b) le Comité de patronage et de sauvegarde : une nouvelle Fédération

Marinette Heurtier meurt le 22 février 1954 1226 . Un mois plus tard, le 24 mars, le nouveau Comité de patronage et de Sauvegarde tient sa première assemblée générale et remanie son conseil d’administration 1227 , officialisant ainsi la présence de nouveaux administrateurs arrivée en 1952 dans le sillage de Benoît Ranchoux (André Coron, Georgy Faure, Marcel Gron par exemple) ou bien provenant de la ci-devant Sauvegarde (Drs Picot, Beutter, Annino). Antoine Pinay et Hélène Gerest sont élus présidents d’honneur ; le Dr Edmond Barnola, membre de l’ancienne Sauvegarde mais également salarié de la Maison d’accueil et de l’IMPro de la Rose des Vents que préside Paul Guichard devient vice-président avec Mme Chobert. Paul Guichard est élu président « très provisoirement » en remplacement d’Antoine Pinay retenu désormais à Paris par ses nombreuses fonctions. C’est là encore une reconnaissance de fait : depuis 1952 au moins et le début de son ascension ministérielle, Antoine Pinay est peu présent au Comité et c’est Paul Guichard qui le dirige en son absence 1228 .

Dans son allocution, Paul Guichard se pose en rassembleur. Il évoque le souvenir de Marinette Heurtier, saluant son dévouement, « son esprit social et charitable », sa bonté, mais aussi son caractère, qui lui faisait défendre « sa maison » et « ses enfants » comme son propre bien.

‘« Je suis allé la voir deux jours avant sa mort, pour la tenir au courant de nos projets et, derrière le brouillard qui estompait un peu sa personnalité, j’ai senti vibrer dans ses yeux tout l’intérêt qu’elle portait encore à notre Maison. »’

Rien évidemment sur un ultime accord ante mortem de la réunion du Comité et de la Sauvegarde ; aller jusque-là eût frisé la captation d’héritage. Mais on sent malgré tout, derrière une forme de déférence sans doute sincère, la distance qui se fait entre un travail social rattaché aux notions de bonté et de charité, sa conception d’une Maison lui appartenant en propre, et les grands projets du Comité de patronage et (désormais) de sauvegarde. Il y a là clairement un changement d’époque, ou de génération.

Paul Guichard parle aussi du soutien promis par la Sauvegarde régionale et son président, mais surtout il envisage l’avenir : le déménagement de la Maison d’accueil dans la propriété qui vient d’être acquise, la nécessité d’y adjoindre un home de semi-liberté, la recherche de nouveaux financements pour le Service social dont l’extension s’impose. Même si ces projets ne tombent pas du ciel, envisagés déjà par le Comité ancienne manière et évoqués précédemment par Marinette Heurtier elle-même, ils montrent bien le lien entre l’adhésion à l’ARSEA et la possibilité financière de se développer.

Une organisation pyramidale se met en place : le Comité de patronage et de sauvegarde fédère en effet les associations et les œuvres qui dans le département s’occupent de l’enfance, comme l’ARSEA réunit les Sauvegardes départementales de Rhône-Alpes. Le choix du Dr Picot, responsable de l’UDOPSS, comme coordinateur des œuvres de l’enfance est particulièrement judicieux, puisque telle est déjà sa fonction. L’idée d’une coordination des œuvres du secteur, présente dans les statuts dès l’origine, peut donc se développer, avec cet attrait supplémentaire que constitue l’accès aux subventions. Mais le Dr Picot reste peu de temps au Comité ; sa démission est annoncée à l’été 1955 1229 . Il est remplacé par le Dr Annino, fortement impliqué dans le développement d’un secteur médical destiné à l’enfance dans le cadre municipal d’abord, et secrétaire du Comité national de l’enfance dont la fille du Dr Beutter, Mme Mermet, est présidente. C’est bien le signe qu’en devenant Comité national de l’enfance (section de la Loire), la Fédération a perdu la plus grande partie de ses fonctions fédératives 1230 .

C’est donc désormais le Comité de patronage et de sauvegarde qui fédère les œuvres privées. En juin 1955 1231 il est ainsi fait état de la demande d’affiliation des religieuses de Saint-Charles de Roanne, et d’une demande de subvention de la part de l’Arc-en-Ciel de Saint-Genis-Terrenoire. En décembre 1232 , l’Institution du Phénix à Roanne demande son adhésion. Début 1956 1233 , c’est l’IMPro de la Rose des Vents qui demande à être pris en charge par le Comité, au même titre que le Centre d’accueil ou le Service social. Enfin, en janvier 1957 1234 sont associés la Clarté (Chazelles-sur-Lyon), le Château de Pérussel, le Centre familial de Saint-Thurin, l’Institution des sourds-muets et l’Institution des sourdes-muettes de Saint-Etienne. Fin 1958 1235 s’y sont ajoutés l’ASAPEI 1236 et l’IMPRo du Château d’Aix. On remarquera d’ailleurs que lorsque le Comité s’installe fin 1958 au 23 rue Charles de Gaulle, le Comité national de l’enfance (section de la Loire), l’Œuvre Grancher, la Famille adoptive forézienne, la Rose des Vents et l’Ecole de puériculture y transfèrent également leur siège social. Les travaux de plâtrerie-peinture, le nettoyage et les réparations des locaux sont réalisés par les garçons de la Rose des Vents. L’UDAF 1237 est installée au même étage, et en reprendra la partie libérée lors du départ de la Sauvegarde place Jean Jaurès.

Le Comité national de l’enfance a des activités réduites, mais il emploie une secrétaire, Jeanne Tarantola, mise derechef à la disposition du nouveau Comité de patronage et de sauvegarde. Le Dr Annino, à la fois vice-président du Comité et secrétaire du Comité national de l’enfance (section de la Loire), fait en quelque sorte le lien entre les deux organismes 1238 .

Il y a donc là une concentration considérable d’associations et d’œuvres, aux activités variées. Toutefois, en raison sans doute de la spécificité du dépistage et de la prise en charge de l’enfance délinquante, le rôle de la Sauvegarde comme instance de concertation et comme canal de demande d’aide technique et financière paraît cesser dans les années 1965 1239 . Les conceptions psychologiques et psychiatriques qui se répandent, le côté de plus en plus technicien du travail social ont vraisemblablement conduit logiquement à cette séparation d’œuvres n’ayant finalement pas grand-chose en commun 1240 .

Enfin, parce qu’il faut bien boucler la boucle, et revenir au cadre chronologique : à l’occasion d’une demande de subvention, le ministère de la Santé Publique et de la Population fait remarquer en octobre 1956 qu’étant donné que le Comité ne gère plus un service de placement, il serait opportun d’en modifier l’appellation.

C’est chose faite au cours de l’assemblée générale du 26 octobre suivant : le Comité devient Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence. Contrairement aux apparences de 1953-1954, c’est donc finalement la Sauvegarde qui vient à bout du Comité.

Notes
1226.

Voir Annexe 62.

1227.

Le nouveau Conseil d’Administration est composé comme suit :

présidents d’honneur : Antoine Pinay et Hélène Gerest ; président : Paul Guichard ; vice-présidents : Edmond Barnola et Mme Chobert ; secrétaire général : Benoît Ranchoux ; secrétaire adjoint : André Coron ; administrateur délégué au Centre d’Accueil : Marcel Gron ; administrateur délégué au Service social : Georgy Faure ; coordination des associations s’occupant de l’enfance : Dr Picot ; trésorier : Me Germain de Montauzan ; membres de Roanne : Mme Magdinier, M. Michel (ils étaient membres en 1942 du Comité de patronage roannais) ; membre de Montbrison : Dr Maisonneuve ; membre de Rive-de-Gier : Melle Sève ; autres membres : Dr Beutter, Dr Gerest, M. Aillaud, Dr Annino, Mme Pison, M. Claudius-Petit, M. de Nomazy, M. Dousteyssier, chanoine Ollanier, M. Jolliet, M. Quebre.

1228.

Il lui écrit ainsi le 24 mars 1952 (Antoine Pinay est président du Conseil depuis deux semaines) : « Votre magnifique effort [contre l’inflation] est suivi ici avec enthousiasme. Nous l’appuyons de notre mieux et tous nos vœux vous accompagnent. »

1229.

Bureau du 5 juillet 1955.

1230.

Une de ses dernières manifestations est l’appel aux dons lancé conjointement par Mme Mermet-Beutter et Paul Guichard en mai 1958, à l’occasion de la Semaine de l’enfance. Mais (résultat d’une fusion ultérieure ou plus sûrement d’une réunion de fait pour cause de partage de secrétariat : Jeanne Tarantola, qui vient de la Fédération, est de fait secrétaire du Comité — elle finira sa carrière comme secrétaire de direction à la Sauvegarde) sur la plaque de boîte aux lettres du siège de la Sauvegarde place Jean Jaurès a figuré jusqu’à son déménagement la mention « Comité National de l’Enfance ».

1231.

Conseil d’administration du 14 juin.

1232.

Conseil d’administration du 6 décembre.

1233.

11 janvier 1956.

1234.

Commission de l’enfance inadaptée du Comité départemental de sauvegarde, 22 janvier 1957.

1235.

Commission de l’enfance inadaptée…, 14 octobre 1958.

1236.

Association stéphanoise des parents d’enfants inadaptés, récemment créée par Charles Deschenaud.

1237.

Union départementale des associations familiales.

1238.

Le Comité national de l’enfance a largement participé aux frais d’aménagement. Plus important, le Dr Annino, dont nous avons vu le poids dans le secteur de la prise en charge médicale de l’enfance à Saint-Etienne, est ancien interne du Dr Beutter. Par lui, c’est une sorte de regard médical sur l’enfance abandonnée et délinquante qui perdure.

1239.

Les dossiers « Œuvres de l’Enfance » ne dépassent guère 1963 (Archives ADSEA). A la même époque, l’ARSEA devient CREAI (Comité Régional pour l’Enfance et l’Adolescence Inadaptées) et s’oriente davantage vers une activité de conseil.

1240.

Ce qui n’empêche pas des mises en commun périodiques, mais dans un autre cadre, celui de l’UDOPSS par exemple.