- L'exorcistat, un passage obligé dans le cursus honorum des clercs

Les fonctions inférieures correspondent à un temps de préparation à tout ce qui peut être nécessaire à la fonction supérieure par excellence, c'est-à-dire celle de l'évêque. Ce temps de préparation est aussi un temps de probation, la continence devenant le moyen d'éprouver les qualités morales du candidat.

Entre 384 et 399, le pape Sirice demande le respect de la hiérarchie des ordres et fixe les limites d'âge pour les fonctions ecclésiastiques 463 . Les stages dans les fonctions inférieures correspondent à des temps de probation et à des fonctions précises. Il est important d'avoir fait deux stages différents, le lectorat et l'exorcistat d'une part et l'acolytat ou le sous diaconat de l'autre 464 . La lettre du pape Zosime à Hesychius de Salone en 418 détermine dans leur ordre les étapes du cursus honorum 465 . Les enfants destinés à la cléricature sont lecteurs ou exorcistes pour une durée de cinq ans, ensuite, ils peuvent être faits acolytes ou sous-diacres à quatorze ans, puis diacres pour une durée de cinq ans 466 . Selon J. St. H. Gibaut, le texte de Zosime a été altéré par Gratien ou par Anselme de Lucques, de sorte que la durée probatoire au sein des ordres mineurs est la plus longue possible et que la fin du lectorat n'intervient pas avant trente ans.

Avec le pontificat de Gélase (440-461), le cursus est ritualisé et l'accent est mis sur l'importance de l'acquisition de pouvoirs spécifiques. Dans la lettre de Jean Diacre à Senarius (vers 500) se trouvent des renseignements de premier ordre sur l'histoire de la liturgie et sur l'exorcistat en particulier :

‘"Les acolytes se distinguent de l'ordre des exorcistes par le fait que les exorcistes n'ont pas le pouvoir (potestas) de porter les sacrements et de servir les prêtres (sacerdotes). Leur fonction consiste seulement dans l'imposition des mains et c'est pour cela qu'on les appelle exorcistes. Les acolytes au contraire reçoivent la charge de porter les vases contenant les sacrements et servent les prêtres. C'est la raison pour laquelle l'exorciste peut devenir acolyte, tandis que l'acolyte ne peut devenir exorciste sans déchoir de son rang. L'un et l'autre, s'ils s'acquittent parfaitement de leur fonction, pourront être élevés au sous-diaconat" 467 .’

Ainsi l'exorciste, qui n'a jamais eu de rapport avec l'eucharistie, voit sa fonction de plus en plus absorbée par les autres degrés de la hiérarchie 468 . Des papes favorables à l'autorité absolue du souverain pontife soutiennent le renforcement d'une structure hiérarchisée qui respecte pour le mieux toutes les étapes du cursus honorum des clercs. C'est vrai au VIe siècle 469 , mais six siècles plus tard, les papes rappellent toujours l'importance du respect des degrés de la hiérachie ecclésiastique.

Notes
463.

Gratien, 1, 77, 3 (Fr. 272).

464.

Ces vœux ne sont pas toujours suivis des faits, Ambroise de Milan est ordonné évêque en 374 à 33 ans sans avoir exercé aucune autre fonction.

465.

Illud nos statuentes uobis et omnibus seruare mandamus, ut ad ordines ecclesiasticos sic accedant in ecclesia, qui ordinari merentur : id est, si quis episcopus esse meretur, sit primo hostiarius, Deinde lector, preterea exorcista, inde sacretur acolitus, demum uero subdiaconus, Deinde diaconus, et postea presbiter, exinde, si meretur, episcopus ordinetur, Epistole, IX, 5, PL XX, 672 f ; Grat., 77, 1, 5 (Fr. 272)

466.

Que interualla temporis in singulis gradibus sint obseruanda : In singulis gradibus hec tempora sunt obseruanda, si ab infantia ecclesiasticis ministeriis nomen dederit, ut inter lectores et exorcistas quiquennio teneatur, exinde acolitus uel subdiaconus quatuordecim annis fiat, et sic ad benedictionem diaconatus, si meretur, accedat, in quo ordine quinque annis, si inculpate gesserit, adherere debebit. Exinde suffragantibus stipendiis, per tot gradus datis propriae fiDei documentis, sacerdotium poterit promereri, de quo loco, si eum exactior uita ad bonos mores perduxerit, summum pontificatum sperare debebit, Grat., 77, 2, 21 (Fr. 272). Pour le commentaire des sources de Gratien dans ce texte voir J. St. H. Gibaut, The cursus honorum., op. cit. , p. 280-281.

467.

Lettre de Jean Diacre à Senarius, 10, éd. A. Wilmart, Analecta Reginensia, Studi e Testi 59, 1933, p. 176, cité par A. Faivre, Naissance d'une hiérarchie. op. cit., p.340-341. Jean serait le futur Jean I (†526) et Senarius a vécu à la cour de Théodoric. Il s'agit d'une réponse à des consultations relatives au baptême et au catéchuménat.

468.

En particulier dans le sacramentaire Gélasien et dans l'ordo baptismal romain qui est l'ordo VII des Ordines Romani d'Andrieu où les exorcismes du catéchuménat sont prononcés par les acolytes ou les presbytres.

469.

A. Faivre, Naissance d'une hiérarchie. op. cit., p. 344 indique plusieurs sources comme les Apocryphes Symmachiens, le synode des 275 évêques, et le Liber Pontificalis du pape Virgile.