Annexe 26 : lettres de Mathieu Couture, moine de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé, aux pères Cœur et Berjat, à propos de l’affiliation de Saint-Genest à son monastère (1895) ADL, 85J

Ligugé, le 14 novembre 1895

Mon Révérend Père, [Cœur]

Je m’empresse de vous communiquer la décision prise par le Rme Abbé de Ligugé et son conseil au sujet du projet dont vous m’avez entretenu la veile de mon départ. Vous trouverez ci-inclus le plan d’affiliation de votre maison à l’abbaye de Ligugé et par là à l’ordre de St Benoît. C’est le résumé par articles d’une partie de notre convesration.

Ce projet est divisé en 5 articles ; il est très large et vous permettra en vous inspirant de ce qui se fait chez nous et de ce qui s’est pratiqué dans le passé de l’ordre bénédiction, d’établir votre maison sur des bases qui en feront véritablement un monastère de l’ordre de St Benoît.

Comme je vous l’avais laissé entendre le Rme Abbé me permet d’aller passer quelques jours chez vous entre Noël et l’Epiphanie pour étudier plus à fond cette affaire.

Vous voudrez bien me faire savoir si vous agréez ces débuts.

D’ici mon voyage je recueillerai dans l’histoire monastique les documents qui pourront s’appliquer à votre maison et je vous en ferai part.

Je vous donnerai aussi les explications dont vous pourrez avoir besoin si vous trouviez quelque chose de trop vague dans le projet ci-inclus.

Je ne vous invite pas à venir passer de suite quelques jours chez nous parce que le Rme Abbé s’absente dès après-demain et qu’il ne rentrera que vers le moment où je me propose d’aller à St Genest.

De tout cela il n’y a qu’à rendre grâce à Dieu, Mon Révérend Père, et pour mon compte je l’en remercie d’autant plus que j’aime beaucoup vos œuvres et votre maison.

Je vous prie, Mon Révérend Père, de vouloir bien présenter mes compliments au RP Rebaux et mes amitiés à Dom Berjat qui va devenir bénédictin malgré lui.

Je ne dirai rien encore du but de mon voyage à ma famille parce qu’il est prudent que ces choses ne passent dans le public et dans le clergé que lorsqu’elles seront définitivement réglées. Je suis heureux de savoir que l’archevêque de Lyon approuve ce projet. J’étais sûr de l’opinion de St Sulpice.

Je vous prie d’agréer Mon Révérend Père l’expression de mon respect et l’assurance de mon dévouement en NS et en St Benoît.

Ligugé, le 19 novembre 1895

Mon cher ami, [Berjat]

Je viens de relire votre bonne lettre. J’ai écrit, vous devez le savoir, il y a 4 ou 5 jours au RP Cœur pour lui faire part de la détermination de Notre Abbé et du conseil du monastère.

On accepte la plupart des conditions faites par le RP Cœur on a seulement fait quelques réserves que je vous transmettrai dans quelques semaines de vive voix. Elles ne portent pas sur ce que j’ai donné au RP Cœur.

Cependant il y a une chose que je n’ai pas pu dire au RP Cœur dans ma lettre car cette lettre devait être lue par l’Abbé et par son prieur. Comme cette affaire ne concernait que l’Abbé et moi je tenais à ce que mon secret soit bien gardé pour m’éviter plus tard des difficultés pénibles. Aujourd’hui le prieur est absent et j’en profite pour vous faire part de la décision à peu près formelle du P. Abbé. Seulement je vous demande le secret non pas vis à vis du Père Cœur et du Père Rebaux mais vis à vis de tous les étrangers. Car il importe qu’il en soit ainsi. Le RP Abbé me permettra de rester à St Genest mais seulement dans quelques mois, d’ici là j’irai faire un ou deux séjours auprès de vous. Ici personne n’en sait rien si ce n’est mon confesseur et un ami très sûr. Si on le savait on serait très mécontent on aurait tort évidemment, mis il en serait ainsi et ce serait pour moi une source de souffrances. Personne à St Etienne ne sait rien de cette éventualité pas même mes parents.

Quand donc vous me répondrez ne dites rien qui puisse mettre au fait ceux qui liront la lettre. Le RP Prieur qui m’aime beaucoup et qui me semble faire quelque fonds sur moi en serait peiné et c’est l’unique motif pour lequel je veux le secret absolu et la prudence dans vos lettres qu’il lira certainement.

Je ne sais quel impression a produit sur le RP Cœur le projet d’affiliation que je lui ai envoyé.

Pour moi je puis vous dire qu’il me satisfait pleinement et que je ne pouvais pour St Genest rêver rien de meilleur. J’avais fait quelques demandes en outre sur le désir du RP Cœur mais un peu à regret et je souhaitais intérieurement que le Seigneur inspirât au conseil de les repousser et à peu près à l’unanimité on a décidé de les renvoyer à plus tard. Je ne puis vous en dire plus long et je souhaite vivement d’avoir des nouvelles de St Genest auquel mon cœur tient déjà par plus d’une fibre.

Mes respects au RP Cœur et au RP Rebaux et à vous bon ami l’assurance de mon affection.

Je recommande à vos prières et à celles de toute votre maison la santé de ma belle-sœur assez gravement atteinte.