Dans l'immensité des vies de saint du XIe siècle, il a été nécessaire de faire des choix. Sont réunis des textes comportant un ou plusieurs récits d'exorcisme, des vies de saints et des recueils de miracles 517 , ces textes ont des auteurs connus ou anonymes, en conformité avec la diversité de l'hagiographie de l'époque. Les saints, qui apparaissent dans ce groupe de textes, sont à la fois des hommes et des femmes, des clercs et des laïcs, originaires de différentes parties d'Occident et ayant vécu à des périodes parfois très anciennes, certains d'entre eux sont à l'origine de la fondation d'ordres, alors que d'autres sont presque inconnus.
Les saints ayant vécu à la fin de l'Antiquité et qui font l'objet, au XIe siècle, d'une ferveur nouvelle avec la rédaction d'une nouvelle vie ou d'un recueil de miracles sont : sainte Foy, martyre du IIIe siècle dont le Livre des miracles a été écrit par Bernard d'Angers dans la première moitié du XIe siècle 518 ; saint Eutrope, qui a vécu au IIIe siècle, de Rome il évangélisa le Sud Ouest de la France, devint évêque de Saintes et subit le martyre pour avoit converti la fille d'un gouverneur romain 519 puis saint Lié, moine du IVe siècle, dont la vie a été composée par Odolrico entre 1021 et 1035/36 520 .
Le groupe des saints du Haut Moyen Âge qui bénéficie d'un ouvrage hagiographique rédigé au XIe siècle est plus abondant que le précédent. Il est composé du Livre des miracles de saint Benoît de Nursie (v. 480-v. 547) qui est un ouvrage majeur de la période et de l'hagiographie occidentale, il est le fruit d'un travail collectif qui va du IXe au XIIe siècle 521 . Saint Ursmer, évêque de Lobbes (†713) est connu pour ses exorcismes aux siècles précédents ; au XIe siècle, ses reliques sont employées pour protéger les moissons 522 . Le livre des miracles de saint Winnoc (†717), moine du monastère de Sithiu, puis abbé d'une abbaye près de Dunkerque, a été écrit dans la seconde moitié du XIe siècle par le moine Drogon 523 . Saint Willibrord (658-739) a une vie écrite à la fin du XIe siècle par Théofroid 524 . Enfin, la vie de saint Wolfgang († 994) évêque de Ratisbonne, est écrite par Othlon, moine de Saint-Emmeran 525 .
Vient enfin un groupe de saints qui ont vécu au XIe siècle et dont la vie a été presque immédiatement écrite par un membre de leur entourage. L'heure est à la biographie, et le texte est souvent très marqué par la personnalité du saint que l'auteur a souvent connu et abondamment fréquenté. Cette quasi-immédiateté dans la rédaction des miracles leur donne une toute autre dimension. Saint Romuald († 1027) ermite, est fondateur de l'ordre des Camaldules, sa vie a été écrite par Pierre Damien vers 1042-1043 526 . Saint Poppon († 1048) moine flamand, évêque de Brixen, conseiller de l'empereur Henri III et abbé de sept monastères de Lotharingie, réformateur de Saint-Vanne, est mort après avoir été nommé pape 527 ; la vie du pape Léon IX († 1054), qui fut Brunon évêque de Toul, a été écrite par un auteur anonyme entre 1050 et 1060 528 ; saint Arnoul (†1087) fait plusieurs exorcismes qui sont racontés dans sa vie qui date du début du XIIe siècle 529 .
Dans cet ensemble, composé de cinq recueils de miracles et de huit vies de saints, il va de soi que certains textes sont plus importants que d'autres, des ajouts auraient pu être faits. Par leur diversité, ils sont représentatifs de la manière de raconter les exorcismes au XIe siècle.
Les vies de saints s'attachent à raconter, en l'édifiant, la légende d'un saint et ses miracles, les recueils de miracles complètent la vie de saint en consignant un certain nombre de miracles intervenus après sa mort. Voir Dom J. Dubois, J.L. Lemaître, Sources et méthodes de l'hagiographie médiévale, Paris, Cerf, 1993 ; P. A. Sigal, L'homme et le miracle, op. cit.
A. Bouillet, Liber miraculorum S. Fidis, Paris, 1897 [Liber miraculorum S. Fidis]. Les traductions sont extraites de A. Bouillet et L. Servières, Sainte Foy, Vierge et Martyre, Rodez, A. Carrière, 1900. Ce livre comporte trois récits d'exorcisme, ce qui est assez peu pour l'ensemble de cet ouvrage très prolifique. L'auteur a en effet mené une enquête attentive, à propos des miracles accomplis par les reliques de la sainte apportées à Conques.
Liber miraculorum S. Eutropio, AASS avril III, p. 735-744 [Liber miraculorum S. Eutropio]. Ses miracles anonymes ont été écrits sur une longue période qui va de l'an mil au XIIe siècle et comportent trois récits d'exorcisme.
Odolrico, Vita S. Laeto confessore in territorio aurelianensi, AASS, novembre III, p. 67-79 [Vita S. Laeto] ; Miraculorum SS. Georgii et Laeti Pitverensia, AASS novembre III, p. 78-79 [Miraculorum S. Laeto]. Ces deux textes comportent chacun un exorcisme.
E. de Certain, Les miracles de saint Benoît écrits par Adrevald, Aimoin, André, Raoul Tortaire et Hugues de Sainte-Marie, moines de Fleury, Paris, 1858 abrégé en[Miraculorum S. Benedicti]. Adrevald (†865) est l'auteur du premier livre qui comporte deux récits d'exorcisme. Aimoin, auteur à partir de 1005 des livres II et III, en raconte autant, de même qu'André qui a rédigé les livres IV à VII à partir de 1041/43. Enfin, Raoul Tortaire s'occupe de la dernière partie des miracles (livres VIII à IX) entre la fin du XIe siècle et la date de sa mort en 1122 ; voir A Vidier, L'historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire et les miracles de saint Benoît, Paris, Picard, 1965. Dans cet ouvrage important, six miracles d'exorcisme ont été rapportés, deux appartiennent au premier livre, et les quatre autres aux livres deux, quatre, cinq et huit. Ces textes ont été traduits par mes soins avec l'aide précieuse de Madame Monique Duchet-Suchaux.
De sancto Ursmaro episcopo et abbate in Belgico, AASS, avril II, p. 555-575 et en particulier Historia miraculorum in circulatione per Flandriam, op. cit., p. 570-575 [Miraculorum S. Ursmaro], traduction de D. Barthélemy, L'an mil et la paix de Dieu. La France chrétienne et féodale, Paris, Fayard, 1999, p. 541. Ce voyage à travers la Flandre a eu lieu en 1060 et est raconté par un moine qui y a participé.
Drogo Bergansis, Liber Miraculorum de S. Winnoco abbate vel priore Wormholtano, AASS, novembre III, p. 253-283 [Miraculorum S. Winnoco] qui présente un seul récit d'exorcisme, (XXIII, p. 282).
Vita sancti Willibrordi auctore Theofrido abbate, MGH SS, XXIII, p. 23-33 [Vita S. Willibrordi]. Ce saint connu pour être invoqué pour la guérison des fous et des épileptiques, fait l'objet d'une nouvelle vie en Flandre au XIe siècle.
Otholoni monachi S. Emmerami, Vita S. Wolfkangi, PL 146, c. 391-420, [Vita S. Wolfkangi]. Cette Vita comporte trois exorcismes, deux du vivant du saint et un sur son tombeau (n. 34, 35, 40).
Pietri Damiani Vita Beati Romualdi, G. Tabacco, Rome, 1957 (Fonti per la Storia d'Italia pubblicate dall'Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, n°94) [Vita B. Romuladi], il existe une traduction dans L. A. Lassus Saints Pierre Damien et Bruno de Querfurt, Namur, éd. du Soleil Levant, 1962. Ce texte présente trois récits d'exorcisme : celui de la femme du laïc qui veut devenir Camaldule (p. 101, Vita Romualdi 1) ; celui de l'enfant (p. 102, Vita Romualdi 2) ; l'exorcisme post mortem (p. 113, Vita Romualdi 3).
Vita Popponis abbatis stabulensis, auctore Everhelmo, MGHSS XI, p. 291-316 [Vita S. Popponis]. Cette vie se présente comme une chronique datée et l'exorcisme daterait de 1033.
La vie du pape Léon IX (Brunon, évêque de Toul), éd. et trad. M. Parisse, M. Goulet, Paris, Les Belles Lettres, 1997, p. 93, 99, 118-119. En dehors de la présentation des éditeurs, sur la vie du pape Léon IX, voir "Leone IX", Bibliotheca hagiographica latina, tome VII, p. 1295-1302 [Vita S. Leonis]. Le texte comporte trois récits d'exorcisme.
Vita Sancti Arnulfi, PL 174, c. 1367-1440 [Vita S. Arnulfi], cette vie est le fruit d'un travail collectif, les deux premiers livres sont l'oeuvre de Lisiard, évêque de Soissons, et le troisième, celle de Lisiard et d'Hariulf, abbé d'Oudenbourg. Elle est achevée en 1121. Le texte cité est traduit par D. Barthélemy, "Exorciser les démons de la vengeance, en Flandre autour de 1100", dans Au cloître et dans le monde. Femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle), Mélanges en l'honneur de Paulette l'Hermite-Leclercq, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 2000, p. 270-271.