Quelles qu'en soient les raisons, Lucifer a entraîné les démons dans sa chute, ces derniers envahissent le monde et menacent les hommes par leur présence. Les Vitae des saints moines du IVe siècle montrent l'importance de la menace des démons, même pour les plus exemplaires athlètes du Christ 67 . La vie de saint Antoine (†356) par Athanase (v. 295-373) 68 , première biographie consacrée à un moine, montre que les démons sont partout, ils vivent dans l'air, peuvent prendre toutes les formes y compris celle des animaux 69 et sont à l'origine de toutes les illusions. Dans son grand discours aux moines, Antoine indique la lutte que les ascètes doivent mener contre les démons et les encourage en leur indiquant les moyens de leur résister 70 . Les descriptions présentées dans cette vie et dans toutes celles qui érigent en exemple les ascètes du désert, font des démons des menaces bien réelles pour ces chrétiens d'exception, certes, mais aussi pour tous les hommes. La démonologie médiévale a réuni là ses éléments principaux.
Au sujet de l'héritage antique du thème du combat des saints contre le diable voir C. Piétri, "Saints et démons : l'héritage de l'hagiographie antique" dans Santi e Demoni nell alto Medioevo Occidentale, Settimane di Studio XXXVI, Spolète, 1989, p. 17-90 qui envisage à la fin d'une longue évolution la vie d'Antoine ; A et C. Guillaumont, "Démon : dans la littérature monastique", DS, tome V, 1954, c. 189-212 ; P. Miquel, "Le diable dans les vies des saints moines", Collectanea Cisterciensa, 49, (1987), p. 246-259 ; P. Dinzelbacher, "Der Kampf der heiligen mit den dämonen", Santi e Demoni, op.cit., p. 647-695 et Angst im Mittelalter. Teufels-, Todes-, und Gotteserfahrung : Mentalitätsgeschichte und Ikonographie, Paderborn-Munich, F. Schönigh, 1996, p. 27-64 qui reprend partiellement l'article précédent.
Athanase d'Alexandrie, Vie d'Antoine, éd. G. J. M. Bartelink, SC 400, 1994.
"Tout cet endroit parut aussitôt rempli en apparence de lions, d'ours, de léopards, de taureaux, de serpents, de vipères, de scorpions et de loups. Chacun d'eux se mouvait selon l'aspect qui était le sien. (…) Absolument terrible était la fureur de toutes ces apparitions, jointe aux hurlements de leurs cris", Athanase d'Alexandrie, Vie d'Antoine, op. cit, 9, 6-7, p. 161.
Athanase d'Alexandrie, Vie d'Antoine, op. cit., introduction p. 54-56.