CHAPITRE III

L’INTERMEDIATION DE MARCHE SOURCE MAJEURE DE LA FRAGILITE FINANCIERE DU CAPITALISME DE MATURITE

Dés que l’intermédiation de marché domine la structure de financement du capitalisme de maturité, la forme de la fragilité financière se modifie. L’institution du marché financier, elle-même en devient le vecteur prépondérant. Mais comme dans le cas de l’intermédiation bancaire, la nature de cette fragilité, dans sa structuration comme double-contrainte, en reste un aspect fondamental.

Elaborer une analyse de la fragilité financière propre à l’intermédiation de marché implique dans un premier temps de reconsidérer l’analyse « orthodoxe » du marché financier à travers la théorie des marchés efficients puisque celle-ci offre une explication robuste des fluctuations financières sans recourir au concept de fragilité financière.

Valider ce concept implique, d’abord, une réflexion sur la nature de la rationalité des acteurs du marché financier.

Elle implique ensuite, à la fois, sur le plan expérimental et sur le plan empirique de démontrer la possibilité de phénomènes de surréaction qui éloignent, pour une période significative, le cours des titres de leur valeur fondamentale et qui sont autant d’» anomalies » pour la théorie de l’efficience.

Il s’agit, dans ces deux cas, de montrer que le concept de fragilité financière exige ensuite une explication de cette surréaction échappant à la rationalité de l’» agent représentatif » pour s’orienter vers une perception de ce concept à la fois plus limitée et plus complexe, dans laquelle les processus mimétiques occupent une place décisive.

Dés lors, il devient possible d’envisager, sur le plan théorique, une réflexion concernant la spécificité de la fragilité financière de marché comme structurée par une double contrainte. Celle-ci sera intimement liée à l’asymétrie d’information propre au marché financier.

Sans cette asymétrie d’information, l’institution du marché ne saurait être envisagée. Mais, de manière conjointe, cette asymétrie implique la possibilité d’une déconnexion significative de la valeur fondamentale de l’actif et de son cours.

Elle apparaît donc comme un élément essentiel du mécanisme de la fragilité financière spécifique au capitalisme de maturité dés lors que domine le marché des capitaux.

Nous devrons donc expliciter le fait que l’asymétrie d’information est, dans le même temps, l’élément clef qui fonde le marché financier et le facteur qui entraîne son déséquilibre. A partir de là, il restera à valider cette hypothèse à travers une analyse historique de situations concrètes où s’exerce ce type de financement.

Nous choisirons, pour mener à bien cette réflexion, d’étudier la période précédant les chocs de marché les plus prononcés dans le cadre du capitalisme de maturité à savoir celui de l’année 1929 et celui de l’année 1987. Bien entendu, il ne s’agit ni d’envisager une analyse globale de ces deux crises, ni même de les comparer quant à leurs conséquences.

Il s’agira surtout d’éclairer la caractéristique décisive permettant dans ces deux cas de construire notre analyse : la possibilité de processus de surréaction des cours par rapport aux fondamentaux comme condition nécessaire au déploiement d’une fragilité financière à cette étape de développement du capitalisme et menant, dans ces deux cas à un krach de grande ampleur.

Dans le même temps, nous serons amené à montrer que la mise en œuvre d’une rationalité à caractère mimétique de la part des intervenants du marché financier contribue nécessairement à ce processus.