Conclusion

Au XIIIe et au XIVe siècle, la représentation de la possession se transforme. Le possédé endosse un rôle positif dans les exempla où il est doué d'un langage articulé, où il tient un discours cohérent et révèle la vérité aux hommes. Mais dans les sermons destinés au temps de Carême et particulièrement dans ceux du troisième dimanche qui ont pour thème Erat Iesus eiciens demonium, le pécheur est possédé par le diable. Dans ces sermons, l'image du possédé est exactement inverse de celle du bon chrétien. De même, dans les textes polémiques anti-hérétiques, la figure du possédé est toujours, depuis la fin de l'Antiquité, un repoussoir, un contre-modèle. A la fin du XIIIe siècle, les hérétiques qui ont longtemps été assimilés au diable et à des possédés, finissent même par devenir le diable en personne.

Ces figures de la possession qui oscillent entre un pôle positif et un pôle négatif, n'appartiennent pas aux mêmes regitres du discours. Le démoniaque des exempla qui dit la vérité a une fonction apologétique, il révèle la foi chrétienne dans un temps où les déviances religieuses prolifèrent. La figure du possédé qui est brandie par les prédicateurs est pédagogique, elle est destinée à faire comprendre ce qu'est réellement une vie conduite par les vices. Quant à l'assimilation des hérétiques à des possédés, elle reste longtemps cantonnée au registre de l'imprécation avant de se transformer en accusation.

Malgré l'écart qui sépare toutes ces figures de la possession, elle continue à être le contre-modèle de la personne humaine qui se contrôle et rend louange à Dieu. Ce contre-modèle est si présent dans certaines sources qu'il incite à examiner les formes nouvelles d'utilisation de la parole au XIIIe siècle.