L'évaluation du nombre d'exorcismes dans la production hagiographique médiévale pose de nombreux problèmes de méthode, nous l'avons vu, mais à ceux-ci, il faut ajouter la question de savoir ce que l'on entend par possession.
Pierre-André Sigal, pour les vies de saints des XIe-XIIe siècles, classe cet état dans le groupe des affections mentales qui sont pour 70% en relation avec le démon, les autres étant simplement qualifiées de folie. L'épilepsie figure quant à elle dans la rubrique des affections neurologiques 514 . Pour André Vauchez, qui étudie la période des XIIIe et XIVe siècles, la rubrique "maladies mentales" comprend les démoniaques, les épileptiques et les fous 515 . De manière générale, comme nous avons déjà pu l'évoquer, la frontière entre possession et folie est étroite au Moyen Âge. Ces différences dans les définitions témoignent de la difficulté à établir des catégories fixes, tant sont floues les conceptions médiévales et modernes de la possession.
Cette difficulté conceptuelle ne facilite pas les tentatives d'évaluation du phénomène. Regroupant les XIe et XIIe siècles, Pierre-André Sigal fournit néanmoins un premier chiffre 516 . La guérison des affections mentales correspond à 8,8% des miracles qu'il lui a été donné d'étudier, mais il ne précise pas si, à chaque fois, un exorcisme a été mis en œuvre. Néanmoins, ce chiffre tend à indiquer un nombre relativement faible d'exorcismes dans la production hagiographique de ces deux siècles.
Afin de contourner les difficultés que pose une approche quantitative de ces textes, nous avons privilégié une approche qualitative qui consiste à sélectionner une série de Vitae et de récits de miracles et qui comportent des exorcismes, qui ont été écrits au XIe siècle, en respectant quelques principes de diversité des textes – vies de saint post mortem ou du vivant du saint, d'hommes et de femmes, de saints majeurs ou secondaires – afin de voir comment l'exorcisme y est raconté. Le but est de tenter d'établir un ou plusieurs modèles pour la période, en tenant compte des évolutions intervenues par rapport au récit des Évangiles et des vies de saints de la fin de l'Antiquité.
P. A. Sigal, L'homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe siècle), Paris, Cerf, 1985, p. 236-239.
A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, Rome, BEFAR 241, 1981, p. 547.
Regroupant un très grand nombre de vies de saints et de recueils de miracles, cette étude offre des statistiques dans de nombreux domaines, ces résultats semblent, par le grand nombre de textes consultés plus fiables, pour une période donnée.