Pour Guillaume d'Auvergne (1180-1249), l'individu est assailli par le diable. L'auteur du De Universo consacre un chapitre de son œuvre à la description de la manière dont les esprits malins tourmentent et abusent des hommes 1378 . Avec finesse, il établit les illusions, les rêves, les perceptions fausses, autant de troubles liés aux passions de l'âme et qui peuvent aussi être attribués aux démons qui agissent avec la permission divine. Pour Guillaume, les démons ne rentrent pas dans le corps des hommes mais l'assaillent 1379 . L'individu est assailli, obsessus, à la manière d'une ville assiégée, les esprits malins assaillent les sens de l'homme qui sont les portes du corps 1380 . Les sens comme la vision peuvent être faussés, un possédé dont le diable a impressionné la vision par l'image du loup, qui se prend pour cet animal et menace les hommes qu'il rencontre de les dévorer. Ainsi Guillaume d'Auvergne explique-t-il la possession par les attaques des démons qui utilisent les faiblesses du corps pour transformer le comportement de l'individu jusqu'à le faire totalement autre. Ces idées se retrouvent dans les images employées par les prédicateurs à propos de la possession. Ranulphe de la Houblonnière indique que le diable s'installe en l'homme "comme en son château" 1381 . Pour Jacques de Voragine, le calomniateur est un individu dans lequel le diable se tient, fortement armé, comme s'il tenait un château 1382 . Le corps lui-même est présenté comme un habitaculum de la sainteté et de la divinité, mais il peut facilement devenir la proie du démon 1383 , comme déjà la théologie du sacrement du baptême l'avait fait apparaître.
Guillaume d'Auvergne, De Universo, III, 13, Opera Omnia, tome 1, L. Billaine, 1674, p. 1040-1044 ; voir P. Viard, "Guillaume d'Auvergne", DS, VI, 1967, p. 1182-1191. Sur un aspect particulier, J. Berlioz, "Pouvoirs et contrôle de la croyance : la question de la procréation démoniaque chez Guillaume d'Auvergne (v. 1180-1249)", Razo 9 (1989), p. 5-27.
Quoniam autem communis sermo est apud homines, malignus spiritibus intrare in homines et exire ab eis, et habitare in ipsis, merito investigandum est, ut quid sit ingressus, vel exitus, et quid habitatio, et ubi : multis enim visum est malignos spiritus corpora hominum non intrare, neque animas eorum sed magis obsessa tenere, Guillaume d'Auvergne, De Universo, op. cit., p. 1042.
Si vero ab intus, accidit in primis abusio ipsius vocabuli intolerabilis, nusquam enim usque hodie vocata est obsidio impugnatio, vel vexatio quae ab intus tantum est. Dicendum igitur est in hoc, quia vexatio hujusmodi, si ab intus est, obsidio ista est per similitudinem, quam dicam ; quemadmodum enim obsidio prohibet egressum et ingressum civitatis obsessae et his, quae in eis obsessa sunt, et aliis, qui in eam intrare vellent ad ferendum obsessis auxilium : sic malignus spiritus prohibet egressum convenientium operationum ab anima sic obsessi, sic et ingressum operationum seu impressionum in eandem animam ; neque enim exhortatio, neque doctrina, neque consilium ullum salutare intrare potest ad ipsam et propter hoc convenientius ipsa obsessa dicetur, quam corpus illius dicatur obsessum. Verum quia in corpore sunt sensus velut quaedam portae, per quas fiunt ingressus et egressus hujusmodi, non inconvenienter corpus sic vexati hominis dicitur obsessum, pro eo scilicet, quod praedictas operationes vel admittere, vel omittere non permittatur, Guillaume d'Auvergne, De Universo, op. cit., p. 1042.
se ibi ponit sicut in castro suo, Ranulphe de la Houblonnière, l. 51, p. 87.
Diabolus enim tanquam fortis armatus mundum tanquam castrum tenebat et pacifice possidebat, quia nullus contradicere sibi poterat, Jacques de Voragine, sermon 1, p. 273.
S. Bertini Guidetti, I sermones di Iacopo de Varazze. Il potere delle immagini nel Duecento, Sismel, 1998, p. 56 et suiv.