CONCLUSION : LA FRAGILITE DE MARCHE ET SA STRUCTURE DE DOUBLE CONTRAINTE

Défendre l’hypothèse d’une fragilité de l’intermédiation de marché lorsque le mode de financement du capitalisme de maturité s’oriente de manière croissante vers le marché des capitaux présente une importante difficulté d’ordre théorique.

La puissance de la démarche en terme d’efficience des marchés se présente, en effet, comme un obstacle théorique majeur au concept même de fragilité financière.

De fait, si l’on admet que l’information pertinente s’intègre immédiatement au cours du titre, la volatilité observée sur le marché ne saurait jamais être interprétée comme fragilité, mais comme une réponse rationnelle des agents aux mouvements sous-jacents des fondamentaux.

Cependant, tant sur le plan expérimental que sur le plan empirique, nous avons pu mettre en évidence la possibilité et l’existence, sur des périodes significatives, de phénomènes de surréaction pendant lesquels se disjoignent, de manière durable, le prix et la valeur du titre.

Cette occurrence a pu, en particulier, être documentée à l’occasion de phases essentielles du point de vue de l’histoire financière, comme le sont les mois précédents le krach financier de 1929 et celui de 1987.

La théorie des asymétries d’information s’est révélé un outil efficace pour expliquer ce type de processus. En effet, l’asymétrie d’information est, d’une part, le fondement de l’existence du marché financier, mais elle est, d’autre part, le déterminant endogène de son déséquilibre.

A partir de là, nous avons pu montrer que la fragilité financière dominant le capitalisme de maturité axé sur le marché s’ordonne essentiellement autour d’une structure de double-contrainte informationnelle spécifique.

De cette structure dépend la possibilité d’inadéquation persistante entre le prix des titres et la valeur fondamentale de l’actif dont l’existence explique la mise en œuvre rationnelle de processus mimétiques susceptibles de conduire à des bulles financières suivies de krachs plus ou moins contenus.

Cette analyse, s’efforçant de valider l’hypothèse d’une fragilité financière de marché, ne saurait, bien entendu, épuiser l’ensemble des éléments propres à l’instabilité des marchés financiers du capitalisme de maturité.

Il y aurait, en effet, beaucoup à dire sur la manière dont s’y intègrent les teneurs de marché, les institutions financières, leur fonction de crédit aux investisseurs financiers et leur capacité à surmonter les asymétries d’information.

Il semble, cependant, que si l’on adopte une démarche idéal-typique, la fragilité propre à ces acteurs n’est que seconde.

soit elle découle de la fragilité intrinsèque du marché financier telle que nous venons de la développer,

soit elle procède d’une fragilité interne à leur organisation qui fait alors plutôt référence à la situation existant déjà dans le capitalisme axé sur l’endettement tel que nous l’avons étudié dans le chapitre précédent.

Dans ce cadre, les autres éléments présentant, eux aussi, des symptômes de fragilité sur le plan financier, peuvent alors être interprétés, de manière induite, soit comme des conséquences d’une fragilité de marché originelle, soit comme des « survivances » de fragilités issues d’autres époques ou d’autres systèmes de financement non directement axés sur le marché.