2- LE DEBAT SUR LES FONDEMENTS THEORIQUES DE LA FRAGILITE BANCAIRE DANS LE CAS DU CAPITALISME PRODUCTIF EMERGENT CLASSIQUE

Le débat sur les fondements de la fragilité financière du capitalisme du XIXe siècle se concentre sur la nature de l’intermédiation bancaire. Elle oppose, plus particulièrement, une approche en terme d’intermédiation de liquidité, où la banque est perçue comme produisant de l’assurance de liquidité pour les agents, à une approche en terme d’intermédiation d’information, pour laquelle la banque produit de la liquidité à l’occasion d’une création d’actifs non liquides.

L‘enjeu est donc d’expliquer l’augmentation de l’écart de taux constaté par les recherches de F.Mishkin. Cette situation résulte-t-elle d’une réduction de la liquidité de l’économie ou est-elle liée à l’apparition de «mauvaises» nouvelles, issues du secteur réel en situation d’incertitude ?

La première approche répond à une fonction essentielle de la banque qui est de mettre à disposition des agents un moyen de transaction leur permettant une gestion intertemporelle optimale de leur consommation.

Si au départ, cette activité bancaire a pu se justifier par une réflexion en terme de coût et de rendement d’échelle, aujourd’hui, l’accent est mis sur la capacité de la banque à gérer le risque de liquidité issu des chocs aléatoires sur les préférences de consommations des agents.

D’autre part, l’intermédiation de liquidité répond au besoin de financement de l’investissement. La gestion des besoins de liquidité des investisseurs répond aux même chocs aléatoires que pour les agents consommateurs. Dans ce cadre, la banque offre une assurance de liquidité à la fois aux consommateurs et aux investisseurs.

La théorie considère que la panique provient de retraits inattendus de la part des déposants en liaison avec un choc spécifique provoquant une demande de monnaie.

Dans le modèle fondateur de cette approche, celui de Diamond et Dybvig (1983), le contrat bancaire même optimal peut conduire à la panique bancaire. La banque est par nature intrinsèquement susceptible de subir un run. Les paniques deviennent des événements indésirables dont la cause fondamentale réside dans le caractère non anticipé des retraits.

La banque se présente comme un mécanisme d’assurance contre le risque pour des agents ayant des besoins de consommation aléatoire et faisant face à un environnement dans lequel leur investissement à long terme est coûteux à liquider.

Ces agents préféreraient une forte rémunération associée à un investissement de long terme. Cependant, la réalisation de leur préférence est susceptible de s’orienter vers la consommation dans une période plus immédiate. Le contrat bancaire offre une telle possibilité et doit donc être interprété comme une assurance de liquidité permettant l’adéquation entre la consommation souhaitée et la somme nécessaire pour la réaliser.

Cette contrainte de liquidité peut être comprise comme l’obligation pour les agents de constituer une réserve ou, à défaut, de souscrire une assurance leur permettant d’obtenir, à tout moment la somme nécessaire, compte tenu des aléas résultant de phénomènes exogènes ou de la modification de leurs propres préférences. Dans la réalité du système bancaire, la présence d’un dépôt à vue non rémunéré correspond à la solution institutionnelle choisie 518 .

Pour que la crise devienne possible, il suffit d’admettre la règle ‘«’ ‘ premier arrivé, premier servi »’ 519 . Si les retraits sont trop importants en première période, les réserves de la banque risquent d’être épuisées.

Les déposants étant servis séquentiellement, les premiers arrivants reçoivent la somme attendue, mais lorsque la somme des retraits dépasse les avoirs, les déposants suivants ne reçoivent que le solde. Une banque ne peut honorer ses engagements au pair si l’ensemble des déposants souhaitent retirer leurs fonds.

Il reste dans ce modèle à exprimer les raisons qui incitent les déposants à développer des croyances conduisant à la panique alors qu’en d’autres périodes ce processus ne se produit pas. Dans le modèle initial, rien n’est exprimé concernant l’origine de l’action des déposants. Le run reste un phénomène de type aléatoire 520 .

Partant de l’idée selon laquelle la panique résulte de retraits provoqués par des croyances auto-réalisatrices, ce modèle va connaître un prolongement dans deux directions particulières.

Tout d’abord, il s’agit de justifier l’existence de la règle ‘«’ ‘ premier arrivé, premier servi »’ puisqu’elle fonde la possibilité de la panique. Elle est donc, dans ce type de démarche, au cœur du phénomène de la fragilité financière. Sans elle, en effet, la panique peut être enrayée si, par exemple, l’allocation des ressources bancaires s’effectue sur une base proportionnelle.

Afin de fonder la rationalité de l’hypothèse ‘«’ ‘ premier arrivé, premier servi »’, Wallace 521 va proposer l’idée de séparation des agents conforme au concept d’agent représentatif. L’isolement des agents empêche ceux-ci de s’engager dans une action collective visant à coordonner leurs retraits.

D’autres auteurs 522 vont interpréter cette séparation des agents comme une caractéristique du système bancaire américain à l’époque du ‘«’ ‘ National Banking System »’. En effet, celui-ci est organisé sur une base spatiale particulière puisque la mise en place de banques 523 recouvrant plusieurs états est prohibée.

D’autre part, l’ensemble des banques locales est relié à une banque de réserves d’Etat, elle-même, en relation avec la banque de New York, selon un schéma pyramidal. La séparation des agents correspondrait donc à la séparation à la fois spatiale et institutionnelle des différentes banques locales.

Dés lors, la fragilité ne serait plus nécessairement inhérente à la banque en tant que telle mais au système bancaire dans ses modalités institutionnelles.

Le mécanisme convergeant vers la panique serait alors le suivant : A la suite d’un retrait massif et inattendu, la banque locale retirerait ses avoirs auprès des banques de réserves puisqu’un système de supervision réciproque, par les banques locales elles-mêmes, ne répond pas à l’hypothèse du modèle.

Il suffirait qu’un nombre important de banques locales agissent ainsi pour que la banque de réserves soit contrainte de se tourner vers la banque de New York afin de retirer ses réserves pour faire face à ses engagements. La possibilité de panique bancaire découlerait de ce processus.

Dans un second prolongement du modèle, il s’agit d’examiner quelles causes fondamentales déterminent le choc à l’origine de la panique. Dans le cadre analytique de Diamond et Dybvig, Chari 524 propose en ce qui concerne les paniques bancaires du XIX° siècle aux Etats-Unis, une explication en terme de choc de demande de liquidité provenant de l’agriculture. L’augmentation de la demande de monnaie proviendrait des emprunts agricoles pendant la saison des semis pour diminuer lors des récoltes.

Cependant, en dehors du cadre de la banque conçue comme assurance de liquidité et face au renouveau de la fragilité bancaire dans les années 90, une nouvelle approche en terme d’intermédiation d’information s’est développée, notamment à travers les travaux fondateurs de Stiglitz et Weiss 525 . Dans cette approche, les investisseurs détiennent une information privée sur les conditions de risque et de rentabilité de leurs projets, mais ils ne disposent pas des moyens permettant leur financement.

Des prêteurs disposent de ces moyens sans avoir accès aux informations privées détenues par les entrepreneurs. L’asymétrie d’information qui en résulte conduit à une mauvaise allocation des ressources mais la présence de la banque est susceptible de remédier à cette imperfection de marché.

L’utilisation des concepts propre à l’intermédiation d’information a donné la possibilité d’une interprétation alternative de la fragilité bancaire à l’époque du capitalisme émergent au XIXe siècle, notamment dans le cas des Etats-Unis.

La théorie des asymétries d’information considère que les paniques bancaires sont causées par la révision du point de vue des déposants en ce qui concerne le risque perçu de la dette bancaire. Ceux-ci, mal informés de la situation du portefeuille des actifs bancaires, peuvent, de plus, recevoir, dans ce contexte, de mauvaises nouvelles à propos de l’économie.

Cette analyse met en lumière l’importance de la structure du marché de la dette quand les déposants manquent d’information sur un risque spécifique. Le « run » est alors une réponse optimale des déposants. En effet, ceux-ci n’ayant pas la possibilité de superviser la banque, la panique devient donc, pour eux, une forme particulière de monitoring.

De plus, les déposants connaissent l’existence de banques non performantes mais ils ignorent lesquelles. Cette croyance, en situation d’incertitude, mène du simple « run » bancaire à la panique généralisée.

Il s’agit donc de mettre en lumière les conditions à partir desquelles les déposants vont modifier leurs croyances sur la situation des banques vis à vis du risque en considérant que la panique bancaire est corrélée à l’analyse des résultats bancaires dans un contexte marqué par des asymétries d’information.

Du point de vue théorique, la banque est interprétée comme fournissant à la fois des prêts et la mise en œuvre de moyens de circulation. Cependant, la création, par ces institutions financières, d’actifs illiquides, rend leur évaluation délicate. Il en résulte que la supervision du management devient également difficile à mettre en œuvre.

Or, l’existence même de la banque en tant que créatrice de richesse, à partir de l’opération de création de prêts, dépend de cette possibilité de supervision offerte aux déposants.

L’analyse en terme d’asymétrie d’information permet d’interpréter le processus menant à la panique de la manière suivante : lorsque les déposants reçoivent une information les conduisant à modifier leur perception du risque, ils ignorent quelles sont les banques les plus probablement affectées.

En réponse à un signal négatif, ils risquent de retirer leurs dépôts de toutes les banques puisqu’ils sont incapables de distinguer le risque bancaire individuel.

Face à ce risque, l’ensemble des banques doit suspendre ses opérations jusqu’au moment où se sera opérée la discrimination entre les banques insolvables et celles qui ne le sont pas. La panique bancaire implique l’action collective des déposants sous la contrainte ‘«’ ‘ premier arrivé, premier servi ’».

L’approche en terme d’asymétrie d’information analyse ce cadre en levant l’hypothèse d’homogénéité des agents. En effet, l’asymétrie d’information implique l’existence d’une hétérogénéité en matière d’accès à l’information 526 .

Par exemple, le modèle de Chari et Jagannathan 527 , admet l’existence d’une information inégalement répartie parmi les agents. Trois types de déposants apparaissent. Ceux qui sont bien informés sur la situation bancaire, ceux qui retirent leurs fonds dans un but de consommation et sans référence à la situation présumée des banques et enfin ceux qui sont mal informés et ne désirent pas consommer.

Une partie des déposants retirent leurs fonds à des fins de consommation au moment où d’autres agissent de même parce que les signaux qu’ils reçoivent indiquent un risque de défaut bancaire.

Le groupe non informé sur la situation bancaire ne dispose pour prendre sa décision que de l’observation de l’attitude des autres agents. La longueur de la file d’attente informe (d’une manière qui peut se révéler juste comme fausse) ce type d’agents du risque bancaire. Il y a donc en œuvre ici une rationalité mimétique qui devient la condition pour que le processus de panique puisse s’enclencher.

On voit donc qu’afin de surveiller les performances bancaires, certains agents doivent entreprendre un recueil coûteux de l’information disponible. Cette forme de supervision leur permet, lorsque le défaut bancaire paraît probable, de se placer en tête dans la file d’attente afin de retirer la totalité de leur dépôt. Au contraire, les agents non informés, en fin de liste, n’obtiennent rien.

Cette hétérogénéité des déposants permet donc une supervision effective de l’activité bancaire.

Cependant, la contrainte ‘«’ ‘ premier arrivé, premier servi »’ ne conduit pas inévitablement à la panique bancaire. Un « run » peut se produire lorsqu’une banque connaît des difficultés spécifiques sans que cette situation induise une ruée sur l’ensemble des banques c’est à dire une panique bancaire.

G.Gorton 528 l’analyse de la manière suivante : la dette bancaire peut circuler comme un moyen d’échange mais, l’arrangement institutionnel propre à la ‘«’ ‘ National Banking Era »’ ne propose pas de marché spécifique pour traiter cette dette bancaire.

Au lieu de cela, celle-ci est prise en charge par un système de ‘«’ ‘ Clearing House »’. Nous avons donc une situation propice à l’apparition d’asymétries d’information puisque la valeur de la dette bancaire ne peut jamais être observée par les agents 529 .

La panique bancaire peut évidemment en résulter. Cependant, d’un autre coté, cet arrangement permet de minorer les coûts de supervision. En effet, la crainte de la panique oblige les banques à former des ‘«’ ‘ Clearing Houses »’ dont le rôle consiste à superviser l’ensemble des banques et à agir, éventuellement, en tant que préteur en dernier ressort. Dés lors, le ratio Capital / Dettes pouvant être limité, il en résulte une optimisation de l’utilisation des ressources.

La panique risque de se produire quand les déposants ont la possibilité d’observer un signal corrélé à la valeur de l’actif bancaire, par exemple l’évolution d’un indicateur de récession ou d’un ensemble d’informations concernant une possible dégradation de la situation des emprunteurs.

Si l’on met, maintenant, en relation le contenu théorique des approches en terme de risque de liquidité et d’asymétrie d’information, on peut tout d’abord remarquer qu’elles ne sont pas en opposition pour ce qui concerne l’analyse de l’actif bancaire.

Toutes deux considèrent, de la même manière, la nature de l’activité bancaire de prêt. L’aspect essentiel consiste en ce que cette activité est spécifique à la banque et ne peut être entreprise par le marché puisqu’elle comprend la supervision des emprunteurs et la production d’information à propos du risque de crédit.

Cette activité requiert, d’autre part, que les prêts créés soient illiquides, c’est à dire qu’ils ne puissent être échangés une fois émis.

En effet, si le prêt bancaire pouvait être cédé, la banque émettrice n’aurait aucune incitation à surveiller l’emprunteur et à produire l’information concernant celui-ci.

L’illiquidité du prêt bancaire peut même être considérée comme l’élément fondamental permettant de s’assurer que la banque va bien effectuer les activités dans lesquelles elle s’est spécialisée.

Cette illiquidité s’intègre à la démarche de chacune des deux théories. Dans le cas de la théorie des asymétries d’information, l’asymétrie n’existe que si les activités ne sont pas parfaitement observables. Comme ces activités ne le sont pas directement et clairement, l’illiquidité des prêts bancaires devient une nécessité pour que l’activité de supervision soit menée.

Pour les approches issues du modèle de Diamond et Dybvig, le coût de la liquidation des actifs est, également, une des hypothèses essentielles.

Par contre, l’analyse du passif bancaire diffère profondément selon les approches. Le modèle de Diamond et Dybvig perçoit la banque comme une institution procurant une assurance contre les changements aléatoires dans les besoins de consommation. L’investissement de long terme ne peut être liquidé qu’avec un coût. Bien que les agents préfèrent le revenu issu d’un investissement à long terme, ils peuvent modifier leurs choix et désirer consommer leur capital plus rapidement.

Les banques, en répartissant leurs investissements entre le court et le long terme, peuvent émettre des titres qui assurent les agents contre le risque d’une consommation trop précoce. Comme on le sait, il est possible, dans ce cas, d’interpréter le contrat d’assurance bancaire comme une capacité à procurer de la liquidité 530 .

««  Les banques sont capables de transformer des actifs illiquides en offrant des titres, construisant un cadre différent, avec des retours plus réguliers à travers le temps, que ceux offerts par les actifs illiquides »

La banque est nécessaire parce que l’investissement de long terme est illiquide. Son passif qui permet de financer les actifs illiquides, ne circule pas comme un moyen d’échange. Dans ce modèle, la liquidité correspond à la flexibilité intertemporelle de la consommation.

La théorie des asymétries d’information propose une analyse sensiblement différente de la liquidité du passif bancaire.

La liquidité d’un titre dépend de la facilité avec laquelle celui-ci peut être évalué et échangé. Elle explique le lien existant entre la nature du prêt des banques et le contenu de leur passif. De ce point de vue, la dette bancaire circule 531 .

Face à la banque, deux types d’agents se révèlent. Une partie exprime des besoins de consommation aléatoire. Quant à l’autre, elle dispose d’une parfaite connaissance de l’état du bilan bancaire. Ces agents informés vont profiter de l’opportunité dont ils disposent face à des agents dont les besoins sont immédiats.

Ceux-ci ont besoin de financer leur consommation mais ignorent la véritable valeur des titres qu’ils cèdent en contrepartie de leur consommation.

Ce problème, justifiant l’existence de l’intermédiation financière, rend nécessaire la création de titres de la dette bancaire sans risque dont la valeur est par définition connue des agents non informés.

Ainsi, contrairement à l’approche en terme de retraits aléatoires, pour laquelle la liquidité consiste en une assurance contre le fait que la liquidation de l’actif bancaire puisse être coûteuse, l’approche en terme d’asymétries d’information considère cette notion de liquidité à travers l’idée que la dette bancaire doit être utilisée comme moyen de circulation.

Sur la question de l’origine des paniques, qui concerne les fondements de la fragilité bancaire, l’opposition entre les deux approches, souvent marquée, n’est cependant pas totale. Sur de nombreux aspects, les deux analyses parviennent même à des résultats communs.

Chacune admet, par exemple, que la propagation de la panique correspond à la phase de suspension des paiements.

De la même manière, le sens de cette propagation est clairement relié au caractère pyramidal de la structure bancaire américaine : le mouvement d’Est en Ouest des paniques trouve sa source dans le fait que les centres financiers de l’Est concentrent les dépôts de l’ensemble de la nation et sont donc les premiers à subir la vague des retraits.

De plus, le caractère saisonnier de la panique bancaire est mis en lumière dans les deux approches.

Le niveau d’analyse diverge, cependant, sur ce dernier point puisque la démarche en terme de retraits aléatoires insiste sur le rôle du choc de demande de monnaie comme facteur déterminant la panique alors que l’approche en terme d’asymétrie d’information considère ce choc non comme une cause de la panique mais comme un facteur de vulnérabilité accru favorisant les chocs sur l’actif bancaire à un moment où le ratio Capital / Dépôts est particulièrement faible.

Cependant, trois éléments séparent, de manière décisive, les deux courants. En premier lieu, aucun accord n’existe sur l’origine du choc provoquant la panique.

Il en résulte qu’ils ne prennent pas en compte les mêmes éléments pour évaluer la probabilité de la crise dans les phases immédiatement antérieures à la panique.

Chari 532 ou Eichengreen 533 considèrent, par exemple, que l’augmentation de la demande de monnaie provient des régions agricoles au moment des semences ou des récoltes. A ces moments, la demande de monnaie se déplace vers l’Ouest. Ce mouvement réduit de manière drastique le multiplicateur à l’Est.

De manière tout à fait différente, l’approche en terme d’asymétrie d’information insiste sur le fait que la diffusion de mauvaises nouvelles (accroissement du risque d’actif, baisse du prix relatif de certains actifs, augmentation des faillites commerciales) agit de manière négative sur la valeur de l’actif bancaire.

La possibilité de panique dépend alors de la nature du lien existant entre l’information extraite et la valeur de cet actif bancaire.

La seconde nuance d’importance entre les deux approches concerne la sévérité de la crise bancaire et plus précisément la proportion de banques atteintes.

Selon l’approche en terme d’asymétries d’information, celle-ci dépend de l’interaction entre les portefeuilles de prêts des différentes banques, d’un part et le choc qui affecte le système économique, d’autre part. La proportion de faillites bancaires relative au nombre de banques suspendues résulte de l’importance et la nature du choc qui mène à cette suspension. Comme l’exprime Calomiris et Gorton :

«  Un choc qui affecte les valeurs foncières de l’Ouest ou les valeurs de chemin de fer devrait clairement tendre à favoriser la faillite des banques détenant des hypothèques sur l’Ouest ou sur les chemins de fer que celle des autres banques 534

De manière différente, la théorie des retraits aléatoires défend l’idée que les faillites bancaires devraient se produire indépendamment du lien de ces banques avec l’origine du choc monétaire.

Enfin, la troisième divergence provient de l’analyse des conditions permettant de réduire un processus de panique. Cette divergence dérive, bien entendu, de la nature des causalités perçues par les deux approches.

Du point de vue de la théorie des retraits aléatoires, la durée de la panique dépend de la capacité des banques à transformer leurs actifs en liquidité.

Au contraire, l’approche en terme d’asymétrie d’information considère que la disponibilité d’espèces par les banques est un argument insuffisant pour résoudre la panique.

La durée de la suspension indique le temps nécessaire pour résoudre les conséquences résultant du choc d’actif. Le transfert de richesse entre banques peut ici résoudre le risque d’actif sans nécessiter obligatoirement un transfert d’espèces. Une coordination interbancaire ex ante peut alors dans ce cadre, atténuer la probabilité de la panique et en réduire les effets lorsque celle-ci est ouverte.

Notes
518.

L’asymétrie d’information, provenant du fait que les types des agents ne sont pas connus, justifie, ici, le rôle de la banque puisque si celle-ci ne connaît pas chacun des agents, elle connaît, dés le début, la proportion des agents consommateurs et des agents investisseurs. Elle peut donc mettre en œuvre un mécanisme de mutualisation.

519.

On doit ajouter que le coût non nul de la liquidation des actifs bancaires renforce ce processus.

520.

« Sun Spot ».

521.

Wallace.N : « Another attempts to explain an illiquid banking system: The Diamond and Dybvig model with sequential service taken seriously ». Federal Reserve Bank of Minneapolis, Quarterly Review. Autumn 1983.

522.

Bhattacharya.S, Gale.D: « Preference shocks, liquidity and central bank policy » News Approaches in Monetary economics. Ed William.A.Barnett and Kenneth.Singleton. New York. Cambridge University Press. 1987. Chari.V.V: « Banking without deposit insurance or bank panics: Lessons from a model of the US National banking system”. Federal Reserve Bank of Minneapolis. Quarterly Review. Summer 1989.3-19.

523.

Interstate banks.

524.

Id. P 11.

525.

Stiglitz.J.E, Weiss. A: « Credit rationing with imperfect information ». American Economic Review. 1981.

526.

Calomiris C.W, Kahn C.M: « The Role of Demandable Debt in Structuring Optimal Banking Arrangement ». American Economic Review. June 1991.

527.

Chari.V.V, Jagannathan R: « Banking Panics, Information an Rational Expectations Equilibrium ».

Journal of Finance 43: 749-60. 1988.

528.

Gorton.G: « Self-regulating bank coalitions ». The Wharton School, University of Pennsylvania, typescript .1989. In Calomiris.C.W, Gorton.G: « The Origins of Banking Panics »The University of Chicago Press .1991.

529.

Gorton oppose cet arrangement institutionnel à celui du « Free Banking » supposé éviter les asymétries d’information. Nous verrons ultérieurement en quoi ce point de vue peut être discuté.

530.

“ Banks are able to transform illiquid assets by offering liabilities with a different, smoother pattern of returns over time than the illiquid assets offer» in Diamond.D.W, Dybvig.P.H: “Bank Run, Liquidity and Deposit Insurance”. Journal of Political Economy. 1983.

531.

Gorton.G, Pennachi.G: «Financial intermediation and liquidity creation ». Journal of Finance. 45 (1): 49-72. 1990.

532.

Op. Cité P 19.

533.

Eichengreen.B: « Currency and credit in the Gilded Age ». Research in Economic History. Supp 3:87-114. 1984.

534.

«  A shock which affects western land values or railroad’s values clearly should tend to bankrupt banks holding western mortgages or railroad bonds more than other banks in Calomiris.C.W, Gorton.G: Op. Cité P 131.