Chapitre IX - Éclipse et réapparition de l'exorcisme liturgique aux XIIIe et XIVe siècles

Au moment de l'apparition de ces nouvelles formes de la lutte contre le mal, la liturgie de l'exorcisme connaît une éclipse. Très rares sont en effet les livres liturgiques qui abordent la question de la guérison des possédés au cours de ces siècles, avant de faire un retour en force au XVe siècle.

Un détour par l'hagiographie est éclairant. Les vies de saints qui, jusque-là, comportaient encore beaucoup de récits d'exorcisme voient leur nombre diminuer, en particulier au XIVe siècle. Selon des chiffres établis par André Vauchez à partir des procès de canonisation, les cas de guérison de maladies mentales, démoniaques, épileptiques et fous représentent encore 10,7 % des miracles au XIIIe siècle. Ce n'est que dans les premières années du XIVe siècle que le nombre de ces guérisons tombe à 5,1% du total 1572 . Au XIIIe siècle, ce sont encore les saints, c'est-à-dire leurs tombeaux qui recueillent les vœux de guérison des possédés. Au début du siècle suivant, sans que nous soyons en mesure d'évaluer la progression des demandes de guérison, le nombre des miracles diminue car ce sont désormais des clercs qui s'occupent des exorcismes. Cette évolution s'explique selon André Vauchez par "les efforts déployés par l'Église, à partir du XIIIe siècle, pour établir une frontière plus nette entre le sacramentel et le miraculeux" 1573 .

Comment l'évolution de la sensibilité de l'Église par rapport aux miracles en général et aux exorcismes en particulier apparaît-elle dans les textes ? Comment la littérature pastorale et la liturgie abordent-elles la question ?

Notes
1572.

A.Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, BEFAR 241, tableau XXXI, p. 547 ; voir aussi A. Vauchez, "Le miracle entre la vie quotidienne et l'utilisation pastorale" dans Saints, prophètes et visionnaires. Le pouvoir surnaturel au Moyen Âge, Paris, Albin Michel, 1999, p. 39-55.

1573.

A.Vauchez, La sainteté en Occident, op. cit., p. 548.