- Les étapes de la pénitence

Dans le système pénitentiel moderne élaboré au XIIe siècle 1483 , les théologiens distinguent trois parties dans la pénitence : la contrition, la confession et la satisfaction. Ces trois étapes, trois frères démons s'attachent à les rendre impossibles : Clôt-cœur endurcit les cœurs pour en chasser la contrition, Clôt-bouche empêche la confession, Clôt-bourse s'oppose à la satisfaction par l'aumône 1484 .

Les prédicateurs ont recours à une myriade d'images pour évoquer les différentes étapes de la pénitence auxquelles ils associent souvent la prédication 1485 . Gérard de Mailly donne les sept moyens d'expulser le diable du cœur de l'homme. Il est expulsé avec les larmes de la contrition comme le chien est expulsé de la cuisine avec de l'eau bouillante ; il s'enfuit aux reproches de la conscience comme l'homme qui quitte sa maison pour éviter une femme querelleuse ; il est mis en fuite par le goutte à goutte de la prédication ou par la fumée qui est la dévotion au souvenir de la Passion ; comme un histrion est expulsé d'un hôtel à coup de bâtons, le diable ne résiste pas à la discipline et aux œuvres de pénitence ; comme la faim qui fait sortir le loup du bois, il ne supporte pas le jeûne ; enfin, comme le serpent sort de son trou par des incantations, le diable s'enfuit à l'invocation du nom de Dieu 1486 . Pour Nicolas de Biard, il y a quatre moyens d'expulser le diable : par la confession de bouche qui permet de dénoncer le voleur de la maison ; par la contrition et amertume de cœur ; par la bonté de la conversation ; et par le cri de la prédication 1487 . Ranulphe de la Houblonnière indique quatre moyens pour mettre fin à la présence du diable : "la contrition, la confession, la satisfaction et la sainte prédication" 1488 . En effet, le diable craint les larmes de la contrition comme le chien l'eau bouillante, la vraie confession met en fuite le voleur, une vraie satisfaction est triple : la charité, le jeûne et la prière, enfin la parole de la prédication est comparée au cri qui fait fuir le loup.

Quelques citations issues de l'Ancien Testament ou de vies de saints accentuent l'aspect exorcistique de telle ou telle image. Saint Bonaventure évoque la componction du cœur à travers l'image des fumigations de l'encens présent dans le Livre de Tobie (10-11 Tob. 6, 14) 1489 . Guillaume Peyraut utilise la même citation de l'Ancien Testament pour évoquer le pouvoir de la prière 1490 . Ranulphe achève son tableau par le récit des miracles accomplis par les saints Martin et Rémi qui luttaient contre les idoles et utilisaient "l'eau bénite, la croix, l'encens et chantaient les litanies" 1491 . Ici, la prédication associée à la confession prennent une forme exorcistique. C'est la parole du prédicateur, associée à celle du confesseur, qui permettent au pécheur d'échapper à l'emprise du diable.

Alors s'impose l'idée de la conversion des cœurs des baptisés par une metanoia au sens évangélique du terme. Jacques de Voragine indique que quand l'homme se rend à la pénitence, il retire de lui l'esprit immonde 1492 . Au XIIIe siècle, la seconde étape de la pénitence tend à prendre de plus en plus de place. L'interrogatoire du pécheur vise à obtenir de lui un aveu.

Notes
1483.

P. M. Gy, "Les bases de la pénitence moderne", La Maison-Dieu, n°117, 1974, p. 63-85 ; P. Adnès, "La pénitence", DS, XII, p. 970-980.

1484.

Voir Jacques de Voragine, t. I, p. 242-248. Cet exemplum est très fréquent.

1485.

Un enseignement tel que celui de saint Antoine de Padoue qui se livre à une exégèse allégorique et morale de chacun des trois éléments de la pénitence évite les images trop nombreuses, voir J. Longère, "Le sacrement de pénitence dans les sermons de saint Antoine de Padoue", Il Santo, op. cit., p. 561.

1486.

Gérard de Mailly, l. 27-119, p. 330-332.

1487.

per confessionem oris, contritione et amaritudine cordis, bonitate conversationis, clamore predicationum ut bestie de foueis et siluis latratu canum, Nicolas de Biard, l. 132-173, p. 341-342.

1488.

Ranulphe de la Houblonnière, l. 159-160, p. 90.

1489.

Spiritus autem detestandi malum operatur severitatem compunctionis per quam eicitur daemonium lasciviae, Tob. 6 : Cordis eius particulam si super carbones ponas, fumus eius extricat omne genus daemoniorum, Saint Bonaventure, p. 282.

1490.

Tertio ejicitur diabolus per orationem Tobiæ 6. Dixit angelus Tobiæ: Particulam cordis, si super carbones ponas, fumus ejus extricat omne genus dæmoniorum. Fumus particulæ cordis super carbones positæ significat devotionem orationis. Particula cordis super carbones ponitur, cum affectus igne divini amoris accenditur, troisième sermon pour le dimanche de Carême, dans Guillaume d'Auvergne, Opera Omnia, 1674, tome II, p. 225-231.

1491.

Ranulphe de la Houblonnière, l. 206-207, p. 92.

1492.

Saepe contingit, quod homo ad poenitentiam redit, et tunc immundus spiritus ab eo recedit, Jacques de Voragine, Feria quarta primae hebdomadae, Sermones in Quadragesima, p. 79-80.