"Le pécheur doit dire en confession : "J'ai péché". Ainsi en ont décidé Dieu et la sainte Église. Alors l'homme est effacé, "abatuz" du registre du diable, qui y inscrit l'homme aussitôt après son péché, en signe qu'il est excommunié, c'est-à-dire hors de la communion de la sainte Église. Ainsi fait le diable, ce maudit serviteur (officialis) ! Et comme il exerce volontiers son art, il faut aussi volontiers rechercher l'art qui permettra d'être effacé de ce registre, pour qu'il ne soit pas lu au jour du Jugement. C'est dans la confession qu'on le trouve. Telle est la puissance de la confession" 1464 .
Face aux fidèles de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois, lors de l'année de prédication 1272-1273, Evrard de Saint-Quentin affirme que, par le péché, l'homme est inscrit sur le registre du diable ; ce qui signifie son excommunication, son exclusion des sacrements de l'Église. Le prédicateur oppose l'art du diable, la recherche du péché, à celui du confesseur, l'effacement du péché.
Si la confession n'est pas un exorcisme, l'emploi de certains termes et de certaines images, dont les prédicateurs sont particulièrement friands, permet de mettre en évidence des rapprochements, des croisements entre les représentations de ces deux pratiques 1465 . Les images du nettoyage dans les sermons du troisième dimanche de Carême, l'emploi du vocabulaire et, plus généralement, le questionnement qui mène à un aveu sont communs aux deux domaines. De plus, certains exorcismes de possédés sont complétés par une confession. Si l'inscription du péché sur le registre du diable signifie par ailleurs l'excommunication, l'eucharistie est parfois employée pour compléter la guérison du malade au XIIIe siècle.
Le combat contre Satan se comprend dans le cadre de la liturgie du Carême qui est une période de conversion des cœurs et de préparation de la fête de Pâques 1466 . Du point de vue de la liturgie, la proximité du vocabulaire s'explique par le fait que le Carême a été une période de préparation au baptême à partir de la fin du IVe siècle. Pour Cyrille de Jérusalem, la catéchèse des futurs baptisés passait par une instruction et des exorcismes. A cela se sont ajoutés, au Ve siècle, les exercices publics des pénitents jusqu'à la fin du XIe siècle et l'institution du "Mercredi des Cendres" 1467 .
Sermon d'Evrard de Saint-Quentin, dominicain à Saint-Germain l'Auxerrois (1272-1273), cité par N. Bériou, "Autour de Latran IV (1215) ; la naissance de la confession moderne et sa diffusion", Pratiques de la confession. Des Pères du désert à Vatican II. Quinze études d'Histoire, Groupe de la Bussière, Paris, Cerf, 1983, p. 73-92, p. 85, n. 32.
La question de la place du diable dans la prédication de la confession est abordée par A. E. Bernstein dans "Teaching and preaching confession in thirteenth-century Paris" dans The devil, heresy and witchcraft in the Middle Ages. Essays in honor of Jeffrey. B. Russell, Leiden-Boston-Köln, Brill, 1998 (Cultures, Beliefs and Traditions, medieval and early modern peoples 6), p. 111-130. L'auteur souligne que les théologiens qui abordent la question de la confession n'évoquent pas le diable et soulignent plutôt que l'élément essentiel du sacrement concerne Dieu et le pécheur.
"le temps qui va vers Pâques est le temps de la métanoia, le temps de la conversion, le temps du repentir, le temps qui fait de nos vies humaines et de toute notre histoire humaine un processus de conversion", T. J. Talley, Les origines de l'année liturgique, Paris, Cerf, 1990, p. 246. Sur le développement de la pratique de la confession autour du concile de Latran IV en 1215, voir N. Bériou, "Autour de Latran IV (1215)", op. cit. ; A. Murray, "Confession before 1215", Reprinted from the Transactions of the Royal Historical Society, 6th Series, vol. 3, 1993, p. 51-81 ; P. Biller et A. J. Minnis (éds), Handling Sin, confession in the Middle Ages, York Studies in Medieval Theology II, York Medieval Press, 1998.
Ainsi T. J. Talley écrit qu'"il semble que l'histoire du Carême fasse apparaître un changement d'accent de ce qui était une préparation au baptême, vers une observance générale de pénitence publique" (…) "la réconciliation des pénitents est la principale affaire du Carême", Les origines de l'année liturgique, Paris, Cerf, 1990, p. 246. Sur ce sujet, voir aussi P. Jounel, "La pénitence quadragésimale dans le missel romain", La Maison-Dieu, 56, 1958, p. 30-49.