B. - La possession et l'exorcisme dans les exempla

Le tableau ¹²⁴⁴ présenté en Annexe 12 regroupe un résumé des récits contenus dans ces principaux recueils d'exempla ainsi que dans des textes issus de la prédication effective ¹²⁴⁵ .

La première remarque concerne les échos qui existent d'un texte à l'autre. L'exemplum du possédé qui révèle les péchés non confessés (exempla 4,9, 10, 11, 27, 40, 41, 47, 74, 79, 80) figure sous diverses formes dans sept recueils différents. Il s'agit du récit le plus diffusé à propos de la possession et il en présente une figure positive qui vise à inciter les fidèles à aller se confesser.

Sur l'ensemble des récits (83 exempla), 71 évoquent directement la possession, les 12 autres récits (exempla 1, 35, 43, 48, 57, 58, 59, 61, 75, 81, 82, 83) évoquent des tentatives de possession, la possession d'un cadavre, des récits parallèles qui ne permettent pas d'établir l'identité du ou des possédés.

Dans 33 exempla, le possédé est décrit comme une victime du démon, il est conforme au tableau classique de la possession que nous avons vu se développer dans les récits hagiographiques. A cette possession négative s'oppose une possession "positive" : 38 exempla ne mentionnent pas les tourments que le démoniaque endure, celui-ci révèle au contraire la vérité de l'Église, les péchés non confessés. La figure de la possession se transforme donc dans ces textes au profit d'un personnage positif. La répartition de ces possédés par sexe fait apparaître que les hommes sont plus nombreux avec 41 exempla et 30 pour les femmes. Le chiffre est assez conforme à l'hagiographie du XIIe siècle, dans les vies de saints, les hommes sont alors légèrement plus nombreux que les femmes.

Il convient de croiser tous ces chiffres. Ainsi, il apparaît, dans le groupe des hommes, que 29 exempla les font apparaître dans un rôle positif ; 12 exempla leur font endosser le rôle négatif du possédé victime du démon. Du côté des femmes, domine la possession négative avec 33 exempla, seuls 9 exempla montrent une possédée révélant la vérité. Ces résultats nous incitent à nuancer les chiffres de la répartition par sexe des possédés. Certes les hommes sont plus nombreux à être possédés dans ces textes mais c'est pour jouer "le beau rôle", celui du laïc inspiré qui révèle la vérité lorsque le clergé est défaillant. Comme le clergé est masculin, la possession "positive" est masculine. Lorsqu'il s'agit d'évoquer le possédé comme victime du démon, le récit est au féminin. A travers cette répartition, il semble que le choix fait par Nancy Caciola d'évoquer surtout la possession divine et diabolique par les femmes pose problème car elle élude complètement la question des hommes possédés qui ont une place importante dans les exempla ¹²⁴⁶ . Certes, les femmes restent des victimes passives du démon et cette figure s'accentue au cours du Moyen Âge, elles peuvent parfois être positivement inspirées par le démon, mais que penser de ce possédé masculin qui occupe une place si importante dans les exempla du XIIIe siècle ?

Les exempla insistent peu sur la pratique de l'exorcisme en tant que telle 39 évoquent la guérison du possédé et 48 ne la mentionnent pas, mais il est vrai que le possédé qui dit la vérité est souvent utilisé comme tel et n' a pas besoin, en conséquence, d'être exorcisé.