- L'exorcisme baptismal chez Hugues de Saint-Victor

Hugues de Saint-Victor (†1141) traite, dans plusieurs de ses ouvrages, du baptême et des rites qui le précèdent. Dans la Somme des Sentences, il indique que le catéchisme et l'exorcisme qui précèdent le baptême ne le confèrent pas 1166 . Tous ces rites réduisent le pouvoir du diable, mais ils ne constituent pas le baptême et ils ne confèrent pas la rémission des péchés. Ainsi l'exorcisme sur les baptisés et tous les gestes que la tradition a consacrés, comme le signe de croix, l'exsufflation sont autant de protections contre le mal 1167 . A notion nouvelle du libre arbitre intervient ici. Ainsi, plus que l'exorcisme, c'est le catéchisme, l'enseignement des rudiments de la foi qui importent. Lui seul permet en effet une conversion profonde et consciente. La prière qui accompagne le rituel du baptême, la récitation des éléments de la foi appris au cours du catéchisme contribuent à les intérioriser. Les signes de croix ont pour but de signer le corps baptisé pour interdire au diable de venir. Le sel a aussi un sens purificateur. Enfin, l'ouverture ou le sacramentum apertionis fait référence à l'effeta pratiquée dans certaines régions d'Occident et symbolise l'ouverture de l'élu à la parole de Dieu. Hugues de Saint-Victor précise dans la Summa sententiarum que tout ce qui ne correspond pas à l'invocation de la Trinité, à l'insufflation du Saint-Esprit, n'est qu'un décor 1168 . L'exorcisme comporte donc une dimension formelle que Hugues de Saint-Victor ne rejette pas, mais il lui attribue une place secondaire.

Notes
1166.

"Concernant ce qui précède, le baptême, il nous faut voir ce que confèrent l’exorcisme et le catéchisme. Exorciser c’est adjurer comme : “Sors de cet homme esprit impur” ; et catéchiser c’est instruire du symbole, comme du symbole et des autres rudiments de la foi. Par le symbole est dit signe ou collation ; signe, qui permet de distinguer le fidèle de l’infidèle ; collation, dans laquelle les Apôtres ont rassemblé toute l’intégrité de la foi. Alors qu’ils devaient se séparer les uns des autres, ils ont produit le symbole, c'est-à-dire la collation de toute la foi. Ces rites qui précèdent le baptême ne le confèrent pas. A quoi servent-ils donc ? Ils diminuent le pouvoir du diable, comme nous voyons que le signe de la croix diminue son pouvoir sur quelqu’un. Certains pourtant veulent que la rémission commence à partir de là, ce qui ne parait pas être vrai". De illis quae praecedunt baptismum, videndum quid conferant ut exorcismus et catechismus. Exorcizare est adjurare, ut : "Exi ab eo, spiritus immunde" ; et catechizare est instruere, ut de symbolo et aliis rudimentis fiDei. Symbolum dicitur signum vel collatio : signum, quia eo fideles ab infidelibus discernuntur ; collatio, quia in eo apostoli omnem fiDei integritatem contulerunt. Discessuri enim ab invicem, symbolum id est totius fiDei collationem, ediderunt. Ista quae praecedunt baptismum non conferunt remissionem. Ad quid ergo valent ? Minuunt diaboli potestatem, ut de aliquo etiam videmus quod signo crucis minus potest in eum diabolus. Quidam tamen volunt ut extunc incipiat remissio, quod non videtur esse verum, Hugues de Saint-Victor, Summa Sententiarum, Cinquième partie "De sacramento baptismi", ch. XIII, "De catechismo et exorcismo", PL 176, c. 138

1167.

" On fait donc l’exorcisme à la suite de la catéchisation, pour que, de celui qui vient d’être informé de la foi, soit rejetée la force adverse. Il y a en effet trois choses à faire jusqu’à ce que l'on soit renouvelé, et par elles, celui qui doit être baptisé est quasiment conçu et nourri et promu jusqu’à l’intégrité de la vie nouvelle. Ce sont le catéchisme, l’exorcisme et les prières. Tout d’abord, le futur baptisé est catéchisé pour qu’il vienne à la foi par le libre arbitre de sa volonté. Il est exorcisé pour que le pouvoir injuste du diable soit rejeté de lui. Par la prière enfin, qui fait venir avant et après la grâce, qui donne des forces au libre arbitre et qui repousse au loin l’universelle illusion du mauvais esprit. Ainsi se réalise l’exorcisme dans la forme. Celui qui va être baptisé est marqué du signe de la croix sur le front, sur la poitrine, les yeux, le nez, les oreilles, la bouche. Les sens de tout le corps sont ainsi munis du signe de la croix par la vertu duquel tous nos sacrements sont accomplis, on élimine ainsi toutes les formes du diable. Ensuite, on leur donne le sel béni dans la bouche, pour que ce qui est conduit par la sagesse soit dépourvu de la puanteur de l’iniquité, et ne soit plus envahi par la suite par la vermine putride des vices. Ensuite on souffle sur l’esprit malin et fort pour expulser l’esprit par l’esprit. Enfin, on lui touche les oreilles et les narines avec de la salive, pour que par le toucher de la sagesse supérieure ses oreilles s’ouvrent à l’écoute de la parole de Dieu, et ses narines aussi pour être capables de discerner l’odeur de la vie de celle de la mort. Voici donc le sacrement de l’ouverture que le Seigneur a signifié dans les Évangiles quand il toucha les oreilles et la bouche du sourd muet en disant : “Ephphteta ce qui signifie ouvre-toi”". Recte ergo post catechizationem exorcismus sequitur, ut ab eo qui jam fide instructus est, adversaria virtus pellatur. Tria quippe sunt usque ad susceptionem novitatis perficienda, quibus baptizandus quasi concipitur et nutritur, et usque ad integritatem novae vitae promovetur. Haec autem sunt catechismi, exorcismi, orationes. Primum itaque catechizatur baptizandus, ut ad fidem proprio moveatur voluntatis arbitrio. Deinde exorcizatur ut ab eo diaboli potestas iniqua pellatur. Additur etiam oratio ut gratia praeveniat et subsequatur, quae vires praebeat libero arbitrio, et qua procul fiat universa maligni spiritus illusio. Forma igitur exorcismi in hunc modum perficitur. Signatur primo baptizandus crucis signaculo in fronte, in pectore, in oculis, in naribus, in auribus, in ore, ut totius corporis sensus hoc signaculo muniantur, cujus virtute omnia nostra sacramenta complentur, et omnia diaboli figmenta frustrantur. Postea datur sal benedictum in os eius, ut sapientia conditus fetore careat iniquitatis, et ultra non putrescat a vermibus vitiorum. Deinde exsufflatur malignus fortis, ut spiritus spiritu pellatur. Postea tanguntur ei aures et nares saliva, ut tactu supernae sapientia, et aures ejus aperiantur ad audiendum verbum Dei, et nares similiter ad discernendum odorem vitae et mortis. Hoc est sacramentum apersionis quod Dominus in Evangelio significavit, quando aures et os tetigit surdi et muti, dicens : “Ephpheta, quod est adaperire (Mc. VII), Hugues de Saint-Victor, De Sacramentis christianae fiDei, Sixième partie De sacramento baptismi, ch. X. De exorcismo, PL 176, (c. 456-457)

1168.

Et alia multa sacramenta in hoc sacramento occurrunt, ut insufflatio, invocatio Trinitatis, quae sunt partes hujus sacramenti ; quorum singula non appellantur sacramentum baptismi, sed in eo continentur. Baptismus est immersio facta cum invocatione Trinitatis. Alia enim quae praecedunt ad decorem sunt et ad reverentiam ; sed non est in eis vis ipsius sacramenti Hugues de Saint-Victor, Summa sententiarum, Cinquième partie, 4, PL 176, p. 129.