Chapitre IV - Le charisme de l'exorcisme dans l'hagiographie du XIIe siècle

Si l'exorcisme est un charisme, l'un des nombreux pouvoirs transmis par le Christ aux Apôtres et aux saints, il est aussi le moment où s'exprime le mieux le pouvoir du saint. Selon le sociologue Max Weber (1864-1920), par le charisme, l'autorité personnelle est reconnue et légitimée et un leader peut dominer un groupe pour une période incertaine, un moment précaire ⁶¹⁸ . Il repose sur un fond d'enthousiasme, une espérance, une crise ou un désordre social qui crée une séparation avec le quotidien. Le moment de l'exorcisme réunit toutes ces conditions puisqu'il repose sur l'espoir de la guérison d'une personne identifiée comme malade. Les crises physiques de la possession créent une rupture avec le comportement normal du chrétien du Moyen Âge, ce qui constitue son quotidien. Enfin, la réussite de l'exorcisme, miracle qui correspond à une irruption du sacré, est à l'origine de l'enthousiasme des foules.

Les vies de saints du XIIe siècle offrent de nombreux récits d'exorcisme d'une rare richesse. Davantage développés qu'au siècle précédent, certains de ces textes s'attardent sur le récit de l'affrontement entre le saint et le diable qui a envahi le possédé, prenant parfois même des formes théâtrales. Cette mise en scène est destinée à mettre en valeur l'action du saint, un charisme, qui va bien au-delà de la guérison d'un simple malade. Dans la mesure où le moment de l'exorcisme peut être considéré comme un charisme au sens Wébérien du terme, la question qui se pose est de savoir comment ce moment précis de la vie religieuse, amplifié et magnifié dans les vies de saints peut-être mis au service de l'unité de l'Église.