CONCLUSION : NATURE DE LA FRAGILITE BANCAIRE DU CAPITALISME EMERGENT « CLASSIQUE »

L’émergence du capitalisme productif telle qu’elle s’est déroulée en Occident, a donné lieu à une instabilité financière caractérisée par un grand nombre de crises financières prenant une forme nouvelle, celle des paniques bancaires. C’est donc la fragilité propre de ces institutions qui est ici en question.

En étudiant l’évolution de l’écart des taux constatés pendant pratiquement toutes les phases de pré-paniques aux Etats-Unis durant le XIXe siècle, nous avons pu mettre en lumière les indicateurs de cette fragilité spécifique.

L’analyse théorique et historique des causes de cette fragilité ainsi que la discussion qui l’a accompagnée ont mis en évidence l’importance tenue par les asymétries d’information dans la compréhension de ce phénomène.

La fragilité bancaire du capitalisme émergent doit se comprendre en relation avec la structure de l’environnement économique et politique propre à cette période.

La faible amélioration de l’efficacité du système légal est en particulier décisive à cet égard. Il a été possible, en particulier, de montrer que lorsque le progrès enregistré dans les procédures légales, quoique réel, reste limité, l’incitation à superviser les emprunteurs s’affaiblit en ce qui concerne les établissements de crédit.

La probabilité d’effectuer des prêts inefficients devient alors très forte. Elle le devient d’autant plus lorsque le système bancaire est mal coordonné et que le prêteur en dernier ressort suscite lui-même, par la croyance en son intervention systématique, un dispositif favorisant le hasard moral.

Ces deux caractéristiques sont structurellement présentes dans les phases émergentes du capitalisme productif de la période « classique ».

Elles vont contribuer de manière essentielle à fonder la réalité du mécanisme de double-contrainte qui structure la fragilité financière autour de la banque.

En effet, dés lors que le marché bancaire est peu coordonné soit explicitement par une démarche de ‘«’ ‘ branch-banking ’» soit implicitement par la référence à un même corps de règles et le caractère effectif de son application, il est forcément soumis à une situation de concurrence insuffisamment régulée.

Celle-ci, fruit de ce caractère incomplet du système légal, pousse inévitablement la banque à cesser de réaliser l’un des ces fonctions premières, celle de lever les situations d’asymétrie d’information. Elle se trouvera contrainte de réduire les coûts d’analyse et de supervision des emprunteurs, sauf à ne plus être en mesure de répondre de manière compétitive aux impératifs de son métier bancaire, celle de maintenir ses parts de marché et ses profits.

L’injonction paradoxale face à laquelle se trouve placée la banque ouvre donc la possibilité d’un processus de panique puisqu’en situation d’incertitude, la réponse rationnelle à un signal négatif sera, de la part de la clientèle, le retrait des dépôts de l’ensemble des banques puisque l’information sur la qualité de chacune d’elles fait défaut.

Seule l’expérience collective accumulée par le système bancaire, la progression du système légal et l’amélioration de la qualité d’intervention du prêteur en dernier ressort qui lui sont liées permettront de dépasser cette phase spécifique de la fragilité financière.