2-1-1- Banque et marché : La mobilisation de l’épargne et l’allocation de l’investissement comme premier enjeu.

La banque et le marché se révèlent apte à mobiliser l’épargne et à allouer l’investissement parce qu’ils disposent d’une capacité à diminuer les coûts de transaction et à résoudre le problème d’asymétrie d’information contenu dans la relation financière. La manière de répondre à ces objectifs diffère cependant, si bien que l’efficacité relative de chacun d’eux reste en débat.

La banque, par sa situation, collecte l’épargne du public dans des proportions permettant la réalisation d’économie d’échelle 725 dont le résultat correspond à une réduction des coûts unitaires. D’autre part, grâce à ses capacités à établir des relations de long terme avec les emprunteurs, elle limite le hasard moral et la sélection adverse ; les créanciers acceptent alors plus aisément de lui déléguer le contrôle de leur épargne.

Sur le marché du crédit, en situation d’information imparfaite, les problèmes d’agence peuvent être résolus dés lors que le prêteur est en situation de sanctionner l’emprunteur dans le cas de défaut ou de performance insuffisante par rapport à celle annoncée 726 . En particulier, l’emprunteur est soumis au risque de ne pas se voir accorder un crédit à une période ultérieure.

Cependant, cette éventualité reste liée à la possibilité de renégociation du prêt. En effet, bien qu’il soit rationnel de menacer, par avance, l’emprunteur d’une suspension de nouveaux crédits, il est également évident que dans le cas de défaut, les engagements en cours se transforment en perte pour le prêteur.

Si l’emprunteur peut présenter un nouveau projet offrant une bonne opportunité, il semble avantageux, à la fois pour le prêteur et pour l’emprunteur de procéder à une renégociation de leur transaction.

En conséquence, la possibilité de renégociation du prêt dissimule un problème d’incohérence temporelle puisque si l’emprunteur anticipe que le prêteur peut ne pas mettre à exécution sa menace, l’incitation à présenter les résultats attendus s’affaiblit. L’engagement de l’emprunteur, optimal ex ante devient sous-optimal ex post.

Dans ce cas, quelle instance est la plus apte pour répondre à cette incohérence temporelle ? Si l’on prend l’exemple du marché obligataire américain 727 , celui-ci semble présenter un avantage sur la banque parce que si l’emprunteur souhaite obtenir de nouveaux fonds de ce marché alors qu’il n’a pas rempli ses engagements antérieurs, il se heurtera à une impossibilité.

En effet, les obligations sont aux mains d’un grand nombre de titulaires, ce qui rend difficile une renégociation de la créance compte tenu du niveau de coûts de transaction anticipés. De plus, l’emprunteur subit la présence d’un problème de « free rider » du côté des obligataires.

Chacun de ceux-ci a intérêt à refuser une nouvelle avance, évitant ainsi toute perte, en souhaitant que tous les autres acceptent une renégociation de la dette permettant la pérennité de l’entreprise.

La solution optimale, pour les intervenants sur le marché, consiste à acquérir la réputation de respecter leurs engagements en acceptant le coût d’une action sous-optimale (refus de renégocier) dans la perspective de conserver le niveau de sa réputation 728 .

D’un autre côté, c’est précisément, la capacité d’adopter un comportement coopératif avec l’entreprise, grâce aux relations de long terme qu’elle a su établir avec l’emprunteur, qui donne à la banque un avantage sur le marché.

Dans ce cas, la renégociation devient un comportement optimum n’entachant pas la réputation des acteurs. Cela est d’autant plus vrai que la banque acquiert une grande dimension. James 729 montre que plus une banque dispose d’une proportion importante de la dette des entreprises, plus elle se trouve en situation de se confronter à des défauts et plus la probabilité qu’elle participe à des restructurations d’entreprises, impliquant une renégociation de la dette, est forte.

Du point de vue de l’allocation de l’investissement et de la mobilisation de l’épargne, la banque et le marché semblent donc en mesure, avec des stratégies largement différentes de remplir des fonctions similaires, c’est à dire d’être de parfaits substituts financiers.

Notes
725.

Puisqu’elle standardise les procédures de collecte, de traitement, de contrat, de contrôle, etc.…

726.

Stiglitz J, Weiss A: « Incentive Effects of Terminations: Applications to the Credit and Labor Markets » American Economic Review. 73. 912-27. 1983.

727.

Dewatripont.M M, Maskin.E: « Credit and Efficiency in Centralized and Decentralized Economies » Review of Economic Studies. 62, 541-55. 1995.

728.

Dolar.Veronica, Meh.Césaire: « Financial Structure and Economic Growth: A Non-Technical Survey ». Working Paper 2002-24. Bank of Canada. 2002. P 12.

729.

James Christopher: « Bank Debt Restructuring and the Composition of Exchange Offers in Financial Distress » Journal of Finance. 51, 711-727. 1996.