la Société Saint-Joseph au mieux des intérêts de tous : en couvrant toutes les dettes par la vente de Cîteaux, et en dégageant un surplus permettant aux maisons (et singulièrement à Saint-Genest) et aux membres de la congrégation de repartir sur des bases saines. Il a été un temps envisagé de réunir Cîteaux et Saint-Genest au sein d’une seule société dirigée par les Stéphanois ; ce sont apparemment des raisons financières qui font abandonner cet espoir.

Après avoir reçu diverses propositions intéressantes : une société anglaise, John Arthur & W. Tiffen propose un million et demi, l’Etat un million pour le seul achat de la rivière (la Cent-Fonts) autrefois canalisée par les moines afin de régulariser le débit du canal de l’Est, qu’il refuse pour des raisons inconnues 786 , Guillermain impose à Cœur de ne pas descendre au-dessous de 800 000 francs, somme nécessaire à la couverture des dettes de la Société 787 . Le père Cœur a aussi pour fonction de faire face aux désirs de l’évêque de Dijon, Mgr Oury, qui se soucie davantage de restituer Cîteaux aux Cisterciens que de permettre la survie de ce qui reste de la congrégation de Saint-Joseph.

En 1896-1897, le principe de la vente étant acquis, le fonctionnement de Cîteaux est pris en charge par Cœur et les membres de la Société stéphanoise. Une nouvelle Société stéphanoise (la troisième…) commence d’ailleurs à prendre forme ; elle entend, conformément au mandat reçu de Guillermain, relancer Saint-Genest et apurer les comptes de la congrégation par l’exploitation puis la vente de Cîteaux.

Tout paraîtrait donc simple, sans l’évêque de Dijon qui pousse à la vente aux Trappistes, au grand désespoir des Stéphanois et de Cœur qui craignent que faute de concurrence, le prix obtenu ne soit guère intéressant pour leurs projets. Guillermain, face à l’autorité ecclésiastique, a bien du mal à résister, et cède deux fois 788 sa procuration. Une troisième manœuvre est évitée de justesse, qui consiste à fixer un prix de vente aux Trappistes après expertise du domaine de Cîteaux : voyant que la valeur estimée s’arrête à 600 000 francs, Guillermain prévient la Société stéphanoise qui met fin à l’expertise. Il semble que, de son côté, l’archevêque de Lyon n’est pas totalement insensible aux arguments de Saint-Genest, ni surtout à la possibilité pour son diocèse de conserver une maison religieuse viable, et pèse beaucoup moins en faveur des Cisterciens 789

L’idée d’un retour des Cisterciens à Cîteaux n’est pas nouvelle. En 1864 déjà, la Société Saint-Joseph avait été approchée pour héberger quelques moines sur la propriété 790 . Reprise avec énergie par Jean-Baptiste Chautard, abbé de Chambarand 791 , l’affaire est menée avec une certaine habileté. Car s’il a reçu mandat de traiter pour un prix de vente de 1,2 million au plus, à réduire à un million dans la mesure du possible 792 , il n’a rien contre l’idée de payer moins. Et il paraît bien espérer que les querelles en cours permettront quelques économies 793 . On peut même relever de sa part une certaine rouerie. Il écrit en effet 794 en avril 1898 que le Chapitre Général des Trappistes a refusé l’achat de Cîteaux aux conditions proposées, laissant cependant la possibilité d’un achat à l’abbé ou aux abbayes qui le désireraient. Il se propose cependant de continuer les tractations, et propose un prix de 900 000 francs, qu’il faut discuter très vite puisque les trois abbés qu’il croit pouvoir convaincre de s’associer à l’achat sont étrangers et vont repartir bientôt. Et encore ce prix est-il présenté comme un maximum, dont l’acceptation sera difficile par ses auxiliaires financiers 795 .

En réalité, le Chapitre Général a accepté le principe de l’achat de Cîteaux, et le prix d’un million. Mais en en confiant la réalisation à Jean-Baptiste Chautard, qui s’est dit convaincu de pouvoir en obtenir moins, et sous la condition de conserver le secret sur les transactions en cours, il n’est pas exclu que ce soit le Chapitre lui-même qui ait autorisé au moins implicitement les manœuvres visant à obtenir une réduction 796

Quoi qu’il en soit, Jean-Baptiste Chautard obtient bien un rabais supplémentaire, au moins en apparence, puisque confusion (entretenue ?) et querelles épiscopales aidant, la vente est finalement signée pour 800 000 francs le 22 août 1898. En réalité, le prix primitif d’un million est à peu près respecté puisqu’un complément, soit directement versé par les Trappistes, soit obtenu en diverses marchandises (ou les deux) porte la somme réellement reçue de Cîteaux à 990 000 francs.

Une semaine plus tôt, malgré la volonté de secret, un grand article du Bien Public 797 sur Cîteaux évoque le retour des Trappistes sur les lieux… Ce ne sont pas les Trappistes qui paient, mais la baronne de Rochetaillée qui leur fait avance des fonds 798 . L’histoire officielle cistercienne voit un signe de la providence dans l’intervention de la baronne :

‘« Les ancêtres de la noble femme avaient eu, de longue date, des rapports intimes avec Clairvaux. Ce fut un Rochetaillée, Godfroy, évêque de Langres, qui ferma les yeux à Saint-Bernard. Elle sentit renaître en elle les mêmes dispositions. » 799

Mais il est bien possible, comme Cœur l’affirme, que ce soit lui qui ait mis en rapports les Trappistes et la baronne, dont la famille est membre de la Société stéphanoise de Saint-Joseph, et a entretenu à l’occasion quelques pensionnaires à la colonie 800 . Saint-Genest récupère une partie du matériel (les tours des ateliers, les tables de classe), et exploite directement les terres de Cîteaux jusqu’à la fin de 1898 ; un ancien notaire de Saint-Georges-en-Couzan, Puy, représente 801 le père Cœur sur place, à qui il rend compte régulièrement de l’avancement des travaux agricoles. Saint-Genest reçoit une partie des récoltes : blé, bois, avoine.

Une belle scène a lieu le 2 octobre, lorsque les quatre moines choisis par leur abbé général arrivent à Cîteaux sous la conduite de Jean-Baptiste Chautard et prennent possession de l’abbaye au nom de l’Ordre, dans une cérémonie simple mais émouvante :

‘« A l’arrivée des moines la cloche sonna, les prêtres de l’œuvre du P. Rey s’avancèrent en procession jusqu’à l’entrée appelée porte de Dijon pour recevoir les moines qui s’avançaient en coule par la grande avenue. On entra dans la chapelle et la louange divine commença. » 802

Huit cents ans après la fondation, les Cisterciens reviennent à Cîteaux.

Un certain temps de cohabitation est nécessaire, pour vider totalement les lieux, trouver une place aux prêtres, sœurs et frères, et aussi aux enfants, dont une partie est prise en charge par Saint-Genest, et les autres rendus à leurs parents. Au 23 août 803 ,

A proximité de Cîteaux, les sœurs conservent leur orphelinat d’Agencourt ; Guillermain et Bérerd y demeurent également. Les Cisterciens s’engagent à célébrer deux services annuels pour les défunts de la congrégation de Saint-Joseph 804 .

Si tout le monde a l’air content, chez les Trappistes surtout qui peuvent reprendre officiellement le nom de Cisterciens 805 l’année même du huitième centenaire de la fondation de leur ordre, des querelles surtout financières continuent dans la société de Saint-Joseph, où chacun veut avoir une part de la vente. Et si Saint-Genest a pu apurer son passif, la maison reste pauvre comme devant, aucun surplus ne se dégageant finalement de la vente de Cîteaux. La grosse somme obtenue est entièrement affectée (Tableau 57).

Tableau 57 : répartition des fonds issus de la vente de Cîteaux (1898)
Chiffre réel reçu de Cîteaux :   990 500
Sommes versées :    
à la Société laïque de St Joseph de Lyon : 469 500  
pour l’hypothèque Mallard (Saint-Genest) : 230 000  
pour l’hypothèque Dupin 806  : 98 500  
pour le passif courant de Cîteaux : 105 970  
pour la Société Anonyme 807  : 24 000  
frais de notaire pour liquidation de Cîteaux : 4 000  
remboursement Mallard 53 000  
total :   984 970
reliquat :   5 530

Le sort des Cisterciens n’est guère plus heureux ; eux aussi ont des difficultés à s’installer. Le père Berjat, qui visite Cîteaux en mai 1906, donne une explication peu fraternelle aux récriminations des Trappistes, qui doivent rembourser chaque année la baronne de Rochetaillée, et se plaignent que Cîteaux non seulement leur a coûté pour l’achat, mais encore leur coûte en entretien. C’est leur incompétence, agricole notamment, et le peu de temps qu’ils consacrent au travail des champs, qui est pointée : « On part à la “queue leu leu“, la pioche sous le bras, jamais sur l’épaule, c’est défendu, et on va gratter quelques gazons, tirer quelques lignes droites ! Le travail est tout fait par des ouvriers qui sont bien payés, mais qui travaillent beaucoup ; ils sont 20. »

Le père d’un religieux, grand propriétaire foncier, a beau donner quelques conseils (mettre Bien Assise — une des fermes de l’abbaye — en pré pour commencer un élevage, mettre la tenure de Fort-Lieu en pré), des décisions ineptes sont prises : plantation de taillis d’acacias sans motif apparent, aucun parti n’est tiré des oseraies. On vend un peu de fromage, mais l’essentiel est mangé sur place par les religieux. Le bétail est splendide, les chevaux luisants, les bœufs gras, mais les ouvriers ruinent la maison en salaires 808 .

On sent là un certain dépit malgré tout d’avoir dû céder la place, et de voir dilapidées ou mal exploitées les richesses qu’il a fallu abandonner ; l’œuvre même du père Rey en somme. Il semble aussi que le voisinage a un peu de mal à s’habituer aux nouveaux propriétaires, sans doute moins menaçants qu’une (grosse) bande de jeunes délinquants, mais aussi davantage renfermés sur eux-mêmes. Les services qu’autrefois on se rendait entre voisins ne sont plus possibles. On notera deux points un peu plus concrets dans cette lettre : la statue du père Rey est encore en place 809 , et surtout les frères présents à Cîteaux au moment de la vente, et qui n’ont été accueillis ni par Saint-Genest ni par leur famille ou une autre communauté, sont restés. Les plus âgés commencent à mourir, écrit Berjat ; les moines les enterrent avec eux 810 . Les deux messes annuelles pour les membres de la congrégation sont toujours dites ; on promet désormais de prévenir de leur date le directeur de Saint-Genest 811 .

Notes
778.

ADL 85J, Mémoire pour la Maison de Saint-Joseph sise à St-Genest-Lerpt (Loire).

779.

Ou Couturier, la signature n’est pas très lisible.

780.

Ce projet d’affiliation est reproduit en Annexe 27. On trouvera en Annexe 26 deux lettres de Mathieu Couture aux pères Cœur et Berjat.

781.

Maison ouverte en Amérique Latine ; nous y reviendrons un peu plus bas.

782.

ADL 85J, lettre de Mathieu Couture au père Berjat, 23 septembre 1896 ; on imagine la revanche prise après mille ans sur les Cisterciens en intégrant Cîteaux dans l’observance bénédictine…

783.

ADL 85J ; la dernière lettre (conservée) du P. Couture date du 2 octobre 1896, où il dit avoir appris que l’évêque de Dijon envisageait de remettre Cîteaux aux Trappistes.

784.

ADL 85J, Note en défense (Société Saint-Joseph) : Brignais a obligation soit d’élever gratuitement deux cents enfants de la Société lyonnaise, soit de payer un capital de 700 000 francs, garanti par une inscription hypothécaire sur les immeubles de l’œuvre. Brignais fermé, cette obligation n’est plus remplie. En 1894, apprenant que la Société Saint-Joseph vient d’aliéner la propriété de Brignais, Fernand Philip, créancier des pères Cœur, Donat, Bancillon, Bérerd et Guillermain représentant la congrégation dissoute, demande une saisie-arrêt sur le produit de cette vente afin d’obtenir le remboursement de sa créance (14 000 francs).

785.

Montgay, Statistiques et faits divers : à l’annonce de ce décès, parvenue le 26 février à Saint-Genest, Cœur part immédiatement à Cîteaux ; il y en revient le 3 mars : uniquement pour enterrer le Supérieur, ou pour poursuivre sur place les tractations, son principal adversaire ayant désormais disparu ?

786.

Crainte de déplaire à son évêque ?

787.

Il lui signe pour ce montant une promesse de vente valable trois ans, ce qui laisse ouverte la possibilité du maintien de Cîteaux dans une nouvelle société. Nous reprenons pour ce qui suit les justifications rédigées par Cœur, à une date inconnue, sans doute peu après la conclusion du marché avec les Trappistes.

On comparera cette somme de 800 000 francs avec les chiffres cités par Thomas Voet, op. cit., p.72-73 et p. 171 : Arthur Young achète Cîteaux en septembre 1841 pour 1 450 000 francs, et le père Rey en mai 1846 pour 635 835 francs malgré une mise à prix de 950 000 francs.

788.

Sous la menace ? La note du père Cœur rédigée peu après la vente de Cîteaux relate une scène étonnante, sans la dater mais en la plaçant au début des négociations (1895-96 ?) : « Mgr Oury avait appelé un jour le P. Guillermain , et, le menaçant (“Je vous prends par la peau du cou, et je vous jette à mes genoux“) sic — lui avait fait signer une vente de Cîteaux sans prix et sans nom d’acquéreur, disant oralement que les Trappistes étaient preneurs à 500 000 f et que deux canonicats seraient attribués au P. Guillermain et au P. Bérerd  ». La seconde fois en 1898, Guillermain s’arrête au Refuge Saint-Léonard de Couzon-au-Mont-d’Or dirigé par le père Villon, prêtre de Saint-Joseph. Le Vicaire général Mgr Déchelette, après avoir accusé Cœur de le tromper, lui impose de donner sa procuration plutôt à l’abbé Rousset, sous-directeur de l’Asile. L’enregistrement de la promesse de vente précédemment signée à Cœur (pour 800 000 francs) permet de bloquer les nouvelles négociations qui s’engagent, pour des prix inférieurs aux dettes.

789.

Il paraît partisan d’une solution intermédiaire, une vente à un million sauvegardant les intérêts de Saint-Genest tout en accordant une réduction aux Trappistes.

790.

ADL 85J, 29 juin 1864, lettre du frère Marie-Bertrand, Prieur de N.D. de Sénanque ; c’est une lettre de relance : après avoir proposé de s’installer dans la ferronnerie, il propose l’ancienne bibliothèque ou l’ancienne hôtellerie : « Dieu vous tiendra magnifiquement compte de la grande œuvre que vous allez faire en permettant que les nouveaux Cisterciens chantent à côté de vous les louanges de Dieu dans le lieu de leur naissance. Oh, non ! Monsieur le Supérieur, vous ne pouvez nous refuser cette faveur. » Il propose alors une somme de 50 000 francs, pour une petite partie des bâtiments apparemment. Et dès 1845, au moment de l’achat à Arthur Young, Dom Orise avait envisagé d’acheter la propriété pour 1 600 000 francs ; le Chapitre Général n’avait pas donné suite (lettre du père Bonnafous, 27 juillet 1896, ADL 85J).

791.

Il ne paraît prendre la direction de la négociation pour les Trappistes qu’en mai 1898 (date de sa première lettre conservée), mais dit avoir été mandaté par le Chapitre de 1895, ce que ses Actes ne disent pas. Sa carrière est retracée dans Dom Jean-Baptiste Chautard, Abbé de Sept-Fons (1858-1935), Simples notes, Abbaye de Sept-Fons, 1937, 172 p. Après vingt ans passés à Aiguebelle il devient en 1897 abbé de Chambarand.

792.

Actes du Chapitre Général de l’Ordre des Cisterciens Réformés de N.D. de la Trappe, Chapitre Général de 1895, (p. 86) : « Dans le courant de l’année, Monseigneur l’Evêque de Dijon a fait des instances auprès du Révérendissime Abbé Général pour que notre Ordre rachetât l’ancienne Abbaye de Cîteaux. L’affaire est soumise au Chapitre Général. La propriété actuelle de Cîteaux se compose environ de 400 hectares. Il y a des bâtiments considérables, mais il ne reste à peu près rien de l’antique Abbaye. On demande comme prix 1 200 000 fr., mais on espère l’avoir pour un million. On trouverait une Société qui avancerait ce capital. Dans ces conditions, le Chapitre Général consulté en scrutin secret se prononce pour l’acquisition de Cîteaux par vingt-quatre voix contre dix-huit. » Le père Yves de Broucker (Abbaye du Mont des Cats, Godewaersvelde, Nord) a bien voulu nous donner copie des Actes des Chapitres Généraux concernant Cîteaux, et nous permettre de consulter la biographie de Dom Sébastien Wyart et le numéro des Collectanea cités plus bas ; qu’il soit ici remercié de sa disponibilité et de sa gentillesse.

793.

Chapitre Général de 1898 (p. 125-126).

794.

ADL 85J, lettre du 28 avril 1898 à M. Courbon.

795.

« Le Chapitre Général, ut sic, a refusé l’achat de Cîteaux aux conditions indiquées, autorisant toutefois tel abbé, ou telles maisons groupées, à acheter privatim si elles le veulent. (…)

Si je demande vite réponse, c’est que 3 des supérieurs que j’ai intéressés à mon désir sont étrangers, et avant qu’ils s’embarquent à Marseille, je puis mieux les déterminer à me seconder un peu.

A 900 000 f, ferai quelques efforts, mais sans espoir sérieux. »

796.

L’accord du Chapitre Général en 1895 est renouvelé en 1898 : « On parle aussi du projet d’achat du monastère de Cîteaux. N.S.P. le Pape a beaucoup encouragé Mgr l’Evêque de Dijon à poursuivre l’œuvre de la restauration de Cîteaux et lui a adressé, à cette occasion, une lettre fort élogieuse pour nous. Le R.P. Abbé de Chambarand a continué les pourparlers. On demande un million de la propriété qui contient quatre cents hectares de terre, de nombreux et grands bâtiments. Le R.P. JEAN-BAPTISTE croit qu’on la donnera à moins. (…) Pour Cîteaux, après un nouvel exposé de la question financière fait par le R.P. Abbé de Chambarand, on pose la question suivante : “Le Chapitre Général veut-il que l’on achète le monastère de Cîteaux ?“ En scrutin secret, et par trente-neuf voix contre huit, le Chapitre répond affirmativement. Le Révérendissime fait remarquer que la moindre indiscrétion pourrait compromettre le succès de cette affaire. En conséquence, tous les membres du Chapitre sont tenus au plus grand secret et ils ne doivent dire à personne de leur monastère que cette décision a été prise. »

797.

Le Bien Public, dimanche 14 août 1898, deux colonnes en première page, quatre en deuxième page.

798.

Voir l’échéancier de remboursement en Annexe 29. En Annexe 28 figure un plan du domaine de Cîteaux.

799.

Chanoine Fichaux, Dom Sébastien Wyart, Abbé Général de l’Ordre cistercien réformé, auparavant capitaine Adjudant-Major aux Zouaves Pontificaux, Lille-Paris, Giard-Lethielleux, 1910, 708 p., p. 571. C’est ici aussi qu’on trouve la date du 22 août.

800.

ADL 85J, 13 février 1890 : la baronne de Rochetaillée fait verser au compte bancaire de la colonie le montant de deux bourses qu’elle prend en charge, soit 600 francs.

801.

Du 1er juin au 2 ou 3 novembre 1898.

802.

Frère M. Bernard Martelet, « De la Valsainte à Cîteaux, un cinquantenaire, 1898-1948 », in Collectanea Ordinis Cisterciensum reformatorum, année 1948, p. 247-260, p. 259.

803.

ADL 85J, Rapport adressé à Saint-Genest, le 23 août 1898 sur divers points de détail de l’administration de Cîteaux, sans doute de la main de Puy.

804.

22 septembre 1899, lettre du prieur de Cîteaux, frère M. Symphorien ; les deux messes sont annoncées pour les 3 et 19 octobre, mais ces dates ne sont pas définitives.

805.

Le Supérieur général peut désormais reprendre le nom d’abbé de Cîteaux.

806.

Emprunt pour compléter l’aménagement de Saint-Genest avant sa remise à la société stéphanoise.

807.

Pour achat de 48 actions à 500 francs de la nouvelle Société stéphanoise, « distribuées à divers membres qu’il importait d’avoir au nombre des actionnaires en raison de leurs services rendus à l’Œuvre. »

808.

ADL 85J, lettre du 17 mai 1906 :

« A Cîteaux,

les Trappistes sont dans la misère, “meurent de faim“, dit-on, et quand les R.R. abbés se réunissent du monde entier chaque année pour le Chapitre Général, ils expriment très haut leur mécontentement qu’il ne leur ait pas suffi “d’apporter de l’argent pour l’achat de Cîteaux et qu’il leur faille encore en apporter pour le nourrir“ ! Les trente et quelques milliers de francs qu’il faut payer très régulièrement à Madame de Rochetaillée sont leur cauchemar.

Et d’ailleurs il paraît que le travail des religieux est absolument nul : deux heures le matin, deux heures le soir, exactement ; le reste est donné au Seigneur. On part à la “queue leu leu“, la pioche sous le bras, jamais sur l’épaule, c’est défendu, et on va gratter quelques gazons, tirer quelques lignes droites ! Le travail est tout fait par des ouvriers qui sont bien payés, mais qui travaillent beaucoup ; ils sont 20. C’est le père d’un religieux, grand propriétaire dans le pays, qui vient donner quelques conseils pour l’agriculture : ainsi il vient de faire mettre “Bien-Assise“ en pré, pour qu’on puisse faire l’élevage ; l’année prochaine on mettra Fort-Lieu en pré ; puis, on a planté des taillis d’acacias, on se demande pourquoi ; on ne tire parti de pas grand’chose, on laisse de côté les oseraies. Avec le lait on fait du fromage, dont on vend quelque peu, les Trappistes mangent le reste. Mais le bétail est splendide ; les chevaux sont de toute beauté, luisants comme de la soie ; les bœufs, très gras. Les ouvriers ruinent la maison, dit-on, par les salaires élevés qu’il faut donner. » La lettre fait trois pages ; elle est reproduite dans son intégralité en Annexe 30.

Toute révérence gardée, les reproches faits aux Trappistes ressemblent assez à ceux qui ont pu être adressés auparavant aux fouriéristes… Voit Thomas Voet, op. cit., p. 84-85, citant le témoignage de P. Patron : « Nous les avons vus une fois s’imposer une tâche en horticulture. Il s’agissait de bêcher deux ares de terrain déjà cultivé, un groupe se charge de l’organisation et s’organise ainsi : M.F., chef du groupe, les dames F. et C. sont cantinières et doivent porter les rafraîchissements nécessaires comme bierre, vin, limonade, messieurs P. et B. sont musiciens. Ne voulant pas s’exposer à l’ardeur du soleil, le terrain qui va être cultivé se trouve cerné d’arbres verts qui offrent l’ombrage le plus agréable et est surtout à proximité du réfectoire qui ne reçoit pas moins de cinq visites par jour et condition première de nos socialistes est que bien nourri on travaille mieux. Voici l’exécution : M.F. commande la marche et musique en tête le groupe arrive au chantier : garde à vous ; préparez beiches,… enfoncez… ainsi s’exécutait le commandement et le groupe arrivait avec plus ou moins d’ensemble. Il est facile de comprendre qu’un tel genre d’exercice fatigue bien le monde et que les gens du groupe, la sueur au front par la chaleur qu’il fesait avaient souvent besoin de rafraîchissements et très à propos les cuisinières étaient là, avec l’avantage du coup de sifflet tout le monde était prêt comme un seul homme chacun reprenait sa ration et puis on recommence. (…) Enfin la tâche s’est effectuée, deux ares ont été bêchés dans l’espace de huit jours. »

809.

Elle a depuis été déplacée dans le jardin des sœurs du Montgay ; sa photographie figure en couverture du livre d’Eric Baratay.

810.

La Chronique du monastère note ainsi, à la date du 5 octobre 1899, l’enterrement du Frère Rémy, « bon frère du P. Rey », décédé deux jours plus tôt. Cet enterrement est célébré par le Prieur, qui célèbre les vertus du défunt, apparemment comme tout enterrement dans la communauté. Juste après a lieu une réunion présidée par l’Abbé (Jean-Baptiste Chautard) en présence du Supérieur Général : « Les PP de S. joseph lui ont demandé d’adopter leurs frères, il le fait. Jusque là, ils étaient “hospitalisés“ lui, il les adopte dans sa famille, ils seront familiers. Le P. Prieur aura soin d’eux au spirituel, le catéchisme tous les dimanches ; pour le temporel, ils s’adresseront au f. Bernardin. Leur situation est donc celle de nos familiers comme l’ordre les entend : ils diffèrent des religieux en ce qu’ils n’ont ni les vœux, ni l’habit religieux, ils diffèrent des ouvriers en ce qu’ils ne reçoivent pas de salaire mais sont entretenus par la maison.

Mais peut-être quelques-uns voudront-ils s’engager plus avant dans la grande famille cistercienne. Dom Jean Baptiste leur indique les divers degrés : oblats et profès… »

Le Frère Placide Vernet (lettre du 8 septembre 2002) indique que l’un au moins des frères de Saint-Joseph, le Frère Sylvain Glèzes, a fait profession de convers dans la communauté. Tous les frères de Saint-Joseph, une douzaine environ, sont enterrés avec les moines, dans le cimetière de la communauté.

811.

Il n’y a aucune trace, à notre connaissance, que cette information ait ensuite été donnée. Il n’est pas possible de dire si ces messes ont longtemps été célébrées. Elles ne le sont plus actuellement, et celles de 1899 n’ont pas laissé de trace dans les chroniques de l’abbaye (lettre du Frère Placide Vernet, 8 septembre 2002).