B - La tradition italienne de l'exorcisme de Lodi

- Le Liber manifestationis du juge Alberto

Ce texte se fait l'écho d'un très long exorcisme précisément daté à Lodi en 1173 et transcrit dans un texte, le Liber manifestationis qui porte des indications de temps et de lieu, des témoins, un protocole final 1204 . Ce long texte a été écrit par Alberto Inzignadro, juge palatial de Lodi, dans un premier temps à la suite de l'événement de 1173, puis remanié et extrapolé jusque dans les années 1220 selon Alessandro Caretta, l'éditeur italien du document. L'événement est aussi mentionné dans un document historique, une lettre d'indulgence envoyée par Galdino, archevêque de Milan et Albert, évêque de Lodi 1205 .

L'objet du texte est l'attestation d'un phénomène de possession dont la victime est une femme nommée Beldi de la famille milanaise des Erminulfi. La première partie du récit qui va des chapitres I à VII montre comment les démons affligent la femme, mentionne les reliques des saints conservées dans l'église abbatiale et fait une série de récits illustrant les fondements antiques de l'église selon la tradition monastique et quatre siècles d'histoire. La possédée se rend à l'église abbatiale de Sainte-Marie-et-Saint-Pierre de Lodivecchio pour se faire exorciser car elle a mille démons. Ceux-ci se désignent par leurs noms : "Pennacastro", "Ospinello", "Negromanzio". Dans ce groupe, c'est Pennacastro qui est le porte-parole, il déclare s'exprimer par la vertu de Dieu, de la Vierge Marie et de l'Apôtre Pierre. Pennacastro ne se contente pas d'évoquer la relique de saint Pierre, son bras apporté par Jean et Jacques. Il révèle aussi que les reliques de Julien se trouvent dans l'autel Sainte-Croix 1206 . Saint Cyriaque ramena des reliques des saints Innocents déposées devant le même autel, ainsi que le corps de saint Titien. Il révèle que sous la pierre qui est devant l'église se trouvent les sépultures de Pierre, Jean et Etienne 1207 . Le démon raconte aussi que, sur ordre venu d'un ange, le pape Sylvestre Ier est venu à Lodi pour consacrer à nouveau l'autel de l'église, il composa alors le Te Deum laudamus. Enfin une autre preuve de la légitimité de l'église Saint-Pierre se trouve dans le fait que le pape Sylvestre est venu à Lodi avec une clé miraculeuse, à l'image de la clé du paradis, capable de guérir de la rage et de mettre en fuite les démons.

La réputation de l'efficacité des reliques de saint Pierre se développe et d'autres possédés se présentent à l'abbaye (chapitres VII-X). Le récit revient alors au cas de la possédée de Lodi qui se trouve toujours dans l'église de saint Pierre auprès des reliques (chapitres XI-XIII). Le récit s'interrompt pour évoquer un songe d'Amizzo Sacco (chapitre XIV). Ensuite, Beldi reprend la parole et développe les revendications de l'abbaye contre l'évêque de Lodi (chapitres XV-XXII). Enfin, avec l'interprétation du nom de la femme, l'intervention du dernier démon qui l'assaille, le récit s'achêve (chapitre XXIII).

Malgré toutes les précisions offertes par un tel texte, rien n'en garantit la dimension historique selon Alessandro Caretta. Pour cet historien, le texte a été transformé par rapport à un original perdu, et développe un ton hostile à l'évêque de Lodi.

Notes
1204.

Voir la présentation de R. Leggero, "Il diavolo, le relique e la rifondazione di Lodi" dans La religion civique à l'époque médiévale et moderne (chrétienté et islam), dir. A. Vauchez, CEFR 213, Rome, 1995, p. 37-45. L'édition du Liber a été faite par A. Caretta,"Il Liber del giudice Alberto e la Chronica di Anselmo da Vairano", dans Archivio storico lodigiano, LXXXXIV (1965), p. 33-81, 123-152. Le texte est reproduit dans l'Annexe 11.

1205.

A. Caretta,"Il Liber", op. cit., p. 137-138.

1206.

A. Caretta, "Il Liber", op. cit., c. VI, p. 130.

1207.

A. Caretta, "Il Liber", op. cit., c. VII, p. 131.