5- REFLEXION SUR L’ORIGINE DE LA FRAGILITE FINANCIERE DU CAPITALISME PRODUCTIF EMERGENT CONTEMPORAIN

5-1- Fragilité bancaire et libéralisation financière dans le cadre du capitalisme productif émergent contemporain :

Si l’on se réfère à l’expérience du capitalisme asiatique émergent, il semble clair que le passage de la fragilité bancaire initiale à une crise financière majeure ne peut être interprété en dehors d’une réflexion sur le développement de l’ouverture financière sur l’extérieur qui a marqué cette région du monde.

Il reste à déterminer ce rôle afin d’éclairer son lien possible avec la fragilité bancaire telle que nous l’avons défini plus haut. En effet, l’existence d’une libéralisation financière externe dans les pays émergents, pourrait s’avérer être une explication concurrente de celle développée jusqu’à présent et qui privilégie l’interprétation en terme de hasard moral résultant d’un système de financement peu efficient.

Il s’agit au fond d’analyser et de se déterminer par rapport à la causalité implicite proposée par Diaz-Alejandro dans son article fameux au titre provocateur 449 . Cette discussion est déjà ancienne. Dés 1973, McKinnon 450 insistait sur l’aspect déstabilisant de la répression financière qui, en forçant les intermédiaires financiers à payer des taux d’intérêt réels faibles voire négatifs, réduisait l’incitation à l’épargne et diminuait, par conséquent, le volume des ressources disponibles pour l’accumulation du capital.

Cette vision favorable à la libéralisation a été largement discutée à partir des années 90, en suggérant que celle-ci a accru l’importance de l’instabilité financière et pourrait être rendue responsable des crises systémiques qui l’ont suivie 451 .

Sur le plan théorique, plusieurs raisons plaident en faveur d’un effet significatif de la libéralisation financière au détriment de la stabilité du système bancaire. Dans un système de répression financière, le taux d’intérêt sur les prêts est plafonné, ce qui empêche les banques d’y intégrer les primes de risques adéquates.

Il en résulte que les prêts aux emprunteurs à hauts risques ne peuvent être profitables. Dès lors que les taux ne sont plus plafonnés, cette opération devient possible. Les opérations à fort retour sur investissement attendu peuvent être financées en intégrant la prime de risque.

Si les portefeuilles de prêts sont correctement diversifiés, la libéralisation peut s’avérer socialement désirable sans entraîner un accroissement notable du risque d’insolvabilité et, à un niveau agrégé, du risque de système. Cependant, les portefeuilles de prêts risqués, même diversifiés, restent vulnérables aux risques liés à des chocs macro-économiques.

Cela signifie que la gestion de tels portefeuilles réclame une culture spécifique faite d’habileté et d’expérience financière propre à un environnement ouvert. Cela est notamment vrai en ce qui concerne aussi bien l’évolution des risques que le « monitoring » des emprunteurs.

Si cet ensemble de qualités vient à manquer à des acteurs dont la principale activité a été traditionnellement de prêter aux pouvoirs publics et à des entreprises bénéficiant de solides collatéraux, le risque d’accroissement de la fragilité financière peut alors être évoqué.

D’autre part, dans un système financièrement libéralisé où les taux d’intérêt sont déterminés par le marché, les taux nominaux adoptent un comportement très erratique. Alors que la fonction bancaire demeure de transformer les dépôts de court terme en actifs de long terme, le secteur financier est exposé au risque d’accroissement des taux nominaux et devient, par conséquent, plus vulnérable aux mouvements du loyer de l’argent.

Enfin, quand la libéralisation apparaît sans qu’un marché interbancaire profond se soit développé, les banques peuvent se trouver en difficulté face à des situations courtes en matière de liquidité.

Cette situation peut se diffuser à l’ensemble du système dans un environnement marqué par les asymétries d’information.

En conséquence, puisque la libéralisation externe offre l’opportunité d’accroître la prise de risque pour les banques, tout mécanisme (informationnel ou institutionnel) qui ne permettrait pas au management bancaire d’évaluer correctement la globalité des risques encourus à la suite de leur décision de prêts, serait spécialement dangereux.

Aussi, la présence de garanties implicites ou explicites de la part du gouvernement rend, comme nous l’avons déjà exprimé, la situation de hasard moral particulièrement propice à la vulnérabilité financière.

D’autant que l’érosion des rentes bancaires 452 résultant de la disparition du plafonnement sur les taux et de la réduction des barrières à l’entrée, contribue également au hasard moral. La disparition de ces profits de monopole résultant d’un accroissement de la compétition bancaire réduit le coût de perte d’un licence bancaire en cas d’insolvabilité. Aussi, l’incitation à choisir des portefeuilles de prêts de plus en plus risqués devient la norme.

Si ce type d’incitation n’est pas contrôlé à travers une régulation prudentielle efficace, la croissance du risque résultant du hasard moral devient la principale source de fragilité financière.

En définitive, en donnant à la banque plus de liberté dans l’action, la libéralisation financière interne et externe accroît la prise de risque et stimule la croissance économique. Cependant, l’existence de garanties implicites ou explicites peut entraîner cette banque vers une prise de risque supérieure à ce qui serait socialement désirable.

L’analyse de Demirgüç-Kunt et Detragiache 453 revient de manière empirique sur le fondement de ces différentes approches. Etudiant la période 1980-1995 sur un échantillon de pays en développement, les deux auteurs estiment, à partir d’un modèle à regression multiple, la probabilité de crises bancaires. Ils testent l’hypothèse qu’un système financier libéralisé 454 (ou non) puisse accroître la probabilité de crise bancaire.

La variable « crise bancaire » est construite en identifiant et datant les épisodes de détresse financière durant la période considérée en s’appuyant sur des critères spécifiques 455 . Les taux d’intérêt réels sont utilisés comme variables instrumentales afin d’exprimer la libéralisation financière puisque dans la plupart des pays, l’abandon du contrôle des taux est l’élément central du processus de libéralisation financière.

De plus, deux groupes de variables de contrôle, l’un exprimant l’évolution macroéconomique susceptible d’affecter les performances bancaires, l’autre caractérisant le système bancaire lui-même en rendant compte des déterminants de la crise bancaire telle que la théorie les a révélés 456 .

Le document XII indique les résultats économétriques obtenus. Les colonnes correspondent à différentes définitions de la variable muette concernant la libéralisation financière. Dans la première colonne, la variable muette est « zéro » pour la période durant laquelle les taux d’intérêt sont contrôlés et « un » lorsque survient la libéralisation : cette variable conserve la valeur « un » même dans le cas où la libéralisation est temporairement remise en cause.

La seconde colonne, au contraire, attribue la valeur « zéro » à la variable muette en ce qui concerne les périodes de remise en cause de la libéralisation. Comme nous pouvons le constater dans ce document, les variables de contrôle macro-économiques sont significatives quant à leur signe puisque les crises bancaires sont clairement associées avec une faible croissance, avec des termes de l’échange défavorables, des taux d’intérêt élevés et une inflation forte.

De manière très suggestive, dans les deux premières colonnes, la variable muette de libéralisation financière est fortement et significativement corrélée avec la probabilité de crises bancaires.

Ces résultats restent vrais alors même que l’on supprime l’effet propre aux variables de contrôle macroéconomiques. Les colonnes 3 à 6 testent quant à elles, l’hypothèse selon laquelle les effets de la libéralisation financière agissant sur la probabilité de crise bancaire sont seulement des effets transitoires agissant durant les années 3,4,5,6 suivant le changement de politique. Les résultats obtenus semblent suggérer que l’effet de la libéralisation financière sur la fragilité bancaire n’est pas une caractéristique représentative des périodes succédant immédiatement au changement mais qu’il se manifeste sur l’ensemble des périodes considérées.

Document XII : Libéralisation financière et crises bancaires
  1 2 3 4 5 6 7
Variables de contrôle

Croissance
0.168
(0.04)
-0.164
(0.039)
-0.163
(0.039)
-0.162
(0.039)
-0.167
(0.039)
-0.168
(0.039)
-0.191
(0.044)

Terme de l’échange
-0.052
(0.023)
0.05
(0.022)
0.043
(0.020)
0.043
(0.020)
-0.049
(0.022)
0.049
(0.022)
-0.050
(0.025)

Intérêt réel
0.047
(0.015)
0.046
(0.015)
0.048
(0.015)
0.051
(0.015)
0.051
(0.015)
-
(0.015)
-
(0.015)

Inflation
0.027
(0.009)
0.027
(0.008)
0.027
(0.009)
0.027
(0.009)

0.027
(0.009)
0.028
(0.009)
0.022
(0.011)

M2/Reserves
0.022
(0.007)
0.021
(0.007)
0.016
(0.007)
0.017

(0.007)
0.017
(0.007)
0.017
(0.007)
0.024
(0.007)

Crédit/PNB
0.007
(0.012)
0.007
(0.013)
0.006
(0.012)
0.006
(0.012)
0.006
(0.012)
0.007
(0.012)
0.013
(0.013)

Ratio de Liquidité
-0.018
(0.014)
-0.019
(0.014)
-0.020
(0.014)
-0.020
(0.014)
-0.021
(0.014)
-0.020
(0.014)
-0.022
(0.016)

Croissance du Crédit
0.023
(0.013)
0.022
(0.013)
0.023
(0.013)
0.023
(0.013)
0.023
(0.013)
0.023
(0.013)
0.013
(0.01’)

PNB/Tête
-0.108
(0.051)
-0.103
(0.051)
-0.078
(0.051)
-0.077
(0.051)
-0.079
(0.051)
-0.080
(0.051)
-0.101
(0.05è)
Libéralisation Financière

FIN LIB
1 .761
(0.634)
  1.449
(0.712)

FIN LIB (R)
  1.423
(0.589)
 

FIN LIB (3)
  0.488
(0.434)
 

FIN LIB (4)
  0.639
(0.415)
 

FIN LIB (5)
  0.892
(0.415)
 

FIN LIB (6)
  0.811
(0.418)
 

FIN LIB X INITIAL
  0.026
(0.020)
Crises passées
Durée de la dernière période 0.108(0.634) 0.115(0.051) 0.1 39(0.051) 0.147(0.050) 0.139(0.050) 0.140(0.051) 0.130(0.062)

Nombre de crises
32 32 31 32 32 32 26

Nombre d’observations
639 639 602 639 632 632 525

Source : Demirgûç-Kunt.A, Detragiache.E, op. Cité P 41.

L’impact de la libéralisation des taux sur la probabilité de crises bancaires est d’ailleurs illustré par le tableau suivant :

Document XIII : Impact de la libéralisation des taux d’intérêt sur la probabilité des crises
Pays Crise bancaire
date de départ
Probabilité de crise estimée par le modèle
(avec libéralisation)
Probabilité de crise bancaire sans libéralisation préalable
Chili 1981 .174 .035
Colombie 1982 .047 .008
Inde 1991 .221 .047
Indonésie 1992 .306 .071
Italie 1990 .028 .005
Japon 1992 .071 .012
Malaisie 1985 .170 .034
Mexique 1994 .207 .043
Nigeria 1991 .044 .008
Norvège 1987 .031 .006
Pérou 1983 .347 .084
Philippines 1981 .052 .009
Portugal 1986 .133 .026
Suède 1990 .033 .006
Turquie 1991 .221 .047
Uruguay 1981 .358 .087
Venezuela 1993 .424 .113

Source  : Demirgüç-Kunt.A, Detragiache.E : Op. Cité P 42. L’échantillon est identique à celui du document IX.

La deuxième colonne indique la probabilité de crises bancaires estimée par le modèle concernant 26 épisodes de crises intéressant toutes les périodes de libéralisation. Puis en troisième colonne, les probabilités sont recalculées en attribuant la valeur « zéro » à la variable muette de libéralisation financière (c’est à dire en excluant le processus de libéralisation).

Il apparaît clairement que la probabilité de crise chute de manière significative. Il reste, cependant, nécessaire d’établir le niveau de causalité suggéré par l’étude économétrique dont nous venons de rendre compte afin de cerner la véritable place du processus de libéralisation et d’évaluer le risque de se trouver confronté du point de vue méthodologique à un effet de structure qui masquerait derrière le voile de la libéralisation d’autres causalités plus profondes.

En particulier, conformément aux analyses évoquées au début de ce paragraphe, il semble avéré que la libéralisation financière a d’autant moins d’effet sur la probabilité de crise bancaire que l’environnement institutionnel et culturel du secteur financier est solidement établi.

Afin de vérifier cette assertion, les deux auteurs vont tester les relations entre la variable muette de libéralisation financière et plusieurs variables instrumentales représentant la qualité de cet environnement.

Les six variables instrumentales sont : le produit par tête, le degré de respect des lois 457 , le retard bureaucratique, la qualité des contrats et celle de l’administration, enfin le degré de corruption.

Des coefficients négatifs et suffisamment forts signifient qu’un environnement institutionnel de bonne qualité permet de réduire les effets d’une libéralisation financière sur la probabilité de crises bancaires 458 .

Les résultats 459 mesurant l’interaction entre l’environnement institutionnel et la libéralisation financière possèdent le signe négatif attendu.

De plus, si l’on prend l’exemple de la variable ‘«’ ‘Loi et ordre »’, pour un pays disposant d’un score de «zéro » (c’est à dire le plus faible), l’impact sur la probabilité de crise est fort (1770). Recalculant cela à partir d’un score de «trois », l’impact se réduit à 0.555. Lorsque le score choisi atteint «six », l’impact est même négatif 460 .

Ce dernier résultat semble suggérer, de manière très intéressante, que la fragilité bancaire n’est plus le seul signe dominant de la fragilité financière dès lors que l’environnement institutionnel est solide 461 .

En revanche, pour les pays à capitalisme productif émergent, la fragilité financière est bien d’ordre bancaire. La libéralisation financière accroît simplement cette fragilité parce qu‘en supprimant le contrôle des taux d’intérêt et en réduisant les barrières à l’entrée, elle réduit les rentes bancaires, ce qui a pour effet d’augmenter l’acuité du problème du hasard moral dans un environnement institutionnel ne bénéficiant pas des mécanismes d’incitation adaptés.

Caprio et Summers 462 analysent cette situation de la manière suivante : la répression financière, avec des taux d’intérêt plafonnés et des barrières à l’entrée, favorise l’apparition de rentes. Celles-ci rendent la détention d’une autorisation (ou licence) bancaire d’autant plus profitable pour son détenteur.

C’est le risque de perdre cette licence qui peut pousser les banques à devenir des institutions plus stables en les incitant à mieux exercer leurs fonctions de supervision auprès des entreprises qu’elles financent.

En s’appuyant sur l’étude empirique de Keeley 463 concernant le cas américain, ils montrent qu’une réforme conduisant à une libéralisation favorise une concurrence bancaire accrue et une diminution des profits. Cela entraîne une modification de la position face au risque de la part de ces institutions.

Document XIV (a) : Libéralisation financière et crises bancaires , l’environnement institutionnel :
  1 2 3 4 5 6

Croissance
-0.171
(0.040)
-0.214
(0.054)
-0.233
(0.072)
-0.238
(0.070)
-0.219
(0.054)
-0.223
(0.054)

Terme de l’échange
-0.052
(0.023)
0.040
(0.027)
0.056
(0.034)
0.060
(0.033)
-0.042
(0.026)
0.040
(0.026)

Intérêt réel
0.045
(0.015)
0.052
(0.024)
0.053
(0.021)
0.050
(0.021)
0.049
(0.024)
0.049
(0.023)

Inflation
0.026
(0.009)
0.024
(0.015)
0.022
(0.013)
0.020
(0.013)

0.021
(0.015)
0.022
(0.015)

M2/Reserves
0.022
(0.007)
0.018
(0.010)
0.025
(0.012)
0.025

(0.012)
0.022
(0.010)
0.019
(0.010)

Crédit/PNB
0.002
(0.011)
-0.003
(0.011)
0.005
(0.012)
0.006
(0.012)
-0.003
(0.011)
-0.003
(0.011)

Ratio de Liquidité
-0.018
(0.014)
-0.030
(0.023)
0.020
(0.026)
0.015
(0.026)
-0.030
(0.022)
-0.027
(0.021)

Croissance du Crédit
0.024
(0.013)
0.013
(0.018)
0.045
(0.017)
0.043
(0.016)
0.011
(0.018)
0.009
(0.018)

Source : Demirgürç.A, Detragiache.E, Op. Cité P 51. L’échantillon est identique à celui du document IX.

Document XIV (b) : Libéralisation financière et crises bancaires , l’environnement institutionnel :

FIN LIB
1 .956
(0.657)
1 .770
(0.986)
4.053
(1.542)
4.732
(1.557)
1.803
(1.082)
1.823
(1.030)

FIN LIB X PNB /Tête
-0.089
(0.048)
 

FIN LIB X Loi et Ordre
  -0.405
(0.205)
 

FIN LIB X Délais administratifs
  -0.727
(0.678)
 

FIN LIB X Application des contrats
  -0.938
(0.574)
 

FIN LIB X qualité de l’administration
  -0.380
(0.223)
 

FIN LIB X Corruption
  -0.403
(0.215)

Durée de la dernière période
0.112
(0.051)
0.181
(0.081)
0.028
(0.067)
0.031
(0.067)
0.171
(0.079)
0.156
(0.078)

Nombre de crises
32 32 31 32 32 32

Nombre d’observations
639 425 406 406 418 418

Source : Demirgürç.A, Detragiache.E, Op. Cité P 51. L’échantillon est identique à celui du Document IX.

Si ces réformes ne s’accompagnent pas 464 d’un renforcement concomitant des règles prudentielles de régulation et de supervision modifiant les incitations, la disparition des rentes conduit nécessairement à un approfondissement du problème de hasard moral et à une fragilité bancaire plus prononcée.

Afin de fonder empiriquement cette assertion, Demirgüç-Kunt et Detragiache s’appuient sur un ensemble de données concernant les documents comptables bancaires de 80 pays durant la période 1988-1995 465 .

Pour chaque banque, ils construisent trois indices mesurant la profitabilité : la marge nette d’intérêt, le retour sur actif (R.O.A), le retour sur capital (R.O.E). Ils ajoutent également cinq ratios susceptibles d’être associés à une chute des gains bancaires.

Le tableau suivant rend compte des corrélations observées entre les variables bancaires et la variable muette de libéralisation financière :

Document XV : Coefficient de corrélation entre la libéralisation financière et les indicateurs de la situation bancaire
  FIN LIB FIN LIB (3) FIN LIB (4) FIN LIB (5) FIN LIB (6)

Marge d’intérêt net
.024
.653
.175
.001
.150
.006
.157 .158
.004

Retour sur actif
.088
.139
.202
.001
.168
.006
.167
.006
.132
.030

Retour sur capital
-.118
.028
.120
.029
.097
.076
.077
.158
.068
.212

Capital
.207
.000
.058
.289
.119
.028
.116
.032
.121
.026

Liquidité
.155
.004
.154
.005
.184
.161
.152
.005
.168
.002

Dépôts
-.033
.541
.069
.210
.161
.003
.170
.002
.121
.026

Concentration du marché
-.087
.137
.92
.121
.053
.377
.042
.476
.035
.552

Part des banques étrangères
.109
.062
-.012
..840
.015
.799
.020
.734
.031
.606

Source : Demigürç.A, Detragiache.E, Op. Cité P 47.

Les résultats de la première colonne sont calculés en utilisant une variable muette égale à « un » dans toutes les périodes de libéralisation. La variable muette est égale à « zéro » autrement. Les colonnes suivantes redéfinissent la variable muette qui prend la valeur « un » pendant la transition vers un système libéralisé 466 et « zéro » autrement.

Ce tableau permet de savoir si l’affaiblissement des rentes bancaires est un effet temporaire ou permanent de la libéralisation et par conséquent si le problème du hasard moral est renforcé par une telle situation.

La comparaison entre la première colonne et les colonnes suivantes indique que la transition diffère largement de la situation de libéralisation complète. Cela suggère une adaptation relativement lente de la structure bancaire à partir du moment où la libéralisation a été mise en œuvre.

Les résultats de la première colonne indiquent, quant à eux, que la libéralisation conduit à un affaiblissement permanent des profits bancaires (le ROE affiche un coefficient de corrélation négatif).

De manière encore plus significative, cette libéralisation est surtout associée en permanence, à une faible concentration bancaire ainsi qu‘à une présence plus grande des banques étrangères : or, ces deux situations plaident de manière évidente en faveur d’une limitation des profits monopolistiques et donc pour un affaiblissement effectif des «franchise values ».

Le risque bancaire et l’instabilité financière ne peuvent donc que progresser dans un tel contexte. C’est d’ailleurs dans cet esprit que Demirgüç-Kunt et Detragiache ordonnent leur étude. La place qu’ils attribuent à la libéralisation financière s’analyse ainsi :

«  La libéralisation financière exerce un effet négatif sur la stabilité du secteur bancaire et l’ampleur de l’effet n’est pas sans importance. Cependant, un environnement institutionnel solide, caractérisé par une application effective de la loi, un appareil d’Etat efficient et peu de corruption est susceptible de contrecarrer l’effet adverse de cette libéralisation […] Malheureusement, des institutions fortes ne peuvent pas être créées en une nuit, même par un gouvernement bien disposé à engager des réformes » 467

C’est bien, en effet, parce que le système politique et économique, nécessaire au démarrage du capitalisme productif émergent, devient progressivement un facteur favorisant la fragilité financière par l’intermédiaire de son système bancaire, que la libéralisation peut aggraver cette conjoncture en amplifiant, de manière souvent décisive, le problème du hasard moral qui se trouve à l’origine, entacher l’émergence du capitalisme productif 468 .

Cependant, le processus de libéralisation, en lui-même, ne saurait constituer la cause fondamentale de l’instabilité financière.

Notes
449.

Diaz-Alejandro.C.F: « Good-bye Financial Repression, Hello Financial Crash », Journal of Development Economics, 19. 1985.

450.

Mc Kinnon.R.I: « Money and Capital in Economic Development » Washington DC. Brooking Institution. 1973.

451.

Voir Caprio.G, Klingebiel.D: « Dealing with Bank Insolvency: Cross Country Experience ». Washington.D.C. The World Bank. 1996.

452.

Franchise value.

453.

Demirgüç-Kunt.A, Detragiache.E: « Financial Liberalization and Financial Fragility ». World Bank. Annual Conference on Development Economics. 1998. P 37.

454.

Il s’agit d’une libéralisation envisagée sous son angle externe.

455.

Idem. P 15. La détresse financière se caractérise ici par 4 critères : 1- Le ratio actifs non-performants /Total des actifs détenus par le secteur bancaire excède 10%. 2- Le coût des opérations de secours s’élève au moins à 2% du PNB. 3- Les difficultés bancaires résultent d’une intervention directe de l’Etat ou d’un secteur bancaire nationalisé. 4- Il se produit un run bancaire ou l’Etat impose des mesures d’urgent pour l’éviter.

456.

Ibidem P 17.

457.

Laws and Order.

458.

Ibid. P 20.

459.

Document XI.

460.

Les deux derniers résultats ne sont pas présentés dans ce tableau.

461.

Cette question sera d’ailleurs au centre de l’analyse proposée dans la troisième partie de cette thèse, puisqu’il s’agira de réfléchir sur les causes de la fragilité financière à partir du moment où l’environnement institutionnel fort des pays à capitalisme développé réduit l’influence de la fragilité d’origine bancaire.

462.

Caprio.G, Summers.L : « Finance and its Reform: Beyond Laissez-Faire Policy ». Research Working Paper n° 1171. The Word Bank.

463.

Keeley.M.C: « Deposit Insurance, Risk and Market Power » American Economic Review. 80. 1183-1200. 1990.

464.

On a vu pour quelles raisons le dispositif politique l’empêche.

465.

Ibid. P 26.

466.

Cette transition dure respectivement de un à six années.

467.

“Financial liberalization exerts an independent and negative effect on the stability of the banking sector and the magnitude of the effect is not trivial. However, a strong institutional environment, characterized by effective laws enforcement, an efficient bureaucracy, and little corruption, can curb the adverse effect of the liberalization on the financial system […] Unfortunately, strong institutions cannot be created overnight, not even by the most reform-oriented government.” Op. cité. P 27.

468.

D’où la nécessité d’une libéralisation en temps voulue, bien séquencée.