Par ailleurs, les statuts synodaux 1651 qui sont l'ensemble des prescriptions juridiques, théologiques et pastorales destinées à servir de guide au prêtre dans l'exercice de son ministère quotidien, ne mentionnent pas les exorcismes.
La pratique de ce rituel aurait pu y apparaître car, à partir du XIIe siècle, dans les paroisses rurales, le synode est une réunion périodique, officielle et obligatoire du clergé diocésain autour de l'évêque ou de son représentant, dans le but de tenir informé et de contrôler le clergé. Les statuts synodaux deviennent peu à peu de véritables manuels qui tiennent lieu de rituel et de catéchisme, le vade me cum du clergé paroissial dans le but de remédier à l'ignorance du clergé et à celle des fidèles 1652 .
Les principaux statuts synodaux du XIIIe siècle ne mentionnent ni la croyance au diable ni la possession 1653 . Certes, une église polluée par une effusion de sang ne peut servir au culte tant qu'elle n'a pas été "réconciliée" par l'évêque, si elle est consacrée, si elle ne l'est pas encore, un prêtre devra la laver à grande eau et l'exorciser 1654 . C'est la seule mention d'exorcisme que j'ai pu trouver dans l'ensemble de ces textes et elle ne concerne pas un possédé 1655 .
Il convient de conclure à propos de cette absence que l'exorcisme est alors toujours une pratique exceptionnelle, décidée avec l'accord de l'évêque. Si rien ne s'oppose à ce qu'un prêtre fasse un exorcisme, l'événement est suffisamment rare pour qu'il n'apparaisse pas dans le synodal dont le but est de refléter les éléments structurels de la vie religieuse des paroisses. A la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle surtout, les circonstances modifient le rapport des hommes au démon.
Ces statuts sont établis dans la première moitié du XIIIe siècle et connaissent des nuances d'une région à l'autre. Les statuts de Paris établis par Eudes de Sully sont à l'origine de trois types de manuels : le synodal de l'Ouest, représenté par les statuts d'Angers et du Mans (1224-1270), puis la série du Nord, Cambrai (1238-1248) et enfin le synodal de Bordeaux (1234). Ensuite, un synodal méridional a été composé à Nîmes, destiné à s'unir au synodal de l'Ouest en 1289.
J. Avril, "Les statuts synodaux", Dictionnaire Encyclopédique du Moyen Âge, dir. A. Vauchez, tome 2, p. 1458-1459 ; O. Pontal, Les statuts synodaux, 1975 (TSMAO 11) ; O. Pontal, Les statuts de Paris et le synodal de l'Ouest, Statuts synodaux français du XIIIe siècle tome 1, 1971, Introduction (CIHF 9) ; sur le fonctionnement de la paroisse d'après ces sources, J. Avril, "Église, paroisse, encadrement diocésain aux XIIIe et XIVe siècles d'après les conciles et statuts synodaux", La paroisse en Languedoc (XIII-XIVe siècle), Cahiers de Fangeaux 25, Toulouse, Privat, 1990, p. 23-49.
O. Pontal, Les statuts de Paris et le synodal de l'Ouest, op. cit.; J. Avril, Les tatuts synodaux angevins de la deuxième moitié du XIIIe siècle, Statuts synodaux français au XIIIe siècle, tome 3, 1988 (CIHF 19) ; J. Avril, Les statuts synodaux de l'ancienne province de Reims (Cambrai, Arras, Noyon, Soissons et Tournai), Statuts synodaux français au XIIIe siècle, tome 4 (CIHF 23) ; O. Pontal, Les statuts synodaux de 1230 à 1260, Statuts synodaux français au XIIIe siècle, tome 2, 1983 (CIHF 15).
J. Longère, "Le prêtre de paroisse d'après les statuts synodaux au XIIIe siècle", La paroisse en Languedoc (XIII-XIVe siècle), op.cit., p. 287-326. Ceci apparaît dans le synodal de Nîmes qui date de 1252, p. 301.
Je remercie Monsieur Joseph Avril de m'avoir confirmé cette absence dans la littérature synodale qu'il a éditée.