- La désignation du diable

Dans l'ensemble des formulaires d'exorcisme du pontifical romano-germanique, le diable est peu nommé. Il est généralement désigné par les mots suivants : diabolus, spiritus inmunde, serpens antique. Ces mots, qui sont des références bibliques évoquent le diable sobrement. Limiter l'évocation du diable, c'est ne pas courir le risque d'un contre-sens de la part de ceux qui participent à l'exorcisme. Existe en effet au Moyen Âge la conviction selon laquelle nommer trop précisément le diable revient à l'invoquer comme le font les magiciens 311 .

Certains passages du pontifical romano-germanique rappellent l'identité du diable et de tous les maux qu'il transporte avec lui 312 . En revanche, l'"Exorcisme de saint Ambroise" s'attarde sur sa description 313 . Ses méfaits, les malheurs qu'il suscite, son action insidieuse sont rappelés par des épisodes importants de l'Ancien et du Nouveau Testament 314 . Des développements comparables se trouvent dans le Liber ordinum d'Espagne du XIe siècle 315 , sans qu'il soit directement fait allusion à la Bible. Dans ce portrait, le diable est aussi, inévitablement, le dispensateur de tous les maux.

Les textes qui évoquent beaucoup le diable sont ceux qui se rapprochent le plus de la tradition byzantine des formulaires d'exorcisme. Comme le souligne Louis Delatte, une distinction semble se faire entre le fonds des formulaires latins et le fonds grec qui, même s'ils sont probablement issus d'une souche commune, s'opposent par le fait que les premiers se débarrassent plus vite de l'influence de la démonologie primitive. "On ne trouve plus chez eux les noms étranges des démons et des anges, les noms secrets de la divinité, la distinction des diverses catégories de démons, les exorcismes des esprits aériens, les appels pressants et répétés au démon pour qu'il révèle son nom, etc." 316 .

Le diable est adjuré dans ces formulaires d'exorcisme, mais sans que son évocation ne donne lieu à des développements très importants, conformément à la tradition des exorcismes occidentaux.

Notes
311.

Voir là-dessus, J. R. Veenstra, "La communication avec les anges. Les hiérarchies angéliques, la lingua angelorum et l'élévation de l'homme dans la théologie et la magie (Bonaventure, Thomas d'Aquin, Eiximenis et l'Almandal)" dans dir. H. Bresc, J. P. Boudet, B. Grévin, Les anges et la magie au Moyen Âge, EFR, 2002 (MEFR 14/2).

312.

Tu ergo, nequissime Satana, inimice fiDei, deceptor generis humani, mortis repertor, iustitiae declinator, irae artifex, malorum radix, fomes uitiorum, seductor hominum, perditor gentium, incitator inuidiae, origo auaritiae, causa discordiae, excitator dolorum, demonum magister, quid stas et resistis, cum scias eum tuas perdere uires ? (Prg, CXV, 31).

313.

Exorcismus sancti Ambrosii (Prg, CXVIII).

314.

Tu vastatus Egyptiorum plagis, tu in Pharaone dimersus, in Hiericho destructus, in septem Chananeis gentibus stratus. Tu per Samson in allophilis subiugatus, per David trunctatus in Goliath, per Mardocheum in Aman expoliatus, per Danihelem in Bel Deiectus, in dracone punitus, per angelum in Erode percussus, per dominum nostrum Iesum Christum humanis imperiis subiugatus, per Paulum cecatus in Mago, ustus in vipera, per Petrum disruptus in Symone, per omnes sanctos Deinceps fugaris, torqueris, illuderis, aeternis ignibus et inferni tenebris deputatus. (Prg, CXVIII, 2)

315.

Tu es, qui per tumorem cordis deum contemnens, non solum eius equalem te esse, sed etiam superiorem existere voluisti. Tu ab initio statim mundi hominem fefellisti et verbis mendaciis blandiens rudes animas decepisti. Tu dominum ipsum temptare conatus, quasi ut obreperes rursus et falleres latenter adgressus es. Intellectus tamen es et retrusus, et ideo prostratus, quia agnitus atque detectus. Tu lapideos et ligneos deos tecum pariter arsuros, ut colerentur instituisti. Tu miserorum mentes blandienti facis errore, imples superbia, dissolvis libidine. Tu corda hominum cupiditate excecas, discordia exasperas, ira precipitas. Tu itinera latronibus claudis, predonibus obsides maria, et toto orbe terrarum excitas mutuo sanguine bella, D. M. Férotin, Le liber ordinum en usage dans l'Église Wisigothique et mozarabe d'Espagne, op. cit. et édition dans A. Franz, Die Kirchlichen Benediktionen…p. 613.

316.

L. Delatte, Un office byzantin d'exorcisme, Bruxelles, Mémoires de l'Académie Royale de Belgique, 1957, p. 18.