C - Iconographie des saints exorcistes aux XIe et XIIe siècles

Les XIe et XIIe siècles sont marqués par un renouveau pictural. En effet, le sanctuaire des saints et les objets liturgiques qui l'environnent sont ornés d'images qui représentent leur vie et leurs miracles.

Ainsi, les fidèles qui se rendent à l'église Saint Wojciech de Gniezno peuvent voir sur la porte de bronze l'immense programme iconographique qui comprend, entre autre, l'épisode au cours duquel saint Adalbert de Prague a exorcisé un possédé (planche 25) 584 . Dans la nef de l'église de Monreale, à la fin du XIIe siècle, Castrensis de Volterra fait, lui aussi, un tel miracle (planche 34) 585 . Les objets liturgiques comme les châsses (planche 36, 37) 586 , les reliquaires (planche 48) 587 ou les autels 588 , présentent des exorcismes.

Ce sont surtout les livres hagiographiques, ou libelli, peu accessibles au public, mais qui correspondent à un moment de promotion du culte des saints, qui comportent le plus de ces représentations 589 : les vies de saint Amand illustrées au XIe et au XIIe siècle (planches 26, 27) 590 ; celle de saint Aubin (planche 29) 591 ; de Radegonde (XIe siècle, planches 54, 55, 56, 57) 592 ; de Benoît et Maur dans le Codex Benedictus du XIe siècle (planche 31, 32, 33, 52) 593 ; de Fortunat de Todi dans une illustration des Dialogues de Grégoire le Grand (XIIe siècle, planche 39) 594 ; de Cuthbert de Lindisfarne (début XIIe siècle, planche 35) 595 ; de Guthlac (fin du XIIe siècle, planche 47) 596 ; de saint Martin de Tours (XIIe siècle) 597 ; de saint Basile dans le Passionnal de Stuttgart (planche 30) ; de saint Félix (planche 38) et saint Léon IX dans le grand Passionnaire de Weissenau (vers 1200) (planche 49) 598 .

Si la visibilité de toutes ces images par le public pose problème, elles témoignent néanmoins du souci de traduire en les illustrant les vies des saints et leurs miracles. Deux séries de questions se posent alors à propos de ces représentations de l'exorcisme. Dans quelle mesure la représentation est-elle fidèle à l'action accomplie par le Christ ? Et, dans la mesure où chacune de ces images illustre des textes divers, existe-t-il des écarts par rapport au modèle ? Peut-on parler d'une iconographie de la ritualité 599 en ce qui concerne l'exorcisme ?

Notes
584.

U. Mende, Die Bronzetüren des Mittelalters 800-1200, Munich, Hirmer Verlag, 1983, p. 84-93, 161-4, pls 122-135. Sur le contenu de l'iconographie de la porte, B. Moohnhaupt, "Typologisch strukturierte heilenzyklen : die Adalbertsvita der Gnessener Bronzetür", dans G. Kerscher, Hagiographie und kunst der heiligenkult in Schrift, Bild und architectur, Berlin, 1993.

585.

La cathédrale de Monreale comporte une autre représentation de l'exorcisme accompli par le Christ (planche 16).

586.

Il s'agit de la châsse de saint Emile de la Cogolla (2ème ½ du XIe siècle) dans Goldschmidt, Die Elfenbeinskulpturen aus der Zeit der karolingischen und sächsischen Kaiser (Deutscher Verein für Kunstwissenschaft), 4 vols, Berlin, 1914-26 ; Weitzmann, Catalogue of the Byzantine and Early medieval antiquities in the Dumbarton Oaks Collection, Washington, 1972 ; Perrier, D, "Die spanische Kleinkunst des XI Jahrhunderts", Aachener Kunstblätter, 102, (1984), p. 30-141 ; Harris, J, "The arca of San Millan de la Cogolla and its Ivories", Ph. D. diss., University of Pittsburgh, 1989 ; Al-Andalus, The Art of Islamis Spain, Exhibition Catalogue, J. Dodds, Metropolitan Museum of Art, N. Y., 1992,cat n° 23 ; B. Abou-El-Haj, The medieval cult of saints, op. cit.

587.

Email sur un reliquaire d'argent de l'abbaye bénédictine de Deutz, 2ème moitié du XIIe siècle, ap. 1167, dans B. Abou-El-Haj, The medieval cult of saints, op. cit., p. 343. Héribert de Cologne a été archevêque de la ville, il meurt en 1031. Il est le fondateur du monastère de Deutz et il est canonisé en 1074. Cet émail est l'illustration de la vie du saint qui a été écrite par Rupert de Deutz en 1120, AASS, mars 2, n°17, p. 483.

588.

L'autel en or de saint Ambroise de Milan : Francovich "Arte Carolingia et Ottoniana in Lombardia" Römisches Jahbuch für Kunstgeschichte, 6, 1942-44, p. 113-256 ; Tatum "The paliotto of Sant'Ambrogio at Millan", Art Bulletin, 26, 1944, p. 24-45 ; Elbern, Der Karolingische Goldalter von Mailand (Bonner Beiträge zur Kunstwissenschaft, 2), Bonn, 1952, et "Der Ambrosiuszyklus am Karolingischen Goldaltar zu Mailand" Mitteilungen des kunsthistorischen Institut in Florenz, 7, 53, p. 1-8 ; Bertelli, "Sant'Ambrogio da Angilberto II a Gotofredo" in C. Bertelli Il Millenio Ambrosiano, vol ½ , Milan, 1987-88.

589.

Sur cet essor, voir F. Wormald, "Some illustrated Manuscripts of the Lives of the saints", Bulletin of the John Rylands Library 35 (1952) ; B. Abou-el-Haj The medieval cult of saints. Formations and transformations, Cambridge University Press, 1997 et M. Carrasco, "Sanctity and experience in pictorial hagiography : Two illustrated lives of saints from romanesque France" dans Images of sainthood in Medieval Europe ss/dir R. Blumenfeld-Kosinski et T. Szell, Ithaca and London, Cornell University Press, 1991, p. 33-66.

590.

B. Abou el-Haj The medieval cult of saints. Formations and tranformations, Cambridge University Press, 1997, p. 393-395

591.

Le libellus hagiographique de saint Aubin d'Angers (†550) a été produit à la fin du XIe siècle, date à laquelle l'abbaye de Saint Aubin d'Angers qui comprend le tombeau du saint devient le centre de son culte. M. Carasco, "Sanctity and experience in pictorial hagiography : Two illustrated lives of saints from romanesque France" dans R. Blumenfeld-Kosinski et T. Szell, Images of sainthood, op. cit, p. 33-66.

592.

E. Ginot, "Les manuscrits de sainte Radegonde de Poitiers et ses peintures du XI s.", Bulletin de la société de reproduction de manuscrits à peinture, 4, 1914-1920, p. 9-80 ; Carrasco, M, "Spirituality in context : the romanesque illustrated life of Ste Radegunde of Poitiers (Ms 250)" Art Bulletin, 72, 1990, p. 414-435 ; "Sanctity and experience in pictorial hagiography : Two illustrated lives of saints from romanesque France" dans R. Blumenfeld-Kosinski et T. Szell Images of sainthood, op. cit., p. 33-66 ; La vie de sainte Radegonde par Fortunat, Poitiers, bibliothèque municipale, ms 250, ss/dir R. Favreau, Paris, Seuil, 1995.

593.

Manuscrit de la bibliothèque Vaticane, Vat. lat. 1202 ; D. M. Iguanez, M. Avery, Miniature Cassinesi de secolo XI illustranti la vita de S. Benedetto, Montecassino, 1934 ; Bloch , Montecassino in the Middle ages, 3 vols, Cambridge, 1986 ; Codex Benedictus facsimile, commentaire en allemand B. Brenk 1986, en anglais Mayvaert et Mayo, 1981-1982.

594.

A. Boeckler, Abendländische miniaturen bis zum ausgang der Romanischen Zeit, Walter de Gruyter, Berlin, 1930.

595.

O. Pächt, The rise of pictorial narrative in twelf century England, Oxford, 1962 ; Stringer, "The twelf-century illustrations of the Life of Saint Cuthbert", Ph. D. diss., University of Minessota, 1973 ; Kauffmann, C. M., Romanesque Manuscripts 1066-1190, (A Survey of Manuscripts Illuminated in the British Isles. 3) ; M. E. Carrasco, "The construction of sanctity : pictorial hagiography and monastic reform in the first illustrated Life of St. Cuthbert (Oxford, University College, ms 165)", Studies in Iconography 21 (2000), p. 47-89.

596.

G. Warren, The Guthlac Roll. Scenes from the life of saint Guthlac of Crowland by a twelfth century artist, Oxford, 1928.

597.

Manuscrit d'Epinal dans S. Michon, Le grand Passionnaire de Weissenau et son scriptorium autour de 1200, Genève, Slatkine, 1990.

598.

S. Michon, Le grand Passionnaire de Weissenau et son scriptorium autour de 1200, Genève, Slatkine, 1990.

599.

Je fais ici référence à la problématique posée par E. Palazzo dans L'évêque et son image. L'illustration du pontifical au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 1999, p. 73-109. Sur le contexte de la création de ces œuvres, voir B. Brenk "Le texte et l'image dans les vies de saints au Moyen Age : rôle du concepteur, rôle du peintre", dans Texte et image. Actes du colloque de Chantilly octobre 1982, Paris, Les Belles lettres, 1984, p. 31-39.