André Coron, la marque du scoutisme

Une complicité ancienne unit en effet les deux hommes, depuis la création du CILS en 1947 à laquelle ils ont tous deux contribué. Mais André Coron (HEC) est également une figure du scoutisme stéphanois, animateur local du groupe Economie et Humanisme, ce qui en fait un de ces « ingénieurs sociaux » dont parle Philippe Laneyrie 1244 . A la présidence du CILS, il joue un rôle prépondérant dans les programmes de construction de logements sociaux et dans le réaménagement des quartiers populaires — avec le soutien, financier entre autres, de l’Etat et du ministre Claudius-Petit.

Mais ses relations dans les milieux scouts lui permettent à l’occasion de rechercher « des gens bien placés dans le domaine de l’enfance délinquante ou abandonnée (notamment et surtout au Ministère de la Justice) », ainsi qu’il l’écrit en 1953 à André Cruiziat, responsable de la Vie Nouvelle, lequel le renvoie alors à Paul Lutz, inspecteur de l’Education surveillée, et à Jacques Astruc « un des promoteurs des centres d’éducation surveillée qui comportent de très nombreux éducateurs et éducatrices d’origine scoute. » 1245

Surtout, c’est à André Coron que l’on doit l’entrée au conseil d’administration du Comité ou de la Sauvegarde de plusieurs anciens responsables du scoutisme stéphanois. Lorsqu’il remplace Benoît Ranchoux au secrétariat de l’association, André Solomieu l’assiste quelque temps comme secrétaire adjoint. Nous avons vu par ailleurs que Georgy Faure, vers 1954, est administrateur délégué au Service social. André Solomieu et Georgy Faure, comme ils se sont succédé au poste de commissaires de Province, à la tête du scoutisme stéphanois, se succèderont à la présidence de la Sauvegarde 1246 .

Cela nous permet de relever un paradoxe de la Sauvegarde stéphanoise. Le scoutisme a été assez fortement représenté au sein de son conseil d’administration. On peut le considérer comme un des moyens du passage de la notion d’œuvre sociale (et privée) incarnée par Marinette Heurtier et son séparatisme farouche vis-à-vis de l’Etat, à celle d’action sociale, personnifiée par un certain nombre de cadres, chefs d’entreprises, ingénieurs prêts à développer, avec l’aide de l’Etat, un secteur privé de protection de l’enfance complémentaire du secteur public, et par ailleurs déjà impliqués dans des organismes de développement social ou des groupes de jeunes. Et ça n’est certainement pas leur faire injure que d’ajouter qu’ils le font parce qu’ils ont « une certaine idée de l’homme », pour prendre une formulation neutre. En revanche, la grande vague, commencée sous l’Occupation, continuée à la Libération, d’entrée des scouts dans le travail social n’a que très peu touché Saint-Etienne, et tardivement. Dans la période et le cadre que nous étudions, nous n’en avons pas trouvé d’exemple. A cet égard, l’embauche en 1958 de Françoise Hyvert, sur recommandation d’André Coron qui l’a connue lorsqu’elle s’occupait des Louveteaux, reste un cas d’espèce.

Un peu plus éloignés du scoutisme, notons enfin deux autres administrateurs qui, s’ils ont moins marqué les esprits peut-être, sont issus également de ces milieux d’action sociale.

Notes
1244.

Philippe Laneyrie, op. cit., p. 125, reprenant une expression de son collègue du CRESAL Jacques Ion (Jacques Ion, « “Ingénieurs sociaux“ et sciences sociales appliquées : le groups stéphanois d’Economie et Humanisme au lendemain de la guerre », in Economie et Humanisme, mai 1989).

1245.

Lettre d’André Coron, 2 janvier 1953 ; réponse d’André Cruiziat, 22 janvier 1953.

1246.

Voir la notice consacrée à Georgy Faurein Philippe Laneyrie, op. cit., p. 73. André Solomieu dirige une entreprise de pièces détachées pour automobiles, Georgy Faure l’entreprise familiale de soierie.