CONCLUSION : LA DOUBLE-CONTRAINTE FINANCIERE
DU CAPITALISME DE MATURITE AXE SUR LA BANQUE

La validation de l’hypothèse d’une « double fragilité bancaire» examinée dans ce chapitre, permet d’éclairer les difficultés auxquelles se heurtent le développement de toutes les économies capitalistes matures dont le financement est dominé par la banque.

La situation japonaise n’est pas spécifique en la matière. Elle diffère simplement des autres expériences par la longueur de sa crise financière.

Celle-ci ne révèle pas d’une fragilité financière particulière, mais plutôt d’un contexte institutionnel particulier, à la fois historique, culturel et légal, dont résulte un appareil de régulation progressivement peu adapté à la gestion des crises.

Concernant la même période, des économies ont expérimenté un type de fragilité bancaire équivalent dont l’aboutissement a été une crise seulement conjoncturelle (cas des pays nordiques) ou, dans le meilleur des cas, de simples symptômes (cas de l’Allemagne) 893

Cette double fragilité bancaire du capitalisme mature est, en général, contemporaine d’un processus plus ou moins approfondi de libéralisation financière.

Nous avons montré que cela ne signifie pourtant pas que celle-ci est à la racine de ce processus. En effet, à l’origine du phénomène, il faut plutôt voir l’éloignement progressif de l’appareil productif par rapport à l’intermédiation de crédit à la suite des succès remportés par les principales entreprises sur le plan international.

La clientèle, captive dans un système de financement administré traditionnel, fuit ce cadre si longtemps avantageux pour elle, dés lors que d’autres opportunités apparaissent. Dans ce processus de sélection adverse sur le marché du crédit, la fragilité initiale, qui en résulte, est certainement le vecteur du processus beaucoup plus que sa cause.

Par contre, nous avons pu mettre en évidence que la dérégulation issue de cette première étape amplifie de manière radicale, la fragilité initiale puisque, mettant la banque dans une situation compétitive de marché sans une régulation suffisante, elle incite les établissements financiers à accroître leur prise de risque.

Le boom sur les prêts qui en résulte est au cœur d’une fragilité induite qui peut alors se déployer. Poussant à la hausse le prix des actifs, en particulier immobilier, cette fragilité est spécifique en ce qu’elle établit un lien d’instabilité entre l’organisation bancaire et le fonctionnement du marché financier.

Dans ce cas, la fragilité bancaire est bien le vecteur d’une déstabilisation du marché qui en retour favorise la crise bancaire.

Ce processus ne vaut cependant que pour les économies développées dont le financement est dominé par la banque car lorsque celui-ci procède plutôt d’un financement issu du marché des capitaux, la forme de la fragilité financière se révèle alors profondément différente.

Cependant, nous avons pu, là aussi, mettre en évidence la présence d’une configuration correspondant à un dispositif de double-contrainte qui impose au système financier, pour éviter les conséquences de la fragilité initiale, de construire, lui-même, le cadre d’une fragilité induite accumulant les éléments potentiels favorables à l’ouverture d’une crise bancaire.

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Notes
893.

Voir à ce propos : Lhomme.Geneviève : « Les interactions périlleuses entre l’immobilier et la finance en Allemagne et au Royaume Uni ». Horizons Bancaires n°317. Caisse Nationale de Crédit Agricole. P 7. Juin 2003. Astier.Florence, Robert.Gaël : « Choc endogène, récession, crise bancaire : l’Allemagne sera-t-elle un second Japon ? ». Analyse mensuelle de la situation économique. Société Générale. Direction des risques. P 10. Janvier 2003. Crouzel.Cécile, Py.Marianne : « Le secteur financier allemand dans la tourmente » Le Revenu n°719. 22 mai 2003. P 34.