4-2- Le cadre du modèle de M. Da Rin et T. Hellmann, équilibres multiples et besoin de coordination

Les hypothèses du modèle 351 admettent l’existence de deux types de technologies disponibles pour les entreprises l’une « traditionnelle » et l’autre « industrielle ». L’adoption d’une technologie « industrielle » requiert un investissement d’un montant F en première période pour réaliser une production en seconde période.

Chacune des Q entreprises est dotée de fonds propres à hauteur de F0 < F. Elle doit donc emprunter Fb = F - F0. Si l’on note i le taux d’intérêt, la firme doit rembourser (1+ i).Fb en seconde période.

Si la firme q décide d’investir, alors Iq = 1 et Iq = 0 dans le cas inverse. Soit K ={Iq}q l’ensemble des décisions d’investissement et [K] le nombre de firmes qui investissent, le taux de profit est donné par f(K). 

Lorsqu’une firme investit, le profit ne dépend pas seulement de son propre investissement mais également de l’investissement des autres firmes 352 . Cette caractéristique vérifiée pour toute période de croissance, est particulièrement importante pour les pays effectuant une révolution industrielle tardive que l’on peut assimiler à une période de rattrapage. Formellement, cela signifie que f(K) est une fonction croissante de [K].

Nous admettrons, dans un premier temps, que, dans la relation entre la banque et l’entreprise il existe seulement un contrat portant sur le crédit. Cette hypothèse sera assouplit dans un second temps. Soit r le taux de profit sans risque et r le taux d’actualisation , la valeur présente du profit de la firme q est donnée par :

Dans ce cas, la décision d’investir est largement dépendante du niveau atteint par le taux d’intérêt. Celui ci est déterminé à son tour sur un marché dont la structure est similaire au modèle du duopole de Stackelberg dans lequel un « meneur » est supposé connaître la fonction de réaction de son concurrent le «suiveur ».

Dans cet esprit, on admettra donc qu’il existe un ensemble z de petites banques dont chacune finance une firme et une banque « leader » qui finance (Q – z) firmes. Initialement, la banque « leader » propose des prêts aux entreprises. Les autres banques observent cette offre et agissent en conséquence. A partir de là, les firmes décident leur investissement.

Si l’on examine le cas où le marché est parfaitement compétitif, c’est à dire celui où n’existe pas de banque « leader » alors z = Q et le taux d’intérêt débiteur devient égal au taux d’intérêt créditeur (i = r).

Si l’on se réfère aux hypothèses proposées en (1) le raisonnement conduit à l’idée que lorsque qu’un grand nombre d’entreprises investissent (ici Q), l’existence de complémentarités incite l’ensemble des firmes à investir.

Au contraire lorsque seules quelques firmes (ici une) investissent, alors il n’est plus profitable pour d’autres d’investir. Il existe donc deux équilibres possibles. Dans le premier, BE 353 , la croyance dominante parmi les acteurs considère qu’aucune entreprise ne cherche à investir et donc à entrer dans un processus d’industrialisation.

Dans le second cas, IE 354 , la croyance que de nombreuses firmes vont investir, incite l’ensemble des firmes à investir elles-mêmes. La coordination entre les croyances est spontanée. Cela signifie que si la situation BE doit se modifier, il est nécessaire que les croyances soient remises en cause.

Briser ces croyances requiert pour les agents la certitude que BE ne peut pas être un équilibre plus longtemps. En effet, si une information publique peut induire une coordination de la part des acteurs, il n’y a pas de raison qu’ils veuillent le faire tant que la situation initiale correspond à un possible équilibre.

La question, clairement posée dans le cas exemplaire de l’émergence économique allemande, devient alors celle de savoir quelle institution économique peut produire ce type de coordination.

La banque semble une institution adaptée à cette situation pour trois raisons majeures . D’abord, la disponibilité de moyens de financement par la banque influence la décision d’investir des firmes. De plus, la banque procurant des fonds à plusieurs entreprises, permet leur interaction et offre l’opportunité d’une coordination. Enfin, la banque est elle-même intéressée par le processus d’industrialisation, dans la mesure où ses profits s’accroissent avec elle.

Notes
351.

Da Rin M, Hellman.T: « Banks as Catalysts for Industrialisation ». Journal of Economic Literature. August 1995. P 37.

352.

Le modèle se situe donc dans le cadre d’une croissance endogène.

353.

Backward Equilibrium.

354.

Industrialization Equilibrium