Troisieme Partie : A la recherche d’un modèle associant public et privé

La Première Guerre mondiale correspond à une rupture, qui se traduit également dans le secteur de la protection de l’enfance. La période qui s’ouvre alors apparaît marquée par l’idée d’ouverture. C’est une ouverture d’abord à un nouvel état d’esprit, qui est surtout le fait d’une nouvelle génération d’animatrices : davantage impliquées dans la vie professionnelle, économiquement autonomes aussi, elles incarnent le passage de la dame d’œuvres à l’acteur social. A cette famille se rattachent celles qui dans les années 1930 animeront les associations les plus marquantes du secteur.

Cette époque est également celles d’une première ouverture en direction des enfants traduits en justice, relais et tentative d’unification d’efforts jusque là épars et surtout repérés chez les avocats.

Surtout, l’entre-deux-guerres voit véritablement s’unir l’ensemble du secteur de la protection de l’enfance. Là aussi, l’ouverture est totale : on associe public et privé, œuvres et administrations, catholiques, juifs et protestants, laïcs et religieux… ; l’enfant est un puissant fédérateur. Mais derrière la possible mise en tutelle par l’Etat, par le secteur médical, il y a une recherche d’identité et d’efficacité, qui se traduit par l’ouverture aussi vers le public à travers des fêtes, des campagnes de presse, et de multiples activités concrètes. Avec la Fédération des œuvres de l’enfance se structure donc le secteur de la protection de l’enfance qui dès lors, organisé, uni et reconnu, peut prendre en mains sa propre extension. C’est ainsi au cœur de la Fédération que se développent des organismes dont la postérité est encore visible : la consultation médico-pédagogique, le Comité de défense des enfants traduits en justice, le Comité de patronage des enfants délinquants et en danger moral et sa maison d’accueil. Les principes déjà évoqués se retrouvent ici : importance des individus porteurs d’initiatives, rôle d’appoint des associations aux côtés des administrations ou pour mettre en application les dispositions légales. Mais, peut-être précisément parce qu’elles s’appuient sur la Fédération, celles-ci ont perduré et s’incarnent aujourd’hui dans l’association départementale de Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (ADSEA).

Malgré les difficultés de l’Occupation, le dynamisme et la volonté de création demeurent. Malgré la réorganisation et le développement des services après la Libération, il est difficile de parler de rupture ; les deux périodes ne s’opposent pas véritablement. Et c’est sans doute à une unité d’acteurs que l’on doit cette continuité dans l’action. Les personnalités qui s’investissent sont diverses, mais unies dans une sorte de communauté idéologique proche de la démocratie chrétienne : souci des autres, place donnée à l’initiative privée.

C’est sans doute à cet élément que le secteur privé dans la Loire, organisé et uni, longtemps considéré comme nécessaire par les autorités publiques qui l’ont parfois suscité ou appuyé, doit d’être encore particulièrement important, au point qu’un véritable partage du territoire départemental peut être constaté entre public (PJJ) et privé (ADSEA), en même temps qu’une certaine reconnaissance mutuelle.

Sans doute, le poids de l’Etat financeur, des collectivités locales désormais dotées d’un pouvoir de tutelle, a pu depuis augmenter ; le poids de l’histoire cependant demeure, qui fait de la Loire un cas original d’intégration entre public et privé.