Comme nous l'avons déjà souligné, Pierre Lombard (†1160), l'auteur du Livre des Sentences, est le premier à évoquer explicitement l'opposition entre sacrement et sacramental. Les sacramentaux sont les rites institués par l'Église pour accompagner les sacrements, ils s'apparentent à des "ornements" ou à des "parures liturgiques" 1169 . Ils se distinguent des premiers qui sont des causes de la grâce : ils réalisent la grâce tout en la signifiant 1170 . L'exorcisme baptismal est un sacramental, il accompagne le baptême mais ne lui est pas nécessaire 1171 . Néanmoins, dans une illustration du Livre des Sentences (planche 60), le diable s'enfuit au moment de la venue de l'Esprit Saint. Certes, les enlumineurs ne peuvent refléter, dans leurs images, les nuances des mots, mais la lettre historiée qui figure sur cette page montre bien que le baptême se résume par la fuite du diable et la venue de l'Esprit Saint sur le petit enfant.
Pierre le Chantre (†1197) dans la Summa de sacramentis 1172 , s'engage dans une importante discussion sur le sujet. Il pose la question de savoir si la préparation au baptême, composée de l'aspersion de sel, de l'exorcisme et du catéchisme apporte quoi que ce soit aux enfants. Le catéchisme en tant que tel n'est pas un sacramentum mais une instructio qui au Haut Moyen Âge est intimement liée à l'exorcisme. S'agit-il alors de sacramenta evangelia ? L'exorcisme du baptême n'empêche en aucun cas l'enfant qui appartient au monde des démons de s'engager sur le chemin du diable. Pierre le Chantre en vient à considérer que les exorcismes de son époque, même s'ils sont faits par de hauts esprits, ne correspondent plus, dans leur efficacité, à ceux qui étaient faits au Haut Moyen Âge.
Au XIIe siècle, la reflexion sur les sacrements réduit la place de l'exorcisme baptismal au profit d'une conversion et d'une catéchisation du baptisé.
A. Michel, "Sacramentaux", DTC, tome 14, 1939, p. 465-482.
C'est Pierre Lombard qui est à l'origine du septénaire sacramentaire. Les signes sont affirmés efficaces, donc sacrements proprement dits car ils sont causes de la grâce, voir P. Capelle et A. Vauchez, "Sacrements", DEMA, 1997, tome II, p. 1355-1357.
De catechismo et exorcismo. Illa autem interrogatio et responsio fiDei fit in catechumeno, cui et additur exorcismus. Ante baptismum enim fit catechismus et exorcismus. Post catechismum sequitur exorcismus, ut ab eo qui iam fide instructus est adversaria virtus pellatur. Exorcismus de graeco in latinum dicitur adiuratio ; catechismus, instructio. Catechizare est instruere, ut de symbolo ac rudimentis fiDei. Exorcizare est adiurare, ut : 'Exi ab eo, spiritus immunde'. Symbolum dicitus signum vel collatio ; signum, quia eo fideles ab infidelibus discernuntur ; collatio, quia ibi totius fiDei sufficientia et integritas collata est.Catechismus et exorcismus neophytorum sunt, magisque sacramentalia quam sacramenta dici debent. Neophytus novitius interpretatur vel rudis ; et dicitur neophytus nuper ad fidem conversus, vel in disciplina religiosa conversationis rudis. Haec igitur praecedunt baptismum : non quod sine istis non possit esse verus baptismus, sed ut baptizandus de fide instruatur et sciat cui debitor fiat Deinceps, et ut diaboli potestas in eo minuatur. - Rabanus, De intructione clericorum. Unde Rabanus : "Ante baptismum catechizandi debet in hominem praevenire officium, ut fiDei catechumenus accipiat rudimentum, et sciat cui debitor Deinceps fiat." - Augustinus, in libro De symbolo. Item Augustinus : "Parvuli exsufflantur et exorcizantur, ut pellatur ab eis diaboli potestas" ; (Rabanus) "ne iam contendat eos subvertere ne baptismum consequantur". - Augustinus : "Non ergo in infantibus creatura Dei exsufflatur vel exorcizatur, sed" diabolus, ut recedat ab homine, Pierre Lombard, Sententiae in IV Libri Distinctae, Lib. IV, dist. VI, chap. 7, tome II, éd. Collegii S. Bonaventurae ad Claras Aguas, Grottaferrata, 1981, p. 275-276
J. A. Dugauquier, Pierre le Chantre, Summa de Sacramentis, 21, Analecta Medievalia Namurcensia 4, 1954, p. 60-64.