Chapitre VI – Les clercs face à la possession et l'exorcisme au XIIe siècle

Le XIIe siècle, avec l'avènement d'une éthique de l'intériorité et de la responsabilité de l'individu, ne donnerait qu'un faible rôle au diable. En effet, il semble qu'à cette époque le tentateur, coupable de la chute et du péché des hommes, laisse la place à "une morale intérieure où la personne se révèle entièrement responsable de sa chute" ¹⁰⁶¹ . Ce constat fait à partir des récits littéraires en vers ou en prose et des ouvrages théologiques, devrait mettre un coup d'arrêt à l'enquête sur la possession et l'exorcisme au cours de ce siècle. Car sans démons, pas de possession et le rituel de l'Église destiné à y mettre fin n'a plus de raison d'être. Or, ce qui est vrai pour certaines sources, essentielles dans l'élaboration des concepts concernant l'évolution de la vie intérieure et de la conscience, n'est pas forcément vrai pour toutes. La littérature hagiographique semble, en effet, apporter un démenti. Doit-on ranger ces épisodes qui ont le saint et le diable comme acteurs principaux dans le registre du "pittoresque monstrueux" ¹⁰⁶² et ne pas en tenir compte ?

Si le diable a peu de place au moment de l'avènement de la conscience individuelle et s'il n'est pas une préoccupation majeure pour eux, clercs et théologiens donnent pourtant des témoignages sur la possession. Ce sont ces témoignages, glanés dans les nombreuses sources produites par la renaissance intellectuelle et religieuse du XIIe siècle ¹⁰⁶³ , qui peuvent nous faire comprendre des phénomènes qui ne sont pas encore au centre de toutes les préoccupations.